estudo de fenômenos autoritários

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Monsieur Jean-François Bayart L'analyse des situations autoritaires : étude bibliographique In: Revue française de science politique, 26e année, n°3, 1976. pp. 483-520. Citer ce document / Cite this document : Bayart Jean-François. L'analyse des situations autoritaires : étude bibliographique. In: Revue française de science politique, 26e année, n°3, 1976. pp. 483-520. doi : 10.3406/rfsp.1976.393670 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1976_num_26_3_393670

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Neste texto, abordam-se os fenômenos autoritários: de sua manifestação personalística ao autoritarismo democrático.

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Page 1: Estudo de Fenômenos Autoritários

Monsieur Jean-François Bayart

L'analyse des situations autoritaires : étude bibliographiqueIn: Revue française de science politique, 26e année, n°3, 1976. pp. 483-520.

Citer ce document / Cite this document :

Bayart Jean-François. L'analyse des situations autoritaires : étude bibliographique. In: Revue française de science politique,26e année, n°3, 1976. pp. 483-520.

doi : 10.3406/rfsp.1976.393670

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1976_num_26_3_393670

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RésuméL'ANALYSE DES SITUATIONS AUTORITAIRES : ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUEJEAN-FRANÇOIS BAYARTL'absence de bibliographie de synthèse relative aux « autoritarismes » incite à inventorier et à évaluerles principaux modes d'appréhension de ces régimes à partir d'une centaine d'ouvrages choisis pourleur qualité monographique, leur intérêt comparatif ou leur contribution méthodologique. On peutdifférencier ces travaux selon trois critères majeurs : l'orientation politique et idéologique sous-jacente,l'approche utilisée, le site d'analyse retenu. Il apparaît alors que le niveau théorique et méthodologiquedes travaux disponibles est souvent médiocre, que peu d'entre eux étudient les régimes autoritaires entant que tels et que les échanges scientifiques entre spécialistes des diverses aires géographiques etculturelles sont restreints. Ces constatations appellent un effort méthodologique renouvelé et adapté àune meilleure compréhension des situations autoritaires, dans une perspective comparative.[Revue française de science politique XXVI (3), juin 1976, pp. 483-520.] AN ANALYSIS OFAUTHORITARIAN SITUATIONS BIBLIOGRAPHIC STUDY JEAN-FRAN OIS BAYART The lack ofconsolidated bibliography on authoritarian situations provides the incentive to catalogue and evaluatethe main methods of understanding these regimes on the basis of some hundred works chosen for theirquality as mono graphs their comparative worth or their contribution as regards methodology Theseworks can be distinguished by means of three major criteria the under lying political and ideologicalorientation the approach used and the area of analysis adopted It transpires in fact that the theoreticaland methodological level of the works available is in many cases mediocre that few of them investi gateauthoritarian regimes as such and that scientific exchanges between specia lists from variousgeographic and cultural areas are limited These findings illustrate the need for comparative purposes fornew methodology appropriate to better understanding of authoritarian situations Revue fran aise descience politique XXVI 3) juin 1976 pp 483-520.

AbstractAN ANALYSIS OF AUTHORITARIAN SITUATIONS : A BIBLIOGRAPHIC STUDY, by JEAN-FRANÇOIS BAYARTThe lack of a consolidated bibliography on authoritarian situations provides the incentive to catalogueand evaluate the main methods of understanding these regimes on the basis of some hundred workschosen for their quality as monographs, their comparative worth or their contribution as regardsmethodology. These works can be distinguished by means of three major criteria : the underlyingpolitical and ideological orientation, the approach used and the area of analysis adopted. It transpires infact that the theoretical and methodological level of the works available is in many cases mediocre, thatfew of them investigate authoritarian regimes as such and that scientific exchanges between specialistsfrom various geographic and cultural areas are limited. These findings illustrate the need, forcomparative purposes, for a new methodology appropriate to a better understanding of authoritariansituations.[Revue française de science politique XXVI (3), juin 1976, pp. 483-520.]

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L'ANALYSE DES SITUATIONS AUTORITAIRES étude bibliographique*

JEAN-FRANÇOIS BAYART

Le politiste qu'intéressent les « autoritarismes » se heurte à une première difficulté : il ne dispose d'aucune bibliographie de synthèse pour lui indiquer les principales études générales ou monographiques

qui relèvent de ce thème. Sans prétendre remédier à cette lacune, il s'agit, dans les pages qui suivent, d'esquisser un premier pas dans cette direction en inventoriant et en évaluant les principaux modes d'appréhension de ces régimes et situations autoritaires autour d'une centaine d'ouvrages, retenus pour leur qualité monographique, leur intérêt comparatif ou leur contribution méthodologique.

Travail d'approche, cette note bibliographique utilise à peu près indifféremment les notions « d'autoritarisme », de « régime » et de « situation autoritaire », les entend dans leur sens commun en dépit de leur ambiguïté, et élargit son propos à l'ensemble des phénomènes les plus immédiatement contemporains habituellement qualifiés d'autoritaires. Elle tente, par ailleurs, de faciliter les échanges scientifiques dans une perspective comparative : elle ne s'adresse pas aux experts des différentes aires culturelles en tant que tels, mais signale aux uns et aux autres un ensemble de travaux qui, tout en échappant à leur spécialisation géographique, pourraient néanmoins les servir dans leurs investigations. Aussi avons- nous souvent préféré mentionner des études moins connues que d'autres mais plus révélatrices de la dynamique politique du champ considéré et stimulantes du point de vue de la méthodologie comparative.

Afin de favoriser certains rapprochements et de susciter la réflexion

* Cette étude fait partie d'un ensemble de recherches entreprises sur les régimes autoritaires. Elle est complémentaire des contributions de Guy Hermet, Denis Martin et Alain Rouquié, parues dans le numéro 6, décembre 1975 de cette même Revue, sous le titre: «Pour l'analyse des systèmes autoritaires», pp. 1029-1111.

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critique, nous différencions la production scientifique relative aux situations autoritaires selon trois critères majeurs : l'orientation politique et idéologique sous-jacente aux études disponibles ; l'approche utilisée par celles-ci et le site d'analyse qu'elles retiennent l.

Orientations et approches

Idéologiquement et politiquement, la science n'est pas neutre. Elle reflète — et contribue à constituer — un ordre social particulier. La remarque est surtout valable pour la science politique, au sein de laquelle différents courants épousent des pratiques, des valeurs et des intérêts divergents. Les clivages entre orientations de recherche s'affirment d'autant plus que le champ d'étude évoqué au cours de ces pages est aussi, depuis plus de deux siècles, un champ privilégié d'engagement et de passion politiques.

La vision « développementaliste »

Dans une certaine mesure, la notion de développement politique ne se réduit à aucun courant scientifique particulier. Chacun à leur manière, de nombreux auteurs libéraux, structuro-fonctionnalistes, marxistes ou autres s'accordent à placer les divers types de régimes sur un continuum d'évolution : l'autoritarisme est alors généralement présenté comme une formule politique pathologique, seconde et temporaire. L'originalité, et l'un des apports majeurs de Barrington Moore (16), furent précisément d'établir la spécificité historique de la « démocratie », de la « révolution » et de la « dictature », et le caractère « normal » sinon achevé, de l'Etat autoritaire. Point de vue que partagent désormais, plus ou moins nettement, des auteurs d'obédiences aussi divergentes que N. Poulantzas (12, 13, 121), A. Touraine (19, 53), P.C. Schmitter (18, 62, 63, 133), G. Hermet (17, 125) ou, depuis peu, H.J. Wiarda (20).

L'usage nous conduit cependant à réserver l'étiquette « développementaliste » à l'école de ce nom, qui rattache explicitement les régimes autoritaires à des stades d'évolution sur la voie de la modernité — pro-

1. Notre sélection (pp. 511-520) comprend 133 titres, identifiés et analysés au cours d'une recherche bibliographique de près de deux ans — recherche qui avait pour objet les différents aspects des situations autoritaires et dépassait notablement le cadre de cet article. Nous n'avons malheureusement pas pu tenir compte des travaux disponibles en des langues autres que le français, l'anglais et l'allemand — ce qui limite la portée de nos développements. Outre les ouvrages généraux et/ou théoriques, notre sélection comprend des études relatives à : 1. l'Afrique noire ; 2. l'Amérique latine ; 3. l'Asie centrale et certains pays arabes ; 4. l'Asie du Sud et du Sud-est ; 5. l'Europe du Sud. Tout choix est cruel, et nous avons dû laisser dans l'ombre bien des travaux de qualité. Que le lecteur (et les auteurs...) veuillent bien ne pas nous en tenir rigueur.

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cessus au cours duquel ils répondent à diverses conditions et exigences fonctionnelles et dont ils constituent un moment propre.

Chez E. Shils (8), la « démocratie tutélaire » et « l'oligarchie moder- nisatrice » sont définies comme des substituts du modèle universel de la « démocratie politique », rendus inévitables par l'insuffisante maturité de « l'infrastructure » des sociétés concernées. Affirmation dont est proche H.J. Wiarda (54) quand il suggère, à l'exemple de J. Linz (15), que la dictature de Trujillo exprimait le passage de la tradition à la modernité et que ce type de régime naît de la rupture de l'ordre ancien, avant qu'une nouvelle légitimité ne s'établisse solidement. De même, S.P. Huntington (5) prend comme point de départ « non la forme mais le degré de gouvernement » et voit dans les « prétorianismes » le produit de la « politisation générale des forces sociales et des institutions », due à l'absence d'autonomie, de complexité, de cohérence et de capacité d'adaptation de la sphère politique. A.F.K. Organski (7), quant à lui, différencie les autoritarismes selon la tâche primordiale spécifique qui s'impose à l'Etat à chacun des quatre grands stades du développement : la dictature de Trujillo relève de la politique d'unification primitive, les régimes « syncrétiques » de la politique d'industrialisation, le nazisme de la politique de « bien-être national ». D'une façon comparable, la distinction qu'effectuent G.A. Almond et G.B. Powell (1) entre autoritarisme conservateur, autoritarisme moderni- sateur et autoritarisme de pré-mobilisation se déroule sur une échelle du développement. Enfin, D. Apter (2) renouvelle quelque peu ce courant en estimant que l'effet du gouvernement sur la forme de développement offre le principal critère d'évaluation des systèmes politiques dans les Etats nouveaux. A ses yeux, les « systèmes bureaucratiques » résolvent la contradiction entre deux types idéaux qu'il avait définis dans des travaux antérieurs : le « système de réconciliation » (c'est-à-dire, grosso modo, le système libéral, peu apte à promouvoir la modernisation mais conforme à l'embourgeoisement qui marque les dernières étapes de celle-ci) et le « système de mobilisation » (autrement dit, le système de forte participation politique, imposée et conforme, qui est fonctionnel du point de vue du développement mais reste difficile à instaurer).

L'orientation « développementaliste » est sous-jacente à quelques- unes des meilleures études que comprend notre sélection bibliographique. Mais, dans son interprétation des régimes autoritaires, elle se heurte à certains « goulots d'étranglement ».

Rattacher les autoritarismes à des niveaux de développement particuliers revient à postuler leur caractère transitoire et temporaire. A.F.K. Organski (7) est très clair sur ce point. S.P. Huntington (5, 6), qui semble accorder plus d'attention aux possibilités de maintien des régimes de parti unique, réserve en fait cette hypothèse aux seuls partis « révolutionnaires » et continue d'opposer développement politique et autori-

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tarisme, institutionalisation et « société prétorienne ». Or, d'autres auteurs sont au contraire impressionnés par la remarquable prégnance de certaines situations autoritaires (20, 44, 78, 79, 81, 91, 93, 109, 116, 119). P.C. Schmitter (62 et 63) souligne, par exemple, l'extraordinaire ténacité des structures interdépendantes qui constituent le « système » brésilien (o sistema) ; approuvé par A.C. Stepan (66), il voit dans l'actuel régime militaire une tentative de sauver ce « système » menacé de dégénérescence et de le purger d'une manière durable de ses contradictions, tandis que T.E. Skidmore (61) réduisait le coup d'Etat de 1964 à une crise conjoncturelle de participation. Dans une contribution ultérieure (67), ce dernier reconnaîtra son erreur et, s'alignant sur le point de vue de P.C. Schmitter, mettra en valeur la continuité institutionnelle de VEstado novo au régime militaire.

D'autre part, l'école « développementaliste » porte en elle les germes d'une vision dichotomique de la « tradition » et de la « modernité » (1, 3, 5, 7). Le postulat d'une société dualiste obscurcit la relation essentielle d'interdépendance entre les deux secteurs (pour autant qu'on puisse les analyser comme des entités distinctes). Assez tôt, des praticiens de l'approche « développementaliste », spécialistes de l'Asie pour la plupart, ont remis en cause un dualisme aussi simpliste et ont défini le développement politique non plus comme la victoire du moderne sur le traditionnel, mais comme un processus d'accommodation entre l'un et l'autre (115, 118). Il faudrait ajouter à ces travaux, ceux de J.H. Badgley et R. Kothari, qui ne figurent pas dans notre sélection bibliographique. Ce type de critique et de révision demeure d'une portée limitée. Ainsi que le laisse à penser l'intéressante tentative de A.R. Zolberg (43), c'est le principe même d'une vision dualiste de la société que l'on doit récuser. En distinguant analytiquement deux secteurs au sein des systèmes politiques africains, et bien qu'il parle à leur propos de « société syncré- tique », l'auteur reste prisonnier des termes « moderne » et « résiduel » qu'il utilise et, par son imprécision, réduit cette « société syncrétique » à la simple juxtaposition d'un double réseau de structures. Critiques que formule C. Coulon (27), mais auxquelles il n'échappe pas complètement en parlant de « secteur politique central » et de « secteur politique périphérique ». En fait, la société, dans son fonctionnement, doit être pensée comme une unité et, en dépit des apparences, le soi-disant « traditionnel » ne peut plus être analysé indépendamment du « moderne », dont il n'est souvent plus qu'un appendice fonctionnel, réifié et détourné de sa signification primitive. Telle est la conclusion qu'imposent, par des voies diverses et chacun à leur manière, les études des latino-américanistes qui mettent en évidence l'osmose partielle entre l'élite agraire et l'élite

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industrielle (11, 50, 59, 70, 76), les travaux de S. Amin (9 et 10) sur l'articulation des différents modes de production au sein des formations périphériques, l'essai de B.H. Lévy (113) sur le « féodo-capitalisme d'Etat » pakistanais, ou bien encore les analyses, d'autant plus convaincantes qu'elles sont plus limitées dans leurs ambitions, de M. Kilson (31) sur les chefs « traditionnels » en Sierra-Leone, de G. Althabe sur la parenté au Zaïre (22), de J.A. Bill sur le système dawrah en Iran (91).

A vrai dire, les termes de « traditionnel » et de « moderne », au même titre que celui de développement politique, ne signifient rien en eux-mêmes et reproduisent l'idéologie dominante d'un système social particulier, faute de dégager clairement les réalités économiques, politiques et culturelles qu'ils prétendent désigner. Or, dans de nombreux ouvrages d'inspiration « développementaliste », cette vision dichotomique des systèmes sociaux est sous-jacente à la présentation des régimes autoritaires, déclarés modernisateurs : elle obscurcit considérablement le débat sur la nature et l'orientation de ceux-ci, notamment en inhibant toute problématique de la modernisation conservatrice (66, 94) et amène la plupart de ses praticiens à intérioriser la rationalité politique et économique de leur objet d'analyse.

L'interprétation marxiste L'approche marxiste constitue le second grand courant d'étude des

régimes autoritaires. Elle prend comme point de départ les textes de Engels et Marx sur le bonapartisme, avant tout le Dix-huit Brumaire de ce dernier. Remarquons immédiatement avec N. Poulantzas (12, pp. 281- 282) que Marx et Engels pensent le bonapartisme, à la fois, en tant que phénomène historique concret et en tant que caractéristique constitutive du type capitaliste d'Etat. Peu d'auteurs démêlent ces deux lectures possibles, et le débat sur le bonapartisme (mais aussi sur le bismarckisme et le césarisme) s'en trouve singulièrement embrouillé.

L'interprétation marxiste des régimes autoritaires s'incarne en une problématique de l'autonomisation de l'Etat.

Marx et Engels voient dans l'autonomie relative de l'Etat bonapartiste, considéré comme « religion de la bourgeoisie », un trait constitutif du type d'Etat capitaliste, par référence à une situation d'équilibre entre les forces sociales en lutte (ce qui les conduit parfois à assimiler Etat absolutiste, bismarckisme et bonapartisme). Gramsci, quant à lui, dans ses Note sul Machiavelli, fait du bonapartisme une forme particulière de césarisme ; il rapporte celui-ci, en tant que phénomène politique spécifique, non pas à un équilibre général des forces sociales en présence, mais à un « équilibre catastrophique » entre les deux classes fondamentales antagonistes (Marx évoquait également un équilibre particulier à propos du bonapartisme fran-

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çais, en remarquant que « la classe bourgeoise avait déjà perdu, la classe ouvrière n'avait pas encore acquis la faculté de diriger la nation »), ou encore à un équilibre non catastrophique entre deux groupes qui, « bien qu'étant distincts et opposés, ne l'étaient pas au point de ne pouvoir absolument pas arriver à une fusion et à une assimilation réciproque à la suite d'un processus moléculaire » (exemple de l'antagonisme entre la bourgeoisie et l'aristocratie foncière). Le théoricien italien, d'autre part, est amené à établir une distinction entre césarisme régressif et césarisme progressif, selon que le compromis césariste favorise la classe conservatrice ou la classe progressiste, et à remarquer qu'au césarisme de « l'homme providentiel » tend à se substituer le « césarisme sans César », plus policier, institutionnalisé et sécularisé, dont les gouvernements de coalition, les fronts nationaux, les juntes ou les partis uniques peuvent offrir des exemples.

Révisant à la fois les interprétations de Marx et Engels et de Gramsci, N. Poulantzas relie l'autonomie relative de l'Etat bonapartiste français à son appartenance au type capitaliste d'Etat : «(...) Cette autonomie, inscrite comme possibilité dans le jeu institutionnel de l'Etat capitaliste et dont les variations et les modalités de réalisation dépendent de la conjoncture concrète des forces sociales, ne peut être réduite ni au schéma général d'équilibre de ces forces ni à celui, catastrophique, qui sous-tend le phénomène particulier du césarisme » mais « n'élimine pas la possibilité de fonctionnement, dans une forme historique de ce type, de l'autonomie due à l'équilibre, général ou catastrophique, des forces en présence » (12, p. 285). L'auteur invite à distinguer ces modes d'autonomie relative qui, dans une forme concrète de l'Etat capitaliste, peuvent être conjugués, ou se révéler contradictoires. Cependant, cette notion d'autonomie de l'Etat ne doit pas conduire à considérer le rapport des classes sociales à cet Etat comme une relation d'extériorité. Les contradictions de classe s'expriment toujours et de façon spécifique comme contradictions internes de l'Etat, et le poids des classes subordonnées se fait sentir au sein même d'appareils d'Etat doués d'une autonomie particulière (121, pp. 83-85).

La situation économique du « Tiers Monde » et, d'une manière de plus en plus évidente, celle de l'Europe appelaient un autre type de révision de la théorie marxiste. Pour la théorie de la dépendance, qui ne saurait se restreindre aux Etats « sous-développés » (55, 121), « la lutte des classes ne se déroule pas dans des cadres nationaux mais dans le cadre du système mondial » (10, p. 316). Les régimes autoritaires doivent donc être replacés dans ce contexte et situés par rapport à l'ensemble des formations capitalistes, centrales ou périphériques (9, 10, 11, 13, 14, 55, 57, 58, 59, 80). Il faut d'autre part tenir compte d'une évolution interne à ce système capitaliste mondial : le mode de production capi-

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taliste domine désormais les formations périphériques non plus simplement par la reproduction d'un rapport de dépendance externe, mais se reproduit sous une forme spécifique en leur propre sein, et cette « reproduction intériorisée et induite » du MPC s'étend au domaine de leurs appareils d'Etat institutionnels et idéologiques (13, ch. I).

Sur cette toile de fond théorique, H. Alavi (103) reconsidère, à partir des cas du Pakistan, du Bangla Desh et de l'Indonésie, la problématique de l'autonomisation de l'Etat. Selon lui, l'armée et la bureaucratie, dans les sociétés post-coloniales, ne peuvent être définies comme les instruments d'une seule classe, ainsi que le suggère la théorie marxiste classique, mais simultanément comme une force de médiation entre les intérêts concurrents de la bourgeoisie métropolitaine, de la bourgeoisie autochtone et des propriétaires fonciers ; et une force de préservation du mode de production capitaliste au service commun de ces trois classes. A vrai dire, la thèse de H. Alavi n'est véritablement originale que dans le cadre de la production théorique anglophone : Gramsci, L. Althusser, N. Poulantzas (12) et les théoriciens de la dépendance ouvraient largement la porte à de tels développements. Leurs propositions conceptuelles permettent même d'éviter deux écueils auxquels n'échappe pas H. Alavi. D'une part, ce dernier a tendance à sous-évaluer l'unité interne de l'ensemble des classes dominantes. De l'autre (mais il s'agit en fait du même problème), il reste prisonnier de la notion d'arbitrage entre les forces sociales en présence, qui caractérise la démarche de Engels ; il oblitère de la sorte le rôle de FEtat en tant que « facteur d'unité politique du bloc au pouvoir sous l'égide de la classe ou fraction hégémonique » (12, p. 326) et son rôle de formation des classes sociales et d'une société civile autonome.

Le courant marxiste, dans son interprétation globale des régimes autoritaires, se heurte à quelques-uns des obstacles qui gênent la démarche « développementaliste ». En premier lieu, le dogmatisme et l'ethnocen- trisme le guettent également : de nombreuses contributions au ton martial et militant ont vite fait de qualifier un régime de « fasciste », une classe de « bourgeoise » et une situation de « néo-coloniale ». A l'instar de leurs collègues libéraux, les chercheurs marxistes ou marxisants, tout en critiquant le concept de sous-développement (9, 10, 11), sont souvent incapables de concevoir un modèle de développement original et de se dégager de la rationalité hégémonique qu'ils dénoncent (14, 23, 88).

En outre, les écoles d'inspiration marxiste ont, elles aussi, tendance à ne voir dans les régimes autoritaires que des phénomènes de transition, succédant à une phase de démocratie bourgeoise, précédant un retour à celle-ci ou une victoire des forces révolutionnaires : l'accent est le plus souvent mis, par une tradition héritée de la IIP Internationale, sur les contradictions économiques internes aux autoritarismes, qui signeraient

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leur arrêt de mort à terme (11, 14, 23, 32, 57, 76, 107, etc.). Pourtant, des travaux d'économie politique classique comme ceux de S.A. Morley et G.W. Smith {in 67) ou de C.W. Anderson (122) semblent prouver que certains régimes autoritaires sont susceptibles d'assurer une croissance appréciable et cohérente ; de leur côté, dans une optique marxiste, F.H. Cardoso (55) et N. Poulantzas (121) invitent à ne pas confondre dictature et obscurantisme économique, dépendance et stagnation, et à ne pas escompter d'une manière systématique un effondrement interne des autoritarismes.

Enfin, dans la plupart des cas, les interprétations marxistes présentent les régimes autoritaires comme caractéristiques du capitalisme installé. En tant que phénomène historique concret, le bonapartisme français s'impose d'ailleurs dans une formation sociale à dominance déjà consolidée du mode de production capitaliste, et relève de la phase de reproduction élargie de ce dernier. Or, remarque P.C. Schmitter (63) à propos du Brésil, l'autoritarisme peut être un processus d'installation du capitalisme — conclusion que confirment assez largement et d'un point de vue marxiste R.D. de las Casas (59) et F.H. Cardoso (55). En effet, bien que Engels et, parfois, Marx, ne soient pas toujours eux-mêmes aussi clairs sur ce point qu'il serait souhaitable, ces critiques que l'on peut adresser à l'encontre de l'approche marxiste mettent en cause les travaux d'application disponibles, plus que la théorie elle-même. Le bismarckisme offre un modèle d'Etat autoritaire permettant à la bourgeoisie de consolider sa domination économique naissante et de l'ériger en domination politique, cas particulier d'autonomie de l'Etat que Marx et Engels qualifient de « révolution d'en haut », qui ne saurait être assimilé au bonapartisme, mais que l'on pourrait rapprocher du Risorgimento italien tel que l'analyse Gramsci. Et, à un niveau d'abstraction plus élevé, les concepts de « statolâtrie » et de « révolution passive » (chez Gramsci) ou d'Etat capitaliste (chez N. Poulantzas) autoriseraient à rendre compte de l'activité fondatrice des autoritarismes. Il faut néanmoins reconnaître que l'utilité de ces distinguos historiques et théoriques est demeurée jusqu'à présent essentiellement virtuelle.

Positions hétérodoxes

Les limites et les réductions idéologiques propres à la fois à l'orientation marxiste et au courant « développementaliste », ont incité certains auteurs à s'inscrire en marge de toute orthodoxie. De plus, c'est précisément dans ces eaux que sont menés les efforts théoriques et méthodologiques spécifiquement consacrés à l'étude des situations autoritaires. Le point de départ de ces entreprises varie : réflexion théorique d'ordre

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politique, sociologique chez Alain Touraine (19), ou économique chez H. Jaguaribe (14), C. Furtado (57), ou beaucoup plus fréquemment, systématisation empirique de formes concrètes d'autoritarismes à partir d'une recherche historique comparative, avec l'exemple de l'ouvrage fondamental de Barrington Moore (16) ou d'une analyse politicologique contemporaine comme chez J. Linz (15, 60, 126, 127), H.J. Wiarda (20), C.W. Anderson (44, 122), A. Touraine (53), P.C. Schmitter (18, 62, 63, 133), G. Hermet (17, 125), A. Rouquié (51). Pour la plupart de ces auteurs indépendants, il convient en premier lieu d'identifier et de définir empiriquement les régimes et les situations autoritaires. En effet, à ce niveau plus qu'à d'autres, la philosophie politique s'insinue dans la réflexion scientifique : les critères de détermination demeurent le plus souvent très flous, même si les différents courants de la science politique, au-delà de leurs divergences de principe, s'accordent presque tous, dans la pratique, à isoler des situations autoritaires et à les discriminer à la fois des démocraties libérales, des totalitarismes du type national-socialiste et des socialismes de facture stalinienne. Deux axes de différenciation se dégagent, qui fréquemment coexistent. Une première solution consiste à reconnaître l'autoritarisme sur la base de ses caractéristiques internes. La principale tentative de ce genre est naturellement celle de J. Linz (15), reprise et parfois amendée par de nombreux auteurs de diverses obédiences (dont G. A. Almond et G.B. Powell (1), HJ. Wiarda (54), P.C. Schmitter (62), R.M. Schneider (64), G. Hermet (17, 125), T.A. Couloumbis (128)).

Soucieux d'affirmer l'irréductibilité des régimes autoritaires afin de permettre leur étude systématique et comparative, J. Linz les définit comme « des systèmes politiques permettant l'expression d'un pluralisme limité et non responsable ; dépourvu d'idéologie élaborée et directrice (mais fondée sur un type distinct de mentalité) ; ne pratiquant pas une mobilisation politique intensive ou extensive (si l'on excepte certaines phases de leur développement) ; et dans lesquels un leader ou, occasionnellement, un groupe restreint, exerce le pouvoir dans des limites mal définies mais néanmoins discernables » (15, p. 297).

Une seconde manière de démontrer la singularité des situations autoritaires et, éventuellement, de dresser des sous-classifications, fait appel aux facteurs de l'environnement des systèmes politiques, à l'instar par exemple de H. Jaguaribe (14) et de Barrington Moore (16). Aussi bien, les deux méthodes ne sont-elles pas exclusives l'une de l'autre et la plupart des auteurs s'y adressent-ils simultanément, se contentant de mettre l'accent sur l'une des deux. Ce qui est peut-être plus important et nouveau, c'est la volonté de certains de n'en sous-estimer aucune et d'extraire

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la double spécificité des autoritarismes, à la fois « externe » et « interne » — dans cette perspective, les récentes propositions théoriques de A. Tou- raine (19) sont fondamentales — ou encore de récuser partiellement ces dilemmes taxonomiques afin de privilégier la mise sur pied d'une stratégie de recherche opératoire. C'est ce dernier point de vue que défendent P.C. Schmitter (18, 62, 63, 133) et G. Hermet, D. Martin, A. Rouquié (17 et « Pour l'analyse des systèmes autoritaires », Revue française de science politique XXV (6), décembre 1975, pp. 1029-1111).

Bien que ces auteurs indépendants partent d'une critique scientifique des orientations marxiste, libérale et « développementaliste » et s'affichent comme idéologiquement neutres, ils ne se détachent pas toujours complètement de celles-ci dans leur démarche. La distinction qu'établit Barrington Moore (16) entre les voies démocratique-libérale, capitaliste-réactionnaire et communiste-révolutionnaire, par exemple, recoupe partiellement les typologies ternaires d'inspiration libérale. Et cet auteur retrouve, par des chemins parfois comparables, la problématique, déjà développée par le marxisme, de l'autonomisation de l'Etat et de la « Révolution par le haut ». L'originalité de Barrington Moore consiste à préciser l'irréductibilité historique de chacune de ces trois voies de modernisation. Il se heurte pourtant aux obstacles que les autres écoles ont rencontrés avant lui : en ne voyant dans les régimes autoritaires que des formes de transition menant au fascisme, il limite la portée de son modèle, comme le fait remarquer P.C. Schmitter à propos du Brésil (62, pp. 387 et sv.). J. Linz (15), de son côté, est très proche du courant « développementaliste », lorsqu'il situe les régimes autoritaires au point de rupture des systèmes traditionnels et nous avons vu que HJ. Wiarda (54) avait repris sans peine cette assertion au sujet de la dictature Trujillo, en lui donnant une coloration purement « développementaliste ». Inversement, H. Jaguaribe (14) s'intègre plus volontiers au courant marxiste en associant une démarche infrastructurelle passablement rigide à une interprétation économiste du bismarckisme. Et A. Touraine (19, 53), qui de son propre aveu s'efforce surtout de « compléter l'analyse marxiste du système capitaliste pour l'adapter à l'étude des sociétés (...) pénétrées par le système capitaliste» (53, p. 115), repense pour l'essentiel les thèmes avancés par celle-là.

D'une manière réciproque, on remarquera que certains « orthodoxes », tels N. Poulantzas (121), F.H. Cardoso (55), D.E. Apter (2), ne sont pas loin de reconnaître l'irréductibilité des autoritarismes et poursuivent des réflexions parallèles à celles des « hétérodoxes ». L'orientation sous- jacente à la démarche méthodologique ne saurait donc, en définitive, constituer un critère de différenciation suffisant de la production scienti-

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fique relative aux autoritarismes. Il convient également de faire appel aux types d'approches utilisées.

Les types d'approches

Les entreprises méthodologiques spécifiquement consacrées à l'étude des situations autoritaires sont l'exception. Si l'on met entre parenthèses les contributions de P.C. Schmitter (62, 63) et de G. Hermet (17 et l'article figurant dans le numéro de décembre 1975 de la Revue française de science politique), il s'agit généralement de tentatives qui visent à définir des types idéaux d'autoritarismes plutôt que des méthodes d'analyse et des stratégies de recherche particulières : tel est notamment le cas des études de référence de B. Moore (16), J. Linz (15) et H. Jaguaribe (14).

Mais la plupart des travaux ayant trait à nos préoccupations ressor- tissent à la pure recherche empirique ou à différentes écoles méthodologiques générales, telles que l'école structuro-fonctionnaliste, le marxisme, l'approche « culturaliste », etc. D'autre part, rares sont les ouvrages qui ne se bornent pas à « consommer » académiquement les modèles et les grilles conceptuelles et s'appliquent au contraire à les employer d'une façon heuristique et à les enrichir.

Au-delà de ces remarques générales, on peut distinguer deux modes d'approche des situations autoritaires, en insistant immédiatement sur l'arbitraire et les limites de cette classification : 1. l'analyse interne qui postule, théoriquement ou à un plan opératoire, que les phénomènes politiques peuvent être compris, fût-ce partiellement, sans référence à leur environnement pour les interpréter dans leur autonomie ; 2. l'approche externe qui, plus ou moins explicitement, voit dans le politique le reflet, directe ou médiatisé, de l'environnement économique, social, culturel et/ou international, et l'étudié en conséquence à la lumière de celui-ci.

Les approches internes

La part de l'analyse empirique est plus importante dans l'interprétation interne des phénomènes politiques que dans les approches externes. Dans ce premier ensemble, quatre modes d'appréhension, parfois confondus, se détachent plus spécialement : l'application directe d'un type idéal « interne » à une situation autoritaire particulière (utilisation du modèle de J. Linz (15) par T.A. Couloumbis (128), par exemple) ; l'étude descriptive des catégories dirigeantes et de leurs relations (24, 85, 86, 100,

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108) ou de la physiologie du régime (54, 119, 123) ; la présentation de l'évolution chronologique de celui-ci sous forme de récit explicatif (42, 56, 61, 64, 104, 108, 109, 112) ; l'exposé de la « logique » et des « règles du jeu » internes aux systèmes politiques (31, 71, 75, 79, 81, 90, 91, 93, 96, 115, 116, 118, 119 et peut-être, principalement, 44 et 46).

L'analyse structuro-fonctionnaliste et systémique, au sens strict, n'a fourni de cadre conceptuel direct qu'à un nombre restreint de travaux.

Parmi les plus marquants de ceux-ci, citons les contributions de : L. Rudebeck (89), qui modifie légèrement le cadre conceptuel élaboré par G.A. Almond et J.S. Coleman afin d'évaluer la contribution du parti unique tunisien à l'exercice des fonctions de socialisation, de recrutement, de communication, d'application des décisions, d'articulation et d'agrégation des intérêts ; le numéro collectif de la Revue française de science politique (17) consacré aux organisations religieuses comme forces politiques de substitution dans les situations autoritaires, qui a également recours à une analyse fonctionnelle de facture classique ; W.R. Johnson (30), qui conserve l'orientation structuro-fonctionnaliste mais développe son propre appareil conceptuel pour évaluer l'intégration politique poursuivie par le régime camerounais ; J.A. Fernandez (73), qui présente en termes eastoniens et almondistes la conversion, par le système administratif mexicain, des exigences en outputs ; R. Luckham (33), qui étudie l'organisation militaire nigé- rianne en tant que système social échangeant des flux avec son environnement ; G. Hermet (125), qui dégage la contribution fonctionnelle du Parti communiste espagnol au système politique établi ; C.A. Astiz (78) qui réalise une synthèse entre les concepts de G.A. Almond et G.B. Powell et de D. Easton, d'une part, la démarche infrastructurelle, d'autre part ; A. von Lazar (47), enfin, dont l'article fondamental sur les processus de « dé

compression » en régime militaire suit implicitement les lignes de force de l'analyse systémique eastonienne.

Le plus souvent, c'est simplement une direction de recherche et de concepts que procure l'analyse structuro-fonctionnaliste : sous une forme latente et à des degrés divers, elle imprègne la majeure partie des études citées dans notre sélection bibliographique. Peut-être est-ce précisément là que le bât blesse, car elle souffre de certaines insuffisances en tant qu'approche des régimes autoritaires. En premier lieu, elle participe trop intimement des carences du courant « développementaliste » de la science politique. Au plan de la recherche appliquée, les conséquences de son inféodation à cette orientation idéologique sont décisives. Bien qu'elle puisse théoriquement en rendre compte si l'on se réfère à la célèbre introduction de G.A. Almond (m G.A. Almond, J.S. Coleman, eds, The Politics of the Developing Areas, Princeton University Press, 1960) et aux considérations méthodologiques de R.K. Merton, la dé-

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marche fonctionnaliste a tendance à sous-estimer les structures et les procédures informelles et latentes et à privilégier les institutions, les groupes d'intérêt et les activités les plus perceptibles à un regard occidental, tant est forte la pesanteur des concepts de différenciation et de sécularisation pris comme unités de mesure du développement politique (62, 92). Or, ces processus latents sont fondamentaux dans les régimes que nous étudions parce qu'ils prédominent d'une manière caractéristique à la fois (et indépendamment) dans les Etats nouveaux et dans les situations autoritaires. D'autre part, les concepts structuro-fonctionnalistes centrés sur l'intégration horizontale et la stabilité interne des systèmes politiques, occultent la dimension de leur intégration verticale. Déficience gênante lorsqu'il s'agit d'une situation autoritaire, où les processus de domination interne se révèlent primordiaux et sont à la base de l'émergence, de la nature de classe et du fonctionnement du régime. Pour ne l'avoir pas compris, des auteurs comme W.R. Johnson (30), G. A. Fiech- ter (56), R.M. Schneider (64), A.C. Stepan (66), L. Binder (92), L. Ru- debeck (89) amoindrissent considérablement la valeur de leurs travaux.

En définitive, l'analyse structuro-fonctionnaliste fait preuve d'une médiocre efficience opératoire. Cette constatation rend quelque peu choquante la dominance diffuse de cette école sur la production scientifique relative aux régimes autoritaires. Certains se bornent, semble-t-il, à un travail de traduction en langage structuro-fonctionnaliste : tel J.A. Fernandez qui, dans son ouvrage sur le Mexique (73), s'appuie exclusivement sur des sources secondaires.

D'une manière plus générale, l'analyse immanente, en définissant le politique comme une sphère close sur elle-même, risque toujours de se laisser piéger par les phénomènes manifestes et de délaisser les niveaux latents. Elle est sujette à rester prisonnière du conjoncturel et du contingent et à oblitérer le structurel, par exemple en posant le jeu conscient des acteurs politiques comme variable explicative indépendante et suffisante (104).

Les approches externes

La distinction entre approche interne et approche externe du politique est des plus confuses. A bien des égards, l'analyse structuro-fonctionnaliste relève théoriquement de cette dernière, qui voit dans le système politique une machine à convertir en outputs des inputs provenant de son environnement (G. A. Almond, D. Easton). Ceci est très net dans quelques-uns des travaux que nous avons précédemment cités (30, 33, 47, 73). Et l'interprétation « développementaliste » fait appel à une démarche externe en reliant la genèse des régimes au degré de maturité

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de leur environnement social, économique et culturel. Cependant, au plan de la recherche appliquée, les approches structuro-fonctionnalistes et « développementalistes » s'apparentent souvent à l'analyse interne en valorisant le poids des acteurs et en définissant le système politique comme un acteur ou un réseau d'acteurs. Nous avons donc préféré réserver la qualification d'approche externe aux travaux centrés sur : 1. des facteurs explicatifs appartenant à l'environnement international ; 2. une interprétation du politique de type culturaliste et 3. une problématique infrastructure^.

Si l'on exclut les ouvrages inspirés par la théorie de la dépendance, lesquels s'intègrent plutôt à la problématique infrastructure^, le nombre des travaux plaçant systématiquement les situations autoritaires sous l'éclairage de leur environnement international est restreint. Ils peuvent, en premier lieu, s'attacher à discuter la thèse de la conspiration extérieure prise comme variable explicative des coups d'Etat. Ce sont les cas brésilien, chilien, zaïrois, indonésien et grec qui semblent avoir posé le problème de la manière la plus aiguë. B.H. Lévy (113) propose une perspective différente sur la base du primat heuristique et ponctuel des facteurs internationaux. Il montre comment une dynamique révolutionnaire s'était enclenchée au Bangla-Desh qui, avec le temps, aurait pu déboucher sur une « vietnamisation » de la région, et comment l'Inde, en tant que puissance «sous-impérialiste», et en liaison avec son évolution politique interne, joua un rôle crucial dans l'établissement à Dacca d'un régime « bourgeois » de « pluralisme fermé ». D'une manière similaire, A. Rouquié (51, p. 1054) se demande, à propos de l'Amérique latine, « si, en dernière analyse, la conjoncture extérieure n'est pas la variable décisive dans l'orientation des interventions militaires ».

Plus importante est l'approche « culturaliste » car elle se veut parfois globalisante et se retrouve sous des formes diffuses dans de nombreux travaux. En premier lieu, naturellement, dans les contributions anthropologiques et intuitives/descriptives. Mais, avec la notion de « tradition », le courant « développementaliste » et structuro-fonctionnaliste lui accorde également une place appréciable, tout en prétendant s'inscrire dans une problématique autre. L'interprétation « culturaliste » du politique est au centre d'un vieux débat méthodologique : quel poids explicatif doit-on accorder aux structures et aux représentations « traditionnelles » dans l'exposé de la dynamique politique contemporaine ? Sous sa forme maximaliste, telle que la soutenaient certains analystes du « caudillisme » et que la présentent encore un K.H. Silvert (52) avec son modèle du « syndicalisme méditerranéen » ou un H.J. Wiarda (20) avec son schéma du « corporatisme latino-ibérique », l'approche « culturaliste » n'est guère

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défendable: F.W. Riggs (116, pp. 30 et sv.) souligne, par exemple, à propos du « système bureaucratique » thaïlandais, que le cabinet était aussi étranger à la culture siamoise que l'assemblée et a assuré sa prééminence non en raison de variables culturelles, mais grâce au contrôle des bureaucraties civile et militaire ; A.R. Zolberg (43, p. 36) va dans le même sens en écrivant que les tendances latentes des sociétés ouest- africaines militaient contre l'instauration de régimes de parti unique. Pourtant, il est incontestable que « la culture politique d'une société guide le comportement des acteurs politiques » et qu'un « régime est dans une certaine mesure le captif de sa culture » (90, p. 3). La mise en valeur opératoire, à des fins heuristiques, de facteurs « culturels » a de la sorte fourni l'armature de quelques excellentes études s 'intégrant à notre champ de recherche (96, 115, 117, 118 et, surtout, 90).

Même sous cette forme opératoire, l'approche « culturaliste » demeure néanmoins contestable. D'une part, elle rend à peu près impraticable toute démarche comparative. De l'autre, elle oscille entre deux pôles aussi fragiles l'un que l'autre. Tantôt elle se résume à des propositions générales et subjectives, et emprunte à l'intuition plus qu'à la rigueur scientifique : il est ainsi remarquable que l'articulation de types différents de légitimité entre eux et l'éventuelle résurgence de légitimités anciennes dans le cadre d'un autoritarisme moderne — phénomènes évoqués par plusieurs auteurs (15, 110, 116) — n'aient pas encore été exposées de façon satisfaisante. Tantôt elle restreint son objet d'étude afin d'approfondir ses analyses, mais, en se cantonnant à un échantillon modeste, elle limite alors la portée de ses conclusions. D'une manière corollaire, elle réduit presque toujours la culture politique à la culture des élites et laisse dans l'ombre la dynamique sociale populaire (90, 91, 96, 115, 117).

En outre, elle repose fréquemment sur une vision simpliste, à la fois de la culture « traditionnelle » et des processus politiques modernes et découle de la conception dualiste de la société que nous avons précédemment critiquée (66, 107, 109, 110). Il n'y a pas, d'un côté, le système « culturel » et, de l'autre, le système « politique ». Des études comme celles de G. Althabe (21 et 22), de J.L. Peacock (114), de l'école du colonialisme intérieur (70, 74), ou des réflexions théoriques comme celle de A. Touraine (19) dépassent la vieille problématique culturaliste et ouvrent des perspectives autrement plus fécondes en commençant à restituer la fusion dynamique des deux sphères.

L'approche externe par excellence est cependant l'analyse infrastruc- turelle. On la retrouve, elle aussi, à l'état diffus dans la plupart des travaux relatifs aux situations autoritaires. La théorie « développemen-

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taliste » se réfère aisément aux notions de classe et d'élite : A.F.K. Or- ganski (7) définit le régime « syncratique » comme le point d'aboutissement d'un compromis entre l'élite industrielle et l'élite agraire aux débuts de la phase d'industrialisation, dans une conjoncture de dépression économique et d'agitation populaire, tandis que S.P. Huntington (5) relie l'orientation du « prétorianisme » à la prédominance de P« oligarchie » ou, au contraire, des « classes moyennes ». La tendance est naturellement encore plus nette chez certains « francs-tireurs » qui partent d'une attitude critique à l'encontre du marxisme (16, 19). Enfin, il n'est guère d'études, au niveau de la recherche appliquée, qui ne fassent appel, à un moment ou un autre, aux agrégats de la stratification sociale dans leur présentation des situations autoritaires. Du côté de la théorie des classes sociales, les choses ne sont pas plus claires : G. Balandier (Anthropo-logiques, Paris, Presses universitaires de France, 1974) peut distinguer, outre le marxisme, quatre grands courants — ce qui l'incite à plaider en faveur d'un usage plus restrictif et rigoureux des concepts de la problématique infrastructure^. En effet, la vulgarisation de celle-ci se révèle rapidement dangereuse. Ceci est notamment le cas lorsqu'aucune réflexion, ni théorique, ni historique, n'étaye son usage : les concepts de classe moyenne, d'élite, d'oligarchie ne sont pas définis ou ne le sont que pauvrement, les débats méthodologiques sont méconnus. Déficience qu'illustre d'une manière surprenante A.F.K. Organski (7) en ne citant ni Barrington Moore (16), dont il est pourtant parfois proche dans ses conclusions, sinon dans sa démarche, ni Gramsci, bien qu'il consacre de longs développements au fascisme mussolinien et inclue dans sa bibliographie de nombreux ouvrages italiens.

Ces carences ne tardent pas à se projeter au plan de l'interprétation des situations autoritaires. Certains auteurs s'essayent à réfuter les thèses marxistes sur des bases fragiles, notamment en réduisant ces dernières à une problématique de représentation des classes sociales par les régimes, les institutions et les organisations politiques (7, 66), ou en niant l'existence des classes sociales à partir d'une définition statique et ethnocentrique de celles-ci (26). D'autres, en revanche, développent des analyses infrastruc- turelles de situations autoritaires, ou usent à leur propos de variables de cet ordre, sur ces mêmes bases simplistes. Les principales tentatives de ce genre ont eu tendance à rester prisonnières des thèmes ambigus de la « classe moyenne » et de la « modernisation » : ainsi, par exemple, J. Nun (49, p. 56), en écrivant que « l'interventionnisme militaire tend à représenter la classe moyenne et à compenser son incapacité à se constituer elle-même en classe hégémonique », prête-t-il le flanc à l'argumentation, pourtant dérisoire, de A.C. Stepan (66) (selon laquelle l'armée brésilienne ne représente pas la classe moyenne puisque ses officiers n'ont aucun sentiment

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d'appartenance à une classe et n'a, en définitive, pas de position de classe) ; il oublie également que les régimes militaires latino-américains ne sont pas, en tout état de cause, les instruments de la seule classe moyenne, mais plutôt d'une alliance entre celle-ci et l'oligarchie (48). M. Halpern (83) avait commis des erreurs comparables à propos du Moyen-Orient en parlant lui aussi de représentation de la classe moyenne salariée par l'armée et en passant sous silence les liens du corps des officiers avec la classe moyenne rurale. Enfin, la quasi-totalité des études infrastructurelles d'inspiration « dé- veloppementaliste », structuro-fonctionnaliste ou empirique s'empêtrent dans un débat sans fin sur le rôle « modernisateur » des régimes autoritaires, en particulier militaires — débat stérile tant que l'on a négligé de poser le problème fondamental de l'orientation et de la structure de classe de la « modernisation ».

Inversement, la débauche théorique peut conduire à la tautologie et à la rumination dogmatique. Les travaux d'obédience marxiste n'échappent pas toujours à ces travers. D'une façon corollaire, l'intérêt du maître livre de Barrington Moore (16) ou des contributions, moins ambitieuses, de R. First (29), M. Kilson (31), D. Martin et T. Yannopoulos (35), R.L. Sklar (39), J. Duvignaud (82), J.A. Bill (91), P. Vieille (95), E. Ozbudun (101), H.D. Evers (107), et d'autres encore, suggère qu'il n'est parfois pas nécessaire de s'encombrer d'un appareil conceptuel excessif : l'esprit de la démarche infrastructure^ importe plus que le discours idéologique qui lui est associé. Ce dernier type d'études, que nous rangerons sous le label de « marxisme objectif » en empruntant l'expression à Abdallah Laroui (84), échappe au « provincialisme occidental » plus facilement que bien des analyses théoriquement mieux élaborées ; de la sorte, elles rendent souvent mieux compte des situations structurelles particulières que l'on retrouve en Afrique noire, dans les pays arabes et en Asie.

Confrontée aux situations autoritaires, et au-delà des grandes questions théoriques, l'approche infrastructurelle rencontre trois problèmes essentiels, auxquels elle répond diversement. En premier lieu, peut-on parler de classes sociales dans la formation sociale considérée ? Comment les classes se forment-elles et/ou se transf orment-elle ? Comment s'allient-elles entre elles, et comment s'articulent entre eux les différents modes de production ? Si les choses sont assez simples dans les sociétés sud-européennes, et si le débat à propos de l'Amérique latine s'est dans l'ensemble cantonné aux rapports du capitalisme à la « féodalité », il a en revanche porté sur l'existence même de classes sociales et sur leur processus de formation en Asie (107) et en Afrique. En ce qui nous préoccupe, il s'agit avant tout de situer les régimes autoritaires par rapport à ces processus, et notamment par rapport à la formation des classes sociales (19, 53, 113).

Etroitement imbriqué aux questions précédentes, se pose le problème de la nature de classe des régimes autoritaires. Les auteurs s'accordent

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généralement à reconnaître la place centrale qu'occupent dans les situations autoritaires les classes dominantes anciennes, telles que « l'oligarchie », l'aristocratie foncière (50), les chefs traditionnels (31) : constatation que systématisent Barrington Moore (16) et A.F.K. Organski (7) en faisant de ces classes anciennes l'un des pivots constitutifs des autoritarismes. Il importe, d'autre part, de dégager la position de ces derniers par rapport à la bourgeoisie nationale, à la bourgeoisie intérieure et à la bourgeoisie compradore (concepts définis en particulier par N. Poulantzas (13) et appliqués par lui aux dictatures sud-européennes (121)), et par rapport aux différents segments des « classes moyennes ».

Alors que toute une école, déjà évoquée, relie d'une manière assez confuse certaines situations autoritaires à celles-ci, N. Poulantzas (13, pp. 307 et sv., souligné par l'auteur) établit que la petite bourgeoisie, faute de mode de production propre, n'a pas de position politique de classe autonome et « n'a jamais été nulle part la classe politiquement dominante » ; elle peut toutefois se présenter comme la « classe régnante », au service de certains secteurs de la bourgeoisie à velléités « nationales » (Pérou) ou pour le compte de la bourgeoisie compradore (Brésil), ou encore se substituer, sous forme de bourgeoisie d'Etat, à l'ancienne bourgeoisie (nassérisme) ou à la bourgeoisie colonialiste étrangère (Afrique noire) ; dans ces cas elle devient classe politiquement dominante en tant que bourgeoisie à part entière (et non plus en tant que petite bourgeoisie). Dans un ouvrage précédent (12), le même auteur avait développé une argumentation comparable au sujet de la bureaucratie : ce n'est pas son rapport à l'Etat qui, éventuellement, constitue celle-ci en classe sociale, mais la place spécifique qu'elle a acquise dans les rapports de production « ou même les rapports non encore donnés de production » ; la bureaucratie peut devenir une classe sociale dominante en tant que « classe effective », et non en tant que bureaucratie.

En outre, compte tenu de l'infrastructure propre à la formation sociale dans laquelle ils s'enracinent et/ou de leur stratégie politique et économique, les régimes autoritaires entretiennent une relation toujours importante et souvent privilégiée avec les classes moyennes et la bourgeoisie rurales, encore que l'on doive souligner la complexité et la diversité des situations en présence (9, 10, 11, 23, 31, 32, 70, 95, 98, 101, 113, 124, 129, 130).

La plupart des analystes s'efforcent, en troisième lieu, de tenir compte des variables infrastructurelles réputées « extérieures » aux formations sociales considérées : par exemple en rattachant la problématique de l'autonomisation de l'Etat à celle de la dépendance (59, 80, 103). Pour avoir ignoré cette dimension de l'approche infrastructurelle, J. Ziegler (41), dans un livre médiocre consacré à l'Afrique, ne comprend pas que

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la décolonisation, loin d'être une rupture révolutionnaire, constitue plutôt un mode de reproduction et de rénovation de la dépendance. De même, la méconnaissance des formes les plus récentes de l'impérialisme conduit à l'énoncé de thèses erronées, ainsi que l'illustre la critique du modèle de « développement national » de H. Jaguaribe (14) et de C. Furtado (57) par F.H. Cardoso (55). Après avoir reconnu la nécessité d'intégrer les variables « extérieures » à l'interprétation des situations autoritaires, reste à évaluer leur poids explicatif et à préciser leur articulation aux processus « internes ». La quasi-totalité des auteurs reconnaît le primat des facteurs internes (29, 49, 121, etc.). Mais, à vrai dire, la distinction mécanique entre facteurs internes et facteurs externes doit être dépassée : la pénétration du mode de production capitaliste dans les formations sociales périphériques entre en fusion avec les processus économiques et politiques autochtones ; la dépendance « extérieure » n'agit que par son intériorisation (121).

En définitive, on peut isoler quatre types d'analyse infrastructurelle des situations autoritaires, qui recoupent ces problèmes essentiels et sont en pratique largement confondus :

/. L'interprétation du régime en termes de classes sur la base de l'étude directe et de la reconstitution de l'infrastructure, en mettant l'accent soit sur le niveau des classes sociales (29, 31, 32, 34, 35, 49, 78, 82, 91, 98, 103, 107, 113, 124, 129, 130), soit sur celui des modes de production (9, 10, 11, 16, 55, 58, 59, 76, 95, 121). Bien que ses praticiens ne le spécifient généralement pas, cette approche n'a qu'une portée hypothétique : une phase structurelle ne peut être concrètement étudiée qu'après qu'elle est venue au terme de tout son processus de développement, et non pendant le processus lui-même.

2. La reconstitution de l'infrastructure et la mise en relation du régime autoritaire avec cette dernière à partir de l'analyse de la superstructure prise, plus ou moins explicitement, comme reflet de l'ensemble des rapports sociaux de production. La plupart des travaux intéressés par l'étude directe de la structure de classe recourent simultanément à cette démarche en évoquant ou en narrant l'évolution de la « vie politique ». Mais beaucoup plus originales sont les contributions qui retrouvent l'assise de classe des régimes à travers leurs discours ou leurs représentations idéologiques (2, 65, 84, 99, 111). 3. L'interprétation du régime en termes de classes sur la base de l'analyse critique du contenu et de l'orientation de ses outputs, en particulier économiques. Contrairement aux travaux de facture plus classique, les ouvrages qui relèvent de cette approche ne se bornent pas à décrire l'organisation et la politique économiques et sociales du régime considéré. Ils les relient à l'infrastructure en montrant à quelles classes, constituées ou

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en formation, elles profitent, en mettant en évidence les liens de dépendance entre la périphérie et le centre et en déduisant de ces faits la nature de classe de la situation autoritaire (outre la plupart des travaux consacrés à l'étude directe de l'infrastructure, 23, 32, 36, 70, 80, 88).

4. L'étude de la relation de domination du bloc au pouvoir sur les classes subordonnées, aux plans économique, politique et/ou culturel. Les postulats théoriques de cette approche varient, parfois sous un vocabulaire conceptuel commun : ainsi P. Gonzales Casanova (74), les co-auteurs des livres dirigés par J. Petras et M. Zeitlin (50) et par A.E. Havens et W. Flinn (70) ou B.H. Lévy (76, 113) ne définissent-ils pas de la même manière le « colonialisme interne ». Cependant, la perspective infrastruc- turelle (en particulier dans sa dimension « externe ») constitue la toile de fond de l'analyse, même lorsque cette dernière se limite aux mécanismes de domination culturelle et politique. Ce type d'approche est d'un grand intérêt car il restitue la dynamique de base et l'intégration verticale des situations autoritaires, que nous avons vues jusqu'à présent délaissées par les politistes. Il stimule, d'autre part, la réflexion sur l'orientation et le contenu de la « modernisation ». Néanmoins, si l'on excepte l'effort récent de A. Touraine (19), il ne repose le plus souvent que sur un appareil conceptuel limité ou contestable : la notion de « colonialisme intérieur », par exemple, demeure assez intimement associée à une conception dualiste du système social. La démarche, critique mais largement intuitive, d'un G. Althabe (21, 22) se révèle finalement plus féconde et respecte mieux l'unité ambiguë de l'action sociale.

Même si l'on se restreint aux travaux les plus sérieux, il est délicat d'évaluer l'efficience heuristique de l'approche infrastructurelle. Nous l'avons pressenti : dans ses constructions théoriques les plus raffinées, elle semble inattaquable tant la complexité de son appareil conceptuel lui permet virtuellement de traiter avec rigueur un nombre infini de situations et de rétablir la dynamique et la totalité organique des systèmes sociaux. Cependant, au niveau de la recherche appliquée, l'impression d'ensemble est différente. Cet arsenal théorique est méconnu et sous-utilisé. De ce point de vue, le sort de l'œuvre de Gramsci est exemplaire qui, par sa démarche, ses analyses historiques et son apport conceptuel, se place au centre de notre champ d'étude. Le théoricien italien est ignoré par la plupart des travaux usant de l'approche infrastructurelle. Lorsqu'il est cité, c'est pour voir sa pensée gravement déformée, mutilée et vidée de sa substance : l'usage du concept de crise hégémonique chez J. Nun (49) est méthodologiquement illégitime et, chez N. Mouzelis et M. Attalides (129), la confusion entre « domination » et « direction », la qualification « d'hégémonique » de la « domination » de la bourgeoisie sur la formation sociale grecque faussent complètement le sens de ces notions. N. Poulant-

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zas (121) montre, au contraire, que les bourgeoisies intérieures en Grèce aussi bien qu'en Espagne et au Portugal, faute d'assises économiques suffisantes, n'ont pu mener à bien leur propre révolution démocratique et formuler de la sorte un discours idéologique à caractère hégémonique, véhiculé par des organisations politiques propres. Il rattache à cette carence la genèse et la crise actuelle des dictatures qu'ont connues et connaissent ces pays. Fréquemment, le politiste paraît n'avoir recours qu'à une terminologie marxiste et cède à la facilité. L'audience scientifique d'un F. Fanon, dont le modèle passablement obscur a empoisonné la recherche africaniste et inhibé toute interprétation des systèmes de parti unique en termes de bonapartisme, ainsi que le remarque C. Leys (32, pp. 209-212), est à cet égard révélatrice. Dans cette mesure, l'appareil théorique marxiste, en tant qu'objet de consommation universitaire, contribue malgré lui à gêner l'étude des régimes autoritaires.

Pourtant, au plan de l'analyse de la modernisation conservatrice, l'apport de l'approche infrastructure^ est irremplaçable. En identifiant avec précision les alliances de classes sous-jacentes aux situations autoritaires et l'orientation de leur action économique, elle semble plus aisément pouvoir se dégager des fausses problématiques de la modernisation et montre comment on peut « tout changer pour que tout reste pareil », selon l'heureuse formule que Tomasi di Lampedusa prête, dans Le Guépard, à son héros Tancrède, aristocrate confronté aux transformations profondes qui affectent l'Italie du Risorgimento. L'école marxiste ne détient pas le monopole de ce genre de démonstration (16, 31, 45, 68, 70, 91), encore que ses concepts y ajoutent plus de rigueur (95, 98, 113) et s'étendent éventuellement aux cas similaires de restructuration de la dépendance (13, 36, 80).

D'une manière plus générale, la théorie marxiste reconnaît que tous les mouvements superstructuraux ne sont pas organiquement liés à la structure de classes, et le concept d'autonomisation de l'Etat valorise ce constat en ce qui concerne les situations autoritaires. La reproduction des contradictions de classe au sein des appareils d'Etat s'effectue « de façon spécifique et médiatisée en épousant les caractères propres de chaque appareil et leurs fonctions » (121, p. 217). Il n'empêche que pratiquement, l'approche infrastructurelle a tendance à ne pas reconstituer la sphère politique dans toute sa richesse. Le rapport de la société politique aux classes sociales est le plus souvent considéré sous la forme d'une relation d'extériorité : loin d'être pensées simultanément, infrastructure et superstructure sont implicitement posées comme des entités distinctes. Ceci conduit la plupart des auteurs marxisants à ne dégager que la genèse, la nature de classe et/ou les outputs socio-économiques des ré-

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gimes autoritaires et à oblitérer le niveau des appareils d'Etat (les ouvrages de J. Markakis (34) et de N. Poulantzas (121) offrant les deux meilleures exceptions à cette pesanteur). Enfin, dans les cas les plus favorables, la superstructure est étudiée en tant que produit des rapports sociaux de production, ou en tant que mouvement relativement autonome, mais jamais (si l'on excepte quelques pages chez Abdallah Laroui (84)) dans sa dimension organique constitutive de la structure : de ce point de vue, l'ignorance dans laquelle est tenue l'œuvre de Gramsci n'est évidemment pas indifférente.

Ces remarques nous renvoient à une critique plus générale des divers modes d'approches externes. D'une manière ou d'une autre, au plan de la recherche appliquée, ceux-ci ont tendance à postuler la séparation du système politique de son environnement. Or les structures et les contradictions propres à cet environnement ne sont pas à l'extérieur du système politique et n'agissent pas ainsi sur lui : elles se répercutent en son sein même (19, 121).

Les pages qui précèdent ont mis en valeur l'extrême hétérogénéité des modes d'appréhension des situations autoritaires et leur fréquente irréductibilité théorique. La lecture comparative de travaux traitant du même sujet mais d'obédiences divergentes (par exemple, les études de A. von Lazar (47) et de N. Poulantzas (121) sur le déclin des autoritarismes, ou les ouvrages de H. Bienen (26) et de C. Leys (32) sur le Kenya) est à cet égard révélatrice. Aussi bien, il ne convient pas de déterminer une approche idéale. Seule la pluralité des démarches est véritablement féconde, et nombre d'auteurs l'ont compris, qui associent plusieurs d'entre elles dans le cadre d'un même ouvrage. C.A. Astiz (78) offre une remarquable tentative de cet ordre en greffant les concepts structuro-fonction- nalistes sur une problématique infrastructurelle. En attendant que prenne de l'ampleur l'effort théorique et méthodologique visant à retrouver l'unité de l'action sociale, le cumul des approches demeure la meilleure garantie scientifique.

Les sites d'étude

Le choix des sites d'analyse apporte un dernier critère de différenciation des études ayant trait aux situations autoritaires. Bien qu'il n'en soit évidemment pas ainsi d'un point de vue théorique, ce mode de di

scrimination, au niveau de la recherche appliquée, semble relativement indépendant du type d'approche utilisé et de son orientation sous-jacente :

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il recoupe assez largement l'éventail des différentes écoles en présence. L'analyse globale du régime, au niveau macropolitique, est à la base de

quelques-uns des meilleurs travaux cités dans notre sélection bibliographique (30, 32, 34, 42, 54, 64, 68, 78, 87, 89, 90, 92, 109, 119, 123...). Elle se limite chez certains à la genèse (53, 104, 129) ou aux processus de remise en cause (47, 121) de la situation autoritaire. A l'opposé de l'analyse macropolitique, à un plan horizontal, interviennent les études locales. C. Coulon (27) a souligné leur intérêt à propos de la recherche africaniste, et la remarque mérite d'être étendue à l'ensemble de notre champ de prospection. Les carences qui caractérisent les divers courants de la science politique et que nous avons évoquées trouvent en grande partie leur origine dans le cadre de référence de PEtat-nation, retenu par la majorité des études macropolitiques ou segmentaires. Certains auteurs d'analyses macropolitiques l'ont compris, qui n'hésitent pas à ouvrir une parenthèse dans la suite de leur développement en y incluant une étude de cas locale (38, 76) ou en consacrant des pages fournies à la base du système politique (22, 34, 70, 74, 89, 116, 120). D'autres vont plus loin en faisant d'une ville, d'une région ou d'un village le site exclusif de leur recherche, à l'instar de G. Althabe (21), de R.R. Fagen et W.S. Tuohy (72) et de A. Ugalde (77). Leur démarche, qui prend souvent la forme d'une enquête, peut y trouver une rigueur méthodologique inusitée. En outre, la connaissance plus approfondie du sujet qu'elle procure est propice à la mise en valeur du fonctionnement réel du régime, des phénomènes de domination, de la pratique politique des masses, et, de ce fait, à l'énoncé de thèses critiques à l'encontre des courants dominants de la science politique. Parce qu'elles rompent la routine et disent ce que les autres taisent, l'apport des études locales est inestimable.

Il est enfin possible d'isoler un segment du système ou du régime et de restituer, plus ou moins complètement, à partir de celui-là, la situation autoritaire dans son ensemble. L'interprétation de régimes en termes de classes sociales sur la base de l'analyse critique du contenu et de l'orientation de leurs outputs économiques ou de leur discours idéologique a d'ores et déjà donné l'exemple d'une telle option. Mais la gamme des approches segmentaires est très vaste. Le chercheur peut tout d'abord se pencher sur les forces qui animent le système politique. L'organisation politiquement dominante constitue un premier objet privilégié, qu'il s'agisse de l'armée (33, 66, 100, 110, 132), du parti unique (28, 37, 40, 89, 104, 126), des partis dominants (39), de la bureaucratie (102, 105, 116) ou même, dans le cas turc, de l'assemblée nationale (97). Elle peut alors servir à identifier, à caractériser et à rétablir dans sa totalité la situation autoritaire considérée. L'utilité de ce type d'études est incontestable. Indispensables à la compréhension monographique des

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cas particuliers d'autoritarismes, elles semblent également, dans un premier temps et dans une certaine mesure, avoir favorisé la recherche comparative. La notion de régime militaire, l'idée d'une activité et d'une orientation politiques propres aux armées ont notamment inspiré de nombreuses analyses ou interprétations par aires géographiques et/ou culturelles, à l'échelon de l'Asie et des pays arabes, puis à la dimension du continent latino-américain, enfin à l'échelle africaine. Parmi les plus récentes de ces études, mentionnons celles de E. Feit (4) et de A.C. Ste- pan {in 67), ainsi que le livre dirigé par P.C. Schmitter, non cité dans notre sélection bibliographique : Military rule in Latin America, Beverly Hills, Sage Publications, 1973. Les monographies relatives à ce sujet s'en sont trouvées enrichies, ou tout au moins ont vu s'élargir leur cadre de référence. En revanche, en ce qui concerne les partis uniques et dominants, la contribution comparative des analyses d'organisations s'est révélée modeste : la problématique des partis uniques en Afrique a négligé les expériences lointaines que proposaient le Mexique (72, 75, 77), Singapour (104), la Corée (106), voire même le Brésil ; inversement, les travaux des africanistes sur ce thème sont peu connus des spécialistes des autres régions. Plus généralement, la valorisation des organisations politiques dominantes et de la notion de régime a inhibé la comparaison entre situations autoritaires institutionnellement hétérogènes mais néanmoins similaires.

Quoi qu'il en soit, la reconstitution des situations autoritaires à partir des organisations apparemment dirigeantes n'est pas toujours facile ni légitime. Le site d'analyse alors retenu est souvent entaché de juridisme et de formalisme. Il n'offre qu'un critère imparfait de caractérisation des autoritarismes : quels sont les instruments de mesure exacts qui permettraient de déterminer une situation de parti unique ou de parti dominant ? Où commence la « réalité » du pluralisme ? Quand un régime cesse-t-il d'être militaire ? Autant de faux problèmes qu'illustrent une multitude de cas douteux, du Zaïre à l'Indonésie, de la Corée à la Colombie. D. Martin et T. Yannopoulos (35) suggèrent d'une manière révélatrice, au sujet de l'Afrique noire, qu'il serait préférable de raisonner en termes de « régimes issus de coups d'Etat militaires » tant la participation des civils à ceux-ci est décisive. En fondant leur démarche sur les expressions politiques les plus manifestes, les approches par organisations politiques dominantes reposent en partie sur des illusions qui tendent à occulter l'extrême diversité et la complexité des situations : illusion de l'uniformité du phénomène militaire ou des systèmes de parti unique, illusion de l'homogénéité des aires de comparaison, voire même, comme le montrent A.R. Zolberg (43) et C. Cou- lon (27), illusion de l'hégémonie de l'organisation dirigeante. S.P. Hun-

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tington et C.H. Moore (6) présentent un cas extrême de ces réductions simplistes en rangeant côte à côte, sous le même vocable de « système de parti unique », des fascismes, des régimes socialistes, des dictatures de droite et divers cas ambigus. Enfin, les structures que ce type de démarche privilégie sont relativement contingentes et interchangeables, quelle que soit par ailleurs leur dynamique propre.

Aussi les études d'organisations politiques dominantes ont-elles une valeur heuristique limitée. Bâties sur des généralisations contestables, elles se dessèchent rapidement en un discours désincarné. Le débat sur le rôle « modernisateur » des armées n'en est pas le seul exemple. I. Wallerstein (40), qui s'était d'abord érigé en zélateur des systèmes africains de parti unique, a été amené ultérieurement à parler à leur propos de « no-party state », bientôt rejoint par un article vengeur de S.E. Finer (28). En réalité, le parti unique africain ne méritait ni cet excès d'honneur, ni ces outrages. Les études monographiques (24, 26, 30, 82, 87, 89) ne confirment aucune des deux thèses, et l'ambivalence des partis uniques était très tôt perceptible (37, 42) : ceux-ci demeurent les institutions populaires de régimes à prédominance bureaucratique et conservent à ce titre d'importantes fonctions (43).

De plus, le choix de l'organisation politique apparemment dirigeante comme site d'étude privilégié entraîne presque toujours une exagération de l'importance de celle-ci et de ses caractéristiques internes au sein du système politique, même chez les auteurs comme R. Luckham (33), A.C. Stepan (66) ou S.J. Kim (110) qui prétendent pondérer le poids respectif des facteurs « organisationnels » et « environnementaux ».

De ces études d'organisations nous devons rapprocher les analyses, généralement par voie d'enquêtes, du personnel politique au pouvoir, menées dans une optique à dominante qualitative (90, 91, 115, 117) ou, inversement, dans une perspective quantitative (33, 66, 96, 97). Ces travaux poursuivent des objectifs divers : la plupart d'entre eux accordent une place plus ou moins grande à l'origine de l'élite (15, 33, 66, 96, 97, 110) ; certains auteurs, tel J. Linz (15), R. Luckham (33), A.C. Stepan (66), S.J. Kim (110), se penchent sur l'organisation et les clivages internes à celle-là ; d'autres se préoccupent des attitudes politiques et/ou culturelles avec L.W. Pye (115), M. Zonis (96), J.A. Bill (91), des systèmes manifestes de croyance et de valeurs, à l'exemple de J.C. Scott (117), ou au contraire des modèles latents de comportement à l'instar de J. Waterbury (90). Le plus souvent, ces études suivent des règles méthodologiques et soulèvent des problèmes théoriques spécifiques que l'on ne saurait aborder dans le cadre de cet article. Pour ce qui nous concerne directement, les analyses empiriques du personnel dirigeant paraissent pouvoir contribuer à éclairer des hypothèses précises, telles que l'existence d'un type d'élite gouvernante propre

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aux régimes autoritaires dont fait état J. Linz (15), ou, comme chez L.W. Pye (115), F.W. Frey (97), L.L. Roos et N.P. Roos (102), J.C. Scott (117), la légitimité de la distinction entre « bureaucrates » et « politiques » qu'établissent sous une forme ou sous une autre certaines spéculations théoriques (2) et études monographiques (24, 108). Plus généralement, dans la mesure où elles débordent le cadre d'étude qu'elles s'étaient primitivement assigné, elles véhiculent une compréhension intime des rouages internes à la situation autoritaire considérée : de ce point de vue, les ouvrages de M. Zonis (96), J.A. Bill (91), F.W. Frey (97), J. Waterbury (90) sont exemplaires. Mais, en réduisant le système politique à la seule couche gouvernante et à ses institutions, ces travaux tendent à surévaluer le poids explicatif des caractéristiques internes de « l'élite » aux dépens des autres facteurs structurels (comme chez R. Luckham (33), A.C. Stepan (66), J.C. Scott (117), SJ. Kim (110)) et à laisser dans l'ombre les classes subordonnées et « la classe dominante non tenant de l'appareil d'Etat » selon la formule de N. Poulantzas (33, 66, 96, 97, 115, 117). En bref, au même titre que les études d'organisations politiques dominantes, avec lesquelles elles se confondent d'ailleurs souvent (33, 66, 97, 102, 110), les analyses empiriques du personnel dirigeant semblent prisonnières de la définition la plus étroite et la plus traditionnelle du politique. Alourdies par la complexité de leur appareil méthodologique, elles oblitèrent aisément les autres dimensions théoriques envisageables — le livre de J.A. Bill (91) faisant exception, dans notre sélection bibliographique.

Les travaux consacrés aux idéologies se rangent assez naturellement aux côtés des études ayant trait aux organisations et aux personnels dirigeants, tant le concept d'idéologie est abusivement rattaché à la notion d'élite chez la plupart des auteurs. Seuls dans notre sélection bibliographique, G. Althabe (21), J.L. Peacock (114) et, moins nettement, J. Leclerc (111) se démarquent de cette propension et s'attachent à rendre compte de l'idéologie des masses populaires en situations autoritaires. Tout en se cantonnant pour l'essentiel aux idées, au discours et aux représentations politiques des catégories gouvernantes, des contributions comme celles de A. Kazancigil (99), A. Laroui (84), J. Leclerc (111), Y. Benot (25), M. Schooyans (65) retrouvent les autres niveaux du système politique en extrayant de la superstructure l'infrastructure sous-jacente au régime autoritaire, suivant la ligne de recherche que nous avons précédemment mentionnée.

Cependant, les forces politiques intégrées aux régimes ne sont pas les seules à animer les systèmes autoritaires. J. Linz (15), en remarquant que ceux-ci permettent « l'expression d'un pluralisme limité et non responsable » (p. 297), suggérait assez tôt l'idée de modes d'activité politique oppositionnelle qui leur seraient spécifiques. Dans une contribution ultérieure (127), il développe cette perspective pour distinguer et décrire

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différents types de semi-opposition, de pseudo-opposition, d'opposition « alégale » et illégale dans l'Espagne franquiste. Dès lors, l'appréhension de la situation autoritaire par l'intermédiaire de semblables forces non constitutives du régime paraît légitime : J.A. Bill (91) consacre l'essentiel de son ouvrage à l'étude des classes moyennes hostiles ou réservées à l'encontre du Shah d'Iran ; et G. Hermet (125) envisage le franquisme sous l'angle du Parti communiste espagnol. Un premier thème se dégage de ces travaux : les forces d'opposition aux régimes autoritaires, tout en contestant ceux-ci, contribuent souvent à leur fonctionnement et à leur maintien (125, 127). D'autre part, et plus typiquement, la forme répressive du gouvernement et l'effort de dépolitisation qu'il entreprend (15, 63) impliquent l'émergence d'expressions oppositionnelles de substitution que G. Hermet, S. Cerqueira, J.-F. Bayart (17), G. Althabe (21) étudient par exemple au plan des organisations et des mouvements religieux.

Plutôt que d'observer les organisations politiques, intégrées ou non au régime, le chercheur peut enfin porter son attention sur la physiologie de la situation autoritaire. Il la considérera, alors, à travers le prisme de l'une des grandes questions politiques ou économiques qu'affrontent les autorités avec, avant tout, la question agraire, étroitement liée à la structure de classes de la plupart des autoritarismes et qui offre de ce fait une procédure commode de reconstitution du niveau macropolitique global (38, 69, 95), ou par le biais d'un processus fonctionnel interne au régime, tels le recrutement du personnel dirigeant (15), les règles du jeu politique (71), la résolution des conflits (77), la prise de décision (38, 122), la représentation des intérêts (62, 133), l'institutionalisation (60), la « décompression » politique (47), certains modes caractéristiques de suppléance fonctionnelle (17).

Il apparaît, en définitive, que les conceptions libérales traditionnelles continuent à influencer le choix des sites d'analyse : les institutions, les organisations et les processus les plus formels, le cadre de l'Etat-nation sont valorisés par la quasi-totalité des auteurs, aux dépens de l'étude de la dynamique politique latente aux yeux des sciences sociales établies. La plupart des travaux disponibles reposent implicitement sur une vision fragmentaire et statique du système social, non sur le postulat de son unité en action. Aussi des pans entiers de la réalité sociale sont-ils actuellement négligés, qui constitueraient pourtant de remarquables postes d'observation des situations autoritaires : telle la société civile, ainsi que le suggèrent les contributions stimulantes de G. Althabe (21, 22), K.F. Johnson (75), N. Jacobs (93), P. Vieille et A.H. Banisadr (95), J.L. Peacock (114), ou les réflexions théoriques de Gramsci, de A. Tou- raine (19) et de N. Poulantzas (13, 121).

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La présentation des différents modes d'analyse des régimes autoritaires conduit à formuler quelques remarques d'ordre général. Il convient, en premier lieu, de souligner la distorsion qui survient entre la réflexion théorique et les travaux d'application. Chaque approche essuie un certain nombre de critiques de base, auxquelles la théorie le plus souvent répond dans l'abstrait, sans que la recherche appliquée puisse pour autant les surmonter. Cela est frappant dans les démarches d'inspiration marxiste mais vaut également pour les autres courants. Tout se passe comme si les constructions théoriques étaient condamnées à se voir appauvries et à se vider de leur substance au moment de leur mise en œuvre. Et force est de reconnaître que le niveau théorique et méthodologique et l'intérêt de la réflexion de la majorité des études spécifiques que nous avons rencontrées sont médiocres.

En second lieu, peu de travaux, en définitive, étudient les régimes autoritaires en tant que tels, dans l'une ou l'autre de leurs dimensions — et ce, en dépit de leur irréductibilité reconnue. La plupart des études ne servent qu'indirectement cette préoccupation. Elles déduisent alors leur propos sur l'autoritarisme de considérations plus vastes sur le développement, la lutte des classes, la nature de l'autorité et de la légitimité politiques ou, dans le cas de la recherche empirique, se penchent sur des Etats dont les régimes sont autoritaires ou qui connaissent des situations autoritaires. Cette constatation devrait naturellement inciter à élaborer des stratégies de recherche opératoires spécifiques.

Le problème de la délimitation du phénomène autoritaire, en particulier, se pose. De nombreux auteurs, qu'ils soient d'obédience « déve- loppementaliste » ou marxiste, ou qu'ils suivent une démarche indépendante, distinguent des sous-types d'autoritarisme. Soucieux d'exposer diverses approches méthodologiques qui dépassent ces classifications internes, le présent article a plutôt insisté sur l'unité du phénomène. Mais la recherche empirique ne peut reposer que sur la définition de champs d'analyse homogènes et cohérents.

Enfin, les échanges scientifiques entre spécialistes des diverses aires géographiques et culturelles sont restreints. Ces dernières fournissent encore les cadres privilégiés des travaux disponibles. Chacune d'entre elles semble dominée par des ouvrages de référence, des modèles et des problématiques propres qu'investissent et assument, dans un second temps, les grands courants méthodologiques. Cet enclavement rend indispensable la démarche comparative. Plus généralement, toutes ces remarques appellent un effort méthodologique renouvelé et adapté à une meilleure compréhension des situations autoritaires. Notre espoir est d'y avoir contribué, ne serait-ce que modestement.

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Ouvrages généraux et/ou théoriques *

Approche « développementaliste »

(1) Almond (Gabriel Abraham), Powell (G. Bingham) Jr. — Comparative Politics. A developmental approach. An analytic study. — Boston (Mass.), Little, Brown, 1966, xvin-348 p. Index. (The Little, Brown series in comparative politics).

(2) Apter (David Ernest). — Choice and the politics of allocation. A mental theory. — New Haven (Conn.), Yale University Press, 1971, x-212 p. Index.

(3) Eisenstadt (S.N.). — « The development of socio-political centers at the second stage of modernization », International Journal of Comparative Sociology, 7 (1-2), march 1966, pp. 119-137.

(4) Feit (Edward). — The Armed Bureaucrats. Military administrative regimes and political development. — Boston, Houghton Mifflin, 1973, vin- 199 p. Bibliogr.

(5) Hungtington (Samuel Phillips). — Political order in changing societies. — New Haven (Conn.), Yale University Press, 1968, xiv-488 p. Index. (Harvard University Press. Center for International Affairs).

(6) Huntington (Samuel Phillips), Moore (Clement Henry) ed. — tarian politics in modern society. The dynamics of established one party systems. — New York, Basic Books, 1970, x-533 p. Index.

(7) Organski (Abram. F.K.). — The stages of political development. — New York, A.A. Knopf, 1965, xiv-23-vi p. Bibliogr. Index.

(8) Shils (Edward Albert). — Political development in the new states. — Gravenhage, Mouton, 1962, 91 p. (Extrait de Comparative studies in society and history) II (1959-1960).

Approche marxiste (9) Amin (Samir). — L'accumulation à l'échelle mondiale. Critique de la

théorie du sous-développement. — Dakar IFAN ; Paris, Anthropos, 1970, 592 p.

(10) Amin (Samir). — Le développement inégal. Essai sur les formations ciales du capitalisme périphérique. — Paris, Ed. de Minuit, 1973, 367 p. Bibliogr.

(11) Franck (André Gunder). — Le développement du sous-développement : l'Amérique latine. Traduit de l'anglais par Christos Passados. — Paris, Maspero, 2e éd. augm., 1972, 400 p. Bibliogr. (Textes à l'appui).

(12) Poulantzas (Nicos). — Pouvoir politique et classes sociales de l'Etat capitaliste. — Paris, Maspero, 1968, 399 p. (Textes à l'appui).

(13) Poulantzas (Nicos). — Les classes sociales dans le capitalisme d'hui. — Paris, Ed. du Seuil, 1974, 364 p. (Sociologie politique).

* Cette bibliographie présente les ouvrages dans l'ordre de leur évocation dans le texte et, en même temps, les rassemble par aires géographiques. Cela explique que l'ordre numérique est parfois rompu pour les ouvrages qui, du fait de leurs caractères généraux et/ou théoriques, sont numérotés dans la première rubrique mais sont aussi « rappelés », avec leur premier numéro, dans leur rubrique « géographique ».

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Approches indépendantes (14) Jaguaribe (Helio). — Economie and political development. A theoretical

approach and a Brasilian case study. — Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1968, x-202 p. Index.

(15) Linz (Juan). — « An authoritarian regime : Spain », pp. 291-341. in : Allardt (Erik), Littunen (Yrjo) ed. — Cleavages, ideologies and party systems. Contributions to comparative political sociology. — Helsinki, The Academic Bookstore, 1964, 464 p. (Transactions of the Westmarck Society. Vol. X).

(16) Moore (Barrington) Jr. — Les origines sociales de la dictature et de la démocratie. (Social origin of dictatorship and democracy : Land and peasant in the making of the modern world). Traduit de l'anglais par Pierre Clinquart. — Paris, Maspero, 1969, 432 p. Bibliogr. (Textes à l'appui).

(17) « Organisations (Les) catholiques et protestantes comme forces tiques de substitution », Revue française de science politique XXIII (3), juin 1973, pp. 439-536. (Contributions de Guy Hermet, Silas Cerqueira, Jean-François Bayart).

(18) Schmitter (Philippe C). — « Still the century of corporatism ? », The Review of Politics, 36 (1), January 1974, pp. 85-131.

(19) Touraine (Alain). — Production de la société. — Paris, Ed. du Seuil, 1973, 543 p. Index. (Sociologie).

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