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Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 5 AFRIQUE Congo Congo Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 4 AFRIQUE Congo Congo Congo Congo

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Un problème en chasse un autreÀ Kinshasa, la capitale de l’ancien Zaï-

re (actuel Congo), mes bagages disparu-rent ; je m’envolai quand même le lendemain pour Kananga. Ils devaientm’y être envoyés… mais après une se-maine de préparatifs pour l’expédition, je n’en voyais toujours pas la couleur.Sur un coup de tête, je décidai de reveniren avion et les retrouvai au beau milieude plusieurs centaines de sacs et de valises perdus, dans un entrepôt quasi-désaffecté.

De retour à Kananga, avec le soutien dela Cooperation Regional Kasai Occiden-tal, et au volant d’une jeep flambant neu-ve appartenant au Projet Pisciculture Fa-miliale, j’empruntai la seule route quimenait à l’est. Bien qu’il n’y ait pratique-ment pas de circulation, j’apercevais deloin en loin l’épave d’une voiture dans lefossé. Lors d’une première tentative surce trajet, mon propre véhicule avaitd’ailleurs connu le même sort. La routeétait à ce point périlleuse que la prendrene pouvait s’envisager qu’en casd’extrême nécessité, avec un véhicu-le à quatre roues motrices et à la sai-son sèche.

J’atteins en soirée le lac Mukamba,autrefois villégiature des fins de se-maine de Kananga. À l’image de lamajeure partie de la région, le lacétait dépourvu de tout bosquetd’arbres un tant soit peu remar-quable (hormis quelques palmiers, lavégétation de la région de Kasaï se limiteà une savane sèche). Une petite enquêterévéla que la faune et la flore naturellesde ce lac avaient été éradiquées par l’in-troduction de poissons tilapias. Mais lespécimen le plus gros que j’attrapai nemesurait que 6 cm ; alors que ces pois-sons, qui ont été introduits un peu partout sous les Tropiques, mesurent normalement entre 35 et 40 cm.

Mukamba passé, la route se fit encoreplus étroite et à peine praticable. Les derniers 50 km jusqu’au lac suivant meprirent une journée et une nuit. J’étaiscomplètement perdu quand soudain, unevallée plantée de grands arbres verdoyants apparut dans la savane. Il n’y avait pas d’accès visible. Mais, tandis que la nuit tombait, je finis malgrétout par arriver à la baie. Le spectacle effaça alors les épreuves des dix derniers jours.

L’eau était en feuLes rayons du soleil couchant péné-

traient la surface de l’eau et teintaient lavégétation aquatique de rouge sang. Onaurait dit que l’eau était en feu et que lesplantes ondulaient au rythme desflammes pendant que d’innombrablespoissons nageaient au milieu de « l’in-cendie ». Ces joyaux, ces petites tachesde couleurs évoluant dans un jardinaquatique onirique – mais en mêmetemps parfaitement naturel – me remé-morèrent mon enfance. C’était en 1947,j’avais juste fait mes trois ans et les sé-quelles de la Seconde Guerre Mondialeétaient partout. Ma mère, Amanda, quiavait été une « force motrice » dans la re-construction du zoo de Francfort, organi-sait alors la première exposition d’aqua-riums. Je me tenais fièrement debout (jevenais juste d’apprendre à marcher) faceà un énorme aquarium. Pour la premièrefois, je voyais un paysage d’un genre fas-cinant. Un jardin subaquatique danslequel des poissons glissaient ici et

là tels des bijoux somptueux. Et impos-sible d’attraper ces taches de couleurs vi-vantes : la cuve était bien trop haute. Jerestais en admiration, ma mâchoire infé-rieure béant de plus en plus, et seul l’ap-pel de ma mère – « Heiko, ferme labouche avant qu’une mouche n’yentre ! » – m’avait réveillé.

Là, en Afrique, bien des années plustard, il me fallut encore un certain tempsavant de revenir sur terre. Cette premièreimpression du lac Fwa est quelque choseque je n’oublierai jamais, aussi long-temps que je vivrai. La présence du para-site de la bilharziose dans ses eaux nesuffit pas à raisonner mon envie irrépres-sible d’y plonger. Équipé d’un masque,d’un tuba et d’une puissante lampe sous-marine, je m’élançai dans l’eau et nageaià travers les paysages de la végétationaquatique. Passant devant d’étonnantesformations rocheuses, au-dessus d’éten-dues de sable blanc comme neige, entre

À deux reprises, j’ai eu la chance d’accéder à ce lac reculé de Fwa, de l’actuelle République Démocra-tique du Congo, ancien Zaïre. Avec la possibilité d’en ramener pour la première fois quelques uns des ci-chlidés les plus beaux (et les plus colorés) que l’aquariophilie ait jamais vus. Thorachromis brauschi (1),anciennement Haplochromis, était l’un d’eux. Le seul moyen d’accès au Lac Fwa est l’avion jusqu’àKananga, puis la voiture (pour peu qu’il y en ait une à Kananga...) sur 150 km vers l’est, sur une piste àpeine existante (2). Alors, avec de la chance, on approche le lac (3).

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Il est des endroits sur Terre qui semblent n’exister que dans l’imagination humaine et parmi eux, il existe un lac au cœur de l’Afrique qui dépasse les limites de cette imagination.

Un monde aquatique unique, fascinant ; un lac de rêve ; le lac Fwa. Situé dans le royaume africain des poissons d’aquarium…

Texte et photos : Heiko Bleher

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Découverte d’un lac de rêve

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les longues feuilles de Vallisneria, sousdes troncs d’arbres broutés par les pois-sons et peuplés par d’innombrables cre-vettes minuscules, je n’aurais plus vouluressortir.

Cette nuit-là, je restais étendu à la belleétoile sur la rive, incapable de trouver lesommeil. Était-ce un rêve ? Un lac à cepoint fantastique, complètement épar-gné ? Personne ? Pas la plus infime tracede civilisation ? Les études du BelgeJ. Schwetz en 1946, révélant l’infestationde Bilharzia avaient-elles eu un effet aus-si radical ? Était-ce pour cela que ce lacavait disparu des cartes ? Les questionss’enchaînaient sans réponses.

Je ne disposais que de deux jours. Pourcette raison, j’avais résisté à retournerdans l’eau et me trouvai, dans lebrouillard du petit matin, en compagnied’un indigène qui vivait non loin de là,dans sa pirogue qui prenait l’eau. Tandisque j’écopais, il poussait son embarcationà l’aide d’une longue perche. Le soleil selevait, le lac Fwa se réveillait et avec luisa flore et sa faune. Les poissons bondis-saient de l’eau joyeusement (à moinsqu’ils ne chassaient), des papillons colo-rés voletaient d’une splendide orchidée àune autre, des crabes rouges détalaient aufond de l’eau en formant des ronds à lasurface et de désagréables guêpes noires,aux parties intimes colorées de jaune, metournaient autour en bourdonnant. Ungroupe de singes s’enfuit en sautant à tra-vers les cimes des arbres. Les grenouillesrestaient coites.

Arrivé à un endroit, le lac ressemblaitdavantage à une rivière, s’écoulant rapi-dement vers le nord,encadré par desfeuilles géan tes de Co-locasia. Des pieds dePandanus dépassaientde l’eau, plus hautsque la plupart desarbres, et les fougèresétaient les plus grossesque je n’avais jamaisvues. Des philoden-drons pen daient desarbres qui nous sur-plombaient, tandis qued’autres plantes grim -pantes compléta ientcet te rive uni que. Sousl’eau, le spec tacle étaitde la même qualité. Lepaysage du fond alter-

nait d’interminables massifs gras et ver -doyants de Vallisneria géante, ponctuésd’étranges affleurements rocheux sem-blant tombés de la lune, de dunes desable blanc et de formations de laverouge.La richesse des plantes aquatiques était

immense. Les genres Lagarosiphon, Po-tamogeton, Nymphaea, Nuphar et Otteliay étaient tous représentés, associés àd’autres, innombrables fougères aqua-tiques et plantes flottantes, dont j’ignoraisle nom. Le tout mêlé à des millions depoissons. Les cichlidés prédominaient,évoluant principalement en larges bancs.Je vis aussi des spécimens solitaires d’unhaplochrominien exceptionnellement co-loré, le plus grand cichlidé du lac, que jebaptisai « Poisson Picasso », en homma-ge à ce peintre qui était bien le seul au

monde à pouvoir créer une telle combi-naison de couleurs.

La pirogue délabrée était plus en trainde sombrer qu’autre chose, mais la trans-parence du lac était telle que nous avionsl’illusion d’être suspendus dans les airs.Dans le peu de courant des eaux de labaie, un poisson de fond de 5 cm delong, une espèce de Garra, pouvait êtreclairement visible, même à une profon-deur de 15 m. Cela dit, il valait quandmême mieux arriver…

Je plongeai avec mes palmes et passaiprès de six heures à explorer. Sous lesplantes flottantes (Pistia stratiotes), jetrouvai des cichlidés à ventre rouge sang(Hemichromis sp.), entourés de centainesde petits poissons. Autour des formationsrocheuses (qui ressemblaient à celles dujardin du temple Tenryuji de Kyoto, en

relativement plus anciennes toutefois, lesjaponaises n’ayant pas été construitesavant 1339…), des centaines de cichlidésde couleur sombre à noire et à la nageoi-re dorsale d’un jaune d’or éclatant, na-geaient à la verticale pour brouter les ro-chers. D’autres, bandes longitudinales argentées, opercules vert émeraude, na-geoires rouge rosé et à dorsale noir ve-louté bordée de blanc, défendaient leursfemelles. Ces dernières, presque sanscouleurs, portaient jusqu’à cinquante ale-vins d’1,5 cm de long dans leur gueule,ne laissant aller leurs rejetons que pourleur permettre d’uriner sous le couvertdes gros rochers, et les aspirant à nou-veau sitôt qu’un danger menaçait. Deleur côté, les mâles exhibaient la splendi-de parure de leurs nageoires, la tache jau-

ne et étirée de l’anale particulièrementimportante, et chassaient tout intrus. Cepoisson fut décrit par Poll en tant qu’es-pèce monotypique et baptisé Schwetzo-chromis neodon ; à l’instar de toutes lesautres espèces de cichlidés présentes, elleest endémique (en d’autres termes, ellene se trouve que dans ce lac).

Tandis que tous ces poissons habitentprincipalement les zones rocheuses,d’autres se trouvent exclusivement surles fonds sableux. Ceux-là, conduits parun individu dominant, fouillaient le sableà la recherche de micro-organismes (fau-ne interstitielle). Inlassablement, ils s’af-fairaient à prendre des bouchées de sable,qu’ils tamisaient avant de recracher. Jerestai allongé sur le fond, complètementimmergé, et en laissai des centaines pas-ser sur moi. C’était fascinant de noter àquel point tous les individus à l’excep-

tion de leur chef s’adaptaient complète-ment à la couleur du sable blanc. Lui, arborait un brun foncé séduisant avec des nageoires jaunes et des bandes sur la longueur. Il nageait principalement en avant et au-dessus du banc, ne s’écartant que siun rival survenait.

D’autres encore (une possible petite Tout le long de cette routeaffreusement poussiéreu se,nous avons collectionné lesproblèmes mécani ques (1).Dans un campement in-digène, le réservoir d’huilese boucha et notre chauf-feur le dé pous siéra en « soufflant » (2). Les peu-plades, éloi gnées de toutecivilisation, construisaientleurs huttes avec desmatériaux natu rels, ici desbriques faites d’argile (3).

Le lac possède une eau cristalline qui de toute partlaisse voir le fond. Ici, un endroit avec des roches,derrière de grandes implantations de Vallisneriaaethiopica (1). Sous l’eau, tout reste visible. Ici,Ceratophyllum demersum en avant-plan et des centaines de cichlidés au-dessus du sable blanc(2). Le lac Fwa est constitué d’un lac supérieur etd’un lac inférieur. Le terrible courant qui agite leseaux à l’approche du lac inférieur apparaît clairement sur cette photo subaquatique (3).

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espèce d’Haplochromis) vivent seule-ment parmi les plantes, trouvant là al gueset micro-organismes pour se nour rir, maisaussi un abri pour les groupes de juvé-niles. La plus grande créature nageantedu lac, une espèce de Labeo aux alluresde carpe, semble elle ne pas consommerles feuilles des plan tes. Ce poisson griset inoffensif, qui peut atteindre une taillede 65 cm, possède un long museau poin-tu et une bouche ventouse munie d’or-ganes sensoriels. Son corps est ponctuéde grandes taches, rouge vif et presquerondes, sur chaque écaille. Moins paci-fiques sont les characiformes du groupeHydrocynus, que l’on surnomme parfoispoissons-tigres. Leurs bouches sont ar-mées de très grandes dents, acérées etemboîtées à la manière de celles deschats, et ils ont de quoi vous faire froiddans le dos – même si leurs proies se résument essentiellement à des poissons.

Le fort courant du milieu du lac,contre lequel il était impossible de nager, m’entraîna quelques kilomètresen aval, jusqu’à un rétrécissement. Ici,le lac supérieur, qui avait jusque là 100 à 300 m de large, ne faisait plusqu’une largeur de 12 m. et perdait enprofondeur à l’approche d’une sorte dechute d’eau. La soirée venue, toujoursaussi peu reposée mais incroyablementheureux, j’allumai un feu de camp surla rive de la baie, tandis qu’un jeunegarçon m’apportait une paire de poissons qu’il avait pêchés. Je leséchangeai contre un peu de potage allemand.

Le lac Fwa doit sa limpidité au fait queses seuls affluents sont de nombreusessources souterraines, certaines d’entreelles importantes. La puissance avec la-quelle l’eau claire émerge des roches etdes failles est considérable. À certains

endroits peu profonds, cela crée un effetde fontaine, avec de l’eau jaillissant au-dessus des rochers. En d’autres points,nombreux, où le fond n’est que sableuxet sans obstacles, l’eau y bouillonne. Le lac possède un seul déversoir à sonextrémité nord. Mais je ne le vis quedeux ans plus tard.

Lors de ce retour dans les années 90,la situation se révéla bien différente.J’avais l’intention de passer cette fois-ci quatorze jours sur le lac de rêve,avec les provisions nécessaires et accompagné de deux très bons amis :l’éleveur de cichlidés et connaisseur dela Tanzanie, Peter Schupke de Bavière,et l’expert forestier Karlheinz Freitag.Mais au cours de cette expédition, toutallait mal tourner, d’une manière malheureusement symptomatiquede la partie la plus sombre de

l’Afrique...

Sur le site du lac, aucun indigène n’est présent, ni quique ce soit d’autre. On n’y trouve pas plus de bateau oud’autre trace d’activité humaine, à l’exception dequelques pirogues fabriquées par des indigènes vivantloin de là et qui viennent de temps à autre pour pêcher –deux de ces pirogues nous furent d’ailleurs bien utiles.Ici, la progression au-dessus de masses de Ceratophyllum(1). Vallisneria aethiopica devient rouge vif en eau peuprofonde, où pousse aussi en abondance Lemna gibba(2). Les deux espèces identifiées, Cyclopharynx schwetziet C. fwae, se déplacent en permanence au-dessus d’unsable blanc et fin, dont elles ingèrent de grandes quan-tités, chargées de diatomées. Elles restent constammentsurveillées et guidées (et protégées ?) par les animaux al-pha (dominants) de couleur sombre (3-4). Une autre es-pèce (et genre) endémique : Schwetzochromis neodon.Un cichlidé fascinant (voir aussi pages suivantes). Il estici au centre, sur fond de sable blanc et de Ceratophyllumdemersum, avec sa femelle en dessous (5).

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Délais et détentionFaute de vol sur les lignes intérieures, il

nous fallait patienter trois jours à Kinsha-sa. Et quand arriva notre vol pour Kanan-ga, il fut annulé sans alternative immé-diate. Nous dûmes attendre le cinquièmejour pour atterrir là-bas, et nous voir nospasseports retirés. Nous n’avions soit di-sant pas de permis de voyager pour la ré-gion de Kasaï. Après trois jours, passésen partie en garde à vue (mon visa futaussi déclaré invalide et ma présence defacto illégale), on nous octroya des per-mis de séjour – uniquement pour troisjours et pour Kananga – sans nous rendrenos passeports. La jeep que nous avionsconvenu de louer se révéla hors d’usage :des roues manquantes ou endommagées,un moteur en piètre état, et aucun véhicu-le de rechange disponible. À l’hôtel – leGrand Hôtel Kananga – il n’y avaitrien  : ni information, ni électricité, ni eaucourante, ni nourriture. Finalement, lamission nous donna un coup de mainsous la forme d’une vieille Land Rover.Et le soir du dixième jour, nous arri-vâmes enfin au lac Fwa. Au cours duvoyage, je remarquai que nombre dechoses s’étaient altérées depuis ma visiteprécédente. Il n’y avait pratiquement plusun arbre apparent, seulement du charbonde bois. Tous avaient été brûlés, jusquesur la rive du lac, et une route vers la vil-le diamantifère de Mbuji-Mayi était enconstruction non loin. Il y avait mainte-

Schwetzochromis neodon possède des couleursfantastiques ; ici un mâle (1-2). Dans leur révision des cichlidés du lac Fwa, Roberts &Kullander (1994) placèrent le Callopharynx microdon décrit par Poll en 1948, en synonymieavec Cyclopharynx fwae ; mais leurs morpholo-gies sont aussi distinctes que leurs comporte-ments : C. microdon (3-4) se nourrit exclusive-ment d’aufwuchs (qu’on leur voit gratter, têteen bas, sur la grande photo), tandis que fwae etschwetzi ingèrent du sable et des diatomées. Des grenouilles peuvent être observées autourdu lac Fwa à la nuit tombée (5). Pistia stratiotesse trouve en grand nombre sur le lac inférieur(6). Bien que personne ne connaissait lalongueur du lac Fwa, j’ai pu la mesurer. À sonextrémité, là où il se déverse dans la rivière Lubi, nous perdîmes notre perche en ramenantla pirogue et je l’évaluai grossièrement avecmes palmes. À raison de 22 000 coups depalme, chacun faisant avancer d’environ 1 m,nous arrivons à 22 km (7). Le lac présente à sonextrémité sud un nombre incroyable de sourcessouterraines. À certains endroits, quand l’eaune s’étale pas à l’approche de la surface, ellejaillit avec une force qui vous repousse immanquablement (8).

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nant bien plus de pêcheurs sur le lac quedeux ans auparavant. Un homme traînaitun singe fraîchement abattu et un autreune peau de python de 7 m de long.

Karlheinz et Peter partagèrent malgrétout mon envoûtement et à notre secondet dernier jour, nous décidâmes en dépitdu peu de temps disponible, de des-cendre le lac jusqu’à son déversoir. L’en-treprise s’avéra bien plus qu’aventureuse.De 5 heures du matin jusqu’au coucherdu soleil, nous eûmes à pagayer jusqu’àl’autre bout du lac, sur deux canoës quiprenaient l’eau. Durant ce temps, je fuscapable d’établir avec certitude pourquoitoutes les espèces du lac (à 1-2 excep-tions près) sont endémiques. Dans le lacinférieur (que je nomme ainsi car aprèsl’étranglement du premier et la chuted’eau, un autre véritable lac commence,avec jusqu’à un kilomètre de large, uncourant pre sque inexistant et une grandeprofondeur), s’ouvre une partie longuede 6 km remplie d’une végétation aqua-tique impénétrable. Une couverture dePotamogeton sp. forme là un immensetapis d’au moins un mètre d’épaisseur.Nous pouvions à peine pousser nos em-barcations dessus, et nage et plongéeétaient impossibles. Ni nous, ni les pê-cheurs, ne pouvions trouver un seul pois-son à cet endroit, seulement des millionsde crevettes.

À l’autre extrémité, l’écoulement du lacdans les eaux troubles de la rivière Lubiest incroyablement violent. Là, nous re-trouvâmes des poissons dans une minus-cule crique, sans qu’ils correspondent àaucune des espèces observées dans le lac– de toute évidence, ils étaient bien nésdans la rivière.

Tandis que le soleil se couchait au-des-sus des tapis de plantes, lançant des ra -yons dorés étincelants, nous étions entrain de pagayer en sens inverse, àcontre-courant ! La tâche était incro ya -ble ment rude : 22 000 coups de mes pal -mes, que j’avais enfilées sur mes mains,pour progresser à chaque fois d’un mè -tre. Je m’attendais à ne plus avoir de brasà l’aube. Mes muscles étaient encoredouloureux des semaines plus tard. Ilnous fallut également passer entre-tempsla chute d’eau. Pendant que mes cama-rades erra ient à travers les broussailles, jem’escri mai, aidé d’un guide, à remonterma pirogue et tout notre équipement parla ca scade, avec la seconde embarcationattachée à l’arrière. Nous dûmes forcé-ment nous y prendre à plusieurs repriseset tout fut finalement submergé – appa-reil photo, argent et nourriture y compris.

Cœurs tristes et souvenirs heureuxNous quittâmes le lac merveilleux avec

beaucoup de regrets mais aussi de somp-

tueux souvenirs. Ce lac était unique etson exploration l’avait été tout autant. ÀKananga, nous récupérâmes nos passe-ports à la dernière minute ; à Kinshasa, jefus une nouvelle fois mis en garde à vue,cette fois-ci pour un timbre d’autorisa-tion qui manquait (et qui avait été sansaucun doute délibérément oublié), et ilfallut toute l’invention de Karheinz etl’intervention de l’ambassade allemandepour pouvoir prendre notre avion ce soir-là. Quelques temps après, je fus victimed’une terrible attaque de malaria, avantque Peter et Karlheinz ne succombent àleur tour. Le test du Bilharzia fut positifpour tous les trois.

Positif, notre recensement des poissonsdu lac Fwa l’était aussi et nous avionsmalgré tout la satisfaction de confirmerla présence des familles de Notopteridae(1 sp.), Mormyridae (2 spp.), Clupeidae(1 sp.), Cyprinidae (4-5 spp.), Alestidae(2 spp.), Distichodidae (1 sp), Bagridae(3 spp), Clariidae (1 sp), Mochokidae(1-2 spp), Alocheilichthyidae (2 spp.) etCichlidae (au minimum 10 spp.), pourun total d’au moins 29 espèces, qui dépasse selon toutes probabilités les 30.La plupart étant qui plus est endémiques.En somme, nous avions découvert deuxfois plus d’espèces que Pool et Roberts,les auteurs du seul rapport antérieur surle lac Fwa.

Le lac Fwa est unique sur Terre, et pas seulement pour tous ses cichlidés endémiques et colorés. C’est un véritable aquarium naturel, géant et incroyablement beau, qui possède son lot d’espèces (réduit comparé aux lacs Tanganyika, Malawi et Victoria – mais incontestablement supérieur

aux cinq reconnues jadis par Roberts & Kullander).Je l’avais appelé « Cichlidé Picasso », d’après mon idée que seul l’artiste en question aurait été capable de produire de telles couleurs

sur ce Thoracochromis callichromis de Fwa.

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INFORMATIONS POUR L'AQUARIUMCongoCongo

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INFORMATIONS POUR L'AQUARIUM CongoCongo

Pour un aquarium biotope avec des cichlidés du lac Fwa (mais pas seulement – cf. le texte principal pour les autres familles), voici quelques exemples et informations : 1. Thoracochromis callichromis, le « Poisson Picasso », peut atteindre une longueur totale de 15 cm (c’est le plus grand cichlidé du lac Fwa)

et est de loin le plus coloré de tous, mais aussi le plus agressif. À ne maintenir qu’en très grand aquarium, si possible en groupes de 5 ou plus. Adopter un décoravec beaucoup de grandes Vallisneria gigantea (cf. commentaires à la fin). 2. La femelle du T. callichromis est bien moins colorée. 3. T. brauschi est un cichlidé

paisible et a été introduit en aquariophilie en Russie, de même qu’en Europe et en Amérique, grâce en particulier à l’élevage de Mr. Anatoly (Moscou). 4. La femelle de T. brauschi présente plus de couleurs que celle du « Poisson Picasso ». 5. Cyclopharynx schwetzi est également un cichlidé paisible et très beau.

Comme C. fwae, qui lui ressemble, il filtre le sable à la recherche de micro-organismes – et par conséquent exige un fond de sable fin. 6. Schwetzichromis neodon est une autre beauté exclusive du lac Fwa, au caractère pacifique. Cet incubateur buccal (comme tous les autres), demande

une partie rocheuse car il consomme aussi l’aufwuchs (couverture végétale sur les roches et sa microfaune).Note : d’une manière générale, un aquarium inspiré du lac Fwa devrait posséder une part de roches de forme plate ou singulière comme celles représentées à lapage précédente ; quelques Vallisneria gigantea (faute de disponibilité de V. aethiopica en aquariophilie), Ceratophyllum demersum, peut-être quelques nénuphars

(Nymphaea sp.), si possible Lagarosiphon major, et une certaine quantité de sable blanc (et fin). L’eau devrait être fortement brassée et cristalline. Le pH peutaller de 7,0 à 8,5 (voire un peu plus) et la conductivité se situer entre 100 et 500 micro siemens (ou davantage). Températures de 23-24 à un maximum de 29°C.

Voici une sélection d’espèces de poissons originaires du Cameroun et du bassin du Congo, avec des détails sur leurs comportements et leurs habitats, ainsi que sur leurmaintenance : 1. Le Pelvicachromis taeniata de Muyuca (Cameroun) est une petite beauté vraiment fantastique – mais chez laquelle la femelle est seule à arborer descouleurs aussi éclatantes. 2. Chez le P. taeniata de Dehane, c’est le mâle qui possède une coloration étonnante. Toutes ces variétés de P. taeniata sont des cichlidés nainsterritoriaux. Ils peuvent être maintenus en petits groupes mais une fois qu’ils ont trouvé leur compagnon, ils deviennent très agressifs, même l’un envers l’autre ; ilest par conséquent impératif qu’ils disposent d’assez d’endroits pour se cacher (i.e. des morceaux de bois flotté, des cônes ou des pots de terre cuite, des rochers troués,etc.). 3. Les espèces de Nanochromis, ici N. squamiceps (femelle), sont également des cichlidés nains, pacifiques s’ils sont conservés en groupes, mais qui peuvent semontrer agressifs individuellement ; auquel cas, il conviendra de les séparer (en particulier s’il y a des jeunes, on ne laisse normalement que la mère avec les bébés,étant donné qu’elle en prend soin). 4. Le véritable Nanochromis dimidiatus (mal identifié dans la plupart des publications) est comme tous les autres Nanochromis, uncichlidé nain paisible, sauf au moment du frai (ou peu de temps après). Tous (Pelvicachromis comme Nanochromis) devraient être maintenus en eau douce et, sans ré-serve, à des valeurs pH inférieures à 7,0 – et même, encore mieux, sous les 6,0, dans la mesure du possible. La conductivité sera inférieure à 100 microsiemens – dansla nature, elle se situe toujours sous les 30 μS. L’idéal est de filtrer sur tourbe et d’utiliser pour le décor du sable blanc fin, du bois flotté, quelques Anubias, des espècesde Bolbitis et/ou Crinum natans. La température de l’eau se situera au-dessus de 23°C, avec un optimum à 26-28°C mais sans jamais dépasser 30°C. Et tout cela dansdes aquariums pas trop petits lorsqu’ils ne sont pas employés à la reproduction. 5-6. Tout bon groupe de poissons destinés à tenir compagnie aux cichlidés nains citésplus haut, devrait comporter des espèces de characiformes dans les genres Phenacogrammus, Nanaethiops, Micralestes ou Rhabdalestes. Pour n’en montrer que deuxjolies : le Micralestes stormsi (5) du bassin du Congo, ainsi que le néon en métal laminé, Phenacogrammus bleheri, découvert par l’auteur.

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Page 8: AFRIQUE CongoCongo Congo Congo AFRIQUE · 2015. 4. 25. · geoires rouge rosé et à dorsale noir ve-louté bordée de blanc, défendaient leurs femelles. Ces dernières, presque

Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium18 Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 19

Voici sur ces deux pages le décord’un aquarium congolais authentique : un biotope natureldu Pool Malebo, représentant unfragment d’une rive de ce grand plan d’eau, situé à l’est de Kinshasa. Dans ce biotope, poussent très peu de plantesaquatiques et les petites espècesde poissons sont absentes (on neles trouve qu’à proximité desrives peu élevées et dans son affluent, le fleuve Congo). Ses habitants, en se sentant immé-diatement comme « chez eux »,montrent combien ce décor a unaspect naturel. L’aquariumn’avait pourtant été décoré parl’auteur que quelques heuresplus tôt (c’est pourquoi l’eaun’est pas encore 100% limpide –cela dit, elle ne l’est pas complè-tement dans la nature) : 1. Le Pool Malebo présente unerive rocheuse (lave ou autreroche) avec beaucoup de sableblanc (plutôt fin) sur le fond. On y trouve de grands characiformes, principalementPhenacogrammus interruptus, P. caudalis et Micralestes sp. Ces trois,à peine placés là, ont immédiatementformé des bancs en pleine eau, commedans la nature. La zone de surface estoccupée par les poissons-papillons(Pantodon buchholzi), la zoneinférieure par Distichodus sexfasciatuset D. lussoso – deux characiformes àforte croissance, qui mangent lesplantes tendres (et parfois de plus coriaces). Quant au fond proprementdit, il est fréquenté par Synodontis(c-à-d. S. ornatipinnis, S. angelicus, S. notatus, etc.) et Auchenoglanis sp.Les poissons-éléphants (ici Gnathonemus petersii) font aussi partiedes poissons de fond et cherchentcontinuellement leur nourriture deleur long museau recourbé. 2. Ces derniers s’activèrent aussitôt. 3. Et D. sexfasciatus suivit, tirant profit de la nourriture mise à jour par les fouilles des « éléphants ».

eux l’idéal) pour se nourrir, sitôt placés dans la cuve. Remarque : Un aquarium biotope authentique de ce genre ne devrait comporter que peu de plantes (tel Crinum natans, quelques Anubias nana et peut-être Cyperus papyrus [qui devrait alors être en mesure d’émerger]), et le décor montré. Il convient

parfaitement pour les poissons mentionnés. Mais il ne devrait pas faire moins de 600 l, si possible davantage (la cuve représentée fait 1 600 l). Il devrait êtreéquipé d’un filtre puissant, qui génèrera un courant fort ; de l’eau sera ajoutée pour compenser l’évaporation (et partiellement changée périodiquement).

4. Phenacogrammus interruptus et P. caudalis formant immédiatement un banc en pleine eaudans un aquarium de ce genre. 5. Le poisson-papillon africain (Pantodon buchholzi) se sent bien en surface, y capturant (exclusivement) sa nourriture. 6. Synodontis (ici S. pleurops) com-mence à gratter les pierres à la recherche de micro-organismes (notez la taille que doiventavoir les pierres par rapport à ce qu’ils peuvent prendre dans leur bouche !). 7. D. lussosofaisant la même chose (notez encore la pierre dans sa bouche). 8. Les poissons-éléphants forment aussi des bancs (ce sont des poissons grégaires) et fouillent le sable fin (qui est pour

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