54
Desnatureza, 2011
Gallerie Vallois, Paris, France
Transarquitetônica, 2014
Museu de Arte Contemporânea,
São Paulo, Brazil
Henrique OliveiraBrésil
Henrique Oliveira est né en 1973 à Ourinhos, au Brésil.
Il vit et travaille à São Paulo. Dans les années 1990, alors
qu’il est encore étudiant en peinture à l’Université de
São Paulo, le jeune homme, visage angélique et allure
gracile, remarque les palissades en contreplaqué dans
les favelas et les chantiers de la ville : « Les vieux murs, les
extérieurs détériorés et les clôtures temporaires en bois —
« tapumes » — sont monnaie courante au Brésil. Ils sont
devenus mes objets de recherche favo ris. Ces matériaux
de récupération font à la fois partis de la nature et de notre
culture. Je les utilise d’abord pour la texture singulière
de ce bois, ses veines de couleur, ses entrelacs et autres
nœuds qui constituent des réseaux hors de contrôle »,
explique Henrique. « Je me nourris aussi d’ouvrages
scientifiques, plus particulièrement des études sur le
système neuronal et sur les pathologies physiques telles
que les tumeurs ».
Depuis 2003, l’artiste brésilien développe, outre la peinture,
des œuvres monumentales in situ, créées à partir de
tapumes, « clôtures » en portugais. Ce sont des créatures
plutôt que des créations, tant elles semblent vivantes.
Organiques et protéiformes, ses œuvres malignes, sans
commencement ni fin, contaminent l’espace, soulèvent
les murs, percent les planchers, dévorent les ouvertures.
Les lieux investis semblent prêts à exploser sous la pression
des tumeurs végétales.
Métaphore de l’extension urbaine, de la mégapole et des
favelas de Sao Paulo — centre névralgique de l’économie
brésilienne —, l’œuvre endémique de Henrique est à
vivre. Il faut pénétrer les viscères de boisw, déambuler
dans les excroissances des racines, se laisser envahir par
sa dimension aussi inquiétante que sensuelle. Dans ces
réseaux de branches, planches, veines, quelque chose se
joue qui nous dépasse. Une autre nature, anarchique et
souveraine.
«La mégapole est ma première
source d’inspiration».
76
Tapumes, 2008
Gallerie Vallois, Paris, France
Baitogogo, 2013
Palais de Tokyo, Paris, France
Titre œuvre, Date
98
The Origin of the Third World, 2010
29ª Bienal de São Paulo, São Paulo, Brazil
2524
0121-1110=113018,
2013
Lee Jae-Hyo Corée
Né en 1965, Lee a grandi dans l’usine de briques de son
père. « La cour était mon terrain de jeu. Les outils et les
matériaux naturels, mes premiers jouets », se souvient
le plasticien, nourri des maîtres du Land Art, diplômé en
arts plastiques de l’université Hongik et lauréat du prix
international de la sculpture en paysage forestier en 2002.
À Yang Pyung où il vit, dans la province de Geonggi, au
sud de Séoul, la forêt et la rivière Han ne sont jamais très
loin. La nature est sa plus fidèle complice. « J’éprouve un
immense respect pour la nature. C’est elle qui me souffle
mes œuvres. Je ramasse les rondins de bois dans les forêts,
les pierres viennent du lit de la rivière. Choisir les uns ou
les autres détermine déjà l’œuvre à venir », explique Lee.
L’énergie de la nature, l’épure de ses lignes, l’humilité de ses
éléments, décident des formes. « Je ne sais pas vraiment
qui, du matériau ou de l’artiste, commande l’autre ! C’est
comme si ma main suivait la pensée de la matière… Le
bois possède ses caractéristiques propres. Je ne travaille
pas contre lui, mais avec lui. C’est le matériau lui-même
qui dicte mon geste, sa texture qui décide de la forme. On
ne peut pas l’imposer de l’extérieur. » Et la forme parfaite,
récurrente dans le travail de Lee, est la sphère « qui se
cherche dans la plupart de mes œuvres », dit-il.
Le plus souvent, Lee façonne ses œuvres dans son atelier,
même s’il préfère les voir exposées en plein air. « La
plupart sont en bois, un matériau vivant, sensible au climat.
Comme pour les hommes, le temps patine l’œuvre. C’est
important. »
Il faudrait pouvoir les toucher, éprouver la caresse du
bois poli, tellement poli qu’il est aussi lisse qu’une soie.
Les sentir aussi, humer les veines du bois, le métal des
pierres. « Certaines de mes œuvres sont utilisées comme
des sièges ou des sofas. Je ne fais pas de pièces de design
à proprement parler. Mais pourquoi pas ? La frontière est
parfois incertaine entre le design et l’art. Le plus important,
c’est de vivre l’œuvre. »
Lee Jae-Hyo n’est pas seulement un créateur. Il est un
intercesseur, capable de révéler, au travers de ses œuvres
patiemment élaborées, la nature intime de la matière, son
essence quasi spirituelle.
« J’éprouve un immense respect pour la nature.
C’est elle qui dicte mon geste, qui me souffle mes œuvres »
2726
0121-1110=112125,
2012
0121-1110=109129;
2009
Titre œuvre, Date
2928
0121-1110=106102,
2006
0121-1110=1111011,
2011
Titre œuvre, Date
3130
Titre œuvre Date
4140
Nils-UdoAllemagne
« Je ne m’impose pas, je cherche plutôt un véhicule et un
prétexte pour montrer ce qui existe. Je ne fais que regarder
et souligner la puissance créatrice de la nature vivante, sa
vivacité, sa force, sa fragilité. Mon travail est naturellement
sous-tendu par une dimension politique. Quand je vois la
nature continuellement appauvrie, je suis à la fois déprimé
et furieux de colère», dit l’artiste allemand, né en 1937 à
Lauf, qui a fait de son art sa vie entière.
Pionnier en Europe de l’art dans la nature, Nils-Udo, dès la
fin des années 60, entreprend de vastes plantations d’arbres,
d’arbustes et de fleurs dans les environs de son village de
Haute Bavière. Il cueille des baies, dispose des pétales de
fleurs sur l’eau, dans les aspérités des arbres, entremêle
des branches, dégage un entrelacs de racines, enregistre
la course d’une feuille d’érable portée par le vent... Autant
d’installations délicates, minérales et végétales, aux
dimensions variables, composées de matériaux trouvés
sur place. Chacune de ces œuvres éphémères interroge
les rythmes de la nature, les cycles des saisons, les
transformations que le temps opère, la décrépitude, inscrite
au cœur même du vivant. À l’acmé de leur intensité, Nils-
Udo les photographie, avant de les rendre à la terre. « Je
ne recherche pas la beauté. C’est elle qui s’installe en moi.
C’est une beauté tout à la fois belle, laide, cruelle », dit Nils-
Udo dans un français choisi.
« Mon regard peut se poser n’importe où. Je me laisse
guider par la nature et réagis en fonction de ce que je
rencontre. Sans idée préconçue, je réagis à la topographie
d’un lieu, à la lumière, au climat, aux matériaux. Il s’agit
toujours d’une réponse ».
Depuis l’automne 2004, Nils-Udo, comme un écho de sa
propre contemplation, a recours à la peinture. Des toiles
aux couleurs chatoyantes et aux abstractions lyriques. « Au
commencement, je suis peintre... La peinture a toujours été
au fond de moi. Je savais qu’elle reviendrait à la surface.
Avec ce medium, je redécouvre la liberté de l’imaginaire.
Non pas qu’il soit plus vaste que le réel. Ce sont les deux
faces d’une même médaille ».
« Je ne recherche pas la beauté.
C’est elle qui s’installe en moi.
C’est une beauté tout à la fois belle,
laide, cruelle ».
4342
Nid d’hiver, 1993,
Dietenbronn, Bavière, Allemagne
Titre œuvre, Date Titre œuvre, Date
4544
6766
Labyrinth, 2012
Bellevue Arts Museum, USA
Motoi YamamotoJapon
Depuis les années 2000, Motoi Yamamoto, né en 1966
à Onomichi (préfecture de Hiroshima) et diplômé du
Kanazawa College of Art, utilise du sel pour créer des sortes
de « cartographies mentales ». Ces œuvres, profondément
méditatives, convient l’artiste comme le spectateur a un
voyage dans la mémoire et l’oubli.
Symbole traditionnel de purification dans la culture
japonaise, le sel est utilisé dans les rituels funéraires ainsi
que dans la vie quotidienne (disposé en petit tas à l’entrée
des maisons par exemple, il sert à conjurer les mauvais
esprits et d’attirer les « kami » bienveillants).
« Dessiner un labyrinthe de sel, c’est comme suivre une
trace de ma mémoire. Les souvenirs semblent changer
et disparaître au fil du temps. Cependant, par la pratique
de mon art, je cherche à capturer un instant qui ne peut
être atteint par des images ou des mots. Quand j’achève
le dessin, j’ai parfois le sentiment de toucher un souvenir
précieux », dit Motoi dont l’art est né non pas d’une
aspiration mystique, mais bien d’une expérience personnelle
puissante.
Son art, à la beauté intense et sereine, a pris naissance avec
la mort de sa sœur et la nécessité pour le jeune homme de
prendre soin de ses souvenirs. L’acte même de création,
à l’instar des mandalas élaborés avec du sable par les
moines bouddhistes tibétains, est un acte de méditation
et de recueillement qui donne accès aux confins les plus
profonds de la conscience humaine.
Ses créations, exposées dans le monde entier, d’Athènes à
Jérusalem, de Mexico à Séoul, de Tokyo à New York, ont
été couronnées par le Prix Art Philip Morris en 2002 et celui
de la Fondation Pollock-Krasner Grant en 2003. Motoi
les considère comme des exercices à la fois « futiles et
nécessaires ». Chacune de ses installations est éphémère
et sa dispersion fait partie intégrante de l’œuvre. Une fois
achevée, elle est livrée à l’eau dans un rituel auquel participe
le public. Un « Retour à la mer » sans cesse à reprendre,
telle est l’œuvre délicate et ineffable de Motoi Yamamoto.
« Dessiner un labyrinthe de sel,
c’est comme suivre une trace de
ma mémoire. J’ai parfois le sentiment
de toucher un souvenir précieux »
Titre œuvre, Date
6968
Forest of Beyond, 2011
The Hakone Open-Air Museum, Japan