artigo de opinião sobre integração em áfrica

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1 6 e numéro janvier/février 2010 janvier/février 2010 janvier/février 2010 janvier/février 2010 SOMMAIRE ACTUALITES L’OHADA et les autres législations communautaires : UEMOA, CEMAC, CIMA, OAPI, CIPRES etc. Me Mamadou KONATE (P 2) ETUDES Droit d’auteur sur l’œuvre architecturale en OAPI : « Observations à la lumière des droits issus de la civil law » Me Bérenger MEUKE (P 8) CHRONIQUES La responsabilité du banquier dépositaire des fonds destinés à une augmentation du capital en OHADA – Note sous Arrêt CCJA 29 juin 2006 (COBACI – STCA – SHAFTESBURY – BENA TH COMPANY Ltd) Me Bakary DIALLO (P 16) INFORMATIONS PRATIQUES Mise en concession et dettes de salaires : « Le transfert d’entreprise en droit malien » Me Bérenger MEUKE (P 21) LU POUR VOUS Le contrôle de la mission de l’arbitre RTD Com 2007, p 1 David MARTEL (Chargé d’Enseignement – Aix Marseille III) (P 23) Dans cette sixième parution, La Revue Jurifis Info lève un coin du voile sur les relations que l’OHADA devraient entretenir avec les législations communautaires issues de l’UEMOA, de la CEMAC, de la CIMA, de l’OAPI et de la CIPRES, thème ayant fait l’objet d’un exposé détaillé lors du dernier séminaire organisé par l’Union Internationale des Avocats qui s’est tenu à Dakar les 19 et 20 février dernier. En effet, comme l’a fait remarquer Me Mamadou KONTE, la création d’organisations de dimensions régionales ou sous régionales s’est accrue de façon considérable sur le continent ces derniers temps, avec à la clé, un foisonnement qui mérite que l’on s’y attarde quelque peu. Le risque de conflits entre les différents systèmes juridiques n’est plus virtuel, il est réel eu égard à l’existence d’un domaine concurrent des divers ordres juridiques. Du fait entre autres et notamment de la souplesse voire de l’imprécision avec laquelle la sphère d’intervention de chacune des organisations a été fixée. Ce risque est aggravé par la coexistence au plan supranational de trois juridictions suprêmes au niveau communautaires que sont la Cour de Justice de l’U.E.M.O.A., la Cour de Justice de la C.E.D.E.A.O. et la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’O.H.A.D.A. Toutes choses susceptibles d’annihiler l’avenir même du processus d’intégration tant il est vrai que cette intégration multisectorielle se réalise dans un même espace juridique éclaté en autant d’ordres juridictionnels. Quels peuvent donc être ces contrariétés et les points d’achoppement entre les différents systèmes juridiques? Est-il possible d’imaginer un mode d’articulation entre ces divers ordres juridictionnels ? En d’autres termes, une telle cohabitation est-elle souhaitable, est-elle durable ? Pour tout renseignement ou pour recevoir la Revue Jurifis Info par e-mail, écrivez à [email protected] Consultez La Revue en ligne : www.jurifis.com Quartier Hamdallaye, ACI 2000, face Nouvelle Ambassade des USA - BP E 1326 Bamako/Mali Tél : (+223)20.23.40.24/20.23.53.96/20.22.53.97 - Fax (+223) 20.22.40.22

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6e numéro – janvier/février 2010janvier/février 2010janvier/février 2010janvier/février 2010

SOMMAIRE ACTUALITES

L’OHADA et les autres législations communautaires :

UEMOA, CEMAC, CIMA, OAPI, CIPRES etc.

Me Mamadou KONATE (P 2)

ETUDES

Droit d’auteur sur l’œuvre architecturale en OAPI :

« Observations à la lumière des droits issus de la civil

law » Me Bérenger MEUKE

(P 8) CHRONIQUES

La responsabilité du banquier dépositaire des fonds

destinés à une augmentation du capital en OHADA – Note sous Arrêt CCJA 29 juin 2006 (COBACI – STCA – SHAFTESBURY – BENA TH COMPANY Ltd)

Me Bakary DIALLO

(P 16)

INFORMATIONS PRATIQUES

Mise en concession et dettes de salaires : « Le transfert

d’entreprise en droit malien »

Me Bérenger MEUKE

(P 21)

LU POUR VOUS

Le contrôle de la mission de l’arbitre

RTD Com 2007, p 1

David MARTEL (Chargé d’Enseignement – Aix Marseille III)

(P 23)

Dans cette sixième parution, La Revue Jurifis Info lève un coin du voile sur les relations que l’OHADA devraient entretenir avec les législations communautaires issues de l’UEMOA, de la CEMAC, de la CIMA, de l’OAPI et de la CIPRES, thème ayant fait l’objet d’un exposé détaillé lors du dernier séminaire organisé par l’Union Internationale des Avocats qui s’est tenu à Dakar les 19 et 20 février dernier. En effet, comme l’a fait remarquer Me Mamadou KONTE, la création d’organisations de dimensions régionales ou sous régionales s’est accrue de façon considérable sur le continent ces derniers temps, avec à la clé, un foisonnement qui mérite que l’on s’y attarde quelque peu. Le risque de conflits entre les différents systèmes juridiques n’est plus virtuel, il est réel eu égard à l’existence d’un domaine concurrent des divers ordres juridiques. Du fait entre autres et notamment de la souplesse voire de l’imprécision avec laquelle la sphère d’intervention de chacune des organisations a été fixée. Ce risque est aggravé par la coexistence au plan supranational de trois juridictions suprêmes au niveau communautaires que sont la Cour de Justice de l’U.E.M.O.A., la Cour de Justice de la C.E.D.E.A.O. et la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’O.H.A.D.A. Toutes choses susceptibles d’annihiler l’avenir même du processus d’intégration tant il est vrai que cette intégration multisectorielle se réalise dans un même espace juridique éclaté en autant d’ordres juridictionnels.

� Quels peuvent donc être ces contrariétés et les points d’achoppement entre les différents systèmes juridiques? � Est-il possible d’imaginer un mode d’articulation entre ces divers ordres juridictionnels ? � En d’autres termes, une telle cohabitation est-elle souhaitable, est-elle durable ?

Pour tout renseignement ou pour recevoir la Revue Jurifis Info par e-mail, écrivez à [email protected]

Consultez La Revue en ligne : www.jurifis.com

Quartier Hamdallaye, ACI 2000, face Nouvelle Ambassade des USA - BP E 1326 Bamako/Mali Tél : (+223)20.23.40.24/20.23.53.96/20.22.53.97 - Fax (+223) 20.22.40.22

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L’OHADA ET LES AUTRES LEGISLATIONS COMMUNAUTAIRES:

UEMOA, CEMAC1 , CIMA, OAPI, CIPRES etc.

Mamadou I. KONATE

Avocat Associé JURIFIS CONSULT

La création d’organisations de dimensions régionales ou sous régionales s’est accrue ces derniers temps, avec à la clé, un foisonnement qui mérite que l’on s’y attarde quelque peu. Dès les lendemains de la seconde guerre mondiale, l’idée d’intégration africaine était perceptible dans les revendications politiques et philosophiques telles que exprimées par le mouvement de la « négritude » qui prônait le retour aux sources et au panafricanisme. Dès les premières heures de la décolonisation, le rêve unitaire fortement exprimé par le leader politique ghanéen, Kwamé N’ Krumah, s’est propagé dans l’opinion et l’imagination publiques africaines. Ce rêve ne s’est hélas jamais réalisé véritablement. Aussi, si le phénomène de l’intégration a déjà connu un réel engouement aux lendemains des

indépendances avec la création de plus d’une centaines d’organisations sur le continent, censées renforcer les liens entre les Etats et leurs nations, celles-ci n’ont jamais atteint les objectifs d’une véritable intégration car elles avaient une vocation plus politique que juridique, plus socioculturelle qu’ économique, vocation axée essentiellement sur une volonté de coopération interétatique. L’échec patent de ce modèle d’intégration et l’exemple de la réussite du modèle de la Communauté européenne conjugués avec le phénomène de la mondialisation ont conduit les responsables politiques à proposer une nouvelle démarche d’intégration fondée sur une approche multisectorielle avec au besoin un degré de transfert de souveraineté plus ou moins accentué au niveau supranational, démarche censée être plus efficace. C’est ainsi que principalement dans les années 90 on assista à une éclosion d’ordres juridiques communautaires et régionaux, c'est-à-dire à la prolifération d’ensembles organisés et structurés de normes juridiques possédant leurs propres sources, dotés d'organes et de procédures aptes à les émettre, à les interpréter ainsi qu'à en faire constater et sanctionner, le cas échéant, les violations. Des initiatives tendant à harmoniser des législations plus sectorielles seront ainsi progressivement mises en place, aussi bien dans le cadre de l'Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI) signée le 02 mars 1977 à Bangui, qu’en matière d’assurance avec la Conférence Interafricaine des Marchés d'Assurances (CIMA) instituée à Yaoundé par Acte du 10 juillet 1992, sans oublier la matière de la sécurité sociale avec l’institution de la Conférence Interafricaine de la Prévoyance Sociale (CIPRES) qui résulte du Traité d'Abidjan du 22 septembre 1992. Bien plus cette nouvelle ambition des Etats Africains va se traduire par la création de l'Union Monétaire Ouest Africaine (U.E.M.O.A) en janvier 1994, par la révision du Traité instituant la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (C.E.D.E.A.O) en juillet 1993, par l’institution de son équivalent en Afrique centrale de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale (C.E.M.A.C). Mais l’avènement de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) avec le Traité de Port Louis de 1993 va bouleverser l’architecture du « bloc institutionnel communautaire » guère à l’abri désormais d’un enchevêtrement juridique et d’un chevauchement des domaines de compétence des organisations existantes dans un même espace. Si bien que se pose avec une certaine acuité la question de la cohérence de ce « bloc institutionnel communautaire » qui ne saurait être continuellement regardé sans que l’on ne cherche véritablement à lui donner un sens, à vérifier sa logique ou à identifier les véritables stratégies qu’il renferme. Il semble donc indispensable de donner une certaine cohérence à ce corpus posé comme tel dans sa globalité. Ce souci devient envahissant lorsque l’on envisage la question sous l’angle de la compatibilité des moyens d’action respectifs des organisations sous régionales.

1 Bien que cette réflexion d’ensemble concerne toutes les législations communautaires de l’espace OHADA, elle n’aborde que très peu le cas de la CEMAC des

autres organisations hors espace Ouest africain.

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Le risque de conflits entre les différents systèmes juridiques n’est plus virtuel, il est réel eu égard à l’existence d’un domaine concurrent des divers ordres juridiques. Du fait entre autres et notamment de la souplesse voire de l’imprécision avec laquelle la sphère d’intervention de chacune des organisations a été fixée. Ce risque est aggravé par la coexistence au plan supranational de trois juridictions suprêmes au niveau communautaires que sont la Cour de Justice de l’U.E.M.O.A., la Cour de Justice de la C.E.D.E.A.O. et la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’O.H.A.D.A. Toutes choses susceptibles d’annihiler l’avenir même du processus d’intégration dans cette région tant il est vrai que cette intégration multisectorielle se réalise dans un même espace juridique éclaté en autant d’ordres juridictionnels. Quels peuvent donc être ces contrariétés et les points d’achoppement entre les différents systèmes juridiques? Est-il possible d’imaginer un mode d’articulation entre ces divers ordres juridictionnels ? En d’autres termes, une telle cohabitation est-elle souhaitable est-elle durable ? C’est à cette série de questions que la présente intervention tente de répondre de manière prosaïque. A l’évidence, il apparaît que la diversité des organisations régionales dans une même zone géographique induit une situation de concurrence dans l’élaboration des normes (I) et dans leur application (II).

I- Conflit de compétence dans l’élaboration des normes L’éclosion des organisations d’intégration conduit bien souvent à un enchevêtrement des normes entre ordres juridiques régionaux ou communautaires des droits substantiels. Ceci crée fatalement une situation conflictuelle, qu'il s'agisse d'organisations internationales à compétence matérielle, sectorielle ou générale, dès lors que les unes occupent totalement ou partiellement l’espace et/ou le domaine d’intervention ou de compétence des autres (U.E.M.O.A; C.E.D.E.A.O; OAPI; CIMA; O.H.A.D.A; CIPRES …). Il s’agit en l’occurrence d’identifier ces risques afin d’anticiper les dérives possibles. 1.1. Les risques Les risques de concurrence dans la production des normes entre l’O.H.A.D.A et les autres ordres juridiques internationaux, qu’il s’agisse d’organisations internationales à compétence matérielle, sectorielle ou générale, qu’elles soient régionales ou sous- régionales (C.E.D.E.A.O, O.A.P.I, CIMA, U.E.M.A.O, C.E.M.A.C, ou CIPRES)2 sont pratiquement inéluctables. En premier lieu, un conflit de compétence peut surgir entre l’O.H.A.D.A et une organisation régionale à compétence sectorielle. C’est le cas notamment de la CIMA. Le droit des assurances est de la compétence de la CIMA (Conférence interafricaine des Marchés d’Assurance). Mais en réalité cette matière relève indubitablement du droit des affaires, rien donc ne peut théoriquement empêcher l’O.H.A.D.A de légiférer dans ce domaine, notamment dans les branches qui n’ont pas encore été abordées par la CIMA (par exemple les assurances de dommages autres que ceux provoqués par des véhicules terrestres à moteur ; assurances aériennes et maritimes…). Mais il serait curieux que l’O.H.A.D.A intervienne dans ces domaines pour ne pas briser l’homogénéité des sources formelles de la matière et pour ne pas amputer la CIMA de ses compétences. Malgré cette prudence élémentaire, le chevauchement s’est déjà produit : le Code CIMA a par exemple déterminé les règles de constitution, de fonctionnement, de dissolution et de liquidation des sociétés d’assurances. Dans ce cadre, les procédures de redressement et de sauvegarde des entreprises d’ assurance qui ont été prévues par les articles 321 à 321-3 du code CIMA, sont différentes de celles énoncées par l’Acte uniforme portant Organisation des Procédures Collectives d’Apurement du Passif en ses articles 25 et suivants. Heureusement qu’in fine, l’article 916 de l’Acte uniforme prévoit qu’il n’abroge pas les dispositions législatives auxquelles sont assujetties les sociétés soumises à un régime particulier. Qu’adviendra-t-il lorsque dans le cadre d’une procédure ouverte impliquant à la fois le droit CIMA et le droit O.H.A.D.A se pose en filigrane la question du choix de la norme à appliquer ?

2 J. ISSA- SAYEGH, La fonction juridictionnelle de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA, in ohada.com D-02- 16. Voir également P. MEYER, Les

conflits de juridictions dans les espaces OHADA, UEMOA et CEDEAO, (Communication au colloque organisé par l’Agence intergouvernementale de la francophonie

(A. I .F) en collaboration avec l’UEMOA sur « La sensibilisation au droit communautaire de l’UEMOA », Ouagadougou, 6- 10 octobre 2003).

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Il en va également de même pour l’OAPI (Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle) dont les matières traitées par les Annexes font également partie du droit des affaires. Pour les mêmes raisons que la CIMA, l’O.H.A.D.A se gardera bien de légiférer dans le domaine de la propriété intellectuelle même sur des sujets non encore explorés par l’OAPI tels que les œuvres informatiques ou multimédia. Cette abstention volontaire peut d’ailleurs conduire à un tout autre risque : celui de provoquer un vide juridique. C’est pour cette raison probablement que l’Acte uniforme sur les Sûretés ne contient aucune disposition relative au nantissement des propriétés intellectuelles. Il se contente seulement d’un renvoi aux lois particulières pour cela. Or en la matière ni l’OAPI, ni les lois nationales ne se prononcent sur une telle sûreté si bien que celle-ci n’est pas réglementée dans la pratique. En second lieu, un conflit de compétence peut surgir entre l’O.H.A.D.A et l’U.E.M.O.A. Dans ce domaine particulier des rapports entre les deux organisations, le nombre de recoupements de compétence est impressionnant. En effet, depuis la transformation de l’U.M.O.A en U.E.M.O.A, cette dernière a le pouvoir d’adopter des Règlements (Lois uniformes s’imposant directement aux Etats membres) mais uniquement dans les domaines de compétence que le Traité lui attribue expressément ou déterminés par la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement. Or de l’analyse de ces dispositions, il ressort qu'il ne fait aucun doute que l'U.E.M.O.A s'est donné par rapport à l’objectif d'harmoniser toutes les législations nécessaires à la réalisation, non seulement de l'Union monétaire, mais aussi de l'Union économique. Mais lorsque l’on envisage le détail des questions énumérées par le Traité à propos des politiques monétaire (article 62), économique (articles 63 à 75), sectorielles (articles 101 et 102) ; Protocole additionnel n° II) ainsi que celles rattachées à la réalisation du marché commun (articles 76 à 100), c'est quasiment tout le droit économique, c'est-à- dire le droit des affaires dans son ensemble qui est concerné et qui pourrait ainsi être harmonisé par l’U.E.M.O.A. Il s’ensuit que le danger de normes concurrentes est dès lors avéré entre l'U.E.M.O.A et l'O.H.A.D.A dans la mesure où cette dernière fonde le droit commun des affaires (droit commercial général ; droit des sociétés ; entreprises en difficulté ; sûretés ; droit comptable ; arbitrage ; voies de recouvrement des créances…), le droit spécial des affaires (transports, par exemple), voire le droit social (droit du travail et sécurité sociale…) sans aucune limite. On a d’ailleurs vu un tel conflit de normes surgir à propos du droit comptable élaboré par l'O.H.A.D.A et du système comptable ouest africain (SYSCOA) ; cette situation a été fort heureusement résolue par la concertation. Les instances de l'U.E.M.O.A et de l'O.H.A.D.A se sont rapprochées pour élaborer un droit et un plan comptables quasiment identiques. Mais ce type de conflit peut surgir à nouveau dans d'autres domaines sans que l'on soit certain de son issue. On peut donc assister à un débordement de l'activité normative des deux organisations qui risque de créer une situation juridique incertaine. Il en est ainsi, pour épuiser les exemples dans ce domaine, de l’article 11 du projet de code communautaire des investissements qui fournit une autre hypothèse d’imbrication dans l’application du droit matériel O.H.A.D.A et du droit U.E.M.O.A. En effet, ce projet d’article fixe les règles de production devant être observées par les entreprises qui sont d’origine étrangère à la Communauté U.E.M.O.A en les soumettant à l’obligation de se conformer aux règles et normes exigées pour la production des produits identiques dans leur pays d’origine. Il est évident que le contentieux se rapportant à cette disposition se développera le plus souvent parallèlement ou plus exactement dans le cadre d’un contentieux portant principalement sur la vente des produits visés et, notamment, sur les obligations du vendeur, lesquelles seront régies par l’Acte uniforme sur le Droit Commercial général. Quelle serait dans ce cas l’attitude du juge supranational O.H.A.D.A lorsque qu’un plaideur soulèvera devant lui la non-conformité du produit litigieux aux dispositions du code des investissements U.E.M.O.A ? De fait, toutes les autres obligations qu’impose l’article 11 du projet à l’investisseur-producteur ainsi que, d’une manière générale, toutes celles qui pourraient être exigées par l’U.E.M.O.A. dans le cadre d’une politique de normalisation des produits et services sont susceptibles de créer une situation qui épouse la structure d’un litige mixte générant l’application et l’interprétation du droit uniforme des affaires et les dispositions de l’U.E.M.O.A. Face à une situation qui peut vite devenir inextricable si on n'y prend pas garde et ne lui porte pas suffisamment d'attention, quelles sont les solutions envisageables ? 1.2. Les solutions envisageables L’une des manières les plus simples d’anticiper et de prévenir ou de résoudre la concurrence dans la production des normes des organisations régionales citées et l’O.H.A.D.A est de recourir à titre préventif, aux dispositions des Traités qui comportent tous

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des clauses permettant à ces organisations d'établir toute coopération utile avec les organisations régionales ou sous-régionales existantes, de faire appel à l'aide technique de tout Etat ou d'organisations internationales et, surtout, de conclure des accords de coopération avec elles. On a relevé à cet effet l’exemple du droit comptable élaboré par l'O.H.A.D.A et l’U.E.M.O.A. Ce risque de chevauchement a été évité dans ce cas particulier par la concertation en amont des deux organisations pour prévoir un droit et un plan comptable quasiment identique avec d’une part, l’Acte uniforme portant sur le droit comptable et d’autre part, le Système Comptable Ouest Africain (SYSCOA). Mais en dehors de cette formule de concertation formelle ou non, toujours possible, entre organisations internationales, aucun mécanisme général préventif ou de solution des conflits de compétences n'a été institué dans la zone africaine subsaharienne. A supposer donc que la solution de la concertation soit impossible ou inutilisée, comment arrivera-t-on à résoudre les conflits de normes portées par des législations des différentes organisations différentes ? Rappelons qu’il n'y a conflit de normes que si deux dispositions ayant le même objet sont contraires. Il y a lieu de distinguer dans cette analyse deux hypothèses : lorsque le conflit normatif dont il s’agit oppose le droit commun à un droit spécial ou lorsqu’il oppose deux législations de droit commun. D’abord le conflit peut se porter entre un régime de droit commun et un régime de droit spécial. En effet, il peut advenir que l'une des organisations en présence ait forgé un droit commun et l'autre, un droit spécial (par exemple, le droit des sociétés commerciales élaboré par l'O.H.A.D.A est considéré comme le droit commun des sociétés commerciales et celui des banques et des assurances créé respectivement par l'U.E.M.O.A et la CIMA constituent des droits spéciaux de sociétés commerciales à objet de banque ou d'assurance ; tandis que les règles comptables édictées par le code CIMA pour les entreprises d'assurance constituent un régime dérogatoire au droit commun comptable SYSCOA ou O.H.A.D.A). Dans un tel cas de figure, lorsque les régimes spéciaux dérogent au droit commun mais uniquement dans les limites étroites de ces régimes spéciaux et pour l'objet précis des dispositions dérogatoires considérées, la CCJA pour l'O.H.A.D.A comme la Cour de Justice de l'Union pour l’U.E.M.O.A devraient donner une interprétation de la portée dérogatoire de la règle ou du régime spécial. Ensuite le conflit de normes peut concerner deux régimes de droit commun (par exemple l’O.H.A.D.A et l’U.E.M.O.A avec le droit comptable). Dans de pareils cas, le risque est grand d'être en face d’un conflit de règles insoluble lorsqu'elles seront appliquées dans l'espace de l'U.E.M.O.A car, selon qu'elles y auront intérêt, les entreprises pourront réclamer l'application de l’Acte uniforme ou du SYSCOA. Or, à la différence de la règle de conflit qui permet, dans les limites fixées par le système de droit international privé du for, de répartir l’application de la lex fori et de la loi étrangère, aucun des ordres juridiques ne détient la clé de la répartition des compétences entre normes en concurrence. En effet, aucun ordre juridique ne peut s’arroger le pouvoir de cette répartition. Certes, il appartient à l’ordre juridique O.H.A.D.A de fixer sa sphère d’applicabilité matérielle et spatiale qui s’impose aux ordres juridiques internes des Etats- parties. Mais, il ne revient pas fondamentalement aux autorités ou aux organes de l’ O.H.A.D.A notamment à la CCJA de traiter ou d’interpréter, par exemple, une norme juridique U.E.M.O.A ou C.E.D.E.A.O dans un litige donné et porté à sa connaissance. De manière générale, la politique d’extension du domaine du droit des affaires actuellement envisagée pour couvrir sinon la totalité, du moins l’essentiel des règles juridiques applicables à l’entreprise et aux activités économiques est porteuse de ce risque d’accroissement des situations de concurrence entre les normes communes produites ou susceptibles d’être produites par l’O.H.A.D.A et les normes communes ou communautaires produites par les autres organisations régionales telles que l’U.E.M.O.A et la C.E.D.E.A.O pour ne rester que sur l’exemple de l’Afrique de l’Ouest. Si bien que tout en restant dans son domaine de compétences, l’ O.H.A.D.A peut se heurter donc à des limites externes résultant de l’existence d’organisations internationales concurrentes tout autant regardantes sur leurs sphères de compétences. D’ où les risques de conflits nés ou à naître, conflits qui peuvent être selon les situations négatifs ou positifs. II. Les Conflits de Compétence dans le contrôle de l’application des normes De la même façon que pour la création de normes supranationales, il existe un risque évident de conflits de compétence au plan juridictionnel (1), ce risque se trouve par ailleurs aggravé par l’absence de lien organique entre les différentes juridictions suprêmes instituées à la tête des plus grandes organisations (2).

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2.1. Un risque évident de conflit de compétence juridictionnelle Conscients des dangers d’interprétations divergentes et/ou contradictoires dans la mise en œuvre de leurs législations, l’O.H.A.D.A, l’U.E.M.O.A, la C.E.M.A.C, la C.E.D.E.A.O ont chacune institué une juridiction spéciale, chargée de veiller à l’application uniforme des règles qu’elles édictent. Il existe ainsi dans le seul espace géographique O.H.A.D.A. (Afrique Centrale et Afrique de l’Ouest) au moins six juridictions3 intervenant dans des sphères de compétence différentes. D’un point de vue pratique, qu’adviendra-t-il lorsqu’un litige venait à impliquer par exemple l’application simultanée et conjuguée des règles de l’U.E.M.O.A, de la C.E.M.A.C et des Actes uniformes ? Quelle juridiction faudrait-il privilégier dans de pareils cas ? Même s’il est vrai qu'en dehors de la CCJA, les autres juridictions suprêmes ne connaissent guère un volume consistant de contentieux pouvant laisser croire à une véritable concurrence entre ces Cours, le risque de divergence existe bel et bien au plan pratique. Or il n'existe aucune hiérarchie ou de lien organique entre les différentes juridictions. Cette situation d’horizontalité bien assise sur le principe de plénitude de compétence de chacune des juridictions dans la matière qui la concerne, empêche que l’une puisse saisir l’autre pour avis ou pour consultation sur une question d’interprétation. La Cour de justice de l'U.E.M.O.A, saisie par avis le 2 février 2000 à propos du projet de Code communautaire des investissements U.E.M.O.A, avait eu à se prononcer indirectement sur la question en expliquant, d'une part, que la CCJA ne peut saisir la Cour de justice de l'U.E.M.O.A en renvoi préjudiciel, parce qu'elle n'est pas une juridiction nationale et, d'autre part, que l'interprétation par la Cour de justice de l'U.E.M.O.A des Actes uniformes de l'O.H.A.D.A porterait atteinte à « l'exclusivité de compétence de la CCJA dans l'interprétation et l'application des Actes uniformes ». L'absence de lien organique entre ces hautes juridictions, s'explique en théorie par le fait qu'elles sont toutes adossées à des Traités internationaux différents et qu'elles obéissent ainsi à des ordres juridiques distincts. Cette absence de passerelles entre ces institutions est pourtant préjudiciable pour les plaideurs ordinaires. Cette pluralité de cours ne gagnerait- elle pas en efficacité si une collaboration formelle pouvait être établies entre- elles? Certains observateurs ont avancé l’idée de faire de la CCJA la plus Haute juridiction communautaire. Elle aurait pour ainsi dire vocation à connaitre de toutes les affaires relatives aux autres législations uniformes hors O.H.A.D.A, applicables dans les Etats parties, notamment en matière d’assurance ou de propriété intellectuelle, toujours dans le but de parvenir à une interprétation uniforme dans ces domaines. Mais si cette idée a le mérite de la simplicité, sa mise en œuvre n’est pas sans difficultés dans la mesure ou toutes ces matières n’entrent pas, en effet, dans le cadre d’un Acte uniforme. Or la compétence de la CCJA est limitée au domaine du traité de Port Louis. Si bien que la compétence que la juridiction supranationale en tire est une compétence spéciale et non une compétence générale. Sur la base de cette analyse, on ne peut souscrire à cette idée. Une telle mesure pourrait en outre rouvrir inutilement le débat sur la constitutionnalité du Traité. Il faudra prendre garde, en effet, qu’à une trop grande insécurité ne succède une sorte d’impérialisme judiciaire excessif qui lui-même aboutirait à une situation complexe où ne se retrouvent plus les plaideurs ordinaires. 2.2. De la nécessité d’une coopération entre les juridictions communautaires A l’exception des cas de renvoi d’une juridiction à une autre, il y a deux circonstances qui pourraient justifier rationnellement la coopération judiciaire entre juridictions suprêmes : le dessaisissement total d’une juridiction au profil d’une autre et la procédure de renvoi préjudiciel. La voie du dessaisissement doit être exclue dans notre hypothèse en raison de son impraticabilité car elle heurterait de plein fouet les règles de compétences exclusives entre les juridictions. Or la question de l’opportunité du recours à la procédure préjudicielle peut se poser au moins dans les cas très spécifiques où le litige soulève des questions d’application et d’interprétation de plusieurs normes communautaires.

3 La Cour Commune de Justice et d’ Arbitrage ( CCJA) de l’ OHADA, la Cour de Justice et Cour des Comptes de l’ UEMOA , ( article 38, Traité et article 1

er et s.,

23ets ., du Protocole additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle de l’ UEMOA) , la Cour de Justice de la CEMAC, la Cour de Justice de la CEDEAO ( article 16

Traité CEDEAO , et Protocole A/ P du 1/7/1991 relatif à cette Cour ) et un Tribunal arbitral de communauté ( article 16, article, Traité révisé ).

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Il s’agit des litiges dans lesquels il existe un partage des compétences entre, par exemple, la CCJA et les autres juridictions suprêmes communautaires. Dans une telle hypothèse, l’instauration d’un mécanisme de question préjudicielle est celui qui présenterait le moins d’inconvénients. Dans une telle perspective, dès lors qu’un juge suprême se trouve confronté dans « une affaire mixte » dans laquelle il y a un mélange d’application et d’interprétation de normes communautaires, il doit poser, sans aucune condition, la question préjudicielle à la juridiction suprême normalement compétente en la matière. Il n’y a pas lieu, pour lui de considérer si la question est ou non « prépondérante »4 Il n’y a pas lieu non plus d’admettre la théorie d’un acte clair développée par les juridictions françaises dans le cadre du droit européen5. Car il s’agit avant tout de permettre à chaque juridiction supranationale de garder toute sa maîtrise sur tout le contentieux du droit qui relève de sa compétence et de se prémunir contre les autres juridictions qui voudraient prendre quelques libertés avec les règles de compétences exclusives instituées par les différents traités. Cette technique de recours à la procédure de renvoi préjudiciel devrait ainsi permettre aux diverses juridictions œuvrant pour le « bloc institutionnel communautaire » d’exercer chacune en ce qui la concerne, un contrôle indirect sur l’interprétation et l’application du droit relevant de sa sphère de compétence dans les litiges mixtes, tout en permettant aux autres juridictions d’exercer pleinement leur souveraineté sur la partie des litiges qui les concernent. Schématiquement, la procédure se déroulerait en trois temps:

1- Le juge initialement saisi décide de surseoir à statuer et de renvoyer la question d’interprétation à la juridiction dont l’avis est sollicité ; 2- Saisie de la question, cette dernière, qui garde sa compétence exclusive dit le droit sous forme d’un arrêt interprétatif ; 3- Le juge saisi reprend l’instance fait application de cet arrêt interprétatif au litige et rend une décision qui éteint le contentieux.

4 On sait que ce critère avait été suggéré par la Cour Suprême nigérienne pour rejeter la compétence de la CCJA dans les litiges d’ affaires mixtes, Cour Suprême du

Niger, 16 août 2001. 5 L’idée a été exprimée dès 1896 par LAFERRIERE : « Il faut qu’il ait une question, c'est-à-dire une difficulté réelle, soulevée par les parties ou spontanément reconnue

par le juge, et de nature à faire naître un doute dans un esprit éclairé », Traité de la juridiction administrative, Paris, 1896, T.I, p.498.

Elle est appliquée par les juridictions françaises qui sont tenues de renvoyer l’interprétation des traités internationaux au gouvernement. La théorie de l’acte clair est

donc un moyen inventé par ces juridictions pour renforcer leur pouvoir à l’égard de l’exécutif. Le Conseil d’ Etat français l’a transposée à la procédure du renvoi

préjudiciel instituée par l’article 177 dans un arrêt du 19 juin 1964, aff. Shell -Berre (Rev.de droit public et de sc. pol., 1964, p.1039)

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DROIT D’AUTEUR SUR L’ŒUVRE ARCHITECTURALE EN OAPI :

« Observations à la lumière des droits issus de la civil law »

Bérenger Y. MEUKE

Docteur en droit des affaires Avocat aux Barreaux de Lyon et du Cameroun

Collaborateur Principal – JURIFIS CONSULT Chargé d’Enseignement à l’Université de Bamako et anciennement à l’Université de Nantes

Après cinquante années d’indépendance, la plus part des Etats africains ont décidé de refaire peau neuve. On assiste dans des pays à l’instar du Mali, du Sénégal, du Bénin ou même de la Guinée Equatoriale à une forte progression du développement qui se matérialise avec la réalisation d’ouvrages de plus en plus nombreux, modernes et sophistiqués tels que des ponts, des échangeurs, des hôpitaux, des marchés ou des aéroports pour ne citer que ceux là. Or, les créations relevant du domaine de la construction ont un impact sur le « milieu environnant », de sorte que les constructions, tant publiques que privées, doivent être contrôlées, réglementées et suivre un certain nombre de règles juridiques. Il est alors impératif dans un tel contexte de mutation, de s’interroger à nouveau sur les droits des auteurs de ces œuvres architecturales, pour en fixer le cadre et déterminer le contenu.

Dans la pratique, la réalisation de ces différentes œuvres de l’esprit ne se fait pas toujours sans difficulté. C’est très souvent à cette occasion que des conflits prenant leur source entre le moment où le projet de construction est conçu et celui où l’ouvrage est réalisé, peuvent opposer les différents acteurs (l’architecte auteur de l’œuvre, ses collaborateurs, ses salariés, le maître d’ouvrage propriétaire de la construction, ses ayants droits, le maître d’ouvrage délégué, le maître d’œuvre, l’entrepreneur et même le cessionnaire-acquéreur de l’ouvrage ou des droits patrimoniaux sur l’ouvrage). Ces désaccords dépassent assez largement souvent le champ de compétence des juridictions judiciaires et donc du droit privé et concernent tout autant les juridictions administratives et le droit public, tant dans la plupart des cas il s’agit de marchés publics. Les mésententes sont donc multiples, de nature différente et ne sauraient être traitées de la même manière ne serait-ce que parce que les objectifs des différents acteurs divergent en principe, ou encore parce qu’un projet d’architecture de bâtiment et un projet urbain n’ont ni la même échelle, ni le même objet, encore moins la même formalisation. Les contentieux qui se développent de plus en plus notamment en matière de construction et de travaux publics prennent leur source dans le fait que les différents protagonistes ne maîtrisent qu’assez peu, l’étendue de leurs droits, obligations et responsabilités respectifs. En effet, il semble qu’il faille au préalable repréciser les linéaments de certaines notions. Si l’œuvre de l’esprit est le terme légal pour désigner les différentes formes de créations humaines (telles que, par exemple, les livres, les écrits de toute nature, les conférences, les œuvres cinématographiques ou audiovisuelles, les œuvres de peinture, d’architecture, de sculpture, les photographies, les cartes géographiques, les plans, les croquis, les logiciels, les bases de données, les sites internet, etc), le droit d’auteur s’attache à la forme d’expression et non au fond, au « contenant » et non au « contenu », de sorte que s’agissant par exemple d’un roman, ce n’est pas le thème de l’histoire qui est protégé par le droit d’auteur, mais la façon dont elle est racontée, narrée. C’est l’Annexe VII de l'Accord de Bangui du 2 mars 1977 instituant l'Organisation Africaine de la Propriété intellectuelle (OAPI) qui fixe et détermine les contours de la notion de droit d’auteur. Ce texte définit la notion comme étant l’ensemble des prérogatives exclusives dont dispose un auteur ou un ayant droit sur une œuvre de l’esprit. Le droit vise donc à rendre l'œuvre de l'esprit exclusive, en octroyant à l'auteur un monopole d'exploitation sur sa découverte. L'auteur peut ainsi légalement interdire d'utiliser les œuvres dont il détient les droits et il lui est alors possible de vendre des autorisations d'utilisation.

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Le principe de la protection par le droit d’auteur est fixé par l’article 4 alinéa 1er de l’Annexe VII du texte susvisé qui précise que « l’auteur de toute œuvre originale de l’esprit, littéraire et artistique jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création d’un droit de propriété incorporelle, exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial (…) » L’œuvre de l’esprit bénéficie donc de la protection du simple fait de sa création sous la seule réserve de son caractère original (I). Même si des difficultés peuvent apparaître lors de la désignation de l’architecte titulaire du droit d’auteur sur l’œuvre architecturale (II), il est important de préciser que ce dernier est investi d'un droit aux attributs moraux et patrimoniaux (III) qui peuvent entrer en conflit avec les droits du propriétaire de l'ouvrage (IV). L’affirmation selon laquelle l’auteur de l’œuvre architecturale a un droit exclusif sur son œuvre, devrait alors guider les tribunaux de l’espace OAPI s’ils sont en présence d’une situation qui n’est pas visée explicitement dans d’autres dispositions particulières du texte. En d’autres termes, le catalogue des droits particuliers dressé suite à l’Accord de Bangui ne serait pas limitatif6.

I- DE LA NATURE DES ŒUVRES PROTEGEES L'architecte dispose d'un droit d'auteur sur l'œuvre architecturale, ainsi que sur les plans, croquis et maquettes qui en sont le corollaire comme il en ressort d’ailleurs de l’article 5-viii du texte susvisé. La loi vise ainsi toutes les œuvres d’architecture, à la fois la construction d’édifices publics ou privés et les constructions relevant du génie civil, comme les ponts, les autoroutes, les tunnels ou tranchées couvertes, les canaux, les parcs publics, les installations sportives (stades)… Seraient alors protégés, non seulement, les plans, croquis et maquettes conçus par l'architecte mais mieux encore, les édifices eux-mêmes dès lors qu'ils présentent un caractère original. En revanche, il semble que ne sont point protégées par le texte susvisé, les œuvres architecturales sans caractère particulier ou original, qui sont la reproduction banale des types d'édifices largement répandus à travers l’espace OAPI. Ont ainsi par exemple été considérés par la jurisprudence française7 comme œuvres protégées, un bâtiment dont la partie centrale est surmontée d'une verrière monumentale servant de hall de circulation et de lieu de repos8, une maison d'habitation ayant fait l'objet de publication dans des revues d'architecture durant la période de sa création9, des plans et dessins originaux concernant un agencement de vitrines et des systèmes particuliers d'éclairage destinés à s'intégrer dans le cadre spécifique d'une architecture déterminée10, des constructions telles que piscines et centres aquatiques ou ludiques11 ou encore des travaux de restauration et de réaménagement dès lors qu'ils ne relèvent pas de la seule nécessité mais traduisent un choix esthétique spécifique et confèrent à l'ensemble réalisé un caractère original12.

Le droit d’auteur protègerait toutes les œuvres de l’esprit, quel qu’en soit le genre, le mérite ou la destination, la seule condition étant que leur forme soit originale13. Le seuil d’originalité requis serait relativement faible, puisque, pour être qualifiées d’œuvres de l’esprit, il suffit que les créations portent « l’empreinte de la personnalité » de leur auteur, c’est-à-dire qu’elles soient susceptibles d’une forme d’expression différente en fonction de leur auteur.

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Voir sur la notion en droit étrangers : « La propriété intellectuelle », par F DESSEMONTET, éd Cédidac 2000, « L’architecte auteur », par Michel Huet, éditions Le

Moniteur, 2006 / « Jusqu’où va le droit moral de l’architecte », par Térence Cabot et Frédéric Sardain, in Le Moniteur des TP, n°5371, 03/11/2006, p. 94 / « La

transformation de l’œuvre initiale de l’architecte n’implique pas de la confier à son auteur », in Le Moniteur des TP, n° 5415, 07/09/2007, p.32 / « Le droit moral de

l’architecte : question de droit ou d’éthique ? » par Michel Huet, in Le Moniteur des TP n° 5273, 17/12/2004, p. 68 / « Etendue et limite du droit d’auteur de l’architecte sur

l’œuvre architecturale », par Bertrand Couette, in www.cyberarchi.com 22/01/08 7 Nonobstant l’influence du droit français dans l’espace OAPI, les Etats d’Afrique francophone se sont également inspirés du droit américain avec le modèle «

copyright ». C’est ainsi, par exemple que l’Accord de Bangui sur les œuvres créées dans le cadre d’un contrat de travail ou d’une œuvre de commande (Annexe VII,

article 5), d’abord inspiré du modèle français, a ensuite évolué dans sa version révisée de 1999 (Annexe VII, article 31) vers le principe du « copyright ». 8 TGI Paris, 29 mars 1989, Bonnier c./ Société Bull : RD imm. Juillet septembre 1989, p. 357

9 CA Versailles, 1re ch., 4 avril 1996, SA Facebat c./ Sirvin : JCP éd. G, 1996, II, 22741

10 CA Paris, 4e ch. A, 22 mai 1996, Société Governor et J.-M. Wilmotte c./ Dubois, ville de Lyon et ville de Caen : Gaz. Pal., 4 décembre 1996

11 CA Rouen, 2e ch. civ. 26 juin 1997, SCPA JAPAC c./ SARL Duval-Raynal

12 CA Paris, 4e ch. A, 30 octobre 1996, Rachline c./ Société d'encouragement à l'élevage du cheval français - CA Paris, 4e ch., 20 novembre 1996, Bourgeois c./ Doueb

- TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 10 mai 2002, n°00/05562, Duchêne c./ SA Mauboussin 13

Par exemple, les études urbaines à caractère programmatique ou projectuel sont reconnues par la Cour de Cassation française comme devant être protégées par

le droit d’auteur nonobstant les prises de position ministérielles par voie de circulaire ne voulant retenir cette notion (J.O. Sénat Q.N°5135 du 14.4.94 p.895).

Pareillement, Selon la Cour de Cassation française, « des plans d’urbanisme ont le caractère d’une œuvre de l’esprit protégée par le Code de la Propriété

Intellectuelle, dès lors qu’ils portent la marque de la personnalité de leur auteur qui, bien que contraint de respecter les directives administratives, ne s’est pas limité

à fournir une simple prestation technique. » (Ch. Crim. 24.9.97 MARTINEZ)

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Ainsi, toutes les innovations dont la forme n’est pas dictée par la contrainte14 et laisse une certaine marge à l’arbitraire seraient qualifiées d’œuvres de l’esprit et protégeables par le droit d’auteur. Si une œuvre est donc protégée, quel qu’en soit le mérite, dès lors qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur, tel n’est par exemple pas le cas de travaux de sculpture ornant des bâtiments, du fait qu’ils « ne procédaient que d’une simple répétition ou accumulation de motifs ornementaux et de la faible qualité de l’exécution, dépourvue de toute vision d’ensemble »15. Egalement, les idées ou concepts ne seront pas protégés en tant que tels, seule la « forme originale sous laquelle ils sont exprimés » ouvre droit à protection. La Cour de cassation française avait décidé dans ce sens en estimant qu’un architecte d’intérieur ne pouvait revendiquer la propriété intellectuelle d’aménagements types de magasins sur la base de prescriptions et dessins généraux ne comportant pas d’«indications suffisamment concrètes et précises »16. D’ailleurs, cette même juridiction avait également refusé la protection à des plans consistant en la simple traduction graphique de calculs purement théoriques et structurels17. En effet, les plans qui ne « sont que la traduction graphique de calculs théoriques et l’application simple de règles techniques et de lois physiques » ne sont pas protégés par le droit d’auteur18. L’œuvre architecturale doit être le fait d’une conception intellectuelle hors série, l’architecte n’étant pas protégé par la loi qu’en tant qu’artiste créateur de formes et non en tant qu’ingénieur employant des procédés purement techniques19. Dans le même ordre d’idée, il avait également été jugé que les plaquettes d’un architecte répondant aux conditions posées par une circulaire du ministère du logement et le plan de masse déposé par lui ne présentent pas les caractères d’une œuvre originale20. Quid des droits d’auteur de l’architecte sur un projet ?

Le droit d’auteur s’attache à un bien immatériel, et le bâtiment construit n’est qu’un exemplaire de ce bien. La protection légale commence déjà à l’esquisse, à l’avant-projet, pourvu qu’on puisse y déceler une individualité. A fortiori un projet complet en bénéficiera-t-il aussi. Les problématiques de droit d’auteur les plus importantes dans ce cadre peuvent paraitre de deux ordres :

� Comment un architecte peut-il se protéger contre la reprise d’un projet ou d’une esquisse de solution lorsqu’un contrat n’a pas été formellement conclu ?

� Quels sont les droits d’un architecte avec lequel un contrat a bien été conclu, mais auquel le maître de l’œuvre préfère un second architecte pour l’exécution du projet ?

1) En l’absence de contrat

Comme l’avait fort justement précisé le Pr François DESSEMONTET, « il convient de rappeler que le droit d’auteur accorde exclusivement à l’auteur le droit d’autoriser la reproduction de l’œuvre. Il s’agit d’un droit absolu, qui est donc valable envers tout tiers, à la différence par exemple des droits portant sur les secrets de fabrication ou les procédés techniques confidentiels. Par conséquent, en l’absence d’un contrat, tout tiers devra s’abstenir de construire selon un avant-projet ou une esquisse qui parviendrait à sa connaissance ». Un contrat pourrait bien intervenir pour légitimer l’usage du projet ou de l’esquisse. C’est dire que la charge de la preuve quant à l’existence du contrat et à son contenu pèse sur l’utilisateur. Le transfert de ces ébauches de solutions n’emporte pas nécessairement le droit de les employer telles quelles. C’est en tout cas le sens de la jurisprudence française21 et allemande22, tout comme la position de la doctrine suisse23.

14

Qu’il s’agisse de contraintes techniques, légales ou contractuelles. 15

Cass., 1re

civ., 5 mai 1998, « G ieule c./ Sagne » 16

Cass., 1ère

civ., 17 juin 2003, « Mme X c./ Alain Afflelou et a. 17

Cass. 3e Civ 19 juin 1969

18 TI Nîmes, 26 janvier 1971, « Keller »

19 CA Bordeaux, 1re ch. B, 13 févr. 1995, Perrier c/ SA Barton et Guestier

20 Cass, 1

re civ, 13 oct 1993

21 CA Paris, 26 octobre 1990, Juris-Data N° 024192

22 Bundesgerichtshof allemand in GRUR 1984, p. 656

23 M. M. Pedrazzini, Neuere Entwicklungen in Urheberrecht des Architekten, Droit de la construction 1993/1, à p. 6 litt; voir également Landgerichtpräsident Uri in

RSPI 1986, p. 127

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Mais alors comment faire lorsqu’on sait généralement que c’est par voie d’actes concluants que se forme le contrat emportant

autorisation de l’architecte d’utiliser les plans ou l’esquisse ?

Comme nous l’avons précédemment précisé, l’Accord de Bangui sur le droit d’auteur protège la création intellectuelle dans tous ses états (esquisse, brouillon ou solution détaillée, même non fixée par écrit). Un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Paris avait protégé le concept original d’un architecte auquel un maître de l’œuvre s’adressait afin de gagner de la place dans un hôtel particulier qui devait être restauré à Neuilly-sur-Seine; une simple esquisse démontrait qu’on pouvait y parvenir en plaçant la cage d’escalier dans une colonne translucide à l’extérieur du bâtiment et en rehaussant le toit par des fenêtres à la Mansard. Toute sommaire qu’elle fût, cette esquisse, mise en plans et exécutée par un autre architecte, fondait un droit d’auteur en faveur de l’architecte consulté24. En l’espèce, un propriétaire d’immeuble s’était adressé à un architecte, lui demandant une solution pour augmenter l’espace intérieur de son bâtiment. L’architecte lui a transmis une esquisse, et à fixé ses honoraires à 12.000 francs. Alors qu’aucune réponse ne lui était parvenue, il a constaté en passant plus de deux ans plus tard sur les lieux, que l’immeuble avait été rénové selon l’implantation des escaliers et le rehaussement du toit tel qu’il l’avait préconisé. Saisi de l’affaire, la Cour d’Appel de Paris avait considéré qu’aucun contrat n’était intervenu entre les parties, de sorte que le propriétaire de l’immeuble ne pouvait justifier d’une autorisation de l’architecte pour l’utilisation du plan. Le délit de contrefaçon était constitué et l’architecte fut dédommagé à hauteur de 50.000 francs, soit environ quatre fois le montant des honoraires qu’il avait proposés.

2) En présence de contrat Toute la question à ce niveau de la réflexion est celle de savoir quels droits un architecte peut-il faire valoir contre l’usage de ses

plans par un autre architecte auquel on confie la suite des travaux ?

La supervision des travaux de réalisation d’une œuvre architecturale est généralement la seule garantie d’une exécution fidèle des travaux, de sorte que, du point de vue de l’auteur, il n’est pas satisfaisant qu’un autre architecte ait le droit d’achever son œuvre. Il semble qu’il faille considérer le contrat de l’architecte comprenant la préparation des plans et l’exécution des travaux comme un contrat de mandat, la révocation étant possible à tout temps. Or, toute autorisation accordée dans le cadre d’un contrat de mandat est censée être donnée sous condition résolutoire. Dès lors, en permettant l’exécution de son projet, l’architecte aurait exercé son droit d’autoriser, donnant ainsi la possibilité au maître d’œuvre acquérir alors et ce, de façon définitive, le droit d’exécuter l’œuvre. L’architecte ne pourrait plus en principe interdire la construction alors que la réalisation de l’œuvre ne lui a pas été confié jusqu’à la fin. Si on peut admettre avec Monsieur PEDRAZZINI25 que l’architecte ne devrait pouvoir s’opposer à l’achèvement de ses plans par un tiers lorsque cet architecte est responsable de la résiliation du contrat, en revanche lorsque cette résiliation ne lui est pas imputable il pourrait en interdire l’emploi lorsque les travaux n’ont pas encore débutés. Au cas où les travaux ont été entrepris, l’architecte ne pourrait s’opposer à leur continuation sur la base de ses plans. A titre d’exemple, la Cour d’Appel de Pau a considéré que, dès lors que les plans du bâtiment de l’architecte second reprennent les éléments originaux d’un plan-masse initial, pour les intégrer dans le projet architectural d’ensemble, l’autorisation du premier architecte est nécessaire et l’œuvre seconde est qualifiée d’œuvre composite26.

II- DE LA TITULARITE DES DROITS

L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit des droits d’auteur sur celle-ci du seul fait de la création. Dès le moment où une œuvre est suffisamment formalisée, qu’elle peut être distinguée d’une idée ou d’un concept, son auteur devient automatiquement titulaire d’un droit de propriété exclusif et opposable à tous. Si la protection conférée par le droit d'auteur est valable erga omnes, il convient alors de s’interroger sur la titularité des droits qui se rattachent à l'œuvre.

24

CA de Paris, 26 octobre 1990, Juris-Data N° 024192 (Le TGI de Paris avait au contraire reconnu l’existence d’un contrat dans un jugement rendu en date du 19 mai

1989) 25

Pedrazzini, op cit 26

CA Pau 1re

civ. 3 janvier 2005, Kohn c/ Chiron

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La désignation de la personne ou des personnes titulaires du ou des droits d'auteur n’est pas sans difficulté. En principe, le titulaire originaire des droits d’auteur sur une œuvre est l’auteur de cette œuvre, c’est-à-dire la personne physique qui a fait un apport personnel dans le processus de création de l’œuvre. Aux termes de l’article 33-1 du texte susvisé, « afin que l’auteur d’une œuvre soit, en l’absence de preuve contraire, considéré comme tel et, par conséquent, soit en droit d’intenter des procès, il suffit que son nom apparaisse sur l’œuvre d’une manière usuelle ». L'auteur est donc d'abord la personne physique qui a créé l'œuvre, puisque l'œuvre est l'expression de la personnalité de l'auteur. Il s'agit là d'une présomption simple puisque l'œuvre architecturale peut être une œuvre collective dont les droits appartiennent à ou aux architectes qui ont élaboré la conception d'ensemble et/ou coordonné la conception de détail.

1) Les œuvres collectives dont les droits appartiennent ou pas aux architectes L'œuvre architecturale est généralement divulguée sous le nom des architectes qui ont signé le permis de construire, dont le nom figure sur les plans et qui en sont ainsi présumés auteurs. Ni leurs collaborateurs, ni leurs employeurs ne sont titulaires des droits d'auteur, cela même dans le cas d'une participation importante d'un architecte collaborateur à l'exécution de travaux, dès lors que la part prise par lui à l'élaboration de l'ouvrage s'est fondue dans l'ensemble, sans qu'il soit possible de l'en détacher. Il avait ainsi été jugé en France que, constituaient des œuvres collectives des constructions édifiées sous la direction d'une SCP d'architectes, à la suite de commandes émanant de maîtres d'ouvrage, sur des plans élaborés à son initiative et en son sein par des professionnels salariés de la société ou indépendants rémunérés par elle, dès lors que les apports de chacun se sont fondus dans l'ensemble en vue duquel elles ont été créées, sans qu'il soit possible, en l'absence de participation de tous à la conception dudit ensemble, de leur reconnaître un droit indivis sur cet ensemble27. En revanche, le juge français avait également considéré comme des œuvres collectives dont les droits n'appartenaient pas aux architectes :

� une maison créée à l'initiative d'une société qui l'a divulguée et commercialisée sous son nom, résultant de la contribution d'un auteur du projet architectural et d'un auteur des plans d'exécution du projet28 ;

� un parc d'attractions pour lequel une personne morale a eu un rôle moteur d'initiative, de coordination et de direction,

la contribution des architectes s'inscrivant dans une démarche collective29.

2) Les œuvres architecturales de collaboration L'œuvre architecturale peut constituer une œuvre de collaboration. Aux termes de l’article 29 du texte susvisé, « les coauteurs d’une œuvre en collaboration sont les premiers cotitulaires des droits moraux et patrimoniaux sur cette œuvre. Toutefois, si une œuvre de collaboration peut être divisée en partie indépendantes c’est-à-dire si les parties de cette œuvre peuvent être reproduites, exécutées ou représentées ou utilisées autrement d’une manière séparée, les coauteurs peuvent bénéficier de droits indépendants sur ces parties, tout en étant des cotitulaires des droits de l’œuvre de collaboration considérée comme un tout ». Il en ressort qu’une œuvre de collaboration est une œuvre à la création de laquelle plusieurs personnes ont concouru ensemble. Elle est la propriété commune des coauteurs, quelle que soit l’importance de leur apport respectif, de sorte que les décisions concernant l’exploitation de l’œuvre doivent être prises à l’unanimité et à défaut d’accord, nécessite la saisine du tribunal compétent. Le régime de l’unanimité n’est donc pas absolu, puisqu’une action en justice en défense des droits patrimoniaux communs pourrait être décidée par un seul des cotitulaires, à condition toutefois d’appeler les autres dans la cause. Cependant, nonobstant la propriété commune, lorsque la contribution des auteurs relève de genres différents, chaque coauteur pourrait bien exploiter séparément sa propre contribution, sans porter préjudice à l’exploitation de l’œuvre commune.

27 CA Rouen, 2

e ch. civ., 26 juin 1997, SCPA JAPAC c/ SARL Duval-Raynal

28 CA Versailles, 15 février 2001, SARL Trabec Ile de France/ SA Leroy Merlin 29 TGI Senlis, 3 juin 2003, Sté ADACP / Sté Grévin et Cie

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L'œuvre architecturale peut constituer une œuvre de collaboration généralement lorsque deux architectes ont concouru, notamment au stade du dossier d’appel d’offre, à la préparation d’une offre technique. Dans ce sens, il avait été par exemple décidé qu’était une œuvre architecturale en collaboration, la préparation d’un « dossier consultation entrepreneurs » pour l'agencement d'une vitrine et de son éclairage, l'un des architectes ayant rédigé le cahier des charges techniques particulières, l'autre ayant établit les plans30.

3) Les œuvres architecturales collectives

L’article 30 du texte susvisé précise que « le premier titulaire des droits moraux et patrimoniaux sur une œuvre collective est la personne physique ou morale à l’initiative et sous la responsabilité de laquelle l’œuvre a été créée et qui la publie sous son nom ». Une œuvre architecturale sera donc collective dès lors qu’elle est créée à l’initiative d’une personne physique ou morale qui, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom, et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé. Dans ces conditions, l’œuvre architecturale collective devient alors la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée, qui est alors titulaire des droits d’auteur sur l’œuvre. D’ailleurs, c’est le seul cas où une personne morale peut se trouver investie des droits d’auteur ab initio. La cour d'appel de Paris dans un arrêt rendu en date du 25 février 1988 avait considéré qu'il n'y avait pas œuvre collective mais deux œuvres séparées dans un cas où le maître d'œuvre avait sous-traité auprès d'un architecte la conception de l'architecture intérieure d'un restaurant, au motif que « l'architecte a eu de fréquents contacts avec le maître de l'ouvrage durant l'accomplissement de sa mission, a exécuté sa mission en toute indépendance à l'égard du maître d'œuvre qui n'a exercé aucun contrôle sur la conception de l'architecte (…) » .

III- DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’AUTEUR SUR L’ŒUVRE ARCHITECTURALE Les droits d’auteur de l’architecte ne s’épuisent pas avec la construction ou la réalisation de l’ouvrage. L’ouvrage n’est en fait que l’expression physique de l’œuvre conçue et réalisée. Il aura peut-être plusieurs propriétaires, ce qui rend illusoire la plupart des clauses contractuelles qui viseraient à préserver l’intégrité de l’œuvre architecturale. Comme nous l’avons précédemment indiqué, l’auteur de toute œuvre architecturale jouit sur cette œuvre d’un droit de propriété qui comporte des attributs d’ordre moral et des attributs d’ordre patrimonial.

1) La protection des droits moraux L’architecte jouit sur son œuvre de droits moraux. D’après les dispositions de l’article 8 du texte susvisé, l’architecte a le droit de revendiquer la paternité de son œuvre en faisant porter la mention de son nom sur l’œuvre, qu’il s’agisse des plans ou de l’édifice lui-même. La Cour d’Appel de Paris avait d’ailleurs jugé dans un arrêt rendu en date du 20 octobre 1995 que la publication des plans ou de photos de l’immeuble doit par ailleurs préciser les noms et qualités de l’architecte31. L’architecte peut également rester anonyme ou utiliser un pseudonyme, s’opposer à toute déformation, modification ou tout autre atteinte qui seraient préjudiciable à son honneur où sa réputation. C’est ainsi que peuvent constituer une dénaturation de l’œuvre architecturale, le fait pour le maître de l’ouvrage d’avoir sans l’accord de l’architecte, prolongé la façade de l’immeuble pour l’agrandir32, exécuté des travaux de gros œuvre qui ont eu pour conséquence de détruire l’harmonie de l’ensemble original de l’immeuble alors qu’aucun impératif technique ne justifiait les modifications33, modifié une sculpture monumentale par retrait d’un certain nombre d’élément et déplacement de son emprise au sol alors même que les fissures constatées sur les pierres ne justifiaient pas l’ampleur des modifications34.

30 CA Paris, 4

e ch. sect. A, 22 mai 1996, Société Governor et Wilmotte/Dubois, ville de Lyon et ville de Caen

31 CA Paris, 4e ch. B, 20 octobre 1995, SPPM / Chemetoff, RD imm., janvier-mars 1996, p. 69

32 TGI Seine, 6 juillet 1966 : D. 1967, 172 33 Cass. 1

re civ., 1er décembre 1987, n°86-12.983, ville de Lille/Gillet : Bull. civ. I, n°319

34 TA Grenoble, 1re

ch., 28 octobre 1998, n°96800, 982119, 982120, Obs Monpert

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Certaines juridictions administratives françaises sont même allées jusqu’à retenir pour atteinte au droit moral de l’architecte, la responsabilité du maître de l’ouvrage public qui a ajouté au portique d’un ensemble d’habitations, des constructions à usage de bureau en ce que celles-ci dégradaient l’aspect extérieur de l’œuvre35 , ou encore pour avoir modifié l’aménagement d’une place publique réalisée par des architectes dans le cadre d’un marché public alors que les modifications apportées, par leur consistance et leur portée, excédaient les aménagements que nécessitait l’amélioration de la sécurité de l’ouvrage36. En revanche, le droit moral de l’architecte ne saurait résister à l’exécution des mesures prévus par la loi pour mettre fin aux conséquences d’infractions pénales, lorsque par exemple des constructions édifiées vont à l’encontre de la législation sur l’urbanisme. Le rôle de la protection qu’offre le droit d’auteur n’est certainement pas de se substituer aux mesures de droit public pour le maintien du patrimoine culturel. Un équilibre doit être recherché entre le droit de propriété sur la chose et la protection du droit moral de l'architecte sur son œuvre qui ne saurait conférer à ce dernier, un droit d'immixtion perpétuel et préalable à toute intervention du propriétaire, ce qui pourrait porter une atteinte grave au droit de jouir de sa propriété et même au droit d'entreprendre. C’est ainsi par exemple que lorsqu’une construction a une destination industrielle ou commerciale, l’architecte ne pourrait s’opposer à sa nécessaire adaptation aux évolutions qu’exigent les contraintes économiques sous réserve bien évidemment que les transformations apportées demeurent proportionnées37. Une approche de même nature pourrait s'appliquer aux ouvrages publics. Le Conseil d'État français avait considéré que si l'architecte ne peut opposer au maître de l'ouvrage une intangibilité absolue de son œuvre, ce dernier ne peut, de son côté, porter atteinte au droit moral que l'auteur détient sur son œuvre en y apportant des modifications et transformations qui ne sont pas rendues strictement indispensables par des impératifs esthétiques, techniques ou de sécurité publique ou qui ne sont pas légitimées par les nécessités du service public, notamment, par la destination de l'œuvre ou de l'édifice ou par son adaptation à des besoins nouveaux38.

2) La protection des droits patrimoniaux L’architecte jouit également sur son œuvre de droits patrimoniaux. D’après les dispositions de l’article 9 du texte susvisé, l’architecte jouit du droit exclusif d’exploiter son œuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire. Sous réserve des dispositions des articles 10 à 21 de l’Annexe VII du texte suscité, l’auteur de l’œuvre a le droit de faire ou d’autoriser la reproduction, l’adaptation, la transformation, de son œuvre et même la cession de ses droits. L'architecte a donc le droit de tirer un profit de la reproduction de son œuvre. Ce droit s'exercerait essentiellement, outre le cas de l'utilisation de plans pour la construction d'un nouvel ouvrage, dans la reproduction des immeubles par photographies et autres moyens de fixation de l'image. Si l’article 11 du texte susvisé permet, sans l’autorisation de l’auteur et sans le paiement d’une rémunération, de reproduire une œuvre licitement publié exclusivement pour l’usage privé de l’utilisateur, cette même disposition exclut la reproduction d’œuvres d’architectures revêtant la forme de bâtiments ou d’autres constructions similaires. En revanche, des limites à la protection des droits patrimoniaux de l’architecte sur son œuvre existent. Il est de jurisprudence bien établie en droit français que la représentation ou la reproduction d'une œuvre de l'esprit sans le consentement de son auteur est permise lorsque celle-ci est située dans un lieu public et qu'elle est accessoire par rapport au sujet principal représenté ou traité39.

35

CE, 5 janvier 1977 : Lebon, p. 2 36

CAA Nantes, 4e ch., 27 décembre 2002, n°99NT01443, ville de Cholet

37 Cass. 1

re civ., 7 janvier 1992, n°90-17.534, Bonnier/SA Bull : Bull. civ. I, n°7 - CA Paris, 1re ch. B, 24 juin 1994, Tissinier / SA Frankoparis : D. 1995,

p. 56 38

CE, 11 septembre 2006, N° 265174, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon obs M. Berdje 39

Cass. 1er

civ. 4 juill. 1995, n°93-10.555, Société Antenne 2 / Spadem : Bull. civ. I, n°295

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S’agissant des droits de l’architecte sur l’image de son œuvre, la Cour d’appel de Paris avait jugé dans un arrêt rendu en date du 5 mars 1999 que, si l'architecte qui a conçu un immeuble ne lui a pas cédé ses droits de reproduction sur son œuvre, le maître de l'ouvrage ne peut, sans son accord, utiliser l'image de cet immeuble. A ainsi été condamné à des dommages intérêts pour contrefaçon un maître de l'ouvrage qui a utilisé l'image de son immeuble pour une campagne publicitaire sans avoir obtenu l'accord des architectes ou avoir cité leur nom et qui, sans leur consentement, a employé un logo reprenant, en la déformant, la représentation de la façade40.

IV- DES DROITS DU PROPRIETAIRE DE L’OUVRAGE Très souvent oublié dans l'examen des intervenants de la construction, le maître d'ouvrage, à la fois initiateur et destinataire du projet, se révèle un partenaire à part entière pour le compte et au profit duquel l'ouvrage est ou doit être exécuté. Alors que l'œuvre architecturale a démontré son originalité, son auteur, l'architecte, va se trouver dépossédé de sa création au profit du propriétaire initial et de tous les propriétaires qui suivront. D'où l'importance de distinguer les droits sur la chose matérielle (immeuble, maison, stade, etc.) qui relèvent du droit de propriété de ceux résultant de la création intellectuelle de l'architecte relevant des droits d'auteur41. La modification de l’œuvre architecturale pose sur le plan juridique de nombreux questionnements. Que ce soit au cours de la réalisation de la construction ou bien plusieurs années plus tard, le droit moral au respect de l’œuvre architecturale reconnu par l’Accord de Bangui, pose en réalité le principe selon lequel l’architecte auteur pourra s’opposer à toute dénaturation de son œuvre. Or, compte tenu de l’importance des intérêts personnels et matériels de l’architecte, de l’importance des intérêts financiers et de la liberté du propriétaire, la question ici est très souvent de savoir si l’œuvre architecturale peut être modifiée par son propriétaire, sachant que son auteur peut s’opposer à toute altération. Si l’intérêt patrimonial du propriétaire est essentiel, il reste dans la nature des intérêts moraux de n’être pas appréciables en argent, de sorte qu’on ne pourrait ipso facto déduire de l’intérêt économique du propriétaire une quelconque supériorité de sa position par rapport aux droits de l’auteur de l’œuvre. Cependant, que le propriétaire soit une personne privée ou publique, le droit au respect de l’œuvre ne devrait pas conférer à l’architecte un droit d’immixtion perpétuel et préalable à toute intervention du maître d’ouvrage. Il nous semble donc peu convaincant de soutenir que, de façon générale le droit d’auteur interdit au propriétaire de l’ouvrage la modification de l’œuvre architecturale42. A notre avis, une pesée des intérêts est indispensable, de sorte que par principe, les intérêts du propriétaire ne doivent pas également toujours l’emporter sur ceux de l’auteur. En effet, la mise en œuvre du droit au respect de l’œuvre architecturale implique la recherche d’un compromis entre les intérêts de l’architecte et ceux du propriétaire privé. Il s’agit surtout de concilier le droit de propriété matérielle du propriétaire et le droit de propriété immatérielle de l’architecte sur son œuvre. Si le droit Suisse semble avoir privilégié le droit de la propriété au détriment du droit d’auteur, la jurisprudence française et allemande est hésitante et toujours en quête d’un meilleur équilibre. Dès lors, Il revient donc aux autorités judiciaires de l’espace OAPI d’apprécier l’opportunité des modifications apportées par le propriétaire par un savant dosage entre le respect des droits de l’auteur et la protection des droits du propriétaire. Comme l’a soutenu le Pr François DESSEMONTET, « les intérêts d’un nouvel architecte mandaté pour les transformations ne s’imposeront pas nécessairement à l’encontre du droit moral de l’architecte original. C’est au sein de leur profession que les architectes doivent établir des standards capables de guider la réflexion des juristes. Il s’agit en effet d’un conflit de libertés : liberté créatrice du second architecte, liberté d’usage du propriétaire, mais aussi liberté intellectuelle de l’architecte original, que protège le droit d’auteur. »

40

CA Paris, 4e ch. sect. B, 5 mars 1999, Sté civile Fondation Première c/ SA Forma Plus

41 Voir B. Vinçotte « Conflit entre droit d'auteur et droit de propriété », Auteurs & Médias, 2003, p.368 / Paul Rigaux « Le droit de l'architecte »,

Larcier, 1993, pp. 69-75 42

Voir sur la question : M. Huet, la protection de l’œuvre de l’architecte, Plädoyer 1994, N° 6 p. 49, Voir également le témoignage de P.

Devanthéry, architecte, in Plädoyer 1994, N° 6, pp. 41-43.

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LA RESPONSABILITE DU BANQUIER DEPOSITAIRE DES FONDS DESTINES A UNE AUGMENTATION

DU CAPITAL EN OHADA

Note sous Arrêt CCJA 29 juin 2006

Bakary DIALLO

Docteur en droit privé Avocat inscrit au Barreau de Paris

Collaborateur Externe - JURIFIS CONSULT Chargé d’Enseignement à l’Université de Paris I Sorbonne et anciennement à l’Université de Bamako

C’est, à notre connaissance, la première fois que la juridiction supranationale statue sur un cas de responsabilité d’un banquier dépositaire de fonds destinés à une augmentation de capital. Il étoffe ainsi une jurisprudence, par ailleurs, relativement rare en la matière. Cet arrêt de rejet de la première chambre civile de la CCJA rendu le 29 juin 2006 mérite donc notre attention. En l’espèce, une banque (la COBACI) dépositaire de fonds destinés à une augmentation de capital avait viré prématurément du compte spécial, et bloqué, au compte courant ordinaire de la société (STCA), le montant des souscriptions partielles (24.470.058 francs et 25.000.000 francs) dont les auteurs (les

sociétés SHAFTESBURY et BENA TH COMPANY Ltd) ne purent obtenir le remboursement. Pourtant, la résolution adoptée par l’Assemblée générale extraordinaire précisait bien que les sommes versées à l’ occasion de cette opération ne seraient utilisées qu’une fois la procédure d’augmentation du capital achevée, c’est à dire matérialisée par la production d’un certificat notarié. Néanmoins, les dirigeants avaient pu obtenir de la banque, qui était manifestement leur partenaire habituel, le déblocage des fonds avant l’aboutissement normal de ce processus. Pour faire échec à la mise en œuvre de sa responsabilité par les souscripteurs, la banque invoqua le fait qu’elle n’était pas tenue, comme dépositaire des fonds de s’opposer à la volonté des dirigeants de la société. Dès lors la problématique juridique que soulevait le pourvoi était simple : la banque commet-elle une faute en débloquant prématurément des fonds destinés à une augmentation du capital social d’une société ? Et accessoirement quelle pouvait être la nature de cette faute ? La juridiction supranationale reprenant l’argument développé par la cour d’appel répond par l’affirmative. La banque qui, en sa qualité de professionnel et tout en étant avertie de la destination des fonds, ne peut pas s’abriter derrière la volonté des dirigeants d’une société pour s’affranchir des dispositions des articles 615, 616 et 617 de l’AUSC. En conséquence de quoi, elle doit être condamnée au remboursement de ces sommes aux souscripteurs. La raisonnement paraît implacable , mais c’est une solution qui paraît logique et empreinte de bon sens ; lorsqu’ un établissement financier a connaissance que les fonds déposés entre ses mains sont destinés à l’ augmentation du capital d’ une société , il a l’ obligation de ne les débloquer qu’ après l’ achèvement des formalités de l’ augmentation de capital. Si l’augmentation du capital social pour une société en difficulté est un moyen commode d'accroître ses fonds propres et d’assainir ses finances (première partie), le retrait des fonds destinés à cette opération doit obéir à des règles (deuxième partie)

I- L’augmentation de capital un moyen de financement particulier L'augmentation de capital peut prendre diverses formes, mais, l'un des cas les plus répandus reste la souscription de nouvelles actions par de nouveaux actionnaires qui rentrent ainsi au tour de table d'une société. Cet apport en numéraire permet d'assainir les finances d'un groupe ou de financer des investissements(A), mais l’augmentation de capital demeure toujours une décision souveraine de l’Assemblée Générale (B).

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A- Finalité de l’augmentation de capital Le but de l’augmentation du capital social est tout simplement de permettre un accroissement des fonds propres de la société. L’ augmentation est alors réalisée soit par augmentation du nominal des actions existantes, soit par la création d'actions nouvelles provenant de souscriptions en numéraire, d'apports en nature ou de bénéfices, réserves, primes d'émission ou d'apport incorporés au capital. Les augmentations de capital peuvent être réalisées avec ou sans droit préférentiel de souscription. Elles peuvent permettre de faire participer de nouveaux actionnaires au capital de la société. Concrètement l’augmentation de capital par apports numéraires est tout simplement une vente de parts (SARL) ou d’actions (SA) dont le produit revient à l’entreprise, et donc indirectement à l’ensemble des actionnaires. Cette méthode a l’avantage de renforcer la solvabilité de l’entreprise. Toutefois, pendant longtemps, ce mode de financement complémentaire a été délaissé par rapport à d’autres techniques : prêt bancaire ou avance en compte courant d’associés, en raison notamment des lourdeurs, de la lenteur et du coût global de la procédure à mettre en œuvre, et c’est encore bien souvent dans la pratique un mode de financement très résiduel. Or l’augmentation de capital présente sur les autres formes de financement complémentaire un avantage certain qui tient au caractère durable de l’accroissement des fonds propres ainsi réalisé, acquis jusqu’ à la dissolution de la société. Les apports nouveaux, effectués en cours de vie sociale donnent lieu à attribution de parts ou d’actions de la même manière que les apports réalisés lors de la constitution et leur régime juridique en est très proche. L’augmentation par apports nouveaux est en effet une constitution partielle de société, tout au moins pour ce qui concerne les éléments transmis à cette occasion. Ces apports nouveaux sont effectués par les anciens associés ou par des tiers qui seront de ce fait intégrés dans la société. Cela dit, bien souvent, cette opération est assez mal vue par les actionnaires, car l’émission de nouvelles actions va « diluer » la valeur de leurs actions actuelles. C'est notamment le cas des entreprises familiales qui veulent garder le contrôle de leur entreprise. Mais, il faut combattre ce signal négatif à priori que représente toute augmentation de capital, lorsque la société traverse une crise financière importante, comme c’est le cas dans notre espèce, c’est un moyen commode pour trouver de l’argent. Il est intéressant de relever les motivations qui ont poussé les dirigeants de la Société de Tuyauterie et de Chaudronnerie d’ Abidjan dite STCA à cette opération. En effet, confrontée à de graves difficultés financières, la STCA s’était fait conseillée par son banquier de procéder à une augmentation de son capital social pour disposer de « l’argent frais » afin de « faire face aux urgences ». C’est ainsi que l’Assemblée Générale extraordinaire a décidé du doublement du capital social passant ainsi de 50. 000.000 de francs à 100.000.000 de francs. L’augmentation de capital ainsi réalisée pouvait apporter un réel enrichissement patrimonial de la société STCA pour faire face à ses besoins immédiats. La décision d’augmenter le capital social ne peut provenir que d’une décision souveraine de l’Assemblée Générale.

B- Conditions préalables à l’augmentation du capital L’augmentation de capital en numéraire est subordonnée à deux conditions essentielles. Tout d’ abord, le capital social initial de la société doit avoir été intégralement libéré (article 572 de l’AUSC). C’est une règle de bon sens, on ne comprendrait pas qu’une société qui n’a pu obtenir de ses propres associés la libéralisation de l’intégralité de leurs apports puisse s’adresser à de nouveaux associés pour augmenter son capital. Le risque de fraude serait alors trop grand. Ensuite, l’augmentation de capital doit être décidée par une assemblée générale extraordinaire (article 564 de l’AUSC). Si la modification du capital social est de la compétence exclusive de l’Assemblée générale extraordinaire, c’est en raison de son incidence politique, le capital social, outre son aspect financier donne la mesure véritable de la société43. D’ où la complexité de toutes les opérations portant sur son capital social, qu’il s’agisse de l’augmenter ou de le réduire. L’augmentation de capital est empreinte d’un formalisme rigoureux. Mais ce formalisme est destiné à protéger les actionnaires en place. Changer les statuts d’une société est une décision importante et requiert l’assentiment de tous les associés ou, du

43 A titre de comparaison relevons la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés Européennes selon laquelle la décision de l’assemblée ne peut être

remplacée par un acte administratif même si l’opération vise à assainir et à permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise particulièrement déterminante pour

l’économie nationale, la décision de l’assemblée générale reste souveraine ( CJCE 23-4-1992, Rev. des sociétés 1993.p.111.note Dana –Demaret ; CJCE 12-3-1996,

Bull. Joly 1996.p.814.note Saintourens.)

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moins, d’une majorité importante d’ entre eux. L’Assemblée Générale statuera donc dans les conditions de quorum et de majorité requises par l’article 549 et 550 de l’AUSC. Toutefois, la portée de cette règle de compétence exclusive de l’assemblée générale extraordinaire doit être précisée. Si toute clause statutaire enlevant cette prérogative à l’assemblée est réputée non écrite (article 569 l’AUSC), cette règle, en effet n’interdit pas à l’assemblée générale extraordinaire de déléguer aux organes de gestion une partie de ses compétences. Le principe de l’augmentation de capital est arrêté en assemblée, mais la réalisation concrète de l’opération peut être déléguée au conseil d’administration ou à l’organe de direction. Encore faut il que les principes fondamentaux de l’augmentation de capital (montant, prix de souscription etc..) soient préalablement arrêtés par l’assemblée. Cette possibilité est utilisée fréquemment pour des raisons de commodité pratique. Dans le cas qui nous occupe, la décision de procéder à l’ augmentation de capital de la société STCA semble parfaitement régulière puisque c’est l’assemblée générale extraordinaire convoquée à cet effet le 1er décembre 2000 qui a décidé dans sa première résolution , de l’ augmentation du capital social en portant celui ci de 50.000.000 de francs CFA à 100.000.000 de francs CFA par la création de 5.000 actions nouvelles de 10.000 francs CFA chacune. Dans sa deuxième résolution la même assemblée extraordinaire conférait « tous pouvoirs au Conseil d’administration et au directeur général de la société qui, porteurs de copies ou d’extraits du procès- verbal constatant ses délibérations, accompliront toutes les formalités légales ou autres s’il y a lieu pour mener à bien cette augmentation de capital.. » L'organe de direction fort de ce pouvoir exécute simplement les instructions, et tente de mettre en œuvre, la décision d'augmentation de capital qui a été arrêtée souverainement par l'assemblée. La délégation de pouvoir est encadrée. A cette fin, l’augmentation de capital doit être réalisée par l'organe de direction dans un délai de 3 ans à compter de la délégation de pouvoir donnée par l'assemblée générale extraordinaire (article 571 de l’AUSC). Dans tous les cas la libération intégrale du capital suppose un versement effectif des fonds, le capital destiné à être augmenté doit être totalement versé et non seulement appelé.

II- Le retrait prématuré des fonds provenant des souscriptions Pour avoir débloqué hâtivement les fonds destinés l’augmentation de capital de la société STCA à la demande des dirigeants de cette société, la banque COBACI a manqué selon la CCJA à son obligation professionnelle (A), toutefois la solution de cet arrêt n’est pas sans soulever quelques observations (B).

A- La faute du banquier Si le formalisme rigoureux qui entoure la procédure d’augmentation de capital est fait pour protéger les actionnaires sur place, le dispositif qui règlemente la réalisation concrète de l’opération de souscription à travers les articles 615, 616 et 617 est lui fait pour renforcer la sécurité juridique des tiers qui décident d’investir dans une société dont ils étaient jusqu’ ici étrangers. Une augmentation de capital doit être constatée par le conseil d’administration ou le directoire, afin que la modification soit considérée comme acquise et puisse être publiée au registre du commerce et du crédit mobilier (article 264 de l’AUSC). En l’espèce, les fonds provenant de la souscription d’actions en numéraire n’avaient été que partiellement libérés. Ils ont néanmoins étaient déposés par les dirigeants de STCA, pour le compte de la société, dans un compte spécial de la COBACI. En ce cas ordinaire, l’AUSC prévoie que le déposant remet à la banque ou, le cas échéant, au notaire, lors de ce dépôt des fonds, une liste mentionnant l’identité des souscripteurs et indiquant, pour chacun d’eux, le montant des sommes versées. Dans le cas qui nous occupe, les souscripteurs avaient été identifiés, il s’agit des sociétés SHAFTESBURY et BENA TH COMPANY Ltd qui avaient souscrit respectivement 24.470.058 francs et 25.000.000 francs complétés de 280.000 francs CFA. En principe, les fonds doivent restés bloqués jusqu’à la production d’une déclaration notariée de souscription et de versement. En effet, les opérations de souscriptions et les versements doivent être constatés par une déclaration des dirigeants sociaux dans un acte notarié que l’on désigne sous le vocable de : « déclaration notariée de souscription et de versement ». C’est sur la base des bulletins de souscription et, le cas échéant , du certificat du dépositaire attestant le dépôt des fonds que le notaire affirme solennellement dans l’ acte qu’ il dresse , que le montant des souscriptions déclarées par les dirigeants sociaux est conforme à celui des sommes déposées en son étude ou, le cas échéant, figurant au certificat précité.

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Les fonds déposés sont indisponibles, à titre de droit comparé, c’est ce qu’avait fort opportunément rappelé la cour d’appel de Paris dans une affaire relative à un dépôt effectué aux comptes de la Caisse des Dépôts et consignations en vue d’une augmentation de capital. En l’espèce les juges d’appel avaient décidé que la Caisse des Dépôts ne pouvait pas affecter les sommes au paiement d’une créance qu’elle aurait à l’encontre de l’apporteur (Paris 30 novembre 1976, G.P. 1977.1.314). Dans notre espèce, en confirmant l’arrêt de la cour d’appel d’Abidjan qui avait vu dans les circonstances de faits une faute du banquier, la haute juridiction tend à admettre une responsabilité professionnelle du dépositaire. Tandis que pour l’auteur du pourvoi, l’attitude du banquier n’était pas répréhensible et ne pouvait donc être qualifiée de faute, dans la mesure où les retraits avaient été réalisés par les dirigeants de la société STCA mandatés par l’Assemblée générale extraordinaire du 1er décembre 2000. Mais ces arguments n’ont pas convaincu les différents juges. Il est reproché au professionnel d’avoir exécuté un ordre de virement émis par les dirigeants alors que les dispositions de l’acte uniforme exigeaient pour une telle opération la réunion de deux critères cumulatifs :

- l’augmentation de capital a été intégralement souscrite44 ; - et le certificat du dépositaire doit attester que les fonds correspondants ont bel et bien déposés.

Il serait possible, selon-nous, d’assimiler un tel acte du banquier à un manquement à une obligation de vigilance. En effet, le dispositif de l’AUSC suggère aux établissements de crédit dans le cadre d’une opération d’augmentation de capital de respecter dans un certains nombre de cas, un devoir de vigilance, également appelé devoir de surveillance ou devoir général de prudence. Cette opération impose au professionnel de déceler, parmi les opérations qu’on lui demande de traiter celles qui présentent une anomalie apparente et, en présence d’une telle anomalie de tout mettre en œuvre pour éviter le préjudice qui résulterait pour la banque, elle- même, ou pour un tiers de la réalisation de cette opération. Il est admis depuis longtemps, par la jurisprudence, que le principe de non- ingérence laisse subsister la responsabilité du banquier qui accepte d’enregistrer une opération dont l’illicéité est manifeste45. Dans l’arrêt étudié, on ne pouvait certes pas accuser la banque d’ingérence dans les affaires de la société, mais elle entretenait des relations pour le moins étroites avec les dirigeants de la STCA pour leur avoir conseillé de procéder à l’augmentation du capital social afin de disposer de « l’argent frais pour faire face aux urgences ». Préalablement, au retrait des fonds le banquier aurait dû vérifier conformément aux articles 615, 616 et 617 de l’AUSC que les conditions requises étaient réunies. Dès lors en procédant à ce dernier, le banquier se mettait nécessairement en faute. C’est ainsi que la cour de cassation française a considéré dans une espèce assez similaire que, la banque qui, tout en étant avisée de la destination des fonds, débloque ceux- ci rapidement après leur dépôt en compte d’affectation sans vérifier l’augmentation de capital pour laquelle elle les avait reçus commet une faute ; par suite, elle doit être condamnée au remboursement de ces sommes au souscripteur (Cass. com. 29-6-1999 : RJDA 10/99 n° 1086). Dans le sens, commet également une faute la banque qui donne aux fonds destinés à une augmentation de capital une autre affectation sans l’accord de son mandataire et portant la somme au compte courant de la société, pour résorber son déficit, une fois le projet d’augmentation de capital abandonné (com 22 mars 1988 Bull, Joly 1988 1988. 359). Pourtant, si cet arrêt de la première chambre civile de la CCJA du 29 juin 2006 CCJA doit être approuvé relativement à la solution de l’espèce, il ne permet pas de répondre clairement à un certain nombre de questions concernant, par exemple, la nature véritable de la faute imputée à la banque.

B- La caractérisation de la faute du banquier Certes l’arrêt déboute l’auteur du pourvoi de sa demande, mais, il est à noter que la CCJA ne se réfère qu’au cas de la banque. Ce que le pourvoi n’a d’ailleurs pas manqué de souligner. La juridiction supranationale ne chercherait-elle pas à privilégier la faute du banquier au détriment de celle des dirigeants ? On peut se le demander. Plusieurs observations peuvent être faites à la suite de cet arrêt rendu par la haute cour communautaire, observations démontrant toute la rigueur de la solution donnée à l’espèce.

44 Voy, Sur le report d’une souscription en cas de non- réalisation d’une augmentation de capital voir Cour d’appel de Paris 17 janvier 2003 :Bull.joly, 2003.p.447.89,

note J.J. Daigre.) 45 Cass.com.,30 octobre 1984, n°83-12.1997 :juris Data n°1984-701706.Bull.civ-1984, IV, n° 285.cass.com, 6 fev.2007, n° 05-14-872 :juris Data n°2007, 037322 ; RD

bancaire et financière 2007, act.134,p.9.obs.F.J.Grédot et Th.Samin.

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Tout d’ abord, on peut se demander s’il n’était pas nécessaire d’engager la responsabilité personnelle des dirigeants qui ont indûment procédé aux retraits. En effet, cette critique a été émise par le pourvoi, les magistrats se focalisent beaucoup plus sur les manquements de la banque que sur ceux des dirigeants de la société, pourtant auteurs des prélèvements. L’arrêt laisse sur ce point la question de la responsabilité des dirigeants sans réponse. La mise en œuvre de la responsabilité du banquier nous paraît dans bien des cas trop automatique. Ensuite, la CCJA ne répond pas à la question essentielle sous entendue dans le pourvoi quelle est la nature juridique de la faute commise par la banque ? Les dispositions de l’Acte uniforme régissant les modifications du capital des sociétés commerciales ne font pas expressément mention à la nature de la faute éventuellement commise par le dépositaire des fonds. La lecture de l’arrêt ne permet pas de répondre clairement à cette question. Celui ci se contente de relever que « la COBACI en sa qualité de professionnelle de Banque ne s’est pas conformée aux dispositions des articles 615,616 et 617 de l’AUSC », mais ne caractérise pas la faute commise. Or, en se déterminant par de tels motifs impropres à faire ressortir la nature exacte de la faute de la banque, la CCJA laisse l’observateur sur sa faim. On aurait souhaité savoir précisément si la banque par ce virement prématuré n’a pas voulu soutenir artificiellement la société STCA dont elle ne pouvait ignorer la situation périlleuse puisque c’est bien elle qui avait dès l’origine conseillé les dirigeants de la société de procéder à une telle augmentation de capital. Dans ces conditions la véritable question que l’on aurait à se poser est celle de savoir si la banque en débloquant prématurément les fonds destinés à la souscription en vue d’une augmentation de capital n’avait pas connaissance de la situation irrémédiablement compromise de la société. La banque n’avait elle pas conscience qu’en débloquant ces fonds elle faisait courir aux souscripteurs le risque de ne plus être remboursés. À notre sens, outre l’obligation de vigilance, de prudence et de surveillance que nous avons mis en exergue, le manquement à l’obligation du banquier en l’espèce constituait une faute relevant des articles 1382 et 1383 du code civil. Cette faute oblige l’établissement à réparer le préjudice qu’elle a entrainé pour le souscripteur à l’ occasion de l’augmentation du capital. En conclusion de ce commentaire , on se bornera à observer que si la solution de l’ arrêt doit être approuvée au regard des circonstances de l’ espèce on peut regretter que la haute juridiction communautaire ne donne pas toujours plus de densité à ses arrêts en allant plus loin dans ses motivations que le simple rappel des dispositions qu’elle vise.

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MISE EN CONCESSION ET DETTES DE SALAIRES :

« Le transfert d’entreprise en droit malien »

Bérenger Y. MEUKE Docteur en droit des affaires

Avocat aux Barreaux de Lyon et du Cameroun Collaborateur Principal – JURIFIS CONSULT

Chargé d’Enseignement à l’Université de Bamako et anciennement à l’Université de Nantes

I- DU TRANSFERT D’ENTREPRISE EN DROIT MALIEN L’article L. 57 du Code du travail pose le principe du transfert des contrats de travail dès lors qu’il survient une modification dans la situation juridique de l’employeur. Les dispositions pertinentes de l’article L.57 du Code du travail malien précisent que : « s’il survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel entrepreneur et le personnel de l’entreprise. Leur résiliation ne peut intervenir que dans les formes et aux conditions prévues par la présente section. (…) ». La logique de cette disposition conduit à privilégier l’entreprise au service de laquelle est instaurée une relation de travail, sur le fait que celle-ci est la conséquence d’un contrat entre deux parties. Si l’on s’attachait au contrat, la disparition ou le changement de l’une des parties justifieraient la rupture automatique du contrat ; mais en se référant à l’entreprise qui est un ensemble organisé de moyens et de personnes, cette modification survit au changement de propriétaire. La jurisprudence française46 qui pourrait recevoir application au Mali, a subordonné le transfert des contrats de travail à l’existence de deux conditions cumulatives : le transfert de l’activité doit porter sur une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise. II – LA CONCESSION OPERE T-ELLE TRANSFERT D’ENTREPRISE AU SENS DE L’ARTICLE L.57 DU CODE DU TRAVAIL MALIEN Le principe de la continuation du contrat de travail tel que prévu à l’article L. 57 du Code du travail saisit en réalité un nombre incalculable de situations dans lesquelles s’opère un changement dans la condition juridique de l’employeur. Le législateur malien a défini à l’article L. 57 du Code du travail une liste d’opérations (succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société) pour lesquelles le texte peut trouver application. Dans son acception la plus simple, la modification de la situation juridique de l’entreprise se traduit par le changement de l’identité de l’exploitant, donc de l’employeur comme en cas de cession, fusion, succession, transformation de fonds ou encore mise en société. III- LE SORT DES DETTES SOCIALES Il faut distinguer les situations dans lesquelles les dettes seront à la charge du concédant, de celles dans lesquelles elles seront à la charge du concessionnaire. A- Dettes à la charge du concédant Certaines dettes salariales seront exclusivement à la charge de l'ancien employeur. Ces dettes salariales ne sont pas transmises en ce qu'elles concernent des contrats de travail qui ne sont plus en cours au moment du transfert de l'entreprise. Dès lors, en cas de litige, le salarié devra donc agir directement auprès de celui-ci.

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Dans deux arrêts rendus en Assemblée plénière, le 16 mars 1990

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Il s'agit :

� de l'indemnité de licenciement valablement prononcé par l'ancien employeur, même si le préavis se poursuit chez le nouvel employeur ;

� des rappels de salaires se rapportant à des contrats déjà rompus ; � des créances de dommages-intérêts sanctionnant une faute de l'ancien employeur.

B- Dettes à la charge du concessionnaire En application de l'article L. 57 du Code du travail, le concessionnaire serait tenu, à l'égard des salariés transférés, des dettes de salaires non réglées par l'ancien employeur à la date du transfert. Il faudrait entendre également par dettes de salaires, l'ensemble des dettes directement liées au salaire (congés non payés, les primes non payées, et autres ...) Si les créances de dommages-intérêts sanctionnant une faute de l'ancien employeur tout comme les indemnisations non payées suite à un accident de travail ne pourraient être considérées au sens strict du terme comme des dettes de salaires, elles demeurent des dettes sociales soumis au même régime que les premières suscitées. Il faut tout de même rappeler que le principe posé par l'article L 57 est celui de la continuité du contrat de travail, de sorte que le changement d'employeur n'affecte aucunement le salarié dans l'ensemble de ses droits. Pour l'ensemble des dettes, le salarié pourrait donc agir indifféremment contre son ancien employeur ou son nouvel employeur pour en obtenir le paiement. Or, dans la pratique, ces salariés optent généralement d'agir contre le nouvel employeur qui à leurs yeux est plus solvable. C’est la raison pour une convention de garantie de passif social est très souvent passée entre l'ancien et le nouvel employeur, permettant à ce dernier de demander le remboursement des dettes salariales et au sens large des dettes sociales ainsi réglées. Le concessionnaire serait également redevable des dettes nées après le transfert, même si celles-ci sont la contrepartie d'un travail effectué chez le précédent employeur.

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LE CONTROLE DE LA MISSION DE L’ARBITRE Lu pour vous sur dalloz.fr

David MARTEL

Chargé d'enseignement Université Paul Cézane

Aix-Marseille III

L'essentiel Alors que la nullité de la sentence arbitrale doit être entendue strictement, le cas de nullité pour manquement à la mission de l'arbitre apparaît comme très large et mal défini. Afin de donner une cohérence à la jurisprudence en la matière, il convient de distinguer la mission juridictionnelle de l'arbitre de la mission contrôlée par le juge étatique. Il ressort de cette analyse que le manquement à la mission n'est caractérisé que dans deux hypothèses. Soit l'arbitre n'a pas appliqué les règles de procédure prévue par les parties mais, dans ce cas, le juge de la nullité doit prendre en compte le pouvoir juridictionnel qui appartient à l'arbitre afin de mener à bien sa mission. Soit il n'a pas respecté les règles applicables au fond du litige mais ici le juge se limitera à un simple contrôle de l'apparence. Au final, l'admission du manquement à la mission devrait être d'avantage un moyen exceptionnel de nullité de la sentence arbitrale qu'une ouverture vers sa révision. Des moyens de recours en nullité prévus aux articles 1484 et 1502 NCPC, le manquement par l'arbitre à sa mission est le plus ambigu. Des auteurs ont pu relever qu'il s'agissait là de « l'un des moyens les plus accueillant pour le demandeur » (1) à la nullité, d'un grief « riche d'un fort potentiel d'extension que les autres cas n'ont pas » (2). Pour autant, le mot traduit une idée que l'on comprend instantanément. Le concept, pourrait-on penser, bénéficie d'une certaine clarté... Néanmoins, dès lors que se pose la question du contenu de la mission visée par le recours en annulation, l'apparente simplicité de la notion fait place à de grandes incertitudes, d'autant plus gênantes que la question est au coeur d'un important contentieux. La notion de mission est d'une grande portée pratique. Elle régit en France tant l'arbitrage interne avec l'article 1484, 3°, NCPC que l'arbitrage international avec l'article 1502, 3°. Au-delà du droit français, la notion de mission a été adoptée dans des termes identiques aux textes français par l'article 26 de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage de l’OHADA en date du 11 mars 1999 (3). Les Etats membres de l’OHADA connaissent, comme la France, le flou de la notion de mission de l'arbitre. L'indécision qui plane autour de ce recours en nullité est périlleuse pour la sécurité juridique et la crédibilité de la justice arbitrale. Le concept se doit donc d'être clairement défini. Philippe Fouchard l'appelait de ses voeux en écrivant que « le moyen tiré de ce que l'arbitre ne se serait pas conformé à sa mission révèle [...] le danger que présenterait une interprétation extensive d'un grief déjà trop largement exprimé par le nouveau code. [...] La voie « révisionniste » serait alors ouverte, et avec elle tous les recours abusifs ou simplement dilatoires » (4). A cet argument pratique, s'ajoute la règle bien établie selon laquelle les cas de recours en nullité sont strictement limités à ceux énoncés par les textes (5) qui, elle aussi, milite en faveur d'une stricte délimitation du manquement à la mission. Le Vocabulaire juridique de l'association Henri Capitant confirme nos doutes sur l'ambivalence de la notion de mission. Il peut s'agir de « ce qui est confié par une personne à une autre » ou de « ce qui appartient de droit à une autorité et dont l'accomplissement correspond pour celle-ci à un pouvoir et à un devoir » (6). La mission est-elle confiée volontairement ou appartient-elle de droit à l'arbitre ? Les deux définitions correspondent dans une certaine mesure à sa situation. En la matière, le mouvement naturel consisterait à retenir la seule première définition tant il est vrai que les arbitres tiennent leur mission de la volonté des parties. Toutefois, la seconde hypothèse n'est pas à écarter dans la mesure où l'arbitre dispose de pouvoirs et est soumis à des obligations tenant à sa nature de juridiction. Ainsi, pour peu que l'on retienne l'une et l'autre définition, la mission de l'arbitre recouvre l'ensemble des règles applicables au litige ! L'emploi du terme de « mission » de manière inopportune par la jurisprudence rend d'autant plus difficile une recherche du contenu de la mission visée par le recours en nullité. Statuant sur un recours en nullité arguant l'incompétence de l'arbitre, la Cour de cassation a pu énoncer que « l'arbitre était compétent pour statuer sur la validité du contrat, ce dont il résultait que celui-ci n'avait pas excédé sa mission » (7). La référence à la mission de l'arbitre était surprenante en l'espèce dans la mesure où le recours pour absence de convention d'arbitrage a un fondement juridique autonome (8). De même, dans un arrêt de la première Chambre civile en date du 17 janvier 2006 (9) statuant sur un litige relatif à la constitution du tribunal arbitral, la Haute juridiction fait encore référence à la mission de l'arbitre. En l'espèce, la société Sogadis s'opposait à l'intervention du juge

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d'appui pour désigner un arbitre en arguant du fait qu'existait un risque de contrariété de sentences arbitrales. La Cour d'appel de Paris décide que « le risque éventuel de décisions arbitrales contradictoires n'empêche par l'arbitre de remplir sa mission » (10). La Cour de cassation rejette le pourvoi formé en motivant sa solution dans les mêmes termes. Doit-on en déduire pour autant que les difficultés de constitution du tribunal arbitral entrent dans le champ de la mission de l'arbitre ? Un élément de réponse est donné par l'article 1452 NCPC qui dispose que « la constitution du tribunal arbitral n'est parfaite que si le ou les arbitres acceptent la mission qui leur est confiée ». Il résulte clairement de ce texte que la mission dévolue aux arbitres commence au moment précis où l'arbitre, tacitement ou expressément, l'accepte. D'ailleurs, la référence à la mission de l'arbitre faite à l'article 1452 NCPC ne doit pas troubler. Si la sentence souffre d'un défaut dans la constitution du tribunal arbitral le seul recours envisageable est la nullité sur le fondement de l'article 1484, 2°, et 1502, 2°. Il ressort de cette analyse préliminaire au moins une certitude : le tribunal arbitral n'est investi d'une mission que dès lors qu'il est constitué. Les critiques quant à la régularité de la constitution du tribunal arbitral ne sauraient donc être analysées à travers le prisme de la mission de l'arbitre. Afin de déterminer avec certitude la nature de la mission contrôlée par le juge de l'annulation, il y a lieu tout d'abord de la distinguer de la notion voisine de « mission juridictionnelle » de l'arbitre. Ce dernier concept apparaît comme beaucoup plus large que le recours institué aux articles 1484, 3°, et 1502, 3°, en ce qu'il inclut les problématiques de compétence de l'arbitre et les principes processuels qui s'imposent à lui. La nature de la mission visée par le recours en nullité apparaît comme plus consensuelle, elle résulte des actes émanant des parties, qu'il s'agisse de la convention d'arbitrage, de l'acte de mission ou encore des demandes formulées en cours d'instance. Cette première étape de la définition franchie, nous disposerons d'outils propres à déterminer avec une certaine précision le contenu de la mission dont est investi l'arbitre. Celle-ci ne concerne, avec un certain nombre de dérogations, que les règles applicables au fond du litige et les règles de procédures régissant l'instance arbitrale. La nature de la mission contrôlée « L'arbitre reçoit la mission de trancher le litige » (11). Cette phrase résume, à elle seule, tous les pouvoirs et toutes les obligations qui sont dévolus à l'arbitre. L'arbitre reçoit une mission juridictionnelle. Le concept de mission juridictionnelle de l'arbitre est largement reconnu et employé en ces termes par la doctrine (12). Bruno Oppetit parle à ce propos « d'unité fonctionnelle » de la justice étatique et de la justice arbitrale (13). Si « affirmer que l'arbitre exerce bien une mission juridictionnelle n'est en rien novateur » (14), il y a sans doute lieu de viser ce que cette mission comporte et ce qu'elle implique afin de déterminer si c'est elle qui est à l'oeuvre dans le recours en nullité ouvert aux articles 1484, 3°, et 1502, 3°. La mission juridictionnelle de l'arbitre et la mission contrôlée Les règles intéressant directement la mission juridictionnelle de l'arbitre sont de deux ordres. Les premières lui confèrent le pouvoir de juger, les secondes forment un groupe s'imposant à lui et constituent ses devoirs. L'arbitre peut exercer sa mission juridictionnelle lorsqu'il a compétence pour le faire. Dès lors qu'il satisfait à cette condition, il doit trancher le litige selon les règles de procédure qui lui sont applicables. L'examen du concept de mission juridictionnelle force donc à constater qu'il ne s'agit pas de la mission mise en oeuvre dans le recours en nullité qui nous occupe. L'obligation de trancher le litige Il peut paraître trivial d'inclure dans la mission juridictionnelle de l'arbitre sa compétence. En effet, la compétence est, tout comme l'investiture, un préalable nécessaire à l'exercice de cette mission. Cette démarche est doublement justifiée. Elle résulte tout d'abord du principe selon lequel il appartient à l'arbitre de statuer sur sa propre compétence. La sentence décidant de la compétence ou de l'incompétence du tribunal arbitral est le premier acte juridictionnel de l'arbitre : elle mérite à ce titre de figurer dans la mission juridictionnelle de l'arbitre. Ensuite, la spécificité du droit de l'arbitrage français accentue ce caractère dans la mesure où l'effet négatif du principe kompetenz-kompetenz y est le plus radical. En effet, à la différence de nombreuse législation étrangère, il est absolument interdit au juge étatique de se prononcer sur la compétence de l'arbitre avant que celui-ci n'ait statué. De plus, rien n'oblige l'arbitre à rendre une sentence sur cette question avant le prononcé de la sentence finale. La détermination de la compétence dans le dispositif final de la sentence confirme que, ce faisant, l'arbitre exerce pleinement sa mission juridictionnelle. Dès lors, nous comprenons que la sentence qui statue à tort sur la compétence ou sur l'incompétence de l'arbitre est dite contraire à sa mission juridictionnelle. Toutefois, les deux cas sont à distinguer. Dans la première hypothèse, où l'arbitre si dit à tort compétent, celui-ci statuera sur le fond sans convention d'arbitrage. Dans la mesure où les parties n'avaient pas entendu déféré le litige à l'examen de l'arbitre, celles-ci ne lui avaient pas confié de mission. Ainsi, la sentence rendue sur le fond sera annulée par le juge étatique sur le fondement de l'article 1484, 1°, ou 1502, 1°. Ces questions de compétence, quoique rentrant dans la mission juridictionnelle de l'arbitre, ne sont pas du domaine des articles 1484, 3°, et 1502, 3°, mais font l'objet d'un recours indépendant.

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Dans la seconde hypothèse, où l'arbitre se dit à tort incompétent, celui-ci refuse de trancher un litige qui lui est normalement dévolu. La décision d'incompétence de l'arbitre contrevient à la mission qu'il avait acceptée lors de la constitution du tribunal arbitral. Semblant concevoir le recours pour non-respect de la mission comme une catégorie supplétive, le juge examine la question au visa de l'article 1484, 3°. Ainsi, la Cour d'appel de Paris a récemment énoncé « qu'en se déclarant incompétent (...) le tribunal arbitral s'est conformé à sa mission » (15). La juridiction s'était déjà expliquée sur ce point. Constatant qu'un recours était ouvert dans le cas où le tribunal statue à tort sur sa compétence par l'article 1502, 3°, la cour décide que l'on ne saurait « à peine de déséquilibre des garanties offertes aux plaideurs » refuser un recours dans le cas où les arbitres se sont déclarés incompétents (16). A suivre ces décisions, les questions de compétence du tribunal arbitral obéissent à un double régime. Lorsqu'il se déclare compétent à tort la sentence encourre l'annulation pour défaut de convention d'arbitrage et lorsqu'il se dit à tort incompétent la sentence est susceptible d'un recours pour manquement à la mission de l'arbitre (17). Une critique est cependant possible. Si l'arbitre se déclare incompétent, il ne statuera pas sur les prétentions des parties. C'est précisément la raison pour laquelle le juge affirme qu'il a manqué à sa mission. Toutefois, lorsque l'arbitre statue infra petita ou lorsqu'il omet de statuer, le recours en nullité n'est pas ouvert. La position de la jurisprudence en la matière a été précisée. Dans un arrêt du 27 juin 2002 la Cour d'appel de Paris décidait que « le recours en annulation de l'article 1502, 3°, ne peut être exercé contre une sentence ayant statué infra petita, les cas d'ouverture de ce recours devant s'apprécier restrictivement, d'autant plus que l'impossibilité de réunir à nouveau le tribunal arbitral pour compléter éventuellement la sentence n'est pas démontrée » (18). Il a pu être déduit de cette dernière considération une lecture a contrario selon laquelle si le tribunal arbitral ne pouvait plus être saisi le recours en nullité deviendrait possible. La rédaction de l'arrêt prêtait au doute. Etait-ce là une simple assertion venant appuyer l'argument ou l'ébauche d'une condition ? Un arrêt récent vient répondre à cette question en supprimant toute référence à la possibilité de saisir à nouveau le tribunal arbitral. L'attendu principal énonce simplement que « l'omission de statuer n'entre dans aucun des moyens d'annulation des articles 1502 et 1504 NCPC » (19). Si le juge refuse d'examiner les cas où l'arbitre omet de statuer, ne devrait-il pas étendre sa solution aux cas où il ne statue pas du tout ? De même, l'interprétation restrictive des moyens de nullité ne devrait-elle pas être entendue manière uniforme ? Le motif affiché par la jurisprudence pour annuler une décision infondée d'incompétence est l'équilibre des recours offerts aux plaideurs. Or, un tel principe n'est pas appliqué par ailleurs à l'infra petita, ce qui est contestable. Si effectivement il n'existe pas de recours en nullité possible lorsque l'arbitre ne statue pas sur certains points du litige, alors il ne devrait pas plus exister de recours contre une décision d'incompétence infondée. Une certaine orthodoxie juridique et une exigence de cohérence appellent donc à écarter du champ de la mission de l'arbitre toutes les questions relatives à sa compétence. Les principes processuels s'imposant à l'arbitre Les principes processuels s'imposant dans une procédure d'arbitrage ont indéniablement un tronc commun avec les règles trouvant application devant un juge étatique. Toutefois, comme le relève le professeur Thomas Clay, il y a une limite à l'assimilation des deux missions juridictionnelles. La Cour de cassation fournit un exemple probant en énonçant que « le risque éventuel de contrariété de décisions » n'empêche pas l'arbitre « de remplir sa mission » (20). La Haute juridiction confirme par là la position adoptée par la Cour d'appel de Paris (21). Ainsi, le souci de bonne administration de la justice est écarté de la mission juridictionnelle de l'arbitre. En l'espèce la solution avait été formulée à l'occasion d'une demande de désignation d'arbitre. Il n'en demeure pas moins que la jurisprudence précise à cette occasion la portée de la mission juridictionnelle du tribunal arbitral. Cela suggère malgré tout que les principes processuels qui s'imposent à l'arbitre ont une interaction sur l'exercice de sa mission. Les principes processuels pesant sur l'arbitre et ouvrant un recours en annulation sont au nombre de deux. Le premier est le respect de la contradiction et le second l'obligation de motiver la sentence (22). Dans le premier cas, la sentence du tribunal arbitral est passible d'annulation sur le fondement de l'article 1484, 4°, pour un arbitrage interne et 1502, 4°, dans le cadre d'un arbitrage international. Disposant d'un fondement juridique différent de celui du manquement à la mission, le respect de la mission arbitrale ne saurait être évoqué dans une telle hypothèse. L'obligation de motiver la sentence est prescrite à peine de nullité par les articles 1484, 5°, 1480 et 1471, alinéa 2, NCPC. Ces textes concernent uniquement l'arbitrage interne aussi, a priori, ne saurait-on invoquer ces fondements juridiques pour contester la validité d'une sentence en matière d'arbitrage international. Pour autant, la jurisprudence n'a pas hésité à franchir le pas. Il est entendu que dans le cadre d'un arbitrage international, l'absence de motivation de la sentence ne peut s'entendre comme en arbitrage interne : le fondement juridique utilisé dans ce dernier cas y est inapplicable. Nous disposons pour raisonner du modèle du droit international privé. En effet, en matière de reconnaissance des décisions de

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justice étrangère la jurisprudence considère le défaut de motivation comme une violation de l'ordre public international (23). Cette conception est régulièrement reprise dans la jurisprudence relative à la Convention de Bruxelles et au règlement n° 44/2001 (24). Cette exigence de l'ordre public procédural est comprise avec beaucoup de souplesse par le juge de l'exequatur, ce qui est d'autant plus compréhensible que nombre d'Etats a une tradition judiciaire différente en la matière. Il aurait été possible de transposer à l'arbitrage international un tel raisonnement. Toutefois, l'invocation de l'ordre public en la matière est mise en défaut par l'article 8 de la Convention de Genève de 1961 qui prévoit que les parties peuvent renoncer à la motivation de la sentence. En matière d'arbitrage international la motivation des sentences n'est donc pas une obligation intangible qui s'impose aux arbitres. L'article 1502, 5°, ne saurait être utilement invoqué. Privé des deux fondements naturels de la sanction du défaut de motivation, la jurisprudence française s'est tournée vers le manquement à la mission de l'arbitre pour annuler une sentence souffrant de ce vice (25). Une jurisprudence bien établie précisait que « dès lors qu'il n'est pas établi que, dans le silence du règlement CCI, les arbitres ou les parties aient entendu se référer à une loi de procédure dispensant de l'obligation de motivation, une telle obligation pèse sur l'arbitre » (26). C'était là manifestement ignorer les spécificités de l'arbitrage international qui ne connaît pas de moyen de nullité fondé sur le défaut de motivation. Toutefois ce courant jurisprudentiel s'inscrit dans un mouvement qui affirmait que la contradiction de motifs équivalait à une absence de motivation (27). Or, la jurisprudence a précisé depuis que « la contradiction de motifs de la sentence arbitrale constitue une critique de la sentence au fond qui échappe au pouvoir du juge de l'annulation » (28). Un tel revirement laisse supposer que le défaut de motif lui-même n'est plus susceptible d'être sanctionné sur le fondement de l'article 1502, 3°. C'est en tout cas ce qui a été jugé dans une décision ultérieure (29). Cette dernière tendance jurisprudentielle doit être encouragée tant il vrai que l'arbitrage international doit s'accommoder de traditions juridiques différentes qui font la vie du commerce international. A cet égard, il est notable que la loi-type de la CNUDCI ne prévoit à aucun moment que les sentences arbitrales doivent être motivées. Ce dernier point trahit bien le nécessaire consensus entre les systèmes de droit afin de réaliser les objectifs du commerce international. Ainsi, il apparaît que le recours en nullité pour défaut de motivation d'une sentence ne peut être engagé sur le fondement de l'article 1502, 3°, d'une part, parce qu'il ne relève pas à proprement parler de la mission de l'arbitre et, d'autre part, parce qu'il est contraire à l'universalisme vers lequel doit tendre le droit de l'arbitrage international. Cette analyse trouve cependant une limite. Lorsque la convention d'arbitrage ou le règlement d'arbitrage prévoit que la sentence doit être motivée, le tribunal arbitral manquerait sur ce fondement à une obligation. Ainsi, l'article 25, 2°, du règlement d'arbitrage de la CCI qui prévoit une obligation de motiver la sentence, fait rentrer l'obligation de motiver dans le champ de la mission, évitant par là les incertitudes régnant autour de la question. Ce n'est qu'à cette condition que l'article 1502, 3°, peut être utilement invoqué. La mission contrôlée par le juge étatique dans le cadre du recours prévu aux articles 1484, 3°, et 1502, 3°, ne se confond pas avec la mission juridictionnelle de l'arbitre. Dans une large mesure, les devoirs découlant de la fonction d'arbitre sont soumis à d'autres moyens de nullité. La mission contrôlée est donc à rechercher dans la volonté exprimée par les parties, dans les règles auxquelles les parties désiraient voir l'arbitrage soumis. Le moyen de nullité vise bien « ce qui est confié par [les parties] à [l'arbitre] » et non « ce qui appartient de droit [au tribunal arbitral] et dont l'accomplissement correspond pour [celui-ci] à un pouvoir et à un devoir ». Le fondement du contrôle de la mission de l'arbitre Il existe au moins trois moyens de déterminer la mission de l'arbitre tel qu'elle découle de la volonté des parties. Il s'agit de la convention d'arbitrage, de l'acte de mission et des demandes formulées au cours de l'instance. Loin d'être concurrents, ces moyens sont complémentaires. Cette conception largement consacrée en jurisprudence appelle à reconsidérer le grief d'ultra petita lorsque l'arbitre dépasse l'objet du litige. Les moyens complémentaires de définir la mission de l'arbitre Pour qui désire délimiter ce que les parties ont entendu confier à l'arbitre, le premier mouvement consisterait à examiner le contenu de la convention d'arbitrage. C'est en effet celle-ci qui donne une compétence prioritaire au tribunal arbitral pour trancher le litige et qui détermine le champ de l'arbitrage. Ensuite, lorsque la procédure arbitrale le prévoit, l'acte de mission vient préciser les points essentiels de l'instance arbitrale. L'article 18, 1°, du règlement CCI prévoit notamment que l'acte de mission comporte « un exposé sommaire des prétentions des parties et des décisions sollicitées et, dans la mesure du possible, une indication de tout montant réclamé à titre principal ou reconventionnel », « à moins que le tribunal ne l'estime inopportun, une liste des points litigieux à résoudre » et « des précisions relatives aux règles applicables à la procédure et, le cas échéant, la mention des pouvoirs de statuer ou de décider ex aequo et bono ». Il s'agit d'une précision de taille quant à la mission de l'arbitre. Les effets de cette convention ne sont pas des moindres puisqu'elle a pour effet de cristalliser les demandes des parties qui n'auront plus la faculté de formuler des demandes hors des

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limites de l'acte de mission sauf accord exprès du tribunal arbitral. Enfin, lorsque l'instance arbitrale suit son cours, les demandes des parties déterminent l'objet du litige qui définit de manière plus précise encore la mission des arbitres. Bien souvent, lorsque le règlement d'arbitrage a eu la sagesse d'interdire des demandes excédant les limites de l'acte de mission, les demandes des parties ne peuvent avoir pour effet que de réduire le champ de la mission. Toutefois, rien n'interdit dans un arbitrage ad hoc que l'objet du litige dépasse les limites de la convention d'arbitrage ou de l'acte de mission. Des conflits d'actes déterminant la mission de l'arbitre sont fréquents. Lorsque l'arbitre se fonde sur l'un quelconque d'entre eux pour outrepasser les termes d'un autre, le besoin d'une méthode de résolution des conflits se fait pressant (30). Par un arrêt en date du 24 juin 2004, la deuxième Chambre civile a énoncé de manière précise la « règle de conflit » qu'il convient d'appliquer : « la mission des arbitres, définie par la convention d'arbitrage, est délimitée principalement par l'objet du litige, tel qu'il est déterminé par les prétentions des parties sans s'attacher uniquement à l'énoncé des questions dans l'acte de mission » (31). Cette définition reprend en substance la solution donnée par la première Chambre civile huit ans auparavant (32). Cette formulation, pour être complète, n'en mérite pas moins une analyse. La règle suppose que l'on s'attache en premier lieu au contenu de la convention d'arbitrage. C'est elle qui donne la définition de la mission des arbitres. Une fois définie, la mission doit être délimitée. C'est précisément la fonction de l'objet de litige. Celui-ci est déterminé, à titre principal, par les prétentions des parties quand bien même l'acte de mission le délimiterait plus restrictivement. Nous déduisons de cette formulation qu'à titre subsidiaire l'acte de mission plus large aurait pour effet d'étendre l'objet du litige. L'application qui est faite de cette règle confirme la volonté d'étendre la mission de l'arbitre en se conformant à l'acte qui définit le plus largement son champ d'intervention. Il a pu être ainsi jugé que « les arbitres, investis par une clause d'arbitrage qui leur soumettait « tout litige relatif au présent contrat », pouvaient statuer sur toutes les demandes qui leur étaient soumises à cet égard, sans s'attacher uniquement à l'énoncé des questions litigieuses dans l'acte de mission » (33). Plus récemment la Cour de Paris a décidé que « la mission de l'arbitre est délimitée principalement par l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les demandes des parties » (34). En l'espèce, la convention d'arbitrage prévoyait une répartition égale des frais d'arbitrage et chacune des parties demandait à ce que l'autre soit condamnée à en payer la totalité. Le tribunal arbitral en avait déduit un pouvoir de condamner l'une d'elle au paiement de l'intégralité des sommes. Toutefois, pour que les demandes des parties puissent avoir pour effet d'étendre la mission définie dans la convention d'arbitrage, il est nécessaire que les deux parties aient des demandes convergentes. Dans notre dernier exemple les parties avaient toutes deux requis que l'intégralité des frais d'arbitrage soit laissée à la charge de l'autre. En revanche, lorsqu'une seule partie fait une demande hors du champ de la clause compromissoire, la Cour de cassation décide que l'arbitre qui y a fait droit a statué sans convention d'arbitrage (35). La présomption implicite de la volonté d'étendre la mission de l'arbitre ne résiste cependant pas à la volonté clairement exprimée de la limiter. Ici encore cette volonté de restreindre la mission doit faire l'objet d'un consensus. Dès lors, la sentence qui statuerait au-delà serait susceptible d'annulation. Il en est ainsi lorsque l'arbitre accorde une réparation dépassant largement la somme prévue dans l'acte de mission, ou encore lorsqu'il statue sur des points que les parties ne lui avaient pas soumis (36). Le fait que l'arbitre dispose des pouvoirs d'amiable compositeur ne le dispense pas du respect de cette règle (37). Dans le cadre du contentieux arbitral, seule la mission de l'arbitre tient du consensus : il serait mal venu d'écarter le seul point d'accord entre les litigants. L'arbitre est également tenu par la demande formulée par la partie qui introduit l'instance. Preuve que le principe dispositif s'applique effectivement à l'arbitrage, l'arbitre ne peut outrepasser la demande d'indemnisation formulée par la partie demanderesse (38). Ici, la solution ne change pas fondamentalement la règle de la détermination consensuelle de la mission : la partie qui succombe doit être présumée désirer que sa condamnation soit limitée aux demandes formulées... Il y a donc de véritables hypothèses d'ultra petita : dans d'autres cas au contraire le dépassement de l'objet du litige sera admis sans encourir ce grief. L'admission du dépassement de l'objet du litige L'objet du litige qui délimite la mission de l'arbitre s'apprécie en fonction des prétentions des parties. Dès lors, l'ultra petita peut être logiquement établi comme un manquement à la mission de l'arbitre. De même lorsque ce dernier reçoit des demandes qui ne se conforment pas à l'objet du litige, sa sentence est susceptible d'annulation. Comme devant un juge étatique (39), l'ultra petita est caractérisé lorsque l'arbitre ne se conforme pas aux prétentions convergentes des parties ou encore s'il étend indûment l'objet du litige. Il existe toutefois une série d'hypothèse où l'ultra petita ne saurait être caractérisé parce qu'il découle de la mission juridictionnelle de l'arbitre. Il en est ainsi lorsque l'arbitre prononce d'office des mesures d'instruction ou des mesures conservatoires. L'arbitre conserve une certaine liberté d'admettre des demandes incidentes. Ces dérogations résultent des articles 4, alinéa 2, et 10 NCPC, auxquels l'article 1460 renvoie.

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L'article 4, alinéa 2, dispose que « l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ». Ainsi, l'arbitre pourra recevoir toutes les demandes formulées par une seule partie, additionnelle ou reconventionnelle, pour peu que celles-ci aient un lien suffisant avec la demande principale. Cette solution a été expressément retenue par la Cour de cassation dans un arrêt du 8 avril 1999 (40). En, l'espèce la Cour de cassation avait estimé que la détermination du prix de vente d'actions avait un lien suffisant avec la question de la validité de la cession. Il avait déjà était jugé qu'à l'occasion de litiges relatifs à une garantie de passif, l'arbitre pouvait connaître d'une question de « sur-salaire » (41), ou encore chiffrer ledit passif (42). Si l'arbitre détient la faculté de recevoir des demandes incidentes, la Cour de cassation la reconnaît également à la cour d'appel statuant sur le fond après avoir annulé la sentence (43). Il a été jugé que les demandes d'indemnisation d'un préjudice supplémentaire dû au coût des relances, au manque de trésorerie et au préjudice commercial ont un lien étroit avec la demande principale de mise en oeuvre de la clause de garantie de passif. En matière de mesures d'instruction, l'article 10 donne à l'arbitre le pouvoir « d'ordonner d'office toutes les mesures d'instruction légalement admissibles ». Il n'y aura donc pas lieu de faire droit à un grief d'ultra petita lorsque l'arbitre aura ordonné de telles mesures. En revanche, rien n'est précisé quant aux pouvoirs d'assortir les injonctions d'une mesure contraignante. S'il est notoire que l'arbitre ne dispose pas d'imperium et, par là, que ses décisions n'ont pas de force exécutoire, il n'est pas exclu qu'il puisse rendre des décisions permettant d'assurer le bon déroulement de l'instance. A charge pour le juge de l'exequatur de rendre exécutoires lesdites mesures. Le débat sur la nature de ces décisions est vif. La jurisprudence n'a pas définitivement adopté une solution uniforme (44). Pour autant, sans se prononcer sur la nature de la décision, c'est-à-dire sur le moment auquel le juge étatique pourra exercer son contrôle, il est possible de noter que le prononcé d'astreinte accompagnant une injonction est admis par le juge de la nullité. Par un arrêt du 7 octobre 2004 (45), la Cour de Paris décide que « le prononcé d'astreinte ou d'injonction (...) constitue le prolongement inhérent et nécessaire à la fonction de juger » et rejette le grief d'ultra petita. En l'espèce l'arbitre avait fait injonction à une partie de ne pas contester la validité d'un pacte social jusqu'à ce que le tribunal arbitral ait rendu sa sentence avec une astreinte de 700 000 euros. Le libellé de l'arrêt fait clairement référence à la notion d'acte juridictionnel pour admettre de telles mesures. L'arbitre, ce faisant, ne faisait qu'user du pouvoir juridictionnel attaché à sa fonction. Ainsi la mission de l'arbitre s'apprécie-t-elle par l'examen des prévisions de la convention d'arbitrage, de l'acte de mission et de l'objet du litige tel que délimité par les prétentions des parties. Toutefois, le contenu de la mission peut être aménagé par l'arbitre qui dispose d'un pouvoir d'étendre l'objet du litige. Cette dernière tendance se confirme lorsque l'on examine l'étendue du contrôle de la mission de l'arbitre. Il apparaît très nettement qu'une liberté appartient à l'arbitre interdisant dans un certain nombre de cas un contrôle du juge étatique. L'étendue du contrôle de la mission de l'arbitre La mission de l'arbitre embrasse toutes les règles qu'il se doit d'appliquer. A ce titre le droit applicable au fond du litige est susceptible d'entrer dans le domaine du recours en nullité malgré l'interdiction de principe de révision des motifs de la sentence. Par ailleurs, la procédure suivie lors de l'instance arbitrale fait le plus souvent l'objet de prévisions, que ce soit explicitement par une stipulation ou par référence à un règlement d'arbitrage. A ce titre, la bonne application de cette procédure durant l'instance arbitrale est un élément de la mission du tribunal arbitral. Le contrôle du droit appliqué au fond du litige L'admission ou le refus de ces motifs de nullité résulte d'une conception du recours en nullité. Dans le cadre d'un arbitrage international et en arbitrage interne lorsque les parties ont renoncé à l'appel ou n'ont pas usé de leur faculté de le prévoir si l'arbitre est amiable compositeur, le réexamen de la sentence sur le fond n'a manifestement pas été souhaité. Il n'apparaît donc pas opportun de vouloir pallier ce défaut de révision par un recours en nullité élargi de fait. Le juge condamne d'ailleurs fermement tout moyen de nullité avancé par les plaideurs qui équivaudrait à une tentative de révision au fond (46). Le recours en nullité vise à préserver les règles essentielles du procès. C'est un recours a minima. Pour autant, il subsiste des règles qui admettent un contrôle équivalent à un contrôle du droit appliqué par les arbitres. Il en va ainsi lorsque l'arbitre amiable compositeur n'utilise pas le pouvoir de juger en équité qui lui est conféré par les parties ou encore lorsque l'arbitre n'applique pas la loi étatique choisie par les parties. L'arbitre statuant en droit Lorsqu'il statue en droit deux hypothèses sont concevables : d'une part, les parties peuvent avoir spécifié le droit applicable et, d'autre part, elles peuvent avoir gardé le silence sur la question. Dans la première hypothèse, la mise en oeuvre des règles de fond fait partie intégrante de la mission assignée à l'arbitre. Aussi, le recours en nullité de l'article 1502, 3°, NCPC est-il ouvert lorsque la sentence n'est pas rendue sur ce fondement. Toutefois, afin d'éviter que le contrôle opéré soit de facto une révision de la sentence sur le fond, il convient de le limiter à un simple examen formel de l'application du droit choisi. C'est la conception que la jurisprudence française semble avoir retenue dans un arrêt du

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10 mars 1988. En l'espèce les parties avaient prévu que le litige serait soumis à la loi égyptienne. Dans leur sentence les arbitres énonçaient que leur « interprétation était conforme aux termes de la loi française qui [avait] inspiré la loi égyptienne ». La Cour de Paris avait jugé que la référence à la loi française n'était qu'incidente et que les arbitres avaient effectivement appliqué la loi égyptienne (47). Un tel contrôle est justifié, le principe en a d'ailleurs été réitéré dans deux arrêts de cette même juridiction en 2003 (48). Il est propre à faire respecter le choix des parties et ne remet pas en cause la révision de la sentence sur le fond. Lorsque les parties n'ont pas choisi le droit applicable au fond du litige, l'arbitre dispose d'une certaine liberté. L'article 1496, alinéa 1er, NCPC dispose à cet égard que l'arbitre applique les règles « qu'il estime appropriées ». En pratique, l'arbitre n'opère pas un choix arbitraire qui serait contraire à la confiance qu'il doit inspirer. Aussi dispose-t-il de quatre méthodes afin de désigner le droit applicable (49). La première, et la plus ancienne, consiste à appliquer les règles de conflit de lois du lieu du siège de l'arbitrage. La seconde, plus répandue aujourd'hui, consiste à appliquer de manière cumulative les règles de conflit de lois des Etats intéressés au litige (50) afin de désigner la loi la plus prévisible. Il est également possible pour l'arbitre de se référer à une règle de conflit issue d'une convention internationale. Enfin, la méthode de la voie directe, qui connaît toutes les faveurs de la pratique arbitrale est la détermination par l'arbitre directement de la loi applicable. Cette dernière méthode évite la référence à toute règle de conflit de lois. La Cour de Paris a décidé à ce propos que « pour déterminer la loi applicable au fond du litige, l'arbitre n'est pas tenu d'appliquer une règle de conflit relevant d'une législation déterminée ; il peut se référer aux principes régissant la matière » (51). De manière tout aussi libérale, la jurisprudence a admis que l'arbitre puisse faire application d'un droit anational telle la lex mercatoria. La Cour de cassation affirme notamment dans un arrêt Compania Valenciana « qu'en se référant à « l'ensemble des règles du commerce international dégagées par la pratique et ayant reçu la sanction des jurisprudences nationales », l'arbitre a statué en droit ainsi qu'il en avait l'obligation conformément à l'acte de mission ; que dès lors, il n'appartenait pas à la cour d'appel, saisie du recours en annulation ouvert par les articles 1504 et 1502, 3°, NCPC, de contrôler les conditions de détermination et de mise en oeuvre par l'arbitre de la règle de droit retenue » (52). Libre d'appliquer la lex mercatoria, l'arbitre est également libre d'appliquer les principes Unidroit (53). Un examen de la jurisprudence de la CCI montre assez que l'arbitre applique les principes Unidroit en l'absence de choix du droit par les parties (54), ou encore pour interpréter ou compléter un droit national (55). La formulation de l'article 1496, alinéa 1er, et la résonance que lui donne la jurisprudence, ne permet pas d'étendre le contrôle du juge étatique fondé sur le manquement à la mission. La perspective reste identique dans le cadre d'un arbitrage CCI. L'article 17 du règlement consolide la formulation de l'article 1496 NCPC en faisant rentrer dans le champ du contrat la liberté pour l'arbitre de choisir « les règles de droit qu'il juge appropriées ». Toutefois, l'article 17, 2°, du même règlement a la sagesse de préciser les critères qui seront retenus pour procéder au choix. L'arbitre devra dans ce cadre tenir compte « des dispositions du contrat et des usages de commerce pertinents ». Cette disposition vise à maintenir un lien étroit avec le contrat litigieux. Un recours en nullité sera donc envisageable lorsque les règles de droit retenues n'auront aucun lien avec le rapport entre les parties (56). Ainsi, sauf extrême maladresse des arbitres, le droit appliqué sur le fond ne pourra faire l'objet d'un recours en nullité. La seule hypothèse de nullité reste le cas où l'arbitre ne respecte pas la volonté exprimée des parties quant à la loi applicable, encore que ce contrôle doive être purement formel. Une limite à la liberté de l'arbitre existe dans le cadre d'arbitrages spéciaux tel celui du CIRDI. L'article 42, 1°, de la Convention de Washington de 1965 prévoit que l'arbitre doit, en l'absence de choix du droit applicable par les parties, « appliquer le droit de l'Etat contractant partie au différend - y compris les règles relatives aux conflits de lois - ainsi que les principes de droit international en la matière ». La jurisprudence du CIRDI laisse toutefois une certaine latitude aux arbitres qui ont pu appliquer le droit issu d'un traité bilatéral, ou écarter l'application d'un droit national lorsque celui-ci contrevenait aux principes du droit international (57). La liberté pour l'arbitre de désigner le droit applicable est donc, y compris dans un cadre aussi étroit que celui de l'arbitrage CIRDI, une idée directrice de l'arbitrage international. L'arbitre statuant en équité Le pouvoir de juger en équité doit être expressément conféré à l'arbitre. Dans le silence des parties, celui-ci ne pourra pas s'investir des pouvoirs d'amiable compositeur. Ainsi, le tribunal arbitral qui juge en amiable compositeur sans que ce pouvoir lui ait été conféré, verra-t-il sa sentence annulée puisqu'il n'aura pas jugé en droit comme sa mission l'invitait à le faire. La jurisprudence sanctionne, sur le fondement du manquement à la mission, le fait pour l'arbitre amiable compositeur de statuer en droit (58), sauf à s'expliquer en quoi la règle de droit appliquée est conforme à ce que commande l'équité. Ce motif de nullité de la sentence ne fait cependant pas l'unanimité de la doctrine. La nullité pour manquement à la mission suppose que l'arbitre ait contrevenu à une obligation qui lui était impartie par sa mission. Or, tout le débat est là : juger en amiable compositeur est-il une obligation ou un simple pouvoir conféré à l'arbitre (59) ? Les solutions admises en jurisprudence semblent retenir qu'il s'agit d'une obligation pour en déduire le manquement à la mission. Toutefois, le contrôle opéré par le juge étatique se limite à l'examen formel des motifs de la sentence. Il ne s'agit pas pour le juge de réviser la sentence mais de constater si l'équité a été, plus ou moins explicitement, invoquée. La solution est théoriquement satisfaisante. Elle rejoint la solution retenue pour le contrôle du respect de la loi choisie par les parties (60). Il est

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remarquable que la solution adoptée ménage à la fois le principe de l'investiture contractuelle de l'arbitre, à savoir la volonté exprimée par les parties, et le principe de non révision de la sentence par le juge de l'annulation en se limitant à un examen formel (61). Le juge se livre ici à un « contrôle de l'apparence » (62) pour ne pas laisser de place à la critique de la sentence sur le fond. Les solutions de la jurisprudence n'en demeurent pas moins contestables. Une opinion convaincante soutient que le pouvoir de juger en équité est une simple faculté et qu'il n'est dès lors pas fondé de recevoir en son principe le recours en nullité contre une sentence n'ayant pas apparemment fait usage de l'amiable composition (63). Cette opinion résulte d'abord d'une conception de la nature du pouvoir de l'amiable compositeur. Pour contester la recevabilité du recours en son principe, l'on retient que juger en amiable composition est une simple faculté offerte à l'arbitre. D'ailleurs la jurisprudence abonde en ce sens en affirmant qu'en « conférant aux arbitres les pouvoirs d'amiable composition, les parties ont entendu les dispenser d'appliquer strictement les règles de droit, sans pour autant les priver de la faculté de s'y référer dans la mesure où ils les jugeaient propres à donner au litige la solution la plus juste » (64). D'ailleurs, la formulation de l'arrêt admettant en son principe le recours laisse songeur lorsqu'il énonce que « l'arbitre a recouru à la faculté, conférée par les parties, d'user des pouvoirs d'amiable compositeur » (65). Les juges admettent qu'il s'agit là d'une simple faculté tout en admettant la possibilité de qualifier le manquement à la mission... S'il est louable que le régime actuel du contrôle se limite à la seule apparence, il n'en demeure pas moins qu'il pose une présomption de non-conformité à l'équité d'une sentence rendue sur des seuls arguments de droit. Une telle présomption n'apparaît pas souhaitable. D'une part, elle revient à présumer la loi inéquitable et, d'autre part, elle remet en cause le caractère exceptionnel de la nullité de la sentence. Des arguments sont avancés contre ce courant jurisprudentiel par M. Charles Jarrosson. Pour cet auteur, « le contrôle du respect de sa mission par l'amiable compositeur sera approximatif et deviendra vite inutile, dès lors que la pratique aura mis au point un motif passe-partout qui affranchira la sentence de tout reproche, alors même que l'arbitre n'aura pas nécessairement cherché à éliminer l'inéquité ». Il est également avancé que dans les autres cas où l'arbitre n'utilise pas toute la liberté qui lui est concédée, la sentence n'est pas susceptible d'un recours. L'infra petita est à cet égard un bon exemple. Dès lors, il n'apparaît pas logique de soumettre à un autre régime le pouvoir de juger en équité. Ainsi, s'il apparaît que la jurisprudence et une partie de la doctrine militent pour l'inclusion du pouvoir de juger en équité dans la mission de l'arbitre, d'autres considérations, tant pratiques que théoriques, appellent à l'en exclure. Le contrôle de la mission et les règles de procédure Les actes définissant la mission de l'arbitre précisent souvent les règles relatives à la procédure qui sera suivie durant l'instance arbitrale. Ces règles sont susceptibles d'une extension qui ne saurait faire encourir un grief d'ultra petita à la sentence rendue. La jurisprudence va plus loin en précisant que « le tribunal arbitral dispose d'un pouvoir juridictionnel lui permettant de prendre lui-même des décisions de procédure en cours d'instance » (66). En l'espèce, il était reproché aux arbitres d'avoir reçu des pièces en langue allemande alors que la langue de procédure prévue était l'anglais. A ce propos, l'article 16 du règlement d'arbitrage CCI précise qu'« à défaut d'accord entre les parties, le tribunal arbitral fixe la langue ou les langues de la procédure arbitrale, en tenant compte de toutes circonstances pertinentes, y compris la langue du contrat ». La langue de la procédure est donc un élément clé susceptible de rentrer dans le champ de la mission de l'arbitre (67). Toutefois il ne semblait pas raisonnable de priver l'arbitre de la possibilité d'examiner des pièces susceptibles de l'éclairer. La liberté pour le tribunal arbitral de conduire la procédure ne s'arrête pas là. Elle a de grandes implications pratiques. A l'instar du juge civil l'arbitre peut ordonner la production des mémoires ou des pièces. Il règle le déroulement de l'instance en fixant les délais impartis et en conduisant les audiences. L'arbitre a également la maîtrise des moyens de preuve puisqu'il a le moyen d'ordonner les mesures d'expertises qui lui paraissent nécessaire à son information. Cette faculté d'engager les mesures d'instruction nécessaires peut également s'entendre comme une injonction de faire comparaître un témoin. En cas de refus, le tribunal arbitral serait fondé, selon l'article 11, alinéa 1er, NCPC, à en tirer toute conséquence (68)... Plus largement, l'article 15 du règlement CCI précise que « la procédure devant le tribunal arbitral est régie par le [règlement d'arbitrage] et, dans le silence de ce dernier, par les règles que les parties, ou à défaut le tribunal arbitral, déterminent, en se référant ou non à une loi nationale de procédure applicable à l'arbitrage ». L'arbitrage CCI donne ainsi aux arbitres la faculté de réaliser leur mission en conduisant de manière effective la procédure. Dans ce cadre, l'arbitre dispose, dans le silence du règlement d'arbitrage et des parties, d'une liberté de suivre les règles de procédure les plus appropriées. Si indiscutablement les règles de procédure rentrent dans le champ de la mission de l'arbitre, le juge étatique devra apprécier leur violation au regard de la liberté dont dispose l'arbitre. La liberté procédurale de l'arbitre peut être toutefois remise en question quant aux mesures provisoires et conservatoires. La jurisprudence a pu affirmer que dans le silence des parties « le prononcé d'astreintes ou d'injonction [...] constitue un prolongement inhérent et nécessaire à la fonction de juger pour assurer une meilleure efficacité au pouvoir juridictionnel et ne caractérise ainsi aucun dépassement de la mission de l'arbitre » (69). Le droit français accorde une faveur à ces mesures et vise à leur efficacité. La Cour de cassation a décidé qu'elles ne peuvent faire l'objet d'un recours indépendamment de la sentence sur le fond (70). Par ailleurs, ce pouvoir est expressément consacré tant en droit comparé qu'en matière d'arbitrage institutionnel.

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Dans les textes régissant l'arbitrage, l'article 17 de la loi-type de la CNUDCI sur l'arbitrage commercial international prévoit que « sauf convention contraire des parties, le tribunal arbitral peut, à la demande d'une partie, ordonner à toute partie de prendre toute mesure provisoire ou conservatoire qu'il juge nécessaire en ce qui concerne l'objet du différend ». Le groupe de travail sur l'arbitrage international de la CNUDCI prévoit d'étendre les pouvoirs de l'arbitre en la matière en offrant à l'arbitre la possibilité d'assortir les mesures provisoires d'injonctions préliminaires (71). L'arbitration act anglais de 1996 a consacré, dans ses articles 38 et 39, un pouvoir général de l'arbitre de délivrer des mesures provisoires. L'arbitrage institutionnel fait également face à ces difficultés en prévoyant expressément ce pouvoir aux arbitres. A cet effet, l'article 23, 1°, du règlement CCI prévoit qu'« à moins qu'il n'en ait été convenu autrement par les parties, le tribunal arbitral peut, dès remise du dossier, à la demande de l'une d'elles, ordonner toute mesure conservatoire ou provisoire qu'il considère appropriée ». L'article 21 du règlement d'arbitrage de l'Association américaine d'arbitrage, l'article 26 du règlement d'arbitrage CNUDCI, et l'article 25 du règlement de la London Court of International Arbitration font de même. Ainsi, la jurisprudence française qui analyse le pouvoir de rendre des mesures provisoires et conservatoires comme un acte juridictionnel appartenant de plein droit à l'arbitre ne fait qu'entériner un point de vue largement répandu tant en pratique qu'en droit comparé (72). Toutefois, la mission de l'arbitre ne manque pas de soulever encore à ce stade des interrogations. Comment décider quels sont les pouvoirs qui incombent aux arbitres de par leur fonction juridictionnelle ? Une réponse parait s'esquisser. L'arbitre ne manque pas à sa mission toutes les fois où il adapte les règles de procédure afin de mener à bien sa mission juridictionnelle. L'arbitre peut légitimement contrevenir à une règle de procédure qui s'inscrit dans sa mission dès lors que c'est dans le seul but de la réaliser. Il dispose d'un pouvoir juridictionnel à cette seule fin (73). La légitimité de ses décisions ne se fonde que sur l'accomplissement d'une mission qui lui a été confiée par les parties. Le recours en nullité pour manquement à la mission est soumis à un régime juridique reflétant l'ambivalence de la nature du pouvoir de l'arbitre et du terme de mission. L'arbitre tient son pouvoir de la volonté des parties et à ce titre il lui doit fidélité ; mais l'arbitre dispose d'un pouvoir juridictionnel qui l'affranchit ponctuellement du strict respect des termes de son investiture. Par ailleurs, à la mission confiée par les parties à l'arbitre s'oppose la mission juridictionnelle de l'arbitre. La première correspond aux termes précis de la volonté des parties et la seconde à ce qui appartient de droit à l'arbitre dans ses attributions juridictionnelles. La mission susceptible d'être contrôlée par le juge étatique se définit alors comme la mission assignée par les parties retranchée de tous les actes propres à l'exercice d'un pouvoir juridictionnel appartenant au tribunal arbitral. C'est ce que révèle l'examen d'une importante jurisprudence qui tend à assurer la pérennité de la juridiction arbitrale. Il paraît souhaitable qu'une telle jurisprudence perdure. La mission de l'arbitre est sujette à une double tension. Elle provient de la volonté des parties mais doit s'en libérer pour se réaliser. De l'accord initial lors de la conclusion de la convention d'arbitrage il ne reste pas grand-chose lorsque le litige naît. Les parties à l'arbitrage deviennent alors des belligérants et le juge qu'ils ont librement choisi doit pouvoir s'affranchir de leur volonté pour pouvoir mener à bien sa mission. Cette réalité est sans aucun doute le résultat de ce que l'on appelle la « judiciarisation » de l'arbitrage. Devant l'arbitre, le temps n'est plus où l'on adoptait une attitude différente de celle dont les tribunaux étatiques sont les témoins. Dans ce contexte il convient d'entendre strictement le recours en nullité pour manquement à la mission afin de décourager des comportements étrangers à la philosophie de l'arbitrage. Mots clés :

ARBITRAGE * Arbitre * Mission * Contrôle * Manquement de l'arbitre

(1) M.-C. Rivier, in Guide pratique de l'arbitrage et de la médiation commerciale, Litec, 2004, n° 136.

(2) S. Crépin, Les sentences arbitrales devant le juge français, LGDJ, 1995, préf. Ph. Fouchard, n° 371.

(3) JO OHADA, n° 8, 15 mai 1999, p. 2 ; cf. P. Meyer, OHADA et droit de l'arbitrage, Bruylant, 2002, n° 437, p. 254 s.

(4) Ph. Fouchard, note sous Paris, 10 mars 1988, Rev. arb., 1989, p. 278.

(5) Cass. com., 10 nov. 1947, D. 1948, p. 16 ; Paris, 6 janv. 1989, Rev. arb. 1991, p. 121, obs. J. Pellerin.

(6) G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, PUF, v° Mission.

(7) Cass. 2e civ., 15 janv. 2004, Bull. civ. II, n° 4.

(8) La confusion entre les deux cas de nullité est opérée par : Aix-en-Provence, 1re ch. D, 25 janv. 2006, Juris-Data, n° 2006-298994 ; Bull. d'Aix 2006/2, obs. D.

Mouralis.

(9) Cass. 1re civ., 17 janv. 2006, Bull. civ. I, n° 9.

(10) Paris, 1re ch. C, 12 févr. 2004, Juris-Data, n° 2004-238324.

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(11) S. Guinchard et alii, Droit processuel, 3e éd., 2005, n° 609.

(12) J. Rubellin-Devichi, L'arbitrage, nature juridique, LGDJ, 1965, n° 307, p. 211 ; Ch. Jarrosson, La notion d'arbitrage, LGDJ, 1987, n° 174 s. ; Ph. Fouchard, E. Gaillard et

B. Goldman, Traité de l'arbitrage commercial international, Litec, 1996, n° 12 s. ; Th. Clay, L'arbitre, Dalloz, 2001, n° 60 s.

(13) B. Oppetit, Théorie de l'arbitrage, PUF, 1998, p. 34.

(14) C. Jarrosson, Arbitrage et juridiction, Droits 1989, n° 9, p. 108.

(15) Paris, 1re ch. C, 17 mars 2005, Juris-Data, n° 2005-269747.

(16) Paris, 16 juin 1988, Rev. arb. 1989, p. 309, note Ch. Jarrosson.

(17) La question est résolue par l'avant-projet de réforme proposé par le Comité français de l'arbitrage : Texte et présentation par J.-L. Delvolvé, Rev. arb. 2006, n° 2,

p. 491 s.

(18) Paris, 1re ch. C, 27 juin 2002, Rev. arb. 2003, p. 427, note C. Legros.

(19) Paris, 1re ch. C, 10 févr. 2005, Juris-Data, n° 2005-268889.

(20) Cass. 1re civ., 17 janv. 2006, pourvoi n° 04-12.781.

(21) Paris, 1re ch. C, 12 févr. 2004, supra note 10.

(22) Cf., G. Bollard, Les principes directeurs du procès arbitral, Rev. arb. 2004, p. 511 s.

(23) Cass. 1re civ., 11 juill. 1961 [2 arrêts], Rev. crit. DIP 1961, p. 813, note H. Motulsky ; Clunet 1962, note J.-B. Sialelli.

(24) Cass. 1re civ., 17 mai 1978, Bull. civ. I, n° 191 ; Clunet 1979, p. 380, note D. Holleaux ; 17 janv. 2006, JCP 2006, II, 10052, note D. Martel

(25) J. Béguin et M. Menjucq (dir.), Droit du commerce international, Litec, 2005, n° 2694 et 2742.

(26) Paris, 30 mars 1995, Rev. arb. 1996, p. 131, obs. J. Pellerin.

(27) Paris, 20 juin 1996, Rev. arb. 1996, p. 656 ; Cass. 2e civ., 25 oct. 1995, Bull. civ. II, n° 251.

(28) Cass. 2e civ., 6 déc. 2001, Bull. civ. II, n° 183 ; Cass. 1re civ., 14 juin 2000, Bull. civ. I, n° 181 ; Rev. arb. 2001, p. 729, note H. Lecuyer.

(29) Rouen, 16 mai 2002, Juris-Data, n° 2002-202482.

(30) Cf. L. Weiller, La liberté procédurale du contractant, PUAM, 2004, n° 313 s.

(31) Cass. 2e civ., 24 juin 2004, Bull. civ. II, n° 310.

(32) Cass. 1re civ., 6 mars 1996, Bull. civ. I, n° 81 ; Justices 1997, n° 7, p. 216, obs. M.-C. Rivier ; Rev. arb. 1997, p. 69, note J.-J. Arnaldez ; Rev. crit. DIP 1997, p. 313,

note D. Cohen ; cette Revue 1997, p. 438, obs. E. Loquin.

(33) Cass. 1re civ., 6 mars 1996, préc.

(34) Paris, 1re ch. C, 18 nov. 2004, Juris-Data, n° 2004-262345.

(35) Cass. 2e civ., 13 juill. 2005, Bull. civ. II, n° 194.

(36) Montpellier, 12 déc. 2000, JCP E 2002, Jur. 320, note F. Auckenthaler.

(37) Paris, 1re ch. C, 14 déc. 2000, Rev. arb. 2001, p. 806, note Y. Derains ; Paris, 1re ch. C, 4 nov. 1997, Juris-Data, n° 1997-023112.

(38) Cass. 2e civ., 9 déc. 1997, Rev. arb. 1998, p. 417, note L. Kiffer.

(39) Par ex., Cass. 2e civ., 19 juin 1975, Bull. civ. II, n° 191 ; Cass. 3e civ., 11 janv. 1989, Bull. civ. III, n° 12.

(40) Cass. 2e civ., 8 avr. 1999, Bull. civ. II, n° 67 ; JCP E 1999, 1149, note A. Viandier ; RTD civ. 1999, p. 852, obs. P.-Y. Gautier.

(41) Paris, 1re ch. C, 13 mai 1986, Juris-Data, n° 1986-023144.

(42) Paris, 1re ch. C, 5 déc. 2000, Juris-Data, n° 2000-133286.

(43) Cass. 2e civ., 8 juill. 2004, Bull. civ. II, n° 349.

(44) Paris, 1re ch. C, 1er juill. 1999, JCP 2000, II, 10045, note Ch. Kaplan et G. Cuniberti ; 29 avr. 2003, JCP 2003, I, 163, obs. J. Béguin ; cette Revue 2004, p. 482, obs. E.

Loquin; 4 et 11 avr. 2002, JCP 2003, I, 105, obs. J. Ortscheidt ; 7 oct. 2004, JCP 2005, I, 134, obs. J. Ortscheidt ; JCP 2005, II, 10071, note J.-M. Jacquet.

(45) Paris, 1re ch. C, 7 oct. 2004, préc.

(46) Cf. la jurisprudence récente en matière de contradiction de motifs, Cass. 2e civ., 6 déc. 2001, Bull. civ. II, n° 183 ; Cass. 1re civ., 14 juin 2000, Bull. civ. I, n° 181 ;

Rev. arb. 2001, p. 729, note H. Lecuyer.

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(47) Paris, 1re suppl., 10 mars 1988, Rev. arb. 1989, p. 269, note approbative Ph. Fouchard.

(48) Paris, 1re ch. C, 16 janv. et 29 avr. 2003, cette Revue 2003, p. 487 s., obs. E. Loquin.

(49) J. Béguin et M. Menjucq (dir.), supra note 25, n° 2704 s. ; Ph Fouchard, E. Gaillard et B. Goldman, supra note 12, n° 1545s.

(50) Y. Derains, L'application cumulative des systèmes de conflit de lois intéressés au litige, Rev. arb. 1972, p. 99 s.

(51) Paris, 13 juill. 1989, Clunet 1990, p. 430, note B. Goldman ; Rev. crit. DIP 1990, p. 304, note B. Oppetit.

(52) Cass. 1re civ., 22 oct. 1991, Bull. civ. I, n° 275 ; Rev. crit. DIP 1992, p. 113, note B. Oppetit ; Rev. arb. 1992, p. 457, note P. Lagarde.

(53) E. Jolivet, Les principes Unidroit dans l'arbitrage CCI, Bull. CCI 2005, n° spéc., p. 71 s. ; P. Lalive, Les principes Unidroit en tant que lex contractus, avec ou sans

choix explicite ou tacite de la loi, Bull. CCI 2002, n° spéc., p. 81 s. ; J.D.M. Lew, Les principes d'Unidroit en tant que lex contractus choisie par les parties et sans choix

exprès du droit applicable, Bull. CCI 2002, n° spéc., p. 89 s. ; P. Mayer, Le rôle des principes d'Unidroit dans la pratique de l'arbitrage CCI, Bull. CCI 2002, p. 115 s.

(54) Sentence CCI, n° 10.385, mars 2002, Bull. CCI 2005, n° spéc., p. 87.

(55) V. par ex., Sentence CCI, n° 9.078, oct. 2001, Bull. CCI 2005, n° spéc.

(56) La jurisprudence de la CCI tend à démontrer qu'en la matière les arbitres sont soucieux d'appliquer la loi la plus adéquate malgré la liberté qui leur est concédée.

Cf. Y. Derains, Le choix du droit applicable au contrat et l'arbitrage, Bull. CCI 1995/1, vol. 6 ; C. Q. C. Truong, Le droit applicable dans les contrats internationaux de

distribution, Bull. CCI 2001/1, vol. 12, p. 40 s. ; E. Silva Romero, La dialectique de l'arbitrage international impliquant des parties étatiques, Bull. CCI 2004/2, vol. 15, p.

86 s.

(57) E. Gaillard, La jurisprudence du CIRDI, éd. A. Pedone, 2004, p. 336 s., p. 379 s. et p. 844 s.

(58) Cass. 2e civ., 15 févr. 2001, Bull. civ. II, n° 26 ; D. 2001, Jur. 2780, note N. Rontchevsky.

(59) Cf. E. Loquin, L'amiable composition en droit comparé et international, Litec, 1980, n° 419 s.

(60) Cass. 2e civ., 10 juill. 2003 [2 arrêts], cette Revue 2003, p. 698 s., obs. E. Loquin ; ibid. 2004, p. 252 s., obs. E. Loquin ; JCP 2004, I, 159, obs. Ch. Séraglini ; Rev. arb.

2003, p. 1361, obs. J.-G. Betto.

(61) E. Loquin, note préc.

(62) Paris, 1re ch. C, 4 déc. 2003 ; 15 janv. 2004 ; 19 mai 2005 ; Cass. 2e civ., 10 juill. 2003, cette Revue 2005, p. 252, obs. E. Loquin ; adde, Rev. arb. 2004, p. 907, note

J.-G. Betto.

(63) Ch. Jarrosson, BICC 2003, hors série, n° 2.

(64) Paris, 1re ch. C, 3 juin 2004, Rev. arb. 2004, note P. Callé.

(65) Paris, 1re ch. A, 14 janv. 2003, cette Revue 2003, p. 478, obs. E. Loquin .

(66) Paris, 1re ch. C, 23 juin 2005, Juris-Data, n° 2005-287132 ; adde, Paris, 1re ch. suppl., 21 juin 1990, Rev. arb. 1991, p. 97 ; Paris, 1re ch. C, 27 juin 2002, Rev. arb.

2003, p. 428, note C. Legros.

(67) Cf. S. Lazareff, La langue de l'arbitrage institutionnel, Bull. CCI 1997/1, vol. 8, p. 18 s. ; E. Castineira et M. Petsche, La langue de l'arbitrage : réflexion sur le choix

des arbitres et l'efficacité procédurale, Bull. CCI 2006/1, vol. 17.

(68) Sur l'ensemble de la question : V. D.-F. Donovan, Le pouvoir des arbitres de rendre des ordonnances de procédure, notamment des mesures conservatoires, et

leur force obligatoire à l'égard des parties, Bull. CCI 1999/1, vol. 10, p. 59 s. ; P.-A. Karrer, Liberté du tribunal arbitral de conduire la procédure, Bull. CCI 1999/1, vol. 10,

p. 14 s.

(69) Paris, 1re ch. C, 7 oct. 2004, Juris-Data, n° 2004-262342 ; Rev. arb. 2005, p. 737, note E. Jeuland ; JCP 2005, II, 10071, note J.-M. Jacquet.

(70) Cass. 2e civ., 6 déc. 2001, Bull. civ. II, n° 182 ; Dr. et patr. 2002, n° 106, p. 112, obs. J. Mestre.

(71) Document A/CN.9/WG.II/WP.141, art. 17 ter.

(72) Sur l'ensemble de la question : V. F. Knoepfler, Les mesures provisoires et l'arbitrage, in L. Cadiet, Th. Clay et E. Jeuland (dir.), Médiation et arbitrage, Litec, 2005,

p. 278 s. ; D.-F. Donovan, op. cit. ; J.D.M. Lew, Analyse des mesures provisoires et conservatoires dans l'arbitrage de la CCI, Bull. CCI 2000/1, vol. 11, p. 24 s. ; A.

Yesilirmak, Les mesures provisoires et conservatoires dans la pratique arbitrale de la CCI, Bull. CCI 2000/1, vol. 11, p. 32 s.

(73) A contrario lorsqu'il n'adapte pas une règle de procédure son initiative sera sanctionnée : la condamnation aux intérêts légaux n'est pas une émanation du pouvoir

juridictionnel de l'arbitre : Paris, 1re ch. C, 30 juin 2005, Rev. arb. 2006, p. 687, note R. Libchaber.

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