abel, marcos (2011). verite et fantaisie chez freud

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VERITE ET FANTAISIE CHEZ FREUD MARCOS CHEDID ABEL Publié sous le titre de Verdade e fantasia em Freud dans la revue Ágora: Estudos em Teoria Psicanalítica, vol. 14, nº. 1, Rio de Janeiro, Jan./June 2011. À partir d'essai présenté à Pr Sophie de Mijolla-Mellor, Centre d’Études Psychopathologie et Psychanalyse (CEPP), U.F.R Sciences Humaines et Clinique, Université Paris 7, au 25/06/2009. Révisé au 02/07/2009. Travail réalisé avec l’appui financier du Centre Universitaire de Brasília – UniCEUB. Docteur en Psychologie, Master en Psychologie Clinique, Psychologue. Professeur au Centre Universitaire de Brasília (UniCEUB). Psychologue clinicien au Centre d’Attention à la Santé Mentale Anankê. Adresse résidentiel : SQN 402, Bloco G, AP. 110. Brasília, DF. Brésil. 70834-070. Téléphone : (+5561) 8126-9886. E-mail: [email protected] .

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  • VERITE ET FANTAISIE CHEZ FREUD

    MARCOS CHEDID ABEL

    Publi sous le titre de Verdade e fantasia em Freud dans la revue gora: Estudos em Teoria Psicanaltica, vol. 14, n. 1, Rio de Janeiro, Jan./June 2011. partir d'essai prsent Pr Sophie de Mijolla-Mellor, Centre dtudes Psychopathologie et Psychanalyse (CEPP), U.F.R Sciences Humaines et Clinique, Universit Paris 7, au 25/06/2009. Rvis au 02/07/2009. Travail ralis avec lappui financier du Centre Universitaire de Braslia UniCEUB. Docteur en Psychologie, Master en Psychologie Clinique, Psychologue. Professeur au Centre Universitaire de Braslia (UniCEUB). Psychologue clinicien au Centre dAttention la Sant Mentale Anank. Adresse rsidentiel : SQN 402, Bloco G, AP. 110. Braslia, DF. Brsil. 70834-070. Tlphone : (+5561) 8126-9886. E-mail: [email protected].

  • RSUM

    Cet essai a comme sujet les relations entre vrit et fantaisie dans la pense de Sigmund Freud et ses implications dans les objectifs du travail psychanalytique. Il prsente l'approche progressive qui s'opre entre vrit et fantaisie dans ses laborations thoriques. Il dmontre que la fantaisie, initialement considre seulement comme obstacle la vrit, passe intgrer la vrit cherche dans le traitement. Il argumente que la vrit historique dans la psychanalyse est compose par la vrit matrielle et la fantaisie de dsir. Il conclut que Freud, en sa pratique, passe viser, surtout, la reconstruction ou la construction avec analysant de son vrit historique, comme pote, que proprement dcouvrir la vrit matrielle, comme archologue. Mots-cls: Freud. Psychanalyse. Vrit historique. Vrit matrielle. Fantaisie.

    TRUTH AND FANTASY IN FREUD

    ABSTRACT

    This essay has as subject the relations between truth and fantasy in the thought of Sigmund Freud and its implications in the objectives of the psychoanalytical work. It presents the gradual approach that is operated between truth and fantasy in his theoretical elaborations. It demonstrates that the fantasy, initially considered only as obstacle to the truth, becomes component of the truth searched in the treatment. It argues that the historical truth in psychoanalysis is composed by the material truth and the fantasy of desire. It concludes that Freud, in his practice, starts to aim at, over all, the reconstruction or the construction with the analysand of his historical truth, as poet, than to discover his material truth, as archaeologist.

    Keywords: Freud. Psychoanalysis. Historical truth. Material truth. Fantasy.

  • VERITE ET FANTAISIE CHEZ FREUD

    Et enfin, il ne faut pas oublier que la relation analytique est fonde sur lamour de la vrit, cest--dire sur la reconnaissance de la ralit, et quelle exclut tout faux-semblant et tout leurre. (Freud, 1937a/1985, p. 263).

    Ce travail porte sur la vrit chez Sigmund Freud (1856-1939) avec lobjectif gnral

    d'enquter sur les relations entre vrit (Warheit) et fantaisie1 (Phantasie). Vrit comprise

    comme ce que Freud cherche atteindre dans le traitement psychanalytique, dont

    lassentiment et l'intgration, par lanalysant, sont conditions ncessaires aux modifications de

    son fonctionnement psychique, cest--dire, de sa faon dtre.

    Les objectifs spcifiques sont, partir de la thorie de la sduction, accompagner les

    modifications du rle de la fantaisie concernant la vrit, jusqu' la diffrenciation

    ultrieure, prsente seulement dans deux textes, partir de 1935, entre vrit historique et

    vrit matrielle, aussi que les consquences de ces modifications quant aux objectifs du

    traitement psychanalytique.

    Chez Freud, la vrit est d'importance fondamentale, comme il est indiqu par

    l'pigraphe ci-dessus, comprise dans sa dfinition traditionnelle de correspondance une

    ralit, tel que manifest quand il raffirme sa filiation la vision du monde de la science

    (1933 [1932]/1995). Mais la question est de savoir quelle ralit correspond la vrit en

    psychanalyse.

    La vrit se prsente comme problme Freud par deux voies : la vrit de la

    psychanalyse, de la thorie en sa validit pistmologique ; et la vrit dans la

    psychanalyse, dans la pratique en son efficacit. Quant la thorie, il persvre maintenir la

    1 Jutilise le nom fantaisie au lieu de fantasme ou phantasme, ainsi que le verbe fantasier en guise de fantasmer, en suivant la nouvelle traduction des uvres de Freud dit par les P.U.F. Nanmoins, je maintiens ces outres termes dans les citations de textes o ils sont utiliss, introduisant entre crochets le terme allemand.

  • 2

    psychanalyse dans le champ de la science naturelle, en ayant comme point d'appui la source

    biologique de la pulsion en la surdtermination tiologique. Dans la pratique, partir d'une

    conception de causalit matrialiste, il arrive, involontairement, une perspective idaliste,

    avec une prominence ascendante, pendant son parcours, de la ralit psychique sur la ralit

    matrielle.

    Dans cet essai, je traite, principalement, de la vrit dans la psychanalyse en ses

    relations avec la fantaisie. Premirement, de la fantaisie comme obstacle la vrit ;

    postrieurement, de la fantaisie en composant la vrit ; finalement, de la diffrence entre

    vrit historique et vrit matrielle.

    Ce travail a t impuls par laffirmation de Sophie de Mijolla-Mellor selon laquelle

    Freud considre toujours essentiel, dans le traitement psychanalytique, datteindre

    lvnement matriel.2

    Je remercie collgue Dr Vassiliki-Piyi Christopoulou pour les entretiens sur la vrit

    et la psychanalyse pendant llaboration de ce travail.

    Fantaisie comme barrire la vrit

    La vrit est le matriau avec lequel Freud cherche susciter la conviction de

    lanalysant pour produire des effets de transformation du fonctionnement psychique.

    Nanmoins, dans le chemin en direction la vrit, Freud rencontre l'obstacle de la fantaisie.

    La conception de la fantaisie comme dfense est prsente depuis la priode de la

    thorie de la sduction, qui prcde la clbre lettre Fliess, du 21/09/1897, o il dclare que

    je ne crois plus ma neurotica (FREUD, 1887-1902/2005, p. 190). Car, quand Freud

    2 Sminaire de recherches de lquipe Interactions de la psychanalyse, Centre dtudes Psychopathologie et Psychanalyse CEPP, U.F.R Sciences Humaines et Clinique, Universit Paris 7, au 31/03/2009.

  • 3

    croyait encore en ses nvroses, la fantaisie tait dj conue comme obstacle lattente de la

    suppose scne relle de sduction, comme expos dans lettre de 02/05/1897 :

    [...] jai acquis de la structure de lhystrie une notion exacte. Tout montre quil sagit

    de la reproduction de certaines scnes auxquelles il est parfois possible daccder

    directement et dautre fois seulement en passant par les fantasmes [Phantasien]

    interposs. Ces derniers manent de choses entendues mais comprises bien plus tard

    seulement. Tous les matriaux sont naturellement rels. Ils reprsentent des

    constructions protectrices, des sublimations, des enjolivements de faits servant, em

    mme temps, de justification. (FREUD, 1887-1902/2005, P. 173).

    Conception aussi prsente dans le manuscrit, annexe cette lettre, intitule Structure

    de l'hystrie :

    Le but semble tre de revenir aux scnes primitives. On y parvient quelquefois

    directement mais, em certain cas, il faut emprunter des voies dtournes, en passant

    par les fantasmes [Phantasien]. Ces derniers difient, em effet, des dfenses

    psychiques contre le retour de ces souvenirs quils ont aussi la mission dpurer et de

    sublimer. labors laide de choses entendues qui ne sont utilises quaprs coup, ils

    combinent les incidents vcus, les rcits de faits passs (concernant lhistoire des

    parents ou des aeux) et les choses vus par le sujet lui-mme. Ils se rapportent aux

    choses entendues comme les rves se rapportent aux choses vues. Car, dans les rves

    nous voyons mais nous nentendons pas. (FREUD, 1887-1902/2005, p. 174-175).

  • 4

    Nous voyons que, dj dans cette phase de la thorie, les fantaisies se constituent

    comme quelque chose tre travers, pour arriver aux souvenirs traumatiques. La fantaisie se

    place entre l'analyse et les scnes relles de sduction qui sont cherches. Question qui est

    reprise dans la lettre du 25/05/1897, dans le manuscrit annexe, intitul aussi Structure de

    lhystrie : Quelques-unes des scnes sont directement accessibles, dautres seulement par

    lintermdiaire de fantasmes [Phantasien] superposs (FREUD, 1887-1902/2005, p. 179).

    Les fantasmes [Phantasien] se produisent par une combinaison inconsciente de choses

    vcues et de choses entendues, suivant certaines tendances. Ces tendances visent rendre

    inaccessibles les souvenirs qui ont pu ou pourraient donner naissance aux symptmes

    (FREUD, 1887-1902/2005, p. 180). Dans ce mme texte, les fantaisies sont considres

    comme des fabulations inconscientes, formes par fusion et dformation , en clair, les

    souvenirs des scnes originales sont falsifis par fragmentation, principalement dans les

    rapports chronologiques : Un fragment de la scne vue se trouve ainsi reli un fragment de

    la scne entendue pour former un fantasme [Phantasie] . (FREUD, 1887-1902/2005, p. 181).

    Dans cette perspective, la fantaisie est une formation psychique dfensive, comme

    l'amnsie et les souvenirs-couverture, abords dans des travails comme Sur le mcanisme

    psychique de loubliance (1898/1989) et Des souvenirs-couverture (1899/1989). Dans le

    premier texte, il prsente l'exemple dont les noms de Botticelli et de Boltraffio mergent la

    place de Signorelli, qui est associ la mort et la sexualit. Dans le second texte, il aborde

    les souvenirs des fleurs jaunes, des pissenlits, associes la jupe jaune de sa premire passion,

    sa cousine, et aux fantaisies de mariage avec elle, qui dissimulaient le dsir de la dflorer ;

    comme aussi le souvenir du pain exagrment savoureux en reprsentant des fantaisies lies

    une vie professionnelle plus prosaque, plus bread-and-butter .

    Aprs Freud baser l'tiologie des structures psychiques sur la thorie de la libido et les

    mcanismes de dfense du moi, la perspective de la fantaisie comme dfense continue

  • 5

    prsent. Dans le travail avec l'Homme aux Loups (1918 [1914]/1988), dernire des grandes

    analyses publies, il considre que les souvenirs de vouloir voir sa sur dnude taient, en

    vrit, fantaisies qui devaient effacer le souvenir dun incident qui plus tard apparut

    choquant pour lamour-propre masculin du patient, et elles atteignirent ce but en mettant un

    oppos-conforme-au-souhait la place de la vrit historique (p. 17). Dans la reconstruction

    que Freud ralise de l'histoire, il prsente la raison de la dformation de la ralit. Daprs

    ces fantaisies, ce ntait lui qui avait jou le rle passif envers sa sur, tout au contraire il

    avait t agressif, avait voulu voir sa sur dnude, avait t repouss et puni et tait entr de

    ce fait dans une des ces fureurs dont parlait tant la tradition domestique . (p. 17).

    Freud compare ces fantaisies avec la formation lgendaire par laquelle une nation

    devenue grande et fire voiler la petitesse de ses dbuts (p. 17). Dans cette perspective, les

    fantaisies sont des lgendes personnelles, au moyen desquelles le sujet modifie son pass, son

    histoire. La fantaisie est une barrire qui s'interpose entre l'analyse et la vrit cherche par

    Freud.

    Nous voyons, donc, qu partir de la priode de la thorie de la sduction, aussi que

    dans les dveloppements thoriques ultrieurs, Freud considre la fantaisie comme barrire se

    plaant devant les expriences et motifs rellement importants tiologiquement, occults alors

    par un dguisement fictif. La fantaisie a le statut d'obstacle, en s'interposant entre l'analyse et

    l'objectif de Freud : arriver la vrit des souvenirs traumatiques.

    Fantaisie comme composante de la vrit

    Dans la thorie de la sduction, la fantaisie tait dj conue, dans sa fonction de

    dfense, comme pouvant produire des symptmes. Puisque, comme indiqu dans la lettre

    Fliess, du 25/05/1897 : Dans le cas o un pareil fantasme [Phantasie] sintensifie au point

  • 6

    de devoir forcer laccs au conscient, il est refoul et un symptme se forme par

    rtrogradation de lide fantasmatique vers les souvenirs qui la constituent (FREUD, 1887-

    1902/2005, p. 181). Aspect quantitatif, rfrant l'intensit d'investissement dans la

    reprsentation, dont l'importance restera dans la thorie tiologique comme condition

    ncessaire au dchanement de la dfense.

    Nanmoins, aprs 1897, la fantaisie gagne aussi en importance dans la composition du

    symptme, comme fantaisie de dsir. Par exemple, en analysant la toux nerveuse de Dora

    (1905 [1901]/2006), Freud affirme que :

    Daprs une rgle que jai toujours confirm, mais que je nai pas encore eu le courage

    de gnraliser, un symptme constitue la prsentation la ralisation dune

    fantaisie contenu sexuel, donc, une situation sexuelle. Pour mieux dire: au moins

    lune des significations dun symptme correspond la prsentation dune fantaisie

    sexuelle, alors que pour les autres significations il nexiste pas une telle limitation de

    contenu (p. 226).

    Les symptmes hystriques sont lexpression de leurs souhaits refouls les plus

    secrets (1905 [1901]/2006, p. 187), ils sont lact ivit sexuelle des malades (p.

    294), et, les psychonvroses, le ngatif des perversions (p. 230).

    Nous avons, donc, la fantaisie capable d'un double rle : comme empchement fictif

    l'accs la vrit insupportable, contre laquelle la dfense a t rige ; et comme vrit

    imaginaire rejete, dont le retour compose le symptme.

    partir du cas de l'Homme aux Loups (1918 [1914]/1988), la fantaisie commence

    avoir un troisime rle, dans la modalit de protofantaisie (Urphantasie), en fonctionnant

    aussi comme protoscne (Urszene), dans l'tiologie, en provoquant le protorefoulement

  • 7

    (Urverdrngung) et la fixation. Jusqu'alors, Freud ne considre pas que la fantaisie ait ce rle,

    qui tait restreint la dfense et la formation du symptme. Cette position de Freud

    concernant la fantaisie est claire en sa correspondance avec Carl Jung (1875-1961), qui, en

    1911, est impliqu dans la recherche des fantaisies inconscientes dans l'tiologie tel point

    quil dit, dans la lettre du 08/05, que les formes de manifestation des fantasmes

    [Phantasien] inconscients me dmangent violemment (McGUIRE, 1975/1992, p. 533).

    Pendant que Freud, de sa partie, considre, en 15/06, que l o je lai trouv [systme de

    fantaisies inconscientes], il ntait pas plus important pour la constitution que ntaient

    ltiologie et les motifs et les primes relles de la vie (McGUIRE, 1975/1992, p. 543). C'est-

    -dire, la fantaisie ne serait pas plus importante que la fixation de la libido, l'vnement la

    frustration (Versagung) initie par l'installation ou la suspension d'une privation (Entbehrung)

    en emmenant la rgression de l'investissement libidinal, la gnration de conflit, au

    dclanchement de la dfense et la solution de compromis manifeste par le symptme,

    maintenu par le bnfice primaire interne conomique et le bnfice secondaire extrieur.

    En fait, on constate que, jusqu'au cas de l'Homme aux Loups (1918 [1914]/1988), dans

    linvestigation tiologique, dont lquation est constitue par la condition, la cause spcifique

    et les causes adjuvantes (FREUD, 1895, p. 76), la recherche par la scne relle traumatique,

    base de la thorie de la sduction, continue dans la thorie de la sexualit infantile.

    Nanmoins la scne en n'introduisant plus la sexualit, mais en rveillant et en intensifiant

    traumatiquement l'excitation sexuelle, telle que cela avait t suppos dans les analyses de

    Dora et de Hans. Scne qui devient celle du cot parental et qui a de l'importance pour Freud,

    parce que tre aux coutes du cot parental dans une enfance trs prcoce peut installer la

    premire excitation sexuelle et devenir par ses effets aprs coup le point de dpart de tout

    dveloppement sexuel (FREUD, 1925b/1992, p. 194).

  • 8

    Dans le cas de Dora (1905 [1901]/2006), la scne est suppose avoir t entendue et

    avoir particip la rvulsion de sa sexualit, lge de huit ans, par le passage de la

    masturbation la dyspne :

    Jeus alors de bonnes raisons de supposer, grce des actions symptomatiques et

    dautres indices, que lenfant, dont la chambre coucher tait situe ct de celle des

    parents, avait pi une visite nocturne du pre son pouse et entendu pendant le cot

    la respiration haletante de lhomme qui par ailleurs avait le souffle court. En de tels

    cas les enfants pressentent le sexuel dans le bruit inquitant. Cest que les mouvements

    exprimant lexcitation sexuelle sont dj tout prts en eux en tant que mcanismes

    inns. Jai dj expos il y des annes que la dyspne et les palpitations cardiaques

    dans lhystrie et la nvrose dangoisse ne sont que des lments dtachs de laction

    du cot, et dans beaucoup de cas, comme dans celui de Dora, jai pu ramener le

    symptme de la dyspne, de lasthme nerveux, au mme facteur occasionnant, pier le

    commerce sexuel des adultes. Sous linfluence de la co-excitation tablie ce

    moment-l, il a trs bien pu se produire dans la sexualit de la petite fille ce revirement

    qui a remplac le penchant la masturbation par le penchant langoisse. (p. 258).

    Dans Hans (1909/1998), la scne du cot parental est aussi conjecture davoir t

    entendue et avoir particip la transition du dsir ardent libidinal par sa mre vers l'angoisse,

    lge de quatre ans et neuf mois. Freud suppose que sest mise en mouvement chez

    lenfant une rminiscence dun commerce sexuel des parents observ3 par lui dans la chambre

    3 Dans loriginel, beobachteten (FREUD, 1906/1941, p. 367), verbe beobachten, observer, (Patient) mettre en observation, (berwachen, verdchtige Person) surveiller, (bemerken) remarquer (Collins allemand-franais).

  • 9

    coucher (p. 119). Quoique que le pre de Hans ait affirm que je nai aucune preuve

    directe quil ait, comme vous le pensez, pi4 un cot des parents (p. 89).

    Dans l'analyse de l'Homme aux Loups (1918 [1914] /1998), Freud cherchera vrifier

    la ralit matrielle de la scne du cot parental, suppose en Dora et Hans, mais,

    diffremment, la scne aurait t vue et non entendue, ce qui peut-tre indique lavidit de

    Freud obtenir une vidence dans ce cas. Scne qui aurait fait acclrer chez Pankejeff, avec

    un an et demi, les procs de maturation sexuelle par une co-excitation sexuelle qui se

    manifesta par une vacuation de selles (1918 [1914]/1998, p. 104-105). Nanmoins, la fin

    de l'analyse, Freud met en discussion la ralit de la scne, son statut de vrit.

    Les questions centrales tournent autour des deux temps du traumatisme. Quant la

    ralit de la scne dans le premier temps, Freud propose deux solutions : a) la scne a t vue

    et rellement il s'agissait d'une scne de copulation parentale ; ou b) la scne n'a pas t vue et

    il s'agissait de traces de mmoire originalement sans aucun sens sexuelle. Quant au second

    temps, de la signification sexuelle de la scne, Freud postule deux hypothses : a) la

    signification a t due connaissance obtenue travers l'exprience ; b) la signification a t

    due un schma imaginaire congnital dorigine phylogntique.

    En ce qui concerne au premier temps, il arrive la dcision que si la scne s'est

    produite rellement ou si elle a t imagine ultrieurement, na pas dimportance. Il insre

    une note o il dit qu il est indiffrent de lui confrer la valeur de scne originaire ou de

    fantaisie originaire (FREUD, 1918 [1914]/1998, p. 116). Pour ce qui est du second temps, il

    n'est aussi pas important si la signification a t produite partir de connaissance obtenue

    travers l'exprience, ou originaire d'un schma imaginaire phylogntique.

    4 Dans loriginel, belauscht (FREUD, 1906/1941, p. 335), verbe belauschen, couter, pier (Collins allemand-franais).

  • 10

    Il conclut que toute combinaison de ces quatre variables est possible et que le rsultat

    sera le mme, ainsi que le mode de traitement. Ainsi l'objectif de la psychanalyse continue

    tre de rendre conscientes les rminiscences sexuelles infantiles.

    partir de cette psychanalyse, Freud propose que l'attitude prendre est de mettre

    sur le mme plan fantaisie et ralit effective et de ne pas se proccuper de savoir tout dabord

    si les expriences denfance quil sagit de tirer au clair sont lune ou lautre (1916-

    1917/2000, p. 382). Pourtant la fantaisie est non seulement gale la ralit matrielle, mais

    lui devient prominente, puisque ces fantaisies possdent une ralit psychique, en

    opposition la ralit matrielle, et nous apprenons peu peu comprendre que dans le

    monde des nvross la ralit psychique est la ra lit dominante (p. 382).

    Nanmoins tandis que, dans le traitement, il y a valorisation de la ralit psychique,

    dans la thorie, l'importance de la ralit matrielle continue tre prsente dans la pense de

    Freud, dans sa proposition quant l'origine phylogntique des protofantaisies, de

    observation du commerce parental, la sduction par une personne adulte et la menace de

    castration profr (1916-1917/2000, p. 382). Pour Freud, ces fantaisies ont leurs sources

    dans les pulsions et se constituent comme un fonds phylogntique (p. 384). Par ces

    fantaisies lindividu va puiser, par-del sa propre exprience de vie, dans lexprience de vie

    de lpoque prhistorique, l o sa propre exprience de vie est devenu par trop

    rudimentaire (p. 384). C'est--dire, si ce n'est pas une vrit ontogntique, c'est une vrit

    phylogntique.

    Il me semble fort possible que tout ce qui nous est racont aujourdhui dans lanalyse

    en tant que fantaisie, la sduction enfantine, lembrasement de lexcitation sexuelle par

    lobservation du commerce parental, la menace de castration ou bien plutt la

    castration furent un jour ralit dans les temps originaires de la famille humaine et

  • 11

    que lenfant qui fantasie a simplement combl les lacunes de la vrit individuelle

    avec une vrit prhistorique. Nous en sommes venus plusieurs reprises

    souponner que la psychologie des nvroses nous a conserv une plus grande part des

    antiquits de lvolution humaine que toutes les autres sources. (p. 384-385).

    Il est important de souligner que, en 1911, Jung dfendait dj la thse de l'hritage

    phylogntique. Comme dans la lettre Freud du 17/10, quand il dit que simpose lui le

    soupon du fait que les prtendus souvenirs prcoces denfance ne sont pas du tout des

    rminiscences individuelles, mais phylogntiques (McGUIRE, 1975/1992, p. 567). ce

    moment, en restreignant celles-ci la naissance et la succion, nanmoins, en ajoutant que

    je crois quon verra plus tard quun nombre incroyablement plus grand de choses que nous

    ne croyons maintenant sont des rminiscences phylogntiques (p. 567).

    Proposition de Jung, que Freud semble finalement intgrer, car chez l'Homme des

    Loups, sur la dtermination des effets immdiats la scne, en affirmant que:

    Si lon prend en considration le comportement de lenfant de quatre ans lgard de

    la scne originaire ractive, si mme on ne fait que penser aux ractions

    considrablement plus simples de lenfant de 1 an 1/2 em train de vivre cette scne, on

    peut difficilement carter la conception selon laquelle une sorte de savoir difficilement

    dterminable, quelque chose comme une prparation comprendre exerce ici chez

    lenfant une action concomitante. En quoi ceci peut bien consister, cest ce qui

    chappe toute reprsentation; nous ne disposons que de la seule, excellente, analogie

    avec le vaste savoir inst inctuel de animaux. [...] Cet instinctuel serait le noyau de

    linconscient, une activit desprit primitive qui ultrieurement est dtrne et

    recouverte par la raison humaine quil sagit dacqurir, mais qui si souvent, peut-tre

  • 12

    chez nous, conserve la force de faire descendre jusqu elle des processus animiques

    suprieurs. (FREUD, 1918 [1914]/1998, p. 116-117).

    En faisant appel linstinct, pour expliquer les ractions concomitantes la

    protoscne, Freud semble renvoyer la question dans le champ de l'thologie, des

    phnomnes tels que ceux mentionns par Jacques Lacan (1901-1981), en 1946, de imagos

    provoquer lovulation chez pigeons. Effet prcoce de l'imago, qui apparat galement dans la

    proposition de Lacan du stade du miroir (1949 [1936]/1999).

    Freud soulve aussi l'hypothse de la vision de cot d'animaux pour l'laboration de la

    fantaisie et la signification sexuelle, en ayant dj la possibilit de la connaissance de la

    sexualit par lobservation des animaux, qui dissimulent si peu leur vie sexuelle (1908, p.

    232).

    Hypothses qui sont critiques par Laplanche et Pontalis (1985) au niveau de la

    drision. Nanmoins, il faut non simplement ridiculiser Freud, comme font ces auteurs, mais

    interroger quant aux raisons de ces propositions.

    Je pense que la difficult de Freud expliquer les effets immdiats de la scne, aussi

    comme le rve d'angoisse, est bas sur la considration, d'une part, que lenfant ne peut, tout

    comme ladulte, produire des fantaisies quavec un matriel acquis (Freud, 1918 [1914], p.

    53). Alors que, d'autre part, dans le cas de Pankejeff, le laps de temps disponible pour

    lacquisition est court (p. 53). Dans le cas de Hans (1909/[200-]), Freud avait dj

    expriment des difficults localiser l'origine du pressentiment de quelque chose quil

    pourrait faire avec la mre (p. 108), des pressentiments de cot (p. 121), reprsents dans

    leurs fantaisies de cot symboliques (p. 108).

  • 13

    Ainsi je considre que cest en raison de juger le temps de vie court, que Freud ne

    suppose pas la possibilit d'approcher la protofantasia au symbolisme onirique, notamment

    dans les rves typiques, dont le matriel est la langue et la culture (FREUD, 1900).

    Enfin, aprs l'analyse de l'Homme des Loups, dans la pratique psychanalytique, la

    ralit psychique est mise au mme niveau que la ralit matrielle, pouvant mme lui tre

    prominente. Avec la conception de l'Urphantasien pouvant se substituer l'Urszenen,

    partir de l'introduction du traumatisme narcissique, la fantaisie, outre dtre conue comme

    obstacle, passe composer aussi la vrit de l'tiologie, avec participation non restreinte la

    formation du symptme. Nanmoins, dans la thorie, il continue dtre ncessaire, la pense

    de Freud, l'exprience d'vnements objectifs, mme que prhistorique et transmise par la

    phylognie.

    Vrit historique, vrit matrielle et fantaisie

    La premire occurrence du terme vrit historique (historische Wahrheit), se

    trouve dans l'analyse que Freud entreprend de Leonardo da Vinci (1910/1993), partir d'un de

    ses premiers souvenirs d'enfance. Il procde analogies, auxquelles il fera, plusieurs

    reprises, rfrence dans son uvre, entre vrit historique avec ralit vcue et histoire

    individuelle avec histoire d'un peuple. Il fait remarquer l'importance des histoires de l'enfance,

    parce que si celles-ci taient mprises on commettrait la mme injustice quen rejetant la

    lgre, dans la prhistoire dun peuple, le matriel des lgendes, traditions et interprtations

    (p. 109).

    Em dpit de toutes les dformations et de tous les contresens, cest cependant par elles

    que la ralit du pass est reprsente; elles sont ce que le peuple a form partir des

  • 14

    expriences vcues de ses temps originaires, sous la domination de motifs autrefois

    puissants et aujourdhui encore luvre, et si lon pouvait seulement, par la

    connaissance de toutes les forces en action, annuler ces dformations, on devrait tre

    en mesure de mettre dcouvert la vrit historique derrire ce matriel lgendaire. (p.

    109).

    En dfaisant les dformations lgendaires, on arriverait la vrit historique compose

    par l'exprience et les motifs du pass encore prsentes. Objectif que Freud cherche

    atteindre, tant dans la dimension historique collective, dans de textes comme Totem et tabou

    (1912-13/1998) et Lhomme Mose et la religion monothiste (1939 [1934-1938]/1986), que

    sur le plan individuel, dans la pratique psychanalytique, au cours de son investigation des

    souvenirs d'enfance ou des fantaisies des individus (1910/1993, p. 109). Il faut traiter

    de ce que lanalysant croit se rappeler de l'enfance, puisqu en gnral sont cachs, derrire

    les restes mnsiques non compris de lui-mme, dinestimables tmoignages sur les traits les

    plus significatifs de son dveloppement animique (1910/1993, p. 109). Nous avons ici, la

    relation entre vrit historique et la trace (Zge). Ce sont les traces, les marques dans l'histoire

    par l'exprience et les motifs, ce qui se cherche.

    Dans Constructions dans lanalyse (1937b/1985), Freud raffirme sa conception dont

    l'objectif du travail analytique est damener le patient lever les refoulements des dbuts de

    son dveloppement [], pour les remplacer par des ractions qui correspondent un tat de

    maturit psychique (p. 270). Pour que cet objectif soit atteint, il doit se souvenir de

    certaines expriences et des motions affectives suscites par elles, les unes et les autres se

    trouvant oublies prsent (p. 270). L'analyste aurait la fonction de reconstruire, ou

    construire, la vrit historique du sujet, travers des combinaisons du matriel prsent

    partir des rves, des ides incidentes dans l'association libre et par des motions affectives

  • 15

    rprimes et des ractions contre elles (p. 270), ainsi que par la rptition des affects

    appartenant au refoul en et dehors de la situation analytique.

    Donc, voici ce que Freud conoit comme la vrit historique : l'ensemble form par

    l'exprience et les pulsions rveilles originalement ce qui est en accord avec sa conception

    de srie complmentaire forme par la disposition constitutionnelle hrditaire et la

    disposition acquise par l'exprience (FREUD, 1916-1917/2000).

    Ainsi, je considre que dans la diffrenciation faite par Freud entre vrit historique et

    vrit matrielle, cette dernire se restreint aux expriences d'vnements en la ralit

    matrielle, en excluant les motions affectives originales (fantaisies de dsir) et les dfenses

    quant ces motions (fantaisies de dfense, souvenirs-couverture, amnsies etc.). Alors que la

    vrit historique se compose des expriences dans la ralit matrielle et les fantaisies de

    dsir.

    Nous aurions trois facteurs : 1. vnements de la ralit matrielle, c'est--dire, la

    vrit matrielle ; 2. Reprsentations (fantaisies) des pulsions, qui, avec des vnements de la

    ralit matrielle, forment la vrit historique ; et 3. Dfenses, qui distordent la vrit

    historique.

    Par consquent, la vrit historique que Freud cherche trouver dans le traitement est

    l'ensemble form par les vnements vcus dans la ralit matrielle et les fantaisies de dsir

    de la ralit psychique (avec prvalence de celle-ci), par la traverse des dfenses, qui aussi

    participent de la ralit psychique.

    En appui cette diffrenciation entre la vrit historique et la vrit matrielle, je me

    reporte au seul texte o cette distinction est prsente sous une forme plus explicite, pour la

    premire et dernire fois, Lhomme Mose et la religion monothiste (1939 [1934-

    1938]/1986), lexception de la brve rfrence qui y est faite dans le Post-scriptum, de 1935,

    son Autoprsentation (1925a/1992), o il crit:

  • 16

    Dans l Avenir dune illusion , javais apprci la religion de faon principalement

    ngative ; je trouvai plus tard la formule qui lui rend mieux justice : son pouvoir

    repose vrai dire sur son contenu de vrit, cette vrit nest pas une vrit matrielle,

    mais historique. (p. 121).

    Dans L'avenir d'une illusion (1927/1994), en analysant le rle de Dieu dans

    l'interdiction de l'homicide, Freud considre que la doctrine religieuse est vraie, porte la vrit

    historique, parce que le pre primordial a t limage originaire de Dieu, le modle daprs

    lequel les gnrations ultrieures ont form la figure de Dieu. Par consquent, la religion a

    raison dans sa prsentation (p. 183). Les faits contenus dans les doctrines religieuses sont

    des vrits sous un dguisement symbolique (p. 186), puisque la religion nous fait donc

    part de la vrit historique en la transformant et en la travestissant quelque peu, il est vrai (p.

    183). Ainsi, le trsor des reprsentations religieuses contient non seulement des

    accomplissements de souhait, mais aussi des rminiscences historiques significatives (p.

    183).

    Bas sur l'affirmation du Post-scriptum, de 1935, selon laquelle l'explication religieuse

    porte la vrit historique et non la vrit matrielle, je conclus que, si l'explication des

    croyants contenait la vrit matrielle, ce laurait t rellement Dieu qui a effectu

    l'interdiction. Ainsi la vrit historique se compose de l'exprience dans la ralit matrielle

    du pre primordial et le meurtre de celui-ci (vrit matrielle) ajout aux motions affectives

    mobilises par cette exprience vrit historique qui aurait t modifie ultrieurement.

    Dans le texte sur Mose (1939 [1934-1938]/1986), la diffrence entre vrit historique

    et matrielle est prsente au cours de l'analyse de l'ide d'un dieu unique, accept par les

    croyants pieux comme part de la vrit ternelle (p. 233). Freud considre, tel que

  • 17

    dans le Post-scriptum de 1935, que l'explication des croyants contient la vrit, non pas

    cependant la vrit matrielle mais la vrit historique (p. 233). Vrit historique qui, en

    suivant une ligne de raisonnement semblable la prcdente, a t dforme en son retour. En

    corrigeant cette dformation, la vrit historique est que, rellement, il y a eu, non pas un

    grand dieu unique, mais une personne unique, qui doit alors apparatre comme gante et qui,

    leve ensuite au rang de divinit, est revenue dans le souvenir des humains (p. 234).

    Ainsi, la vrit historique est qu'une personne (ralit matrielle) qui semblait

    immense l'poque (fantaisie originale) a ultrieurement t leve la divinit (fantaisie

    deformante).

    Donc, je comprends que dans ces deux textes : a) vrit matrielle concide avec

    ralit matrielle. Mais vrit historique ne se restreint pas la ralit psychique, c'est--dire,

    la vrit historique englobe la ralit matrielle (ou vrit matrielle) et la ralit psychique

    (fantaisie) ; b) ralit psychique est compose de la fantaisie pulsionnel, aussi que de la

    formation psychique dformante ; c) pour arriver la vrit historique, il faut se dfaire de la

    formation adultrante postrieure pour atteindre la fantaisie originale et l'vnement rel.

    Ce partant, en transposant ces conclusions dans le champ de la clinique

    psychanalytique, il se confirme que la vrit historique vient s'tablir dans la pense de Freud

    comme l'vnement dans la ralit matrielle (vrit matrielle) en addition aux fantaisies de

    dsir, en se soustrayant les dfenses. Ainsi la vrit matrielle est la vrit historique dnude

    des fantaisies de dsir et de la dfense :

    Vrit Historique = (Vrit Matrielle + Fantaisie de Dsir) Dfense

    Vrit Matrielle = Vrit Historique (Fantaisie de Dsir + Dfense)

  • 18

    Ainsi, dans la pratique psychanalytique, la vrit historique cherche ne se rduit pas

    la ralit matrielle, puisque les fantaisies de dsir possdent valeur exponentielle en relation

    aux vnements rels.

    Conclusion

    Il n'est pas possible quantifier combien des attaques la psychanalyse sont motivs par

    la peur Freud, fantasi comme Croquemitaine qui remue, tel Orcus, les enfers des passions

    infantiles, encore pulsatives sous la peau de l'adulte. Nanmoins, dans le dveloppement de sa

    pense, Freud ressemble plus Janus, en travaillant avec des paires antithtiques de concepts.

    Cependant, il a t confondu par la fantaisie, deux fois, entre le rel et l'imaginaire.

    Premirement, de faon nave, ensuite, plus prudente, jusqu' la formulation des notions de

    ralit matrielle et de ralit psychique, et, ultrieurement, l'laboration des conceptions de

    vrit matrielle et de vrit historique.

    Dans la thorie, la fantaisie cesse davoir seulement une fonction de dfense quant la

    vrit, en gagnant progressivement un rle dans la constitution de la vrit, et une

    participation croissante dans l'tiologie. Dans la pratique, la construction est mise en relief en

    relation l'interprtation, c'est--dire, la cration se ressort la dcouverte. Il devient moins

    important, pour le traitement, dtablir le contexte objectif de l'exprience, que de localiser le

    dbut du conflit, savoir, le pourquoi , les motifs du conflit pulsional, et le pour que , la

    finalit de la dfense

    Nanmoins Freud a t lent assentir l'amplitude du rle tiologique de la fantaisie.

    Son penchant par l'archologie est manifeste la profession de Norbert Hanold, dans

    Gradiva qu'on peut le constater dans ses analogies entre le travail de l'archologue et du

    psychanalyste, aussi quau travers de sa passion par statuettes ancestrales et son intrt pour

  • 19

    lhistoire de lhumanit. Pourtant il a su se laisser guider par les caractristiques de son objet

    d'tude, en cherchant moins dcouvrir la vrit matrielle, comme archologue, qu rendre

    possible la reconstruction ou la construction par lanalysant de sa vrit historique, comme

    pote, en arrivant la conclusion que, dans une extension plus grande quil aurait imagine,

    nous sommes, en fait, faits de la mme substance que celle des rves.

    Dans la pratique, le dsir de travailler avec le matriel concret du scientifique positif

    est revu, en passant inclure progressivement le matriel diaphane de la Psych, qui, avec

    Eros et Thanatos ses cts, au ouvrir et fermer ses ailes de papillon, se montre et se cache,

    comme un mirage. Ce qui semble tre un destin auquel Freud cherche tre exempt depuis

    le temps du traitement du cathartique, dont les histoires de cas lui semblaient plus des rcits

    romanesques.

    Cependant, avec la fantaisie phylogntique, l'objectif d'avoir une base matrielle pour

    sa thorie fluctuat nec mergitur. Puisque, dans cette conception, il continue rendre prsente

    la ralit matrielle de lvnement, suppose ds la thorie de la sduction, mais maintenant

    apporte par la biologie. Nanmoins reste en suspens la question de savoir pourquoi Freud,

    pour lexplication de la protofantaisie, a considr court le temps de vie de Pankejeff, en ne

    faisant pas recours, par consquence, la matrialit de la langue et de la culture, comme dj

    propos pour le symbolisme du rve, au lieu de faire appel la biologie.

    Des trois protoscnes cot parental, sduction et castration seulement pour cette

    dernire se perptue, comme condition ncessaire, une ralit matrielle ontogntique, la

    diffrence sexuelle, quand le rel de l'anatomie va intervenir au jugement d'existence du

    phallus imaginaire. Alors que, en les autres deux, l'imaginaire des scnes va oprer sur le

    jugement d'attribution sexuelle au corps rel.

    En considrant l'importance de la vrit chez Freud, il est notable que, concernant la

    diffrenciation entre vrit historique et vrit matrielle, seules soient fait deux brves et

  • 20

    tardives rfrences dans toute son uvre, partir de 1935, et il est tout aussi remarquable que

    cette diffrence soit aborde dans des textes sociologiques et non cliniques. Il est possible que

    cela soit d au fait davoir constat que cette distinction, pour importante quelle soit en ce

    que concerne l'histoire collective, a moins dimplications dans le contexte de l'histoire

    individuelle. Ou, peut-tre, attribuable la rticence conclure que la vrit historique dans la

    psychanalyse n'est pas une vrit matrielle.

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    Ce travail porte sur la vrit chez Sigmund Freud (1856-1939) avec lobjectif gnral d'enquter sur les relations entre vrit (Warheit) et fantaisie (Phantasie). Vrit comprise comme ce que Freud cherche atteindre dans le traitement psychanalytique, dont lassentiment et l'intgration, par lanalysant, sont conditions ncessaires aux modifications de son fonctionnement psychique, cest--dire, de sa faon dtre.Les objectifs spcifiques sont, partir de la thorie de la sduction, accompagner les modifications du rle de la fantaisie concernant la vrit, jusqu' la diffrenciation ultrieure, prsente seulement dans deux textes, partir de 1935, entre vrit historique et vrit matrielle, aussi que les consquences de ces modifications quant aux objectifs du traitement psychanalytique.Chez Freud, la vrit est d'importance fondamentale, comme il est indiqu par l'pigraphe ci-dessus, comprise dans sa dfinition traditionnelle de correspondance une ralit, tel que manifest quand il raffirme sa filiation la vision du monde de la science (1933 [1932]/1995). Mais la question est de savoir quelle ralit correspond la vrit en psychanalyse.La vrit se prsente comme problme Freud par deux voies : la vrit de la psychanalyse, de la thorie en sa validit pistmologique ; et la vrit dans la psychanalyse, dans la pratique en son efficacit. Quant la thorie, il persvre maintenir la psychanalyse dans le champ de la science naturelle, en ayant comme point d'appui la source biologique de la pulsion en la surdtermination tiologique. Dans la pratique, partir d'une conception de causalit matrialiste, il arrive, involontairement, une perspective idaliste, avec une prominence ascendante, pendant son parcours, de la ralit psychique sur la ralit matrielle.Fantaisie comme barrire la vritLa premire occurrence du terme vrit historique (historische Wahrheit), se trouve dans l'analyse que Freud entreprend de Leonardo da Vinci (1910/1993), partir d'un de ses premiers souvenirs d'enfance. Il procde analogies, auxquelles il fera, plusieurs reprises, rfrence dans son uvre, entre vrit historique avec ralit vcue et histoire individuelle avec histoire d'un peuple. Il fait remarquer l'importance des histoires de l'enfance, parce que si celles-ci taient mprises on commettrait la mme injustice quen rejetant la lgre, dans la prhistoire dun peuple, le matriel des lgendes, traditions et interprtations (p. 109).

    Conclusion