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Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 Beauvais 8-10 juillet 2014 RN 85 GLISSEMENT DE CHARLAIX CARACTERISATION INSTRUMENTATION ET SURVEILLANCE RN 85 CHARLAIX LANDSLIDE CHARACTERIZATION MEASURING AND SUPERVISION Agnès JOSEPH 1 , Grégory BIÈVRE 2 , Samuel DAUPHIN 1 1 CEREMA, Bron, France 2 Université Grenoble Alpes, ISTerre, F-38041, Grenoble, France RÉSUMÉ Au sud de l'agglomération de la Mure en Isère (38), la route nationale 85 traverse au lieu dit du lacet de Charlaix un glissement de terrain qui s'initie dans les argiles litées déposées durant la glaciation du Würm II. Les études menées ont permis le dimensionnement d'ouvrages réalisés en 2009. Le suivi instrumenté du site et les inquiétudes sur la pérennité des ouvrages ont amené à entreprendre des études complémentaires. Des méthodes de prospection par géophysique (cartographie EM31, tomographies électrique et sismique, inversion des ondes de surface) ont été associées à un complément d'instrumentation et des reconnaissances avec essais de laboratoire. L'objectif est de mieux caractériser ce glissement et d'avoir une capacité prédictive pour guider le gestionnaire de la route. Les résultats obtenus permettront aussi d'avancer dans la compréhension des mouvements de terrain dans les argiles litées du Trièves. ABSTRACT South of La Mure (Isère, France) national road 85 crosses a clayey landslide. Geotechnical survey lead to drainage works which were performed in 2009. Since then, surface displacement monitoring and concern about the durability of these works lead to engage supplementary survey. Geophysical investigations methods have been associated with geotechnical prospecting and laboratory tests. Results indicate that calibrated geophysical methods are efficient to characterize such structures. The result will also advance the understanding of landslide phenomena inclayey landslides. 1. Introduction : historique et aménagement du site 1.1. Cadre général Le site d'étude se situe sur la RN85, à 3 km au sud-est de la Mure, sur la rive gauche de la rivière Bonne (figure 1). Les formations décrites sur la carte géologique de la Mure (BRGM) sont constituées par des moraines en recouvrement d'argiles glacio- lacustres litées et/ou varvées. Le substratum est constitué par les marno-calcaires du Jurassique, qui affleurement en contrebas du site dans les falaises abruptes bordant la rivière Bonne (figure 2).

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Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014

RN 85 GLISSEMENT DE CHARLAIX CARACTERISATION INSTRUMENTATION ET SURVEILLANCE

RN 85 CHARLAIX LANDSLIDE CHARACTERIZATION MEASURING AND SUPERVISION

Agnès JOSEPH1, Grégory BIÈVRE2, Samuel DAUPHIN1

1 CEREMA, Bron, France 2 Université Grenoble Alpes, ISTerre, F-38041, Grenoble, France

RÉSUMÉ — Au sud de l'agglomération de la Mure en Isère (38), la route nationale

85 traverse au lieu dit du lacet de Charlaix un glissement de terrain qui s'initie dans

les argiles litées déposées durant la glaciation du Würm II. Les études menées ont

permis le dimensionnement d'ouvrages réalisés en 2009. Le suivi instrumenté du site

et les inquiétudes sur la pérennité des ouvrages ont amené à entreprendre des

études complémentaires. Des méthodes de prospection par géophysique

(cartographie EM31, tomographies électrique et sismique, inversion des ondes de

surface) ont été associées à un complément d'instrumentation et des

reconnaissances avec essais de laboratoire. L'objectif est de mieux caractériser ce

glissement et d'avoir une capacité prédictive pour guider le gestionnaire de la route.

Les résultats obtenus permettront aussi d'avancer dans la compréhension des

mouvements de terrain dans les argiles litées du Trièves.

ABSTRACT — South of La Mure (Isère, France) national road 85 crosses a clayey

landslide. Geotechnical survey lead to drainage works which were performed in

2009. Since then, surface displacement monitoring and concern about the durability

of these works lead to engage supplementary survey. Geophysical investigations

methods have been associated with geotechnical prospecting and laboratory tests.

Results indicate that calibrated geophysical methods are efficient to characterize

such structures. The result will also advance the understanding of landslide

phenomena inclayey landslides.

1. Introduction : historique et aménagement du site

1.1. Cadre général

Le site d'étude se situe sur la RN85, à 3 km au sud-est de la Mure, sur la rive gauche

de la rivière Bonne (figure 1). Les formations décrites sur la carte géologique de la

Mure (BRGM) sont constituées par des moraines en recouvrement d'argiles glacio-

lacustres litées et/ou varvées. Le substratum est constitué par les marno-calcaires du

Jurassique, qui affleurement en contrebas du site dans les falaises abruptes bordant

la rivière Bonne (figure 2).

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Figure 1 : localisation du site d'étude (source : geoportail.fr).

Figure 2 : coupe géologique du secteur d'étude (rive droite de la Bonne ; Van Asch et

al. 1984). Le trait pointillé rouge matérialise la localisation d'une surface de rupture

profonde.

Le glissement a été étudié et instrumenté à partir de 1979 par l'ADRGT (Association

pour le développement de la recherche sur les glissements de terrain) puis suivi par

la SAGE (société Alpine de Géotechnique) jusqu'en 2002.

De 1979 à 2002, les mouvements continus avaient fortement endommagé la

chaussée. La direction départementale de l'équipement de l'Isère (DDE 38) priorise

alors la remise en état de l'infrastructure et le maintien dans la durée d'un niveau de

service acceptable, à la fois en terme de coût et de nombre d'intervention mais aussi

en terme de sécurité. Les études géotechniques sont alors reprises par le CETE de

Lyon (Centre d'études technique de l'équipement), actuel CEREMA (Centre d'étude

et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement).

Le but n'était pas de stabiliser le glissement, mais de mettre en œuvre des ouvrages

de drainage et de soutènement permettant de ralentir la vitesse et l'impact des

déformations sur la structure de chaussée.

1.2. Résultats des études antérieures

Les résultats des études menées sur le glissement et de l'instrumentation mettent en

évidence deux secteurs bien différenciés du point de vue de la vitesse des

déplacements. Les résultats sont matérialisés sur la figure 3. Le secteur de la

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branche amont du lacet et de la branche aval est affecté par un glissement rapide,

avec des vitesses de déformation de l'ordre de 7 à 15 cm/an (zone 1). Le secteur de

l'épingle est affecté par un autre glissement avec des vitesses de déformation de

l'ordre de 5 à 7 cm/an (zone 2). Le couplage hydro-dynamique est mis en évidence

avec la saisonnalité observée des vitesses de déplacement et la présence supposée

de deux chenaux d'écoulement au droit des deux secteurs 1 et 2 (rapport Sage

2002).

Figure 3 : Cartographie des déformations du site du glissement de Charlaix, avec

deux secteurs distincts. Zone 1 : glissement affectant la branche aval et amont. Zone

2 : glissement affectant l'épingle

Le suivi inclinométrique a mis en évidence deux zones de cisaillement :

un premier mouvement à la limite moraines-argiles, vers 5 à 6 m de

profondeur ;

un second mouvement dans les argiles, entre 12 et 13 m (zone 1) et vers 15

m de profondeur en aval (zone 2).

La synthèse de la caractérisation géotechnique est illustrée sur le tableau 1. Les

valeurs obtenues sont assez proches de celles observées sur les argiles du Trièves

(Antoine et al. 1981, Giraud et al. 1991, Bièvre et al. 2012). Les indices de plasticité

restent faibles, les teneurs en eau naturelle sont proches de la limite de liquidité,

surtout pour les niveaux de surface. L'anisotropie des caractéristiques de cohésion et

d'angle de frottement interne n'a pas été mise en évidence, mais ce n'était pas

l'objectif des essais, qui était l'obtention des valeurs de cohésion et d'angle de

frottement interne pour le dimensionnement des ouvrages géotechniques. Ce

dimensionnement a été fait à partir de logiciel de stabilité des pentes, en 2D, en

adoptant un critère de rupture de type mohr-coulomb.

1.3. Travaux réalisés et aménagement du site

La solution d'aménagement élaborée à partir de l'ensemble des résultats et des

études, est une solution par drainage avec réalisation de tranchées drainantes

parallèles à la pente dans la zone 1 associée à un masque amont à la chaussée sur

750 ml. En zone 2, le tracé de la route est modifié, l'épingle est implantée en dehors

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du secteur impacté par la marche. Le relèvement du profil en long de la branche aval

est réalisé au moyen d'un remblai allégé de type pneusol (Peru & Joseph 2013). Le

tracé de la branche amont est modifié avec un engravement plus important dans le

versant. Le site est de nouveau instrumenté après travaux, avec deux inclinomètres

de 25 de profondeur, l'un implanté en amont (zone 1), en arrière des tranchées

drainante. L'autre est implanté au pied du massif pneusol (zone 2). Des piézomètres

de type tube ouvert ont été mis en place à proximité des tubes inclinométriques.

Tableau 1 : principales caractéristiques mesurées sur les argiles litées

Étude complémentaires

1.4. Résultats des mesures et constatations

Le suivi instrumenté par inclinométrie du site à partir de 2009 ne met pas en

évidence un ralentissement de la vitesse de déplacement dans la zone 1. Les

tranchées drainantes ont un débit extrêmement faible. Dans la partie centrale de la

branche amont, le masque se verticalise et les blocs à la base poinçonnement la

chaussée. Des ondulations sont apparues sur la chaussée au cours de l'hiver 2013,

sans fissuration. Le piézomètre type tube ouvert déborde, illustrant un phénomène

d'artésianisme. La fissuration impacte le talus en aval de la branche amont avec une

ouverture pluricentimétrique.

Dans la partie amont de l'épingle, un glissement localisé situé au dessus du masque

amont a évolué en régressant dans la pente. La pose de drains subhorizontaux n'a

pas contenu le phénomène. On observe à sa base une liquéfaction des argiles. Les

mesures réalisées sur l'inclinomètre I1 mettent en évidence des mouvements

nettement ralentis, avec une moyenne de 1 cm/an, sur une surface de cisaillement à

15 m de profondeur. Afin de mieux comprendre la cinématique des mouvements en

zone 1, il apparaît nécessaire de poursuivre la surveillance et de compléter

l'instrumentation. Plus particulièrement, il est indispensable de comprendre les

circulations d'eau, de cartographier l'état de saturation des argiles et d'appréhender

le modelé du substratum.

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1.5. Campagne complémentaire

Une seconde phase d'étude est initiée en 2012, incluant des reconnaissances par

méthodes géophysiques et géotechniques dans le cadre d'un projet financé par la

structure fédérative VOR (Vulnérabilité des Ouvrages aux Risques). 3 tomographies

de résistivité (64 électrodes espacées de 5 m) et 7 profils sismiques (24 géophones

4.5 Hz espacés de 5 m) ont été réalisés. L'implantation des reconnaissances est

matérialisée sur la figure 4.

Figure 4 : implantation des reconnaissances complémentaires. PE01 à PE03 :

tomographies de résistivité électrique. Traits bleus : profils sismiques. i1 :

inclinomètre et piézomètre en zone aval. i2-i3 : inclinomètres et pîézomètre en zone

aval. La topographie est indiquée.

Un sondage carotté de 25 m (i1, figure 4) avec prélèvements d'échantillons en

continu dans les argiles a permis de compléter les données issues d'essais de

laboratoire (principalement cisaillement et œdomètre). Par ailleurs, l'instrumentation

a été complétée en amont du site (zone 1) par la pose de cellules de pression

interstitielle et d'un inclinomètre de 40 m de profondeur.

1.6. Sondage carotté et essais complémentaires

La coupe livrée par le sondage carotté met en évidence 7.7 m d'épaisseur de

moraines qui reposent sur 14 m d'épaisseur environ d'argiles litées. Ces dernières

surmontent des argiles à galets striés. Entre 10.7 et 11.4 m de profondeur, les lits

d'épaisseur millimétrique d'argiles noires et de limons silteux verdâtres sont

désorganisés avec plusieurs surfaces de discontinuités, lustrées, inclinées de 10 à

45°. A 12.40 m de profondeur, un lit graveleux fait la transition avec une organisation

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de nouveau horizontale des alternances d'argiles et de limons silteux. Ce niveau

perturbé correspond à la profondeur de la surface de cisaillement mise en évidence

par l'inclinomètre I2, entre 10 et 13 m. Une autre zone de cisaillement est repérée

entre 18.9 et et 20.4 m de profondeur. L'essai de cisaillement est réalisé à la boîte de

Casagrande sur un échantillon prélevé à 13 m de profondeur, avec une vitesse de 20

µm/min et une orientation du plan de cisaillement parallèle au litage. En valeur de

pic, la cohésion est de 18 kPa et l'angle de frottement interne est de 20°. Les valeurs

au palier sont respectivement de 4 kPa et 20°. L'essai oedométrique réalisé sur un

échantillon à 21 m de profondeur ne donne pas de résultat probant (remaniement).

Dans la zone d'argiles litées, entre 7.7 et 20 m de profondeur, la limite de liquidité

mesurée se situe entre 30 et 37% avec des IP de 10 à 13%. Dans la partie inférieure

du sondage, argilo-graveleuse, la limite de liquidité mesurée est de 22% avec un IP

de 5%. Ces résultats sont comparables avec les caractéristiques de ce matériau

déterminées dans d'autres glissements de la région (Antoine et al. 1981, Giraud et al.

1991, Bièvre et al. 2012).

1.7. Suivi instrumenté

La figure 5 illustre les données enregistrées par la surveillance inclinométrique. Le

tube i2, cisaillé fin 2012 montre les surfaces de cisaillement précédemment décrites.

Le tube i3 met en évidence, aux corrections topographiques près les mêmes

surfaces, avec une autre surface vers 28-30 m de profondeur. Le déplacement

mesuré entre la mesure de référence (octobre 2013) et janvier 2014 est de 6 cm.

L'accélération est à mettre en relation avec la pluviométrie de l'automne et de l'hiver

2013.

Suivi inclinométrique 2010 à 2010 Tube i2 Suivi inclinométrique 2013 Tube i3

Figure 5 : graphiques inclinométriques 2010 à 2014 Zone 1

1.8. Méthodes géophysiques

1.8.1. Cartographie EM31

Dans l'objectif de vérifier l'hypothèse de la présence de deux chenaux plus

perméables au droit des deux zones de glissement, une cartographie

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électromagnétique a été réalisée sur le site. Les conditions d'accès (forte épaisseur

de neige) au moment des mesures n'ont pas permis de couvrir l'ensemble du site,

notamment le pied de talus qui présente une forte pente. La technique employée

(EM31 en mode vertical) permet d'obtenir une information significative jusqu'à une

profondeur d'environ 5.5 m (McNeill 1980), ce qui correspond à l'épaisseur de la

couche morainique. Les résultats sont présentés sur la figure 6. Les résistivités sont

comprises entre 40 et 160 ohm.m, ce qui est compatible avec ce type de matériau

(Bièvre et al. 2012). Les résistivités les plus faibles semblent correspondre avec des

argiles saturées tandis que les résistivités supérieures à 75 ohm.m pourraient

correspondre à des matériaux morainiques désaturés. La carte indique que

l'alimentation en eau semble s'effectuer depuis l'amont (Sud-Est) où les formations

morainiques semblent prépondérantes. Vers l'aval, les formations morainiques

semblent se resserrer et s'organiser selon deux couloirs dirigés vers les deux zones

de glissement identifiées. En première approche, ces résultats confirment les

hypothèses émises par la SAGE en 2002. Ils indiquent que, en surface, deux

chenaux plus perméables pourraient servir de structures de circulations

préférentielles pour alimenter les deux zones de glissement les plus actives.

1.8.2. Tomographies de résistivité électrique

Dans l'objectif de confirmer ces hypothèses, 3 tomographies de résistivité ont été

conduites. Leur implantation est matérialisée sur la figure 4. Les résistivités

apparentes ont été mesurées à l'aide d'un protocole gradient et inversées selon la

norme L1. Les erreurs absolues sont inférieures à 5 % après 3 itérations. Les

résultats sont matérialisés sur la figure 7.

Les résultats montrent la présence d'une couverture de résistivité supérieure à 70

ohm.m dont l'épaisseur augmente de l'aval vers l'amont (5m à plus de 20 m). Par

analogie avec les résultats de l'EM31, ces niveaux semblent correspondre à la

couverture morainique désaturée. Plus particulièrement, une zone résistive

localement plus épaisse est observée à l'abscisse 200 m sur le profil PE01. Elle

correspond à la localisation du chenal à l'amont de la zone 1. En dessous, les argiles

saturées présentent une résistivité inférieure à 50 ohm.m. Finalement, une interface

avec des formations plus résistives est observée vers 680 m d'altitude. Il pourrait

s'agir de formations plus riches en galets. Cette interface a par ailleurs été détectée

sur les profils sismiques (réflexions en ondes P), de même qu'à l'aide des

paramètres de forage enregistrés lors de la mise en place du tube inclinométrique i3.

L'ensemble de ces informations confirme les résultats obtenus par EM31. Ils

permettent également de préciser l'extension géométrique (largeur, épaisseur) du

chenal d'alimentation de la zone 1. Le chenal de la zone 2, identifié par EM31, est

plus difficile à mettre en évidence.

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Figure 6 : cartographie EM31. La position des deux zones de glissement, de la RN85

et des deux tranchées drainantes (traits rouges) est indiquée. Les points noirs

indiquent les points de mesure. Les flèches bleues correspondent à la position

interprétées de l'axe principal des deux chenaux. Les coordonnées sont exprimées

en Lambert 93 et les courbes topographiques sont issues du MNT IGN à 25 m.

Figure 7 : tomographies de résistivité électrique. a) PE01. b) PE02. c) PE03.

L'implantation est matérialisée sur la figure 4.

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1.8.3. Ondes de surface

7 profils sismiques (localisation sur la figure 4) ont été acquis dans le but de

déterminer la position de la surface de rupture intermédiaire (entre 10 et 15 m) sur

l'ensemble du site. Des travaux précédents ont montré que, dans un contexte

d'argiles saturées, la vitesse des ondes P présentait peu de contrastes pour localiser

ces surfaces. Au contraire la vitesse des ondes S (Vs) présente des contrastes

marqués de part et d'autre des surfaces de rupture et est un paramètre pertinent

pour déterminer la position de ces interfaces (Jongmans et al. 2009 ; Bièvre et al.

2012). Les sismogrammes (résultats complets non présentés ici) ont été traités à

l'aide du logiciel Geopsy (Wathelet et al. 2004). La figure 8a présente la courbe de

dispersion expérimentale (vitesse des ondes de surface en fonction de la fréquence)

pour le profil sismique situé au droit des forages i2-i3 (localisation sur la figure 4) et

pour le tir offset à -20m du premier géophone. De façon succincte, la faible résolution

à proximité de la surface ne permet pas de déterminer la position de l'interface

moraines-argiles de façon robuste. Toutefois, l'ensemble des résultats des inversions

permet d'identifier une interface à une profondeur comprise entre 10 et 15 m (figure

8b), ce qui semble correspondre à la position de la surface de rupture intermédiaire.

L'adéquation entre la courbe de dispersion expérimentale et théorique (pour le même

tir que précédemment) est présentée sur la figure 8c. Les résultats indiquent que

l'ensemble des modèles testés présentent une erreur inférieure à 5 % (et inférieure à

1 % pour les meilleurs). À l'aide de reconnaissances complémentaires, notamment

en pied de glissement, il devrait alors être possible 1) de cartographier la position de

cette surface sur l'ensemble du site d'étude et 2) d'évaluer le volume de matériaux

glissés.

Figure 8 : inversion des ondes de surface (exemple du profil situé au droit des

forages i2-i3). a) Courbe de dispersion. b) Modèle inversé vitesse-profondeur. c)

Comparaison des courbes de dispersion expérimentale et théorique.

2. Discussion et conclusion

Les premiers résultats obtenus dans ce travail confirment l'intérêt des méthodes

géophysiques calibrées à l'aide de données géotechniques pour caractériser les

glissements argileux. Les méthodes électromagnétiques ont permis de positionner

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deux structures plus perméables que les argiles et qui pourraient agir comme des

zones de circulation préférentielle pour l'alimentation en eau de deux zones de

déformation intense. Les méthodes électriques ont confirmé ces résultats et ont

permis de déterminer de façon quantitative la géométrie de ces structures. Elles

indiquent également que l'épaisseur des moraines, et donc du réservoir, augmente

de façon marquée à l'amont. De plus, elles ont permis de mettre en évidence une

interface marquée à plusieurs dizaines de mètres de profondeur (vers 680 m

d'altitude). La nature de cette interface reste toutefois difficile à déterminer. Les

méthodes sismiques ont confirmé la profondeur de cette interface. L'inversion des

ondes de surface a mis en évidence une interface à une profondeur comprise entre

10 et 15 m sur l'ensemble du site. Cette interface, au sein des argiles, pourrait

correspondre à la position d'une surface de rupture intermédiaire détectée par

inclinométrie. Les méthodes électriques n'ont pas détecté cette interface,

probablement en raison d'un trop faible contraste de résistivité.

A l'échelle du site d'étude, les résultats semblent mettre en évidence l'importance

des chenaux plus perméables en surface comme zones de circulation préférentielle

et, conséquemment, l'importance du contrôle hydromécanique sur l'évolution de cette

structure. Ces résultats confirment les observations précédemment effectués par de

nombreux auteurs pour les glissements dans les sols fins. Par ailleurs, ils indiquent

que les tranchées drainantes ont été positionnées correctement au sein de matériaux

drainants. Le fait qu'elles drainent très peu d'eau reste difficile à expliquer.

Par ailleurs, l'ensemble des résultats obtenus dans ce travail confirme l'intérêt des

méthodes géophysiques pour spatialiser les informations obtenues par des

reconnaissances ponctuelles (forages).

Remerciements

Les auteurs remercient la structure fédérative VOR pour avoir financé partiellement

cette étude.

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