r É c o n c i l i e r la politique e t l a p r at i …...2011/10/01  · l e c o n s e n s u s e u...

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LE CONSENSUS EUROPÉEN SUR L’AIDE HUMANITAIRE ET LES PRINCIPES HUMANITAIRES Octobre 2011 RÉCONCILIER LA POLITIQUE ET LA PRATIQUE

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L E C O N S E N S U S E U R O P É E N S U R L ’ A I D E H U M A N I T A I R E

E T L E S P R I N C I P E S H U M A N I T A I R E S

Octobre 2011

R É C O N C I L I E R

L A P O L I T I Q U E

E T L A

P R A T I Q U E

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Table des matières

AcronymesAvant-proposRésumé et Recommandations

Introduction 10

Principes humanitaires – Une base fondamentale pour établiret maintenir l’accès aux populations 10

Les Principes humanitaires & le Consensus Européensur l’aide humanitaire 11

Contextualiser le défi humanitaire 12

Principes, Pouvoir et Politique 12

Préserver l’indépendance de l’aide humanitaire 14

Délivrer une aide impartiale, fondée sur les besoins 16

Missions pluridimensionnelles et humanitarisme militaire 18

Liens entre indépendance, impartialité et identité des ONG 20

Le Consensus Humanitaire : une protection et unepromotion de l’aide humanitaire fondée sur des principes 23

Les États membres & le Consensus Humanitaire 24

Renforcer les pratiques par le contrôle des performances 30

Préserver l’avenir du Consensus Humanitaire 31

Conclusions : le besoin de relier la politiqueavec la pratique 34

Recommandations 36

ENCADRÉ 1 : Définition des principes humanitaires 11

ENCADRÉ 2 : Érosion des principes humanitaires en Colombie 13

ENCADRÉ 3 : Menaces envers une aide fondée sur des principes en Afghanistan 15

ENCADRÉ 4: Bonnes pratiques d’identification et d’affectation des fondsaux urgences oubliées 16

ENCADRÉ 5 : Politisation de l’aide et impact des lois antiterroristessur l’aide humanitaire en Somalie 17

ENCADRÉ 6 : Politiques humanitaires des États membres 25

ENCADRÉ 7 : Mise en pratique de la politique. L’exemple de la Libye et de l’EUFOR 32

Liste des encadrés

COVER: CONGO 2008© CARITAS INTERNATIONALIS

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R é c o n c i l i e R

l a p o l i t i q u e

e t l a

p R a t i q u e

Principaux contributeurs :

L E C O N S E N S U S E U R O P É E N S U R L ’ A I D E H U M A N I T A I R E

E T L E S P R I N C I P E S H U M A N I T A I R E S

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acronymes

AC Affaires civilesAPD Aide publique au développementBAR Évaluation de l’aide bilatérale [DFID]BCAH Bureau de la coordination des affaires humanitaires (ONU)BMZ Ministère fédéral allemand de la coopération et du développement

économiqueCAD Comité d’aide au développement (OCDE)CAFOD Agence catholique pour le développement (CARITAS UK)CAP Processus d’appel globalCCAI Centre pour la coordination de l'action intégraleCE Commission européenneCERF Fonds central d’intervention d’urgenceCFP Cadre financier pluriannuel (UE)CHAP Plan d’action humanitaire communCICR Comité international de la Croix-RougeCIMIC Coopération civile et militaireCODHES Observatoire pour les Droits de l’Homme et pour le Déplacement

(ONG Colombienne)COHAFA Groupe de travail du conseil “Aide humanitaire et aide alimentaire”DFID Ministère britannique du développement internationalDG ECHO Direction générale de l’aide humanitaire (de la CE)DHI Droit humanitaire internationalEUFOR Force militaire de l’Union européenneFARC Forces armées révolutionnaires de ColombieFCA Evaluation des crises oubliées (Forgotten Crisis Assessment)FISCR Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du

Croissant-RougeGHD Principes et bonnes pratiques pour l’aide humanitaireGNA Évaluation globale des besoins (Global Needs Assessment)HERR Examen de la réponse humanitaire d’urgence [DFID]HPG Groupe sur la politique humanitaire [ODI]HPN Réseau des pratiques et politiques humanitairesHRI Indice de réponse humanitaireIASC Comité Permanent Inter AgencesMAR Évaluation de l’aide multilatérale [DFID]MCDA Ressources militaires et de la protection civile [Lignes directrices]OCDE Organisation de coopération et de développement économiquesODI Institut de développement d’outre-mer (Royaume-Uni)OFAC Bureau du contrôle des avoirs étrangers (États-Unis)OFDA Bureau de l’assistance aux catastrophes étrangères [USAID]ONG Organisation non gouvernementaleONU Organisation des Nations uniesPID Personne déplacée à l’intérieur d’un paysPRT Équipe provinciale de reconstructionQIP Projet à effet rapideRDC République démocratique du CongoSEAE Service européen pour l’action extérieureUE Union européenneUNAMA Mission d'assistance des Nations Unies en AfghanistanUSAID Agence des États-Unis pour le développement internationalVOICE Organisations volontaires de coopération dans les situations d’urgence

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avant-proposLes principes humanitaires fondamentaux d’humanité, de neutralité, d’impartialitéet d’indépendance, inscrits dans le droit humanitaire international et figurant dansle Code de conduite pour la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge1, constituent unebase de référence pour les opérations des organisations humanitaires lors de catas-trophes naturelles et de conflits armés. Ces principes jettent les fondements d’uneconfiance essentielle pour que l’aide soit acceptée, particulièrement dans descontextes politiques ou sécuritaires complexes, pour qu’ONG, sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et agences de l’ONU puissent agir.

Au cœur de ces principes, se trouve le concept d’humanité qui incarne la croyanceuniverselle en la dignité de tout être humain et qui exige que chacun reçoive l’assis-tance dont il a besoin. Pour la Confédération Caritas, qui regroupe 163 organisationscatholiques d’urgence, de développement et de services sociaux dont l’objectif est deconstruire un monde meilleur, le concept d’humanité est perçu, en fin de compte,comme enraciné dans le Divin et énoncé dans les Écritures et la doctrine sociale del’Église. Créé à l’image de Dieu, un être humain ne doit pas être considéré commeune chose mais comme une personne pourvue d’une valeur essentielle. Cette croyanceconstitue le mot d’ordre de notre travail à Caritas.

Le présent rapport utilise le Consensus Européen sur l’aide humanitaire (adopté en2007) comme cadre politique afin d’examiner le respect des principes humanitairesde la part de l’Union Européenne et de ses États membres. Caritas Europa, réseaucomposé de 49 organisations Caritas en Europe, espère qu’il apportera une contri-bution utile aux débats en cours sur les principes humanitaires dans le contexte de– et les défis lancés par – l’environnement institutionnel de l’UE en perpétuel chan-gement. Nous encourageons les organisations Caritas à renouveler leurs efforts afinde promouvoir et défendre ces principes dans le cadre de leur travail humanitaire,ainsi que lors de leurs débats politiques et de plaidoyer auprès des donateurs et bail-leurs, et auprès des États membres de l’Union européenne.

Huit organisations membres de Caritas Europa ont commandé ce rapport : l’Autriche,la Belgique, la République Tchèque, l’Angleterre & le Pays de Galles, la France, l’Alle-magne, l’Irlande et l’Espagne. Je souhaite remercier du fond du cœur ceux qui ontconduit ces recherches et contribué à la rédaction de ce rapport, en particulier AndyFeatherstone, consultant indépendant et Anne Street (CAFOD - Caritas Angleterre etPays de Galles), Helen Nic an Rí, Ciara O’Malley (Trócaire - Caritas Irlande) et HaraldHappel (Caritas Europa).

Un apport supplémentaire concernant notamment les études de cas et l’analyse desÉtats membres a été délivré par : Carmen Cabotá (Caritas Espagne) ; MarjolaineEdouard (Secours Catholique-Caritas France) ; Pavel Gruber (Caritas RépubliqueTchèque) ; Gernot Ritthaler ; Matthias Schmidt-Eule (Caritas Allemagne) ; HélèneUnterguggenberger (Caritas Autriche) ; Jan Weuts (Caritas International Belgique) ;Rainer Lucht (Diakonie Katastrophenhilfe, Allemagne) et par Alistair Dutton et Flo-riana Polito (Caritas Internationalis). Kathrin Schick et Inge Brees (VOICE) ont donnédes conseils judicieux. Catherine Cowley (CAFOD) a fourni une aide précieuse en vé-rifiant les références et Eilis Ní Riain (Trócaire) a aimablement accepté de se char-ger de la révision finale, tandis qu‘Alain Rodríguez (Caritas Europa) a assuré le lienavec le maquettiste et l’imprimerie. Un grand merci à tous.

Jorge Nuño MayerSecrétaire Général, Caritas Europa

1 FISCR/CICR (1996), The Code ofConduct for the International RedCross and Red Crescent Movementand Non-GovernmentalOrganisations (NGOs) in DisasterRelief [En ligne]. Cf. :http://www.ifrc.org/Global/Publications/disasters/code-of-conduct/code-english.pdf, [Consultéle 10 mai 2011]

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l e c o n s e n s u s e u R o p é e n s u R l ’ a i d e h u m a n i t a i R e e t l e s p R i n c i p e s h u m a n i t a i R e s0 �

Résumé

humanitarisme en mutation :des frontières aux contours flousDe nos jours, l’aide humanitaire est délivrée dans un environnement extrêmementcomplexe. La fréquence et l’intensité croissantes des catastrophes naturelles ont en-traîné un nombre sans précédent de personnes nécessitant une aide humanitaire. Lesviolents conflits armés, les manquements au droit et le non-respect des règles de laguerre de la part des acteurs armés – étatiques ou non – ont affaibli les effortsdéployés pour apporter de l’aide à ceux qui en ont besoin. Dans la plupart des criseshumanitaires les plus complexes, la multiplication et la diversification accrue desacteurs humanitaires, la soumission des priorités humanitaires aux objectifs depolitique étrangère et la confusion entre les objectifs militaires, politiques et huma-nitaires représentent une grande menace pour l’impartialité de l’aide humanitaire.

les principes humanitaires : une base fondamentalepour établir et maintenir l’accès aux populationsLes principes humanitaires d’humanité, d’impartialité, de neutralité et d’indépendanceconstituent les fondements de l’action humanitaire. Basés sur le droit humanitaireinternational (DHI), ils sont indispensables pour établir et maintenir un accès aux po-pulations affectées, que ce soit lors d’une catastrophe naturelle, d’un conflit armé oulors d’une urgence complexe. Si les principes humanitaires sont parfois perçus commeune théorie idéaliste, ils constituent en réalité le cadre essentiel sur lequel les acteurshumanitaires construisent la confiance et l’acceptation de l’aide. C’est grâce à cetteconfiance que les ONG, la Croix-Rouge/Croissant-Rouge et les agences de l’ONU par-viennent à sauver des vies dans des contextes politiques ou sécuritaires complexes.Lorsque les gouvernements, les autorités militaires ou encore les bailleurs tententd’exploiter ou de porter atteinte aux principes universels, cette confiance entre ceuxqui délivrent l’assistance et les bénéficiaires peut être endommagée voire détruite; dèslors, assister les populations qui en ont besoin peut devenir trop dangereux.

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l e c o n s e n s u s e u R o p é e n s u R l ’ a i d e h u m a n i t a i R e e t l e s p R i n c i p e s h u m a n i t a i R e s 0 �

le consensus européen sur l’aide humanitaire :protéger et promouvoir une aide humanitairefondée sur des principesBasé sur les bonnes pratiques pour l’aide humanitaire (initiative GHD lancée en2004), le Consensus Européen sur l’aide humanitaire (désigné ci-après sous le nomde Consensus Humanitaire) a été adopté en 2007 par les institutions et États mem-bres de l’UE. Il s’agit d’un cadre politique non contraignant, accompagné d’un pland’action arrêté en mai 2008. Le Consensus Humanitaire présente une vision com-mune de l’aide humanitaire pour les institutions et États membres de l’UE, en met-tant l’accent sur les principes et engagements fondamentaux.2 Il énonce laprimauté des principes humanitaires et du droit international (notamment le DHI,les droits de l’homme et le droit des réfugiés), établit de manière concrète unedistinction claire entre l’aide civile et militaire en cas de crises humanitaires, etaffirme que l’aide humanitaire n’est pas un instrument de gestion de crise. Il s’agitd’un instrument important visant à promouvoir une aide humanitaire basée sur desprincipes, à défendre l’espace humanitaire et à faciliter l’arrivée de secours au-près de ceux qui en ont le plus besoin.

L’UE et ses États membres ont confirmé leur engagement vis-à-vis des principesrappelés dans le Consensus Humanitaire. Néanmoins, le présent rapport démontrequ’il existe parfois un écart entre les politiques vis-à-vis desquelles ils se sont enga-gés et leur mise en pratique, avec les conséquences négatives que cela impliquepour les acteurs humanitaires et, in fine, pour les communautés affectées.

Bien que les États membres et institutions de l’UE se soient engagés à ce que laDirection générale de l’aide humanitaire de la Commission européenne (DG-ECHO)ne relève pas de la compétence du Service européen pour l’action extérieure, lestermes du Traité de Lisbonne exigent que l’aide humanitaire soit conduite dans lecadre de l’action extérieure de l’UE. Une des conséquences importantes est que ceciaccroît considérablement le risque de politisation de l’aide humanitaire, notammentdans les situations de conflits. Même si une coordination entre la Commission et leService européen pour l’action extérieure (SEAE) est souhaitable, il convient deveiller à ce que l’aide humanitaire ne devienne un instrument de gestion de crise,comme l’indique clairement l’article 15 du Consensus Humanitaire3. Dès lors, unerecommandation principale de ce rapport à l’intention des décideurs européens estde veiller à ce que le mandat de la DG-ECHO se distingue de tout autre service dela Commission et des institutions européennes afin de permettre à la DG-ECHO dedélivrer une aide neutre et impartiale et de promouvoir une aide humanitaire fondéesur des principes.

L’engagement collectif des institutions de l’UE pour une aide humanitaire fondéesur des principes et pour ne pas utiliser cette dernière comme un instrument degestion de crise constituera la base la plus solide pour garantir une distributionefficace de l’aide aux victimes de catastrophes. Cela renforcera par ailleurs l’imagequalitative de l’UE en tant que bailleur humanitaire international. Caritas Europademande que les institutions et États membres de l’UE fassent preuve d’une plusgrande volonté politique pour appliquer systématiquement le Consensus Humani-taire, notamment concernant le respect et la promotion des principes humani-taires et en s’assurant que ces derniers les guident dans leurs actions. CaritasEuropa affirme par ailleurs que le suivi de l’application du Consensus devrait être

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2 Union européenne (2008), JointStatement by the Council and theRepresentatives of the Governmentsof the member States meetingwithin the Council, the EuropeanParliament and the EuropeanCommission: The EuropeanConsensus on Humanitarian Aid, Doc2008/C 25/01 (Internet). Cf. :http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2008:025:0001:0012:EN:PDF ; Commissioneuropéenne (2008), CommissionStaff Working Paper: EuropeanConsensus on Humanitarian Aid –Action Plan, Doc SEC (2008)1991(Internet). Cf. : http://ec.europa.eu/echo/files/policies/consensus/working_paper_en.pdf

3 UE, Consensus Européen, article 15

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l e c o n s e n s u s e u R o p é e n s u R l ’ a i d e h u m a n i t a i R e e t l e s p R i n c i p e s h u m a n i t a i R e s0 �

renforcé à tous les niveaux et appelle à une évaluation indépendante finale en2013 portant sur l’impact du Consensus Humanitaire et de son plan d’action.

Afin de rendre le Consensus Humanitaire crédible dans un contexte où ses élémentsclés sont inconnus, mal compris voire ignorés, il est urgent et nécessaire de conti-nuer à sensibiliser toutes les institutions de l’UE et les ministères des États mem-bres impliqués dans l’aide humanitaire. Bien que plusieurs États membres aientréalisé des progrès importants et élaboré des politiques et stratégies nationales ens’appuyant fortement sur le Consensus Humanitaire, de tels cadres font toujoursdéfaut dans certains pays de l’UE. Un engagement concernant le ConsensusHumanitaire dans des cadres politiques nationaux entraînera à son tour une plusgrande transparence au niveau national, ce qui permettra aux parlements natio-naux et aux organisations de la société civile d’évaluer au plus près le respect duConsensus Humanitaire. Dans le cas où les États membres ne remplissent pas leursobligations et où les réponses aux crises par les gouvernements donateurs ne res-pectent pas l’esprit et l’objectif du Consensus Humanitaire, un engagement plusferme en faveur d’une action collective sera nécessaire pour y remédier.

Enfin, ce rapport souligne que les principes humanitaires devraient davantage serefléter dans les politiques organisationnelles des ONG et leurs procédures de prisede décisions

UN CASQUE BLEUQUI APPORTE DE L'AIDE À HAÏTI

© KATE ORLINKSY 2010CARITAS INTERNATIONALIS

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RecommandationsL’UE et ses États membres doivent renouveler leur engagement à remplir leurs obligationsselon le Consensus Européen sur l’aide humanitaire et le plan d’action l’accompagnant, età fournir une aide humanitaire fondée sur des principes. Les organisations membres deCaritas Europa formulent en particulier les recommandations suivantes :

Recommandations principales :� La Commission européenne devrait prévoir une évaluation indépendante en fin de phasede l’impact du Consensus Humanitaire et de son plan d’action en 2013, afin d’assurer unattachement fort et continu aux principes humanitaires au-delà de 2013.

� Le Conseil européen devrait veiller à ce que le mandat d’ECHO reste distinct des autresservices de la Commission et institutions de l’UE, pour permettre à ECHO de fournir une aidehumanitaire neutre et impartiale et de prôner une aide humanitaire fondée sur des principes.

� Les États membres devraient établir des mécanismes d’évaluation indépendante annuellede leurs engagements liés au Consensus Humanitaire, notamment une évaluation du respectde ceux-ci au sein des ministères concernés (Relations extérieures, Développement, Défense,Intérieur) et une communication publique des résultats.

Recommandations secondaires :Nous recommandons en outre aux États membres de l’Union européenne :

� D’inclure des références au Consensus Humanitaire dans leurs stratégies humanitairesnationales et dans les documents politiques, ou d’élaborer ces stratégies et documentsd’orientation dans les pays où ils font encore défaut.

Nous recommandons aux institutions concernées de l’Union européenne :� D’établir une distinction claire entre le domaine de compétence du Premier vice-présidentde la Commission européenne et Haut représentant pour les affaires étrangères et lapolitique de sécurité et celui du Commissaire de la coopération internationale, aidehumanitaire et réaction aux crises.

� De rendre publics les résultats de l’évaluation annuelle sur la mise en œuvre du ConsensusHumanitaire et de son plan d’action.

� De mettre en place un matériel pédagogique portant sur le Consensus Humanitaire et sesprincipes à l’usage des institutions européennes et des autres acteurs humanitaires.

Nous recommandons aux ONG:� D’effectuer un suivi régulier des politiques des États membres de l’UE en participant demanière active aux plateformes nationales (là où c’est approprié), afin de repérer etdénoncer les pratiques dont la mise en œuvre gouvernementale n’est pas conforme auConsensus Humanitaire.

� De veiller à ce que les principes humanitaires se retrouvent au sein de leurs politiquesorganisationnelles et procédures de prise de décisions, en ce qui concerne des sujets telsque le financement, les modèles d’opérations, la communication avec les bénéficiaires etle contact avec les autres acteurs sur le terrain.

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NGIPEYOK EDULCON FROM THE KAARUKOVILLAGE IN LOKORI, NORTHERN KENYA.© TRÓCAIRE

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R é c o n c i l i e R

l a p o l i t i q u e

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p R a t i q u e

L E C O N S E N S U S

E U R O P É E N S U R

L ’ A I D E H U M A N I T A I R E

E T L E S P R I N C I P E S

H U M A N I T A I R E S

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l e c o n s e n s u s e u R o p é e n s u R l ’ a i d e h u m a n i t a i R e e t l e s p R i n c i p e s h u m a n i t a i R e s1 0

introductionnul ne peut nier que, de nos jours, l’aide humanitaire est délivrée dans un environnement extrê-mement complexe. la fréquence et l’intensité croissantes des catastrophes naturelles ont entraînéun nombre sans précédent de personnes nécessitant une aide humanitaire. les violents conflitsarmés, les enfreintes faites au droit et le non-respect des règles de la guerre de la part des acteursarmés – étatiques ou non – ont affaibli les efforts déployés pour apporter de l’aide à ceux qui en ontbesoin. dans la plupart des crises humanitaires les plus complexes, la multiplication et la diversi-fication accrue des acteurs humanitaires, la soumission des priorités humanitaires aux objectifs depolitique étrangère et la confusion entre les objectifs militaires, politiques et humanitaires repré-sentent une grande menace pour l’impartialité de l’aide humanitaire. Bien que l’humanitarisme aittoujours favorablement accueilli la diversité, tout en restant en même temps vulnérable aux tenta-tives de l’exploiter ou de la manipuler, ce qui est différent aujourd’hui est la complexité et lamultiplication accrue des défis actuels – et probablement futurs. ces défis pourraient fragiliser unhumanitarisme fondé sur des principes et la façon dont il est perçu.

L E S P R I N C I P E S H U M A N I T A I R E S : U N E B A S E F O N -

D A M E N T A L E V I S A N T À É T A B L I R E T M A I N T E N I R

L ’ A C C È S A U X P O P U L A T I O N S

Les principes humanitaires d’humanité, d’impartialité, de neutralité et d’indépen-dance constituent les fondements de l’action humanitaire. Basés sur le droithumanitaire international (DHI), ils sont indispensables pour établir et maintenirun accès aux populations affectées, que ce soit lors d’une catastrophe naturelle,d’un conflit armé ou d’une urgence complexe. Au cœur de ces principes se trouvela croyance partagée et universelle en l’humanité – présente dans toutes lesgrandes religions – qui requiert qu’une aide humanitaire doit être accordée à toutepersonne malade ou souffrante, indépendamment de sa race, de sa religion ou desa culture. Les acteurs de l’aide humanitaire le savent par expérience : l’adhésionaux principes humanitaires établit une confiance essentielle pour que l’aide soitacceptée. C’est grâce à cette confiance que les ONG, les sociétés de la Croix-Rougeet du Croissant-Rouge et les agences de l’ONU parviennent à sauver des vies dansdes contextes politiques et de sécurité complexes.

Les crises politiques exigent naturellement des solutions politiques. Mais les poli-tiques des donateurs qui priorisent de manière explicite les intérêts sécuritairesou de politique étrangère sur une approche humanitaire fondée sur des principescompromettent l’efficacité de l’aide humanitaire basée sur les besoins. Dès lors, iln’est guère surprenant de constater que la plupart des pays où l’accès aux popu-lations dans le besoin est le plus difficile sont ceux où l’aide a été politisée. Dansde tels contextes, un manque de confiance et des erreurs de perceptions quant àl’impartialité et l’indépendance de l’aide humanitaire risquent de créer un cerclevicieux se traduisant par la restriction d’accès aux personnes qui en ont le plusbesoin et par une insécurité croissante pour les travailleurs humanitaires. Le faitque le nombre de travailleurs humanitaires tués ou blessés soit le plus élevé enAfghanistan, au Soudan et en Somalie corrobore ce constat.4

4 A. Stoddard, A. Harmer et V.DiDomenico (2009), Providing Aid inInsecure Environnements: 2009Update, HPG Policy Brief 34 (Internet).Cf. : http://www.odi.org.uk/resources/download/3250.pdf

TREMBLEMENT DE TERREET DÉCOMBRES À HAÏTI© CARITAS INTERNATIONALIS

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l e c o n s e n s u s e u R o p é e n s u R l ’ a i d e h u m a n i t a i R e e t l e s p R i n c i p e s h u m a n i t a i R e s 1 1

E N C A D R É 1

L E S P R I N C I P E S H U M A N I T A I R E S E T L E C O N S E N S U S

E U R O P É E N S U R L ’ A I D E H U M A N I T A I R E

Au cours des dernières années, l’échec de la communauté humanitaire pour releverces défis a entraîné une érosion des principes humanitaires et une réduction del’espace humanitaire ; ceci a rendu l’environnement de travail de plus en plus com-plexe et potentiellement dangereux pour les acteurs de l’aide humanitaire. Le statuquo lance de nombreux défis à l’aide humanitaire indépendante et à la capacitédes ONG de rester engagées vis-à-vis des principes humanitaires d’où découle leurlégitimité.

Toutefois, il serait mensonger de dresser un tableau trop sombre de la situation.Compte-tenu que les fondements des principes humanitaires viennent du DHI, lesgouvernements ont un rôle important à jouer dans la promotion et la défense de cesprincipes. La dernière décennie a été marquée par des progrès en termes de ren-forcement des pratiques collectives au sein des donateurs. Un des principauxprogrès est le rassemblement des donateurs sous la bannière des Principes etbonnes pratiques pour l’aide humanitaire (GHD), qui a permis à un consensus largede se développer sur des questions de politique et de pratique.6

Basé sur l’initiative GHD, le Consensus Européen sur l’aide humanitaire (désigné ci-après sous le nom de Consensus Humanitaire) a été adopté en 2007 comme cadrepolitique (accompagné d’un plan d’action arrêté de mai 2008). Le Consensus Huma-nitaire est une Déclaration commune du Conseil de l’Union européenne, duParlement européen, de la Commission européenne et des États membres.7 Cettedéclaration présente une vision commune sur l’aide humanitaire au niveau de l’UE.Le Consensus Humanitaire établit la primauté des principes humanitaires et du droitinternational (notamment le DHI, le droit relatif aux droits de l’homme et le droitdes réfugiés), établit de manière concrète une distinction claire entre l’aide civile etmilitaire en cas de crises humanitaires, et affirme que l’aide humanitaire n’est pasun instrument de gestion de crise. Malgré sa nature non contraignante qui impliqueque son respect repose sur une bonne volonté plutôt que sur des sanctions ou obli-gations du traité, Il s’agit d’un instrument important visant à promouvoir une aidehumanitaire basée sur des principes, à défendre l’espace humanitaire et à faciliterla fourniture à l’aide à ceux qui en ont le plus besoin.

définition des principes humanitaires�

Humanité : Il faut alléger les souffrances humaines quel que soit l’endroit où on les trouve. L’objectif de l’actionhumanitaire est de protéger la vie et la santé et de garantir le respect des êtres humains.

Neutralité : Les acteurs de l’aide humanitaire ne doivent pas prendre parti pendant les hostilités ou se lancer dansdes polémiques de nature politique, raciale, religieuse ou idéologique.

Impartialité : L’action humanitaire doit être menée uniquement sur la base des besoins, en donnant la priorité auxsituations de détresse les plus urgentes sans faire de distinction sur la base de la nationalité, de la race, du genre,des croyances religieuses, des classes ou des opinions politiques.

Indépendance opérationnelle : L’action humanitaire doit être indépendante de toute visée politique, économique,militaire ou autre dans les zones où elle est mise en œuvre.

5 BCAH, OCHA d’une seule voix:LesPrincipes humanitaires [En ligne]. Cf. :http://ochanet.unocha.org/p/Documents/OOM_HumPrinciple_French.pdf [Consulté le 10 juillet 2011]

6 Pour plus d’informations sur lesPrincipes et bonnes pratiques pourl’aide humanitaire (GHD), veuillezconsulter :www.goodhumanitariandonorship.org

7 http://ec.europa.eu/echo/policies/consensus_en.htm

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l e c o n s e n s u s e u R o p é e n s u R l ’ a i d e h u m a n i t a i R e e t l e s p R i n c i p e s h u m a n i t a i R e s1 2

contextualiserle défi humanitairesi les principes humanitaires constituent un fondement solide sur lequell’aide humanitaire se base depuis plusieurs décennies, ils se sont cepen-dant avérés fragiles. diverses études ont continuellement affirmé leuruniversalité. cependant, les principes humanitaires sont susceptibles demanipulations politiques. ceci a constitué une source d’inquiétudecroissante au cours des dernières années.8 À l’heure où les besoins huma-nitaires globaux ont atteint de nouveaux paliers, il en est de même pourle risque de coercition de l’aide humanitaire par ceux qui voudraientl’utiliser à des fins politiques, ou de son exploitation par des pouvoirsmilitaires qui la considèrent comme un outil permettant de « gagner lescœurs et les esprits ».9 cette situation a compliqué les efforts déployéspour délivrer l’aide à ceux qui en ont besoin.

P R I N C I P E S , P O U V O I R & P O L I T I Q U E

“Collectivement, l'Union européenne est à l'heure actuelle,grâce à l'apport de la Communauté et aux contributionsbilatérales des États membres, le donateur le plus impor-tant de l'aide humanitaire internationale publique. Entant que telle, l'UE a à la fois l’expérience et le devoir defaire en sorte que sa contribution globale à la réponsehumanitaire soit efficace et appropriée, et de soutenirl'effort humanitaire international déployé pour apporterune aide aux populations qui en ont besoin ainsi que derelever comme il se doit les défis auxquels sont confrontésaujourd'hui les acteurs de l'aide humanitaire.„10

Bien que les statistiques indiquent une augmentation des fonds des pays nonmembres de l’OCDE pour les réponses aux urgences, l’aide humanitaire reste prin-cipalement dominée par les donateurs occidentaux. En 2008 – dernière annéeprésentant des statistiques complètes – environ 91% des flux de l’aide formelleprovenaient de pays du CAD.11 En outre, l’aide humanitaire de l’UE et de ses Étatsmembres représente le plus grand pourcentage de ce total. Si ces chiffres souli-gnent la contribution considérable apportée par une poignée de donateurs – quitiennent à eux seuls l’enveloppe humanitaire –, ils révèlent également leur capa-cité sans précédent à modeler l’environnement humanitaire. Alors que leConsensus Humanitaire s’efforce d’utiliser cette influence pour aider des acteurshumanitaires à fournir une aide fondée sur des principes, une crainte persiste devoir ce pouvoir mis au service d’objectifs géopolitiques extérieurs, particulière-ment ceux relatifs à des stratégies anti-insurrectionnelles.

8 Pour une analyse plus approfondiesur l’universalité des principeshumanitaires, veuillez consulter :Donini, A. et al. (2008), HumanitarianAgenda 2015: Final Report, the Stateof the Humanitarian Enterprise,Centre international Feinstein,Université Tufts [En ligne]. Cf. :https://wikis.uit.tufts.edu/confluence/display/FIC/Humanitarian+Agenda+2015+--+The+State+of+the+Humanitarian+Enterprise, [Consultéle 10 mai 2011]

9 L’appel consolidé lancé par l’ONUpour 2011 est le plus important à cejour, visant 50 millions de personneset s’élevant à 7,4 milliards de dollars.Pour plus de détails, veuillezconsulter : ONU (2010),Humanitarian Appeal 2011:Consolidated Appeal Process [Enligne]. Cf. : http://ochaonline.un.org/humanitarianappeal/webpage.asp?Page=1911, [Consulté le 13 août 2011]

10 UE, Consensus Européen, article 5

11 Global Humanitarian Assistance(GHA) (2010), Global HumanitarianAssistance Report 2010, Initiatives dedéveloppement [En ligne]. Cf. :http://www.globalhumanitarianassistance.org/wp-content/uploads/2011/07/gha-report-2011.pdf, [Consulté le12 mai 2011]

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E N C A D R É 2

érosion des principes humanitaires en colombie

5,2 millions personnes ont été déplacées en Colombie depuis 1985,, avec 280 041 déplacés supplémentaires pourla seule année 2010.12 En 2009, le HCR a estimé que 3,7 millions de personnes avaient besoin d’une protectioninternationale, soit le chiffre le plus élevé au monde. Le nombre de violations du droit humanitaire internationalet des droits de l’homme commis par toutes les parties du conflit est similairement élevé.

C’est en Colombie que se déroule une des plus importantes opérations civile et militaire au monde en contexte decrise humanitaire. Mais les dangers que cela implique pour une aide humanitaire neutre et impartiale et pour lapopulation demeurent largement inconnus. En 2009, le gouvernement colombien a élaboré et formalisé une stra-tégie civile et militaire, le «Plan national de consolidation intégrée ». Son but : assurer, défendre et renforcer lecontrôle du gouvernement sur les quatorze principales zones de conflit, en établissant des « Centres pour la coor-dination de l'action intégrée » (CCAI).13 Ces centres coordonnent étroitement des activités militaires et derenseignement, avec des « programmes sociaux » humanitaires, de réhabilitation et de développement. Ils sontdirectement gérés et organisés par l’organisme du gouvernement civil, «Agencia Presidencial para la Acción Socialy la Cooperación Internacional ». Cette stratégie s’inspire des équipes provinciales de reconstruction (PRT) utili-sées par l’OTAN en Afghanistan. Dans le cas de la Colombie, la mise en œuvre reste principalement entre les mainsdes militaires et, malgré la représentation symbolique de la voix de la société civile par Acción Social, l’orienta-tion politique qui en découle est fortement influencée par la stratégie et le raisonnement militaires.

Des programmes sociaux « incorporés » sont instaurés dans des régions des CCAI présentant une forte concentra-tion de conflits armés et de criminalité à l’encontre des civils. Ces crimes sont principalement commis par lesguérillas des FARC, qui ont un long passé d’influence et d’atrocités dans la région, et par des groupes de banditsarmés, issus pour la plupart de groupes paramilitaires démobilisés. Des abus sont également orchestrés par lesforces gouvernementales. Il en résulte un déplacement forcé de masse lié aussi à une appropriation de terres àgrande échelle pour des intérêts économiques et des investissements. La population locale et les organisationsciviles sont contraintes de coopérer avec ces programmes sociaux et n’en bénéficient généralement qu’à condi-tion de participer à la collecte de renseignements, ce qui les expose à des risques importants. Les organisationshumanitaires et leurs partenaires locaux, qui se sont engagés à donner une aide humanitaire fondée sur des prin-cipes, risquent de compromettre leur sécurité et leur accès s’ils sont liés à ces programmes.

Le gouvernement colombien exerce une pression considérable sur les donateurs et organisations humanitairesinternationaux pour les inciter à orienter et coordonner leur aide en fonction du « Plan national de consolidationintégrée » et des CCAI. Selon l’enquête menée dans le cadre de l’Indice de réponse humanitaire 2010 (HRI), laSuisse et l’Espagne ont été félicitées par de nombreuses organisations humanitaires interrogées pour avoir prisposition contre le gouvernement colombien et pour avoir explicitement présenté leur aide humanitaire commeune réponse à un conflit armé. La Suède a été reconnue parmi les rares donateurs ayant remis en cause le discourspost-conflit du gouvernement et ayant soutenu les efforts de plaidoyer en faveur de l’aide humanitaire. D’autresdonateurs ont préféré ne pas opposer un refus ouvert au gouvernement - position jugée «profondément déce-vante » par les agences humanitaires qui réclament davantage d’action.14 À défaut d’une approche humanitaireconcertée en réponse à cette situation, l’espace humanitaire de ces régions colombiennes est réduit et l’aide huma-nitaire utilisée à des fins politiques, militaires et stratégiques.

12 Ces chiffres ont été fournis par le Comité consultatif pour les droits de l’homme et le déplacement (CODHES), organisation colombienne pour la défensedes Droits de l’homme.

13 Pour une explication plus en détail et un rapport de suivi indépendant du plan de renforcement, veuillez consulter : http://ccai-colombia.org/2011/05/24/in-troubled-tumaco-little-progress-2/, [Consulté le 19 août 2011]

14 Ibid

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P R É S E R V E R L ’ I N D É P E N D A N C E

D E L ’ A I D E H U M A N I T A I R E

“Le respect de l'indépendance signifie que l'aidehumanitaire ne poursuit aucune finalité politique,économique, militaire ou autre, et il sert à garantir quele seul objectif de l'aide humanitaire reste lesoulagement et la prévention des souffrances des victimesdes crises humanitaires.”15

Au cours des trois dernières années, la tendance à définir plus clairement l’arti-culation entre l’aide, la sécurité et la politique étrangère comme un thèmeprincipal des politiques d’aide humanitaire est devenue omniprésente. Dans sapolitique d’allocation de l’aide 2009, la France a décrété que ses critères de sélec-tion des bénéficiaires de l’aide incluraient leur importance pour la défensenationale française et les stratégies antiterroristes, en plus de cinq critères fon-dés sur les besoins.16 De même, le Royaume-Uni s’engage, dans son Rapport sur lasécurité et la défense stratégique de 2010, à attaquer à la source les causes del’instabilité grâce à « un programme de développement international efficacecontribuant de manière optimale à la sécurité du pays au sein de l’ensemble deses objectifs de lutte contre la pauvreté, en concentrant principalement les effortsdu Ministère du développement international (DIFD) sur la sécurité nationale etles états fragiles ».17 Cette réorientation des priorités fondées sur les besoins versdes priorités de sécurité s’illustre dans l’émergence et la prééminence croissanted’un plan international pour la « stabilisation» comportant «une combinaison d’ac-tivités militaires, humanitaires, politiques et économiques visant à contrôler,superviser et gérer les régions victimes d’un conflit armé et d’urgences complexes».18

Bien que le besoin d’une approche inclusive de l’aide reconnaissant le droit des per-sonnes à la sécurité et l’accès à la justice en plus de leurs besoins fondamentaux soitjustifié, il est crucial que les efforts déployés dans ce but soient fondés sur les besoinsdes personnes et des états affectés plutôt que sur les priorités des donateurs. Dans lecas de crises politiques complexes telles qu’en Afghanistan et en Somalie, il convientde reconnaître le besoin d’un processus politique pouvant nécessiter des approchesintégrées dans divers domaines politiques de la part d’un certain nombre d’acteurs.Néanmoins, cela ne doit pas signifier inclure l’aide humanitaire dans la politique dedéfense ou étrangère.19 En répondant aux crises, les principes humanitaires offrentl’outil pour l’établissement d’une confiance et d’un travail solidaire avec des personnesayant besoin d’aide. La confiance se brise dès que la réponse devient politisée ou liéeà un plan politique ou militaire, ce qui peut avoir des implications importantes pourl’accès sécurisé et efficace à ceux qui en ont le plus besoin.

Dans l’article 22, le Consensus Humanitaire souligne explicitement le lien entreles principes humanitaires et d’autres politiques, notamment la coopération audéveloppement, la gestion de crises, la protection civile et l’assistance consulaire.Bien qu’il reconnaisse l’importance de la cohérence et de la complémentarité pourutiliser le plus efficacement possible les différents instruments mobilisables, ilinsiste sur le fait que les principes s’appliquant à l’aide humanitaire sont indé-pendants de ces autres formes d’assistance. Cette distinction est essentielle pourcréer un environnement permettant un accès sécurisé et sans entrave aux per-sonnes, en particulier dans les zones de conflit.

15 UE, Consensus Européen, article 14

16 République Française (2010),Document de Politique Transversale :Politique Française en faveur duDéveloppement [En ligne]. Cf. :http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/DPTapd.pdf, [Consulté le 18août 2011]. Ces critères incluent :la pauvreté, la dépendance dubudget d’un pays donné à l’égard del’aide, la vulnérabilité aux effets duchangement climatique, et si un paysa récemment connu une crisepolitique ou un conflit.

17 Gouvernement britannique (2010),Securing Britain in an Age ofUncertainty: The Strategic Defenceand Security Review, p.11 [En ligne].Cf. : http://www.direct.gov.uk/prod_consum_dg/groups/dg_digitalassets/@dg/@en/documents/digitalasset/dg_191634.pdf?CID=PDF&PLA=furl&CRE=sdsr, [Consulté le 13 mai 2011]

18 Collinson, S., Elhawary, S. &Muggah, R. (2010), States ofFragility: stabilisation and itsImplications for humanitarian action,HPG Working Paper, mai, p.3 [Enligne]. Cf. : http://www.odi.org.uk/resources/download/4881.pdf,[Consulté le 18 août 2011]

19 Saferworld (2011), Thesecuritisation of aid? Reclaimingsecurity to meet poor people’s needs[En ligne]. Cf. : http://www.saferworld.org.uk/resources/view-resource/505,[Consulté le 11 mai 2011]

SOMALIE, FAMILLE MOHAMMAD© TRÓCAIRE

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E N C A D R É 3

menaces envers une aide fondée sur des principes en afghanistan

Les organisations humanitaires ont exprimé leur crainte de voir les efforts déployés pour répondre aux besoinshumanitaires en Afghanistan, entravés par l’insistance des donateurs à prétendre que ces besoins ne sont pasprioritaires par rapports à d’autres. Au lieu de cela, de nombreuses stratégies de donateurs ont donné la priorité àune intervention militaire et humanitaire occidentale en faveur d’un redressement post-conflit et du renforcementdes capacités militaires et civiles afghanes. Les agences humanitaires - dont les inquiétudes vis-à-vis de lapolitisation de l’aide en Afghanistan sont exprimées dans le rapport 2010 du HRI, selon lequel «à l’exception d’ECHO,de la Norvège et de la Suisse, les donateurs ne défendent pas les approches humanitaires fondées sur des principesétablis par le GHD»20, ont ainsi remis en cause cette mise au second plan de l’aide humanitaire.

Plutôt que d’octroyer des fonds en fonction des besoins, des conditions politiques et militaires ont été établies pourl’utilisation des fonds destinés à fournir de l’aide à des régions spécifiques liées à une présence militaire. Parexemple, le Ministère fédéral allemand de la coopération et du développement économique a établi une nouvelleligne de financement de 10 millions d’euros uniquement ouverte aux ONG souhaitant mettre en œuvre des projetsau nord de l’Afghanistan, là où l’armée allemande possède sa base. L’offre de financement a par la suite été liéeà un accord d’échange de renseignements avec l’armée. Cet exemple souligne non seulement le non respect desprincipes d’impartialité et de neutralité, mais également celui d’indépendance, en créant d’importants risquessécuritaire pour les ONG qui sont perçues comme collaborant avec l’armée allemande.

Alors que les organisations humanitaires se sont parfois battues pour êtrereconnues comme les gardiennes des principes humanitaires, les politiques desdonateurs qui priorisent explicitement les intérêts sécuritaires au détriment desbesoins humanitaires contribuent à nuire aux efforts déployés pour apporter uneaide fondée sur des principes.21 Dans de tels circonstances, il ne fait aucun douteque Donino et al (2008) sont loin de se tromper en concluant que la « cohérenceet les programmes d’intégration augmentent le risque de voir les humanitaires sefaire accuser "d’entente délictueuse" avec des plans politiques et de stabilisationet, de manière plus générale, avec les défaillances des efforts de reconstructionsoutenus par la communauté internationale ».22

20 DARA, HRI, p.135

21 Whittall, J. (2011), “‘We don’t trustthat’: politicised assistance in North-West Pakistan”, HumanitarianExchange Magazine, Numéro 49,février, pp.14-6 [En ligne]. Cf. :http://www.odihpn.org/search_results.asp?searchText=Humanitarian+Exchange+Magazine, [Consulté le 9 mai2011]

22 Donini et al., HumanitarianAgenda 2015, p.24

AFGHANISTAN, PROVINCE DE DEYKANDI, HAZARAJAT,PROJET EAU ET INFRASTRUCTURE.

© PIETER-JAN DE PUE – CARITAS INTERNATIONAL

l e c o n s e n s u s e u R o p é e n s u R l ’ a i d e h u m a n i t a i R e e t l e s p R i n c i p e s h u m a n i t a i R e s

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D É L I V R E R U N E A I D E I M P A R T I A L E ,

F O N D É E S U R L E S B E S O I N S

“L'UE affirme qu'elle est déterminée à faire en sortequ'une réponse équilibrée et basée sur les besoins soitapportée aux différentes crises, y compris dans le cadrede l'aide apportée lors des crises de longue durée. Lescrises oubliées ou celles pour lesquelles il est particulière-ment difficile d'intervenir et où la réponse humanitaireinternationale globale est inadéquate méritent uneattention particulière de la part de l'UE. Les besoinsnégligés dans le cadre d'une réaction à une crise spéci-fique méritent également une attention particulière.”23

L’une des conséquences du programme de cohérence de l’aide a été une augmen-tation des efforts déployés par les donateurs pour concentrer leurs ressources surles «états fragiles ».24 Vu le nombre d’états fragiles présentant des besoins humani-taires significatifs, ces efforts peuvent paraître louables, mais il existe égalementplusieurs pays où ils sont perçus comme étant des menaces à la sécurité nationaleou dans des lieux où les donateurs ont engagé des ressources militaires. Ce chan-gement dans la politique des donateurs entraîne notamment le risque que des paysloin des projecteurs de la politique étrangère soient délaissés. Bien que des obsta-cles à l’accès opérationnel comme la sécurité se soient de temps en temps opposésà l’octroi de l’aide à des pays qui en ont un réel besoin, l’importance dispropor-tionnée de l’aide humanitaire dans des régions où les donateurs sont aussicombattants est particulièrement frappante. Oxfam estime que, en dépit de besoinscomparables, la population de la République démocratique du Congo (RDC) a reçu10 dollars maximum par habitant et par an depuis 2001 en guise d’aide humani-taire, tandis que les habitants de l’Iraq – pays dont les revenus sont bien plus élevés– ont reçu en quelques années environ douze fois plus.25

L’UE, via ECHO, est l’un des rares donateurs qui a cherché à élaborer des outils afinde mettre en avant l’impartialité de son aide (voir l’encadré 4 ci-dessous). Elleapplique ainsi une bonne pratique fondée sur les principes de l’aide humanitaire etconstitue un modèle en la matière pour les États membres.

E N C A D R É 4

Bonnes pratiques d’identification et d’affectation des fonds aux urgences oubliées

Afin d’orienter son financement vers les personnes en ayant le plus besoin, ECHO adopte une approche en deuxtemps. D’abord, une « évaluation globale des besoins » (GNA) est réalisée de concert avec des acteurs de l’aidehumanitaire. GNA est un des rares indices globalement comparables des besoins humanitaires. il catégorise lesbesoins humanitaires dans 139 pays en développement ayant connu une crise récente. Cet indice est modulé auregard du FCA (identification des crises oubliées) dont le but est d’identifier les crises oubliées ou négligées parla communauté humanitaire internationale et/ou les médias. En 2011, les pays ou territoires déclarés extrêmementvulnérables par la GNA recevront une aide humanitaire et alimentaire représentant 71% du budget prévu. Parailleurs, 10 crises dans 12 pays ont été identifiées comme «oubliées » dans l’attribution du financement 2011. Lorsde l’élaboration de la Stratégie opérationnelle 2011, 10% (55 millions d’euros) de l’allocation budgétaire à l’aidegéographique, humanitaire et alimentaire prévue était destiné à ces crises oubliées.26

23 UE, Consensus Européen, article 33

24 L’OCDE définit les états fragilescomme « les états qui ne fournissentpas des services de base aux genspauvres parce qu’ils n’ont pas lavolonté ou la capacité de le faire ».OCDE (2007), Glossary of StatisticalTerms [En ligne]. Cf. : http://stats.oecd.org/glossary/detail.asp?ID=7235,[Consulté le 19 août 2011]

25 Oxfam International 2011, WhoseAid is it Anyway? Politicizing aid inconflicts and crises, 145 OxfamBriefing paper, p.10 [En ligne]. Cf. :http://www.oxfam.org.uk/resources/policy/debt_aid/downloads/bp145-whose-aid-anyway-100211-en.pdf,[Consulté le 12 mai 2011]

26 Commission européenne (2010),Commission Staff WorkingDocument, Directorate-General forHumanitarian Aid and CivilProtection – ECHO OperationalStrategy 2011, Doc SEC(2010) 1428[En ligne]. Cf. : http://ec.europa.eu/echo/files/policies/strategy/strategy_2011_en.pdf, [Consulté le 18 août2011]

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E N C A D R É 5

politisation de l’aide et impact des lois antiterroristes sur l’aide humanitaire en somalie

De nombreux facteurs entravent la distribution de l’aide humanitaire en Somalie. La politisation du contextehumanitaire et de sévères restrictions imposées par des donateurs clés sur la distribution de l’aide dans certainesrégions engagées dans une guerre globale basée sur une stratégie de terreur, ont eu une incidence négative surl’accès humanitaire. Ils ont contribué à nuire à une distribution de l’aide humanitaire fondée sur des principes, etceci au détriment de ceux qui en ont le plus besoin.

Le Trésor américain, par exemple, a répertorié le groupe rebelle islamique al-Shabaab comme groupe terroriste.Ceci a entraîné la réduction considérable de l’aide américaine au cours des dernières années. La législation anti-terroriste américaine a criminalisé tout « soutien matériel » à l’égard des groupes répertoriés, ce qui a fait planerune grave incertitude sur les organisations humanitaires travaillant dans des régions contrôlées par al-Shabaab.28Cette incertitude liée aux implications potentielles des politiques et de la législation antiterroriste a conduit denombreuses agences à ne pas accepter de fonds de la part des États-Unis. En effet, les agences prêtes à accepterces fonds sont confrontées à un énorme dilemme. Selon l’analyse d’un commentateur, “les ONG et agences del’ONU travaillant dans ces régions n’ont pas d’autre choix que de travailler [avec] les responsables d’al-Shabaabau niveau local, afin de fournir l’aide humanitaire dont l’importance est cruciale. Or, de cette manière, elles risquentdes poursuites pénales aux États-Unis en vertu des lois antiterroristes.”29

La crise 2011 actuelle dans la région de l’Afrique orientale et la Corne de l’Afrique, dont l’impact est dévastateur enSomalie, aurait conduit (au moment de la rédaction) à un assouplissement des restrictions sur l’utilisation des fondsaméricains (grâce au Bureau du contrôle des avoirs étrangers (OFAC), du département du Trésor américain). Mais àune condition : les agences doivent s’efforcer d’empêcher al-Shabaab de bénéficier de leur aide.30 Les conséquences

28 Département américain de la justice (2001) Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and ObstructTerrorism (USA PATRIOT ACT) Act of 2001, [En ligne], Cf. : http://frwebgate.access.gpo.gov/cgi-bin/getdoc.cgi?dbname=107_cong_public_laws&docid=f :publ056.107.pdf, [Consulté le 01 septembre 2011]29 DARA (2010), Albertien Van Der Veen: “There is a very dangerous erosion of humanitarian principles in Somalia” [En ligne]. Cf. : http://daraint.org/2010/11/04/771/albertien-van-der-veen-there-is-a-very-dangerous-erosion-of-humanitarian-principes-in-somalia/, [Consulté le 18 août 2011]30 La Presse associée (2011), State Department Reassures Aid Groups Aiding Somalia in Food Crisis, The New York Times, Cf. : http://www.nytimes.com/2011/08/03/world/africa/03somalia.html, [Consulté le 01 septembre 2011]

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Un deuxième obstacle au principe d’impartialité réside dans les règlements desdonateurs interdisant ou limitant la distribution de l’aide dans des zones placéessous le contrôle d’acteurs armés non étatiques spécifiques et répertoriés, dans lecadre de politiques antiterroristes. Ces politiques sont souvent floues et leurs pra-tiques varient beaucoup entre les différents donateurs. La politique la plus connueest la législation antiterroriste américaine qui criminalise certaines actions et s’ap-plique aux agences fondées sous l’égide de l’Agence des États-Unis pour ledéveloppement international (USAID) ou le Bureau américain de l’assistance auxcatastrophes extérieures (OFDA). Toutefois, il existe également des lois au Canada,au Royaume-Uni, en Australie, en Colombie, au Pakistan, au Sri Lanka et aux Phi-lippines soumettant l’aide et les acteurs humanitaires à diverses restrictions.

Afin de fournir de l’aide aux personnes qui en ont le plus besoin, les agenceshumanitaires doivent travailler main dans la main avec toute structure d’autoritélocale en place dans un contexte donné, sans tenir compte de la politique qu’ellereprésente. Les besoins humanitaires sont souvent plus importants dans descontextes de gouvernance faible ou contestée. Les politiques antiterroristes quicriminalisent ou restreignent le contact avec des organisations répertoriées ouproscrites dans de tels contextes contredisent fondamentalement les principeshumanitaires, au risque de placer les communautés victimes de crises hors de por-tée de l’aide. De surcroît, ces politiques soulèvent des questions sur le financementet le soutien des donateurs à long-terme pour l’aide fournie dans le cas d’urgencescomplexes, et touchent ainsi à la neutralité et à l’impartialité de l’aide.27

27 Pour un débat plus en détail,veuillez consulter : HPCR (2011),Humanitarian Action under Scrutiny:Criminalizing HumanitarianEngagement [En ligne]. Cf. :http://c0186748.cdn1.cloudfiles.rackspacecloud.com/HPCR%20CHE%202011.pdf, [Consulté le 12 mai 2011]

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M I S S I O N S P L U R I D I M E N S I O N N E L L E S

E T H U M A N I T A R I S M E M I L I T A I R E

“Dans des circonstances très précises, l'aide humanitairepeut s'appuyer sur des moyens militaires, notammentpour le soutien dans les domaines de la logistique et desinfrastructures principalement en cas de catastrophesnaturelles. (…) Afin que la distinction entre opérationsmilitaires et aide humanitaire reste bien claire, il estessentiel que les moyens et capacités militaires ne soientutilisés que dans des cas très limités et en dernier ressortpour l'appui d'opérations d'aide humanitaire, c'est-à-dire (…) seulement si le recours à des moyens militaires,uniques en termes de capacité et de disponibilité, peutrépondre à un besoin humanitaire essentiel.”32

Le rôle des militaires dans la réponse aux crises humanitaires ne date pas d’hier.Travaillant dans le cadre du mandat de l’Assemblée générale de l’ONU, le Comitépermanent inter organisations (IASC) a élaboré des cadres politiques clairs pour lacoordination de l’action civile et militaire.33 Alors que cet engagement se limitaitjusqu’alors à privilégier l’octroi de l’aide humanitaire par les militaires «en dernierressort », cette approche a changé au cours des dernières années. Le développementdes missions pluridimensionnelles – au sein d’un mandat de l’ONU ou non – a vuune extension du rôle des pouvoirs militaires regroupant en une seule structure etun gouvernement global les fonctions politique, militaire et humanitaire.34

31 Département d’État des États-Unis(2011), Background Briefing onSomalia and Delivery ofHumanitarian Assistance [En ligne].Cf. : http://www.state.gov/p/af/rls/spbr/2011/169479.htm, [Consultéle 16 août 2011]

32 UE, Consensus Européen, article 61

33 IASC (2003), Guidelines on the Useof Military and Civil Defence Assets toSupport United Nations HumanitarianActivities in Complex Emergencies [Enligne]. Cf. : http://coe-dmha.org/Media/Guidance/3MCDAGuidelines.pdf, [Consulté le 18 août 2011]; IASC(2001), Use of Military or ArmedEscorts for Humanitarian Convoys etIASC (2004), Civil–MilitaryRelationship in Complex Emergencies– An IASC Reference Paper [En ligne].Cf. : http://ocha.unog.ch/drptoolkit/PNormativeGuidanceSpecificIssues.html#CivMil, [Consulté le 18 août 2011].Various (2006), Guidelines On The Useof Military and Civil Defence Assets inDisaster Relief – “Oslo Guidelines”constituent un effort de collaborationentre 45 États membres de l’ONU et25 organisations internationales etfournit davantage d’orientations surl'utilisation des actifs militaires et deprotection civile étrangers dans lessecours suite à une catastrophe.Various (2006), Guidelines on the Useof Military and Civil Defence Assets toSupport United Nations HumanitarianActivities in Complex Emergencies,«Les lignes directrices MCDA» sont deslignes directrices similaires, mais pourles urgences complexes. Cf. :http://ocha.unog.ch/drptoolkit/PNormativeGuidanceSpecificIssues.html#CivMil, [Consulté le 18 août 2011]

34 Oxfam International (n.d.), PolicyCompendium Note on Multi-Dimensional Military Missions &Humanitarian Assistance [En ligne].Cf. : http://www.oxfam.org.uk/resources/policy/conflict_disasters/downloads/oi_hum_policy_intervention_missions.pdf, [Consultéle 13 mai 2011]

de ces déclarations sur la distribution de l’aide humanitaire en termes réelsdemeurent toutefois obscures. Elles sont floues ; les restrictions vont-elles êtreà nouveau renforcées après la phase d’urgence? De surcroît, d’autres disposi-tions pénales restent vraisemblablement en vigueur. L’autorité de l’OFACdéterminant en premier lieu les cas appartenant à la justice pénale est remiseen question. Par ailleurs, dans un contexte humanitaire politisé à ce point enSomalie, de nombreux acteurs de l’aide humanitaire ne sont toujours pas enposition de fournir une réponse, même si les restrictions étaient levées.

La forte position antiterroriste adoptée par les donateurs, qui a eu pour effetde mettre en lumière les restrictions sur l’aide dans certaines des régions lesplus touchées par la crise, a sans nul doute renforcé le sentiment de partialitéde l’aide en Somalie. Si l’aide est perçue comme un instrument politique par-tial, al-Shabaab se tient sur ses gardes vis-à-vis des tentatives de réponse de lacommunauté internationale en Somalie. Par exemple, la récente déclaration defamine de l’ONU dans certaines régions a été récusée par al-Shabaab et qua-lifiée de propagande politique.31 Cette politisation de la crise humanitaire partous les acteurs entraîne de graves conséquences pour les personnes et com-munautés qui en ont un extrême besoin, car elle restreint l’accès à l’aide. Cetaccès n’est cependant pas impossible : certaines agences ont réussi à resteropérationnelles en Somalie grâce à un strict respect des principes humanitaireset à leurs engagements en tant qu’acteurs neutres et impartiaux.

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Page 21: R É C O N C I L I E R LA POLITIQUE E T L A P R AT I …...2011/10/01  · l e c o n s e n s u s e u R o p é e n s u R l ’ a i d e h u m a n i t a i R e e t l e s p R i n c i p

l e c o n s e n s u s e u R o p é e n s u R l ’ a i d e h u m a n i t a i R e e t l e s p R i n c i p e s h u m a n i t a i R e s 1 9

Le recours aux tactiques visant à gagner « le cœur et l’esprit » afin de convaincre lesautorités étatiques nationales ou internationales a été particulièrement litigieux, caril met au défi la distinction entre l’action humanitaire et militaire, distinctionessentielle pour la sécurité des personnes affectées et des travailleurs humanitaires.Le volet assistance de ces missions figure dans des projets à impact rapide (QIP). Cesprojets sont souvent (mais pas exclusivement) mis en œuvre par des forces militairesou des parties contractantes privées. Leur but : faire bénéficier rapidement les étatset les communautés d’infrastructures à petite échelle, comme la construction d’uneroute ou d’une école. Malgré leurs objectifs à court terme en matière de sécuritéou de profit politique, force est de constater que ces projets atteignent rarementl’efficacité et la rentabilité prévues. Des études récentes ont par ailleurs soulignéque, loin d’avoir « le cœur et l’esprit conquis », les communautés locales restentsouvent sceptiques quant à la plus-value des QIP. L’impact très limité de tels projetsest de plus en plus évident (au Kenya, en Afghanistan et au Pakistan).35

La doctrine militaire émergente n’a guère contribué à renforcer la séparation entreles forces militaires et les organisations humanitaires. Par exemple, un référentielaméricain a identifié les organisations humanitaires comme étant des « sourcesindépendantes et souvent crédibles dans les régions où elles travaillent », avec desactivités humanitaires désormais considérées comme une composante de basevisant à gagner « le cœur et l’esprit (…) des insurgés et extrémistes ».36 L’exploitationde l’humanitaire dans ce sens représente une menace importante pour lalégitimation de l’aide humanitaire. Son impact négatif est d’autant plus exacerbélorsque les forces militaires ne veillent pas suffisamment à se distinguer dupersonnel humanitaire ou qu’elles encouragent la confusion entre les fonctionsmilitaire, politique et humanitaire.

Du fait que les militaires soient de plus en plus présents dans le domaine de l’aidehumanitaire, force est de constater que les pays qui comptent le plus d’attaques àl’encontre du personnel humanitaire sont également ceux qui sont occupés par despouvoirs militaires étrangers. Il devient alors impératif que l’UE et ses Étatsmembres, travaillent plus étroitement avec l’ONU et les organisations humanitaires,pour analyser soigneusement l’efficience de l’engagement militaire, et qu’ilss’assurent qu’une distinction claire soit faite. Dès lors, les préparatifs d’uneéventuelle mission EUFOR en Libye en 2011 justifient un optimisme prudent (voirl’encadré 7 ci-dessous).

Bon nombre de contingents militaires étrangers ont été impliqués dès le départdans la réponse au tremblement de terre à Haïti en 2010. Ils ont joué un rôle utile,par exemple en permettant à l’aéroport de fonctionner. Néanmoins, certainsgouvernements nationaux ont passé outre la ligne directrice du «dernier ressort »dans l’exécution de leur réponse. C’est le cas du gouvernement espagnol qui a faitparvenir une grande partie de son budget urgence à Haïti par l’intermédiaire de sesforces armées. 450 soldats ont ainsi apporté une aide, via des bateaux amphibies,à une ville côtière où les ONG fournissaient déjà eau et assainissement, risquantainsi une confusion des genres et compromettant l’efficience de la réponse du faitd’une coordination limitée.37

35 Bradbury, M. & Kleinman, M. (2010),Winning Hearts and Minds?Examining the Relationship betweenAid and Security in Kenya, Centreinternational Feinstein, UniversitéTufts [En ligne]. Cf. :http://www.humansecuritygateway.com/showRecord.php?RecordId=32759,[Consulté le 11 mai 2011]; Wilder,A. (2010), “Aid & Stability in Pakistan:Lessons from the 2005 EarthquakeResponse”, Disasters, vol. 34, pp.406-26 (ODI : Londres) ; OxfamInternational et al. (2009), QuickImpact, Quick Collapse: The Dangersof Militarized Aid in Afghanistan [Enligne]. Cf. : http://www.oxfam.org/sites/www.oxfam.org/files/quick-impact-quick-collapse-jan-2010.pdf,[Consulté le 13 mai 2011]

36 Schweiss, C.M. & Rowe, J. (2007),“Irreconcilable Differences? EmergingU.S. Military Doctrine andHumanitarian Space”, in Meharg,S.J. (ed.), Helping Hands and LoadedGuns: Navigating the Military andHumanitarian Space, pp.194-5 [Enligne]. Cf. : http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/reliefweb_pdf/node-25037.pdf, [Consulté le 11 mai2011]

37 Oxfam International, (2011) WhoseAid is it anyway? Cf. :http://www.oxfam.org/sites/www.oxfam.org/files/bp145-whose-aid-anyway-100211-en_0.pdf

ESCORT MONUSCO© CARITAS FRANCE

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l e c o n s e n s u s e u R o p é e n s u R l ’ a i d e h u m a n i t a i R e e t l e s p R i n c i p e s h u m a n i t a i R e s2 0

L I E N S E N T R E I N D É P E N D A N C E ,

I M P A R T I A L I T É E T I D E N T I T É D E S O N G

“L’UE a la ferme volonté de maintenir et promouvoir lesprincipes humanitaires fondamentaux que sontl’humanité, la neutralité, l’impartialité etl’indépendance. Cette approche fondée sur des principesest essentielle pour que l’UE, et les acteurs humanitairesen général, soient acceptés et à même d’opérer sur leterrain dans des contextes politiques et de sécuritésouvent complexes. La façon dont l’UE est perçue et sonattachement à ces principes fondamentaux de l’actionhumanitaire sont liés au comportement de tous lesacteurs de l’UE et à leur engagement sur le terrain.”38

La prolifération d’acteurs dans les interventions humanitaires – à savoir des acteurstraditionnels, auxquels s’ajoutent la protection civile, les entreprises commerciales,les mécènes privés et les militaires – témoigne d’un ‘surpeuplement’ de l’espacehumanitaire. Cet espace était auparavant, habituellement dominé par un petitnombre d’organisations humanitaires qui partageaient souvent un modus operandiidentique et qui s’inscrivaient largement dans un même ensemble de principes ; cen’est plus le cas. Cette croissance du ‘marché’ a contribué à la confusion des rôleset à la dilution des principes.

Depuis le tsunami en Asie du Sud-est en 2004, les moyens de protection civile desÉtats membres tels que les équipes de recherche et de secours, la protection envi-ronnementale, le matériel de pompage à haute capacité, le matériel de purificationde l’eau et le service des sapeurs-pompiers, sont de plus en plus utilisés. Ces moyenssont coordonnés au niveau européen par le Centre de suivi et d’information (MIC),anciennement intégré sous DG Environnement. Depuis l’entrée en vigueur du Traité deLisbonne le 1er décembre 2009, le mécanisme de protection civile de l’UE a été inté-gré au portefeuille d’ECHO; ceci marque un changement institutionnel notoire.Désormais, ECHO offre une gamme plus vaste de moyens et d’outils disponibles pourrépondre aux situations d’urgences. En raison de l’augmentation du nombre de catas-trophes naturelles et de leur gravité, ces ressources et moyens représentent un progrèsnon négligeable. Par ailleurs, dans certaines situations de crises humanitaires, notam-ment les conflits, ou dans le contexte où le gouvernement au pouvoir est contesté, laprotection civile - qui concerne essentiellement l’aide aux structures d’état peut appa-raître comme politique et doit être distincte de l’action humanitaire.

L’importance croissante du rôle attribué à la protection civile en dehors de l’UE estévidente dans le récent avant-projet du cadre financier pluriannuel (CFP) qui a étépublié en juin 2011. Le CFP est un plan de cinq ans minimum qui établit les priori-tés budgétaires de l’UE. Il fixe les dépenses annuelles maximum pour l’UE dans sonensemble et fait de même pour les principales lignes budgétaires. Dans l’avant-pro-jet du CFP, 30 millions d’euros par an en moyenne pour la période 2014-2020 - soitune augmentation de 500% par rapport aux 5 millions d’euros alloués pour 2013- sont alloués à la protection civile externe et au Centre d’intervention d’urgences.En termes budgétaires, la protection civile hors zone de l’UE est désormais presqueaussi importante que la protection civile au sein de l’UE. 38 UE, Consensus Européen, article 10

DISTRIBUTION© CARITAS FRANCE

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Le principe de non utilisation de l’aide humanitaire comme outil de gestion de crisefait consensus. Cependant, l’UE continue de renforcer sa capacité d’interventionface aux catastrophes en augmentant le rôle de la protection civile et de l’armée.

L’article 58 du Consensus Humanitaire souligne clairement que la protection civiledoit être fondée sur les besoins et non pas sur l’offre.39 Cependant, dans des situa-tions de crise de grande envergure qui bénéficient de l’attention massive desmedias, les questions humanitaires sont soumises aux impératifs politiques et del’image. Par conséquent, cela peut biaiser l’approche de l’aide humanitaire baséesur les besoins. Afin que celle-ci soit délivrée uniquement en fonction des besoins,l’indépendance de la prise de décision basée sur les évaluations des besoins est dela plus haute importance.

Dans les situations d’urgences complexes, le Consensus Humanitaire lance un aver-tissement clair à cet égard :

“Face à des urgences complexes, le recours à des moyensde protection civile devrait plutôt être une exception. Lerecours à de tels moyens dans des situations d’urgencescomplexes, y compris dans des situations de fragilité, estparticulièrement délicat et sensible car il risque de com-promettre la perception de neutralité et d’impartialitéde l’aide, et par conséquent, exposer aux attaques desbelligérants les travailleurs humanitaires et la popula-tion touchée ; l’accès aux populations en difficulté risquede s’en trouver compromis dans les urgences actuellescomme futures. Ces risques doivent être soigneusementévalués à l’aune de l’urgence des besoins de la populationet de la nécessité de recourir aux moyens de protectioncivile pour couvrir ces besoins.”40

39 UE, Consensus Européen, article 58

40 UE, Consensus Européen, article 60

CONGO 2008© CARITAS INTERNATIONALIS

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l e c o n s e n s u s e u R o p é e n s u R l ’ a i d e h u m a n i t a i R e e t l e s p R i n c i p e s h u m a n i t a i R e s2 2

L’aide humanitaire fondée sur des principes exige que les différents acteurs inter-venant lors des catastrophes soient clairement mandatés. Au sein de l’UE, les tâchesdu Commissaire chargé de la coopération internationale, de l’aide humanitaire et dela réponse aux crises et de la Haute représentante du Service Européen pour l’Ac-tion Extérieure (EEAS) doivent être très clairement réparties. Ces instances doivents’engager conjointement à respecter l’engagement humanitaire fondé sur des prin-cipes et à ne pas utiliser l’aide humanitaire comme un outil de gestion de crise.Ainsi, cet engagement donnera une base plus solide à une aide efficace apportéeaux populations.

Une étude récente des travailleurs humanitaires réalisée par l’OCHA souligne le lienimportant entre le respect des principes humanitaires et la sécurité opérationnelle,et les risques perçus auxquels font face les organisations humanitaires lorsque lesdistinctions deviennent floues et l’aide politisée.41 Ce même rapport met en évi-dence que bien qu’il soit confortable d’attribuer la seule et unique responsabilité àdes organisations se trouvant hors du secteur humanitaire classique, une telle atti-tude est déloyale.42 La rapide prolifération en nombre et en taille d’organisationsqui constituent un secteur très varié, a entraîné l’échec de certains acteurs huma-nitaires à apporter une aide basée sur les besoins. Ils n’ont pu répondre aux normesde qualité imposées au niveau international et n’ont pas pu assumer leurs respon-sabilités vis-à-vis des bénéficiaires - ce qui a compliqué davantage la situation. Lesactions de certains de ces nouveaux acteurs risquent d’une part, de nuire à l’imageimpartiale de l’ensemble de la communauté ONG et, d’autre part, aux populationstouchées par la catastrophe. Ces dernières ont ainsi plus de difficulté à faire la dis-tinction entre les différents acteurs qui peuvent opérer en fonction d’objectifs trèsdifférents.43 Par ailleurs, certains d’entre eux donnent la priorité au pragmatismeplutôt qu’aux principes. D’où une détérioration et une complication dans le champdes opérations.44 Bien qu’un approfondissement de ces questions dépasse le cadrede cette étude, il apparaît important de mettre l’accent sur la responsabilité par-tagée et le besoin commun des organisations humanitaires et des donateurs detravailler ensemble pour trouver des solutions.

41 Egeland, J., Harmer, A. & Stoddard,A. (2011), To Stay and Deliver: GoodPractice for Humanitarians inComplex Security Environments,pp.46-7 [En ligne]. Cf. : http://ochanet.unocha.org/p/Documents/Stay_and_Deliver.pdf, [Consulté le 30 juin 2011]

42 Alors que 94% de ces personnesinterrogées ont dit que leurorganisation fait une promotionactive des principes humanitaires,un petit nombre de répondants ontrépondu ‘oui’ avec, toutefois, unavertissement qui incluait ‘…maiselle les viole dans la pratique’ et ‘cesprincipes ne sont que des règles surle papier’.

43 Featherstone, A. & Hamid, M.(2010), Access & Oxfam’s Identity:Reflections on an IntricateRelationship (Oxfam: Oxford)

44 Discussion sur les dilemmesauxquels les ONG font face enapportant de l’aide fondée sur desprincipes en Somalie, lesengagements qui sont faits et leurimpact. Voir Centre d’Études sur lesRéfugiés (2009) “Aide Humanitaireen Somalie – Extension de l’EspaceHumanitaire”, Workshop Report, 8-9juin, pp.2-3 [En ligne]. Cf. :http://www.rsc.ox.ac.uk/events/humanitarian-action-in-somalia/Somalia%20Workshop%20Report.pdf,[Consulté le 30 juin 2011]

PAKISTAN, 2011© LUCA TOMMASINI - TRÓCAIRE

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l e c o n s e n s u s e u R o p é e n s u R l ’ a i d e h u m a n i t a i R e e t l e s p R i n c i p e s h u m a n i t a i R e s 2 3

le consensushumanitaire :une protection etune promotion de l’aidehumanitaire fondéesur des principes“l’aide humanitaire de l’ue a pour objectif d’apporter en urgence uneréponse fondée sur les besoins dans le but de protéger des vies, depréserver et d’atténuer la souffrance humaine ainsi que de préserver ladignité humaine, chaque fois que le besoin s’en fait sentir si lesgouvernements et les acteurs locaux sont débordés ou impuissants, ous’ils ne sont pas disposés à agir.”��

Le Consensus Européen sur l’aide humanitaire garantit que l’UE apporte aux criseshumanitaires une réponse efficace, de haute qualité, axée sur les besoins et fon-dée sur des principes. Dans sa forme actuelle, il fixe des exigences élevées enmatière d’action humanitaire, qui comprennent comme principes et bonnes pra-tiques de l’aide humanitaire, le partenariat, le soutien de l’UE à l’interventionhumanitaire internationale et les relations avec d’autres acteurs présents dans dessituations de crise. Quatre ans après la création du GHD, le Consensus Européensur l’aide humanitaire a fait de “réels progrès en termes de compréhension de l’im-pératif humanitaire, de nécessité de distinction entre les différents acteurs dusystème, et de complexité des débats en cours.”46

En 2010, le HRI publié par DARA classait ECHO au 6ème rang sur sa liste de 20donateurs GHD en se basant sur une combinaison de critères pondérés tels que laréponse aux besoins, la prévention, la réduction des risques et le relèvement pré-coce, le partenariat avec les acteurs humanitaires, la protection et le respect dudroit international, les leçons apprises et la redevabilité. D’après le HRI, la Com-mission européenne enregistre des résultats “particulièrement bons ” dans le Pilier1 qui évalue dans quelle mesure les donateurs respectent les principes humani-taires d’impartialité, de neutralité et d’indépendance et comment ils allouent leursfinancement en fonction des besoins.47 L’évaluation de l’aide multilatérale (MAR)de 2011 du DFID a aussi reconnu ECHO pour son expertise technique et son enga-gement vis-à-vis des principes humanitaires. Le faite d’être située dans laCommission européenne, tout en agissant de manière distincte de cette dernièreet des institutions de l’UE, a permis à ECHO de promouvoir les principes humani-taires dans des situations sur le terrain où les États membres ont parfois échoué.

ECHO est chargée de la promotion et de la mise en œuvre du Consensus sur l’aidehumanitaire. Le Consensus Humanitaire est exécuté selon un plan d’action; il a étéapprouvé par le Conseil en juillet 2008 et compte 49 actions à mener à bien entre2008 et 2012 dans six domaines différents. En dépit de l’importance donnée à ce

45 UE, Consensus Européen, article 8

46 VOICE (2007), VOICE Comments &Recommendations to the ECCommunication – Towards aEuropean Consensus on HumanitarianAid (non disponible au public)

47 Dans le HRI du DARA, laCommission européenne a étéfélicitée pour être un des quelquesdonateurs engagés dans l’action delobbying politique en Somalie(p.216), pour son engagement pourfaire pression sur l’espacehumanitaire au Sri Lanka (p.227) etpour être un des deux seulsdonateurs présents à la fois auDarfour et au Sud Soudan (p.237)

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plan d’action, il existe peu d’information disponible sur les progrès réalisés par lesInstitutions et les États membres de l’UE. La contribution la plus significative estl’évaluation du plan d’action à mi-parcours effectuée en 2010. Celle-ci nous ren-seigne sur les mesures prises par la Commission européenne pour promouvoir lesprincipes humanitaires. Elle nous renseigne également sur les documents détaillantles avancées réalisées par les États membres pour intégrer les principes sur l’actionhumanitaire dans leurs cadres nationaux.48 Cependant, cette évaluation manque dedétails opérationnels et en raison de son caractère interne, manque de rigueur. Uneévaluation indépendante sur l’impact à long terme du Consensus sur l’aide humani-taire et de son plan d’action pourrait, d’une certaine manière, combler ces lacunes.

L E S É T A T S M E M B R E S &

L E C O N S E N S U S H U M A N I T A I R E

“Sans préjudice de leurs compétences et traditionsrespectives, les donateurs humanitaires de l'UEtravailleront ensemble, par le renforcement de lacoordination au sein de l'UE et la promotion des bonnespratiques, en vue de promouvoir la vision commune del'UE d'une manière flexible et complémentaire, propreà renforcer les efforts internationaux.”49

Même si des efforts actifs ont été initiés pour favoriser la prise de conscience de laCommission européenne et d’autres institutions européennes vis-à-vis de l’existencedu Consensus Humanitaire, il n’en demeure pas moins qu’un travail non négligeablereste encore à faire pour renforcer la sensibilisation, la connaissance et l’applicationdu Consensus au sein des États membres, où la référence au Consensus Humanitaireest considérée comme étant “moins visible”.50

Cela fait écho à une évaluation indépendante entreprise en 2004 à l’initiative duGHD, sur les politiques humanitaires nationales. Le manque de dialogue au sein desgouvernements sur la question des principes humanitaires y apparait comme étantun des freins les plus significatifs à la mise en œuvre efficace de ces principes.Le rapport a conclu qu’ “en raison de la multiplicité des approches et des réactionsgouvernementales conjointes face aux crises, des enjeux concernant la politisationde l’aide et de l’interface humanitaire-militaire grandissante, la discussion sur uneplus large responsabilité et une plus grande participation des gouvernements sem-ble être capitale.”51 À l’époque de cette étude, seuls six membres GHD sur les 22avaient rendu publiques leurs stratégies.

Si des progrès ont été réalisés en matière d’intégration des principes humanitairesdans les stratégies humanitaires des Etats membres et dans la mise à dispositionpublique, une véritable prise de conscience manque cependant au sein des gouver-nements concernant les engagements que ces principes entraînent en termes deréponse aux crises humanitaires. A noter que le plan de travail actuel du GHD (quis’est finalisé en août 2011) contient un axe de travail sur l’amélioration de l’adhésionaux principes humanitaires par les Etats membres. Ce plan s’engage à évaluer lesdifférentes perceptions et les enjeux qui en découlent, en ce qui concerne l’adhésionaux principes humanitaires des donateurs, des agences de l’ONU, du MouvementInternational de la Croix-Rouge/Croissant-Rouge et des ONG. Il comprend égale-ment des recommandations contenant des mesures pratiques visant à améliorerl’adhésion des donateurs. Il est décevant de constater que lors du dernier plan detravail du GHD, le projet avait été suspendu en raison d’autres priorités et qu’au-cune date de reprise des travaux n’ait été fixée.52

48 Commission européenne (2010),Commission Staff WorkingDocument on the Mid-term Reviewof the European Consensus onHumanitarian Aid Action Plan:Assessing Progress and Priorities inthe EU’s Implementation ofHumanitarian Action, Doc SEC(2010)1505 [En ligne]. Disponible :http://register.consilium.europa.eu/pdf/en/10/st17/st17778-ad01.en10.pdf, [Consulté le 13 mai 2011]

49 UE, Consensus Européen, article 26

50 VOICE (2010), Voice Input to DGECHO, Consultation on the Mid-TermReview of the Implementation of theEuropean Consensus on HumanitarianAid (non disponible au public)

51 Harmer, A. & Stoddard, A. (2005),Review of Good HumanitarianDonorship Domestic Strategies [Enligne]. Cf. : http://www.odi.org.uk/resources/download/3194.pdf,[Consulté le 8 juin 2011]

52 GHD (2010), Work plan 2010-11[En ligne]. Cf. : http://www.goodhumanitariandonorship.org/gns/activities/current-workplan.aspx,[Consulté le 19 août 2011]

2 � l e c o n s e n s u s e u R o p é e n s u R l ’ a i d e h u m a n i t a i R e e t l e s p R i n c i p e s h u m a n i t a i R e s

LE CONFLIT ENTRE LES TALIBANET LES FORCES GOUVERNEMENTALESA CAUSÉ LE DÉPLACEMENT DE NAMROGUL ET MEER, ORIGINAIRES DE SWAR.ILS SE SONT INSTALLÉS DANSUNE GROTTE À HARIPUR, JUSQU'À LEURRETOUR CHEZ EUX, EN SÉCURITÉ.© KIM HAUGHTON - TRÓCAIRE

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l e c o n s e n s u s e u R o p é e n s u R l ’ a i d e h u m a n i t a i R e e t l e s p R i n c i p e s h u m a n i t a i R e s 2 �

E N C A D R É 6

politiques humanitaires des états membres

Cet encadré reflète l’analyse d’une sélection de politiques humanitaires de gouvernements nationaux et leur adhé-sion au Consensus Humanitaire. Les pays sélectionnés sont ceux des huit organisations membres de Caritas Europaayant commandé cette étude :

Autriche : Dans son document de politique d’aide humanitaire, l’Agence autrichienne de développement stipuleque “l’aide humanitaire est régie par les principes d’humanité, d’impartialité, de neutralité et d’indépendance.”53Toutefois, le programme d’action humanitaire du gouvernement a été critiqué pour être "très fragmenté, man-quant formellement de coordination, et doté de ressources trop faibles ». Il en résulte souvent une réponse lenteet une faible efficacité ;54 Selon une évaluation indépendante de la politique d’aide humanitaire du gouvernement,un tel scénario est susceptible de donner lieu à des interventions humanitaires basées sur des décisions politiquesplutôt que sur des principes humanitaires et des besoins.55 Le programme du gouvernement (2008 – 2013) établitclairement que l’armée autrichienne a un rôle à jouer dans l’action humanitaire et les situations d’urgences.56 Cerôle risque de fragiliser les principes humanitaires.

Belgique : La politique d’aide humanitaire du gouvernement belge n’a été sujette à aucun examen depuis la signa-ture du Décret Royal en novembre 1996, qui stipule les paramètres et principes d’aide humanitaire et deréhabilitation. Le gouvernement adhère aux "Principes et bonnes pratiques pour l’aide humanitaire ”, et a approuvéle Consensus Humanitaire. Néanmoins, l’absence d’un document de politique humanitaire correctement adapté àla législation, laisse place à la possibilité d’instrumentalisation de l’aide humanitaire.

Le HRI de 2010 donne une bonne indication de la perception de l’aide humanitaire fondée sur des principes.L’Allemagne, la Finlande et la Nouvelle-Zélande étaient les donateurs perçus comme les plus impartiaux par leurspartenaires, avec des scores supérieurs à la moyenne. À l’opposé, la Belgique, la France et les USA ont tous obtenudes notes significativement inférieures à la moyenne OCDE/DAC. La plupart des réponses de l’étude pour laBelgique proviennent d’organisations travaillant en RDC, ancienne colonie de la Belgique, ce qui peut expliquerpartiellement ce faible résultat.57

En réponse au faible score obtenu dans la classification du HRI en 2010, le gouvernement belge a tenté d’aborderces questions, et après un long processus de consultation auprès des ONG humanitaires belges, il a soumis unavant-projet de stratégie qui fait explicitement référence au Consensus Humanitaire, qui accorde une priorité auxprincipes humanitaires et qui rejette la politisation de l’aide humanitaire. La seconde réunion du Groupe de contactsur la Libye, le 5 mai 2011 a mis ce changement en évidence, lorsque la Belgique a défendu la séparation de l’as-sistance humanitaire des objectifs politiques et de sécurité.

53 Agence autrichienne de développpement (2007), Internationale Humanitaräe Hilfe: Leitlinie der Österreichischen Entwicklungds – undOstzusammenarbeit, p.8 [En ligne]. Cf. : http://www.entwicklung.at/uploads/media/LL_HuHi_01.pdf, [Consulté le 18 août 2011]54 KEK CDC Consultants (2010), Evaluierung der Humanitären Hilfe der Österreichischen Entwicklungszusammenarbeit im Zeitraum 2004–2008,Endbericht, p.xi [En ligne]. Cf. : http://www.oecd.org/dataoecd/33/10/46231608.pdf, [Consulté le 18 août 2011]55 Ibid, p.2356 Autriche (2008), Regierungsprogramm 2008-2013 Gemeinsam Für Österreich, p.144 [En ligne]. Cf. : http://www.bka.gv.at/DocView.axd?CobId=32965,[Consulté le 18 août 2011]57 Les notes les plus élevées dans le HRI en matière de perception de l’indépendance et de non-conditionnalité de l’aide ont été attribuées au Luxembourg,à la Finlande, au Danemark, à la Suisse et à la Suède, chaque pays ayant obtenu des scores largement supérieurs à la moyenne générale. Les USA, l’Italie etle Japon, quant à eux, obtiennent les résultats les plus bas de cette index.’ DARA, HRI, p.33

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l e c o n s e n s u s e u R o p é e n s u R l ’ a i d e h u m a n i t a i R e e t l e s p R i n c i p e s h u m a n i t a i R e s2 �

République tchèque : L’aide humanitaire internationale est une partie intégrante de la politique extérieure de laRépublique tchèque, dont l’objectif fixé est de sauver des vies, atténuer la souffrance et apporter une aide baséesur des besoins. Le gouvernement a approuvé les principes de GHD, exigeant que l’aide humanitaire soit apportéeconformément aux principes humanitaires. Il a confirmé son engagement au principe de ‘Ne pas nuire’, ainsi qu’auxprincipes du Droit International Humanitaire, aux Droits de l’homme et des réfugiés.

L’Acte sur la Coopération pour le Développement et l’Aide Humanitaire, qui a entrainé une transformation insti-tutionnelle de l’APD tchèque, a été adopté au milieu des années 2010. Cet acte est à l’origine de la création del’Agence tchèque pour le Développement. Cependant, l’aide humanitaire est sous la responsabilité du Ministre desAffaires étrangères.58 Sous la stratégie opérationnelle actuelle du gouvernement et conformément à l’adoptiongouvernementale du GHD, le rôle des ONG dans la réponse humanitaire s’est accru par rapport à celui des autresacteurs, tels que les agences des Nations Unies, garantissant ainsi un meilleur équilibre entre les partenaires prin-cipaux dans la mise en œuvre de la stratégie. Le gouvernement a indiqué dans plusieurs documents que c’étaitl’adoption du GHD qui l’amenait à travailler en plus étroite collaboration avec des ONG. La stratégie fait référenceà l’importance du respect du Droit International Humanitaire et aborde la question de la réduction de l’espacehumanitaire. Elle inclut également d’importants chapitres concernant la diminution des risques de catastrophes,le lien entre l’urgence, la réhabilitation et le développement, le changement climatique, ainsi que l’engagementdu gouvernement à cibler des crises de petite envergure, complexes, à long termes et prolongées.59

France : Malgré l’existence d’une politique de développement, le gouvernement français n’a pas encore de poli-tique humanitaire officielle. Afin d’en développer une, l’ancien Ministre des Affaires étrangères et européen, BernardKouchner, a commandé un rapport en 2009 pour examiner l’évolution de l’aide humanitaire en France et les ten-dances émergeantes, et proposer des recommandations.60 Parmi les questions traitées, ce rapport a identifié celle dela politisation de l’aide comme un sujet d’inquiétude. Il établit aussi une liste de cinq recommandations particulièresau gouvernement français relatives au développement d’une stratégie humanitaire :� Adopter et promouvoir le Consensus Européen sur l’aide humanitaire comme un cadre de référence pour la politiquehumanitaire

� Rattacher la politique humanitaire à un cadre de programmation multi-annuelle� Augmenter les ressources consacrées à la fois à l’aide humanitaire et à la reconstruction� Maintenir un dialogue régulier concerté avec la communauté des ONG� Défendre les principes humanitaires dans le cadre du plan de la réforme humanitaire des Nations Unies.

Ce rapport doit être rendu public à la fin de 2011 à l’occasion d’une conférence nationale sur l’aide humanitaire,au cours de laquelle est attendu un fort engagement de la part du Ministre pour développer une politique huma-nitaire davantage en cohérence avec le Consensus Humanitaire. Malgré ces développements positifs, il existe desindications préoccupantes concernant un regroupement croissant des objectifs humanitaires et des priorités poli-tiques. Dans son allocation d’aide de 2009, la France a déclaré que son critère de sélection des bénéficiaires del’aide inclurait l’importance donnée à la défense nationale française et aux stratégies de lutte contre le terro-risme, en plus des cinq critères basés sur les besoins.61 Il est donc important que toute politique humanitaire

58 Parlement de la République tchèque (2010), Act on Development Cooperation and Humanitarian Aid, and Amending Related Laws, 1er juillet [En ligne]. Cf. :http://www.mzv.cz/jnp/en/foreign_relations/development_cooperation_and_humanitarian/general_information/act_on_development_cooperation_and.html,[Consulté le 18 août 2011]59 Ministère des Affaires étrangères de la République tchèque (2011), Operational Strategy 2011 [En ligne]. Cf. : http://www.mzv.cz/jnp/en/foreign_relations/development_cooperation_and_humanitarian/humanitarian_aid/how_to_work_with_wfp/operational_strategy_2011.html, [Consulté le 19 août 2011]60 Boinet, A. & Miribel, B. (2010), Analyses et propositions sur l’action humanitaire dans les situations de crise et post-crise [En ligne].Cf. : http://conferenceordredemalte.org/uploads/contents/100000796002/File/71498//analysesetpropositionssurlactionhumanitairedanslesa_3.pdf,[Consulté le 29 juin 2011]61 République Française (2010), Document de Politique Transversale: Politique Française en faveur du Développement [En ligne].Cf. : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/DPTapd.pdf, [Consulté le 18 août 2011]62 Ministère fédéral des Affaires étrangères(2011), How do we help? [En ligne].Cf. : http://www.auswaertiges-amt.de/EN/Aussenpolitik/HumanitaereHilfe/WieHelfenWir_node.html, [Consulté le 11 août 2011]63 BMZ (2010), Mandate of the Ministry [En ligne]. Cf. : http://www.bmz.de/en/ministry/mandate/index.html, [Consulté le 11 août 2011]

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l e c o n s e n s u s e u R o p é e n s u R l ’ a i d e h u m a n i t a i R e e t l e s p R i n c i p e s h u m a n i t a i R e s 2 �

élaborée reflète les recommandations ci-dessus. La France doit se positionner comme un défenseur actif des prin-cipes humanitaires et de l’aide humanitaire indépendante, au niveau de l’UE et de l’ONU.

Allemagne : 50% des fonds alloués à l’aide humanitaire par le gouvernement allemand sont gérés par le Ministèredes Affaires étrangères, qui finance l’aide humanitaire d’urgence pour sauver des vies à court terme, et les 50%restants sont gérés par le Ministère fédéral pour la Coopération Économique et du Développement et concentrés surl’aide alimentaire, la sécurité alimentaire et la reconstruction. Le Ministère des Affaires étrangères a strictementsouscrit aux principes du Consensus Européen sur l’aide humanitaire, aux douze règles de base de l’aide humani-taire à l’étranger et au code de conduite.62 En revanche, le Ministère fédéral pour la Coopération Économique et duDéveloppement n’adhère pas à ces principes, et aligne sa stratégie au plus près des intérêts politiques allemands,stipulant que “la politique étrangère, la politique commerciale, la politique de sécurité et la politique de développe-ment sont aujourd’hui très intiment liées”.63

La décision de mai 2010, visant à concentrer des fonds à la reconstruction civile en Afghanistan dans les régions àprésence militaire allemande et à accorder un traitement de faveur aux ONG qui veulent établir une relation avec lesforces armées fédérales en est une illustration64. Elle est en contradiction avec l’objectif du Consensus Européen surl’aide humanitaire qui fait une nette distinction entre les interventions civiles et militaires dans des situations decrises humanitaires. VENRO, organisation qui regroupe des ONG, a émis des réserves quant à la tendance croissanted’intégrer l’action humanitaire à la stratégie de sécurité de l’Allemagne.65 La décision d’attribuer des fonds selon desmotivations politiques est synonyme de l’effacement des principes humanitaire d’impartialité, et de neutralité. C’est,par conséquent, une menace à la sécurité des ONG allemandes opérant dans le pays. Un autre risque de cette ten-dance étant la réduction de l’indépendance opérationnelle des ONG allemandes.

Le lien grandissant entre l’intérêt politique de l’Allemagne et la politique d’aide est également évident lorsque legouvernement actuel définit l’aide au développement comme une coopération et un progrès économique.66 L’OCDEet les ONG allemandes ont exprimé leur inquiétude quant à la concentration de projets favorisant les intérêts alle-mands, et ont averti que la base de l’aide humanitaire et du développement doit rester celle des besoins.67

Nous pouvons conclure que l’écart entre la politique et la pratique dans l’adhésion aux principes humanitaires de lapolitique allemande est préoccupant et doit être étroitement contrôlé.

Irlande : L’engagement de l’Irlande à fournir de l’aide à l’étranger et à respecter les principes de GHD mérite des éloges.En effet, l’Irlande a occupé, en 2010, le deuxième rang de la liste des vingt-trois pays de l’Index de Réponse Humani-taire de DARA, et l’Agence irlandaise pour le développement international (Aide irlandaise, politique d’aide humanitaire)fait explicitement référence au Consensus Humanitaire.68 Lors d’une récente séance de questions parlementaires, leMinistre d’État pour le Commerce et les Affaires étrangères a confirmé l’engagement de l’Irlande vis-à-vis du Consen-sus Humanitaire et de la promotion de l’adhésion aux principes humanitaires, son rôle joué dans l’initiative GHD, lapoursuite de ses interventions dans les crises oubliées ainsi que sa contribution de manière significative au Fonds cen-tral pour les interventions d’urgence des Nations Unies (CERF) et le travail en cours sur l’efficacité de l’aide.69

64 BMZ (2010), Bundesminister Dirk Niebel stellt deutschen Nichtregierungsorganisationen die neue NRO-Fazilität für Afghanistan vor [En ligne].Cf. : http://www.bmz.de/de/presse/aktuelleMeldungen/2010/mai/20100506_nro_fazilitaet/index.html, [Consulté le 11 août 2011]65 VENRO (n.d.), Afghanistan [En ligne]. Cf. : http://www.venro.org/afghanistan.html, [Consulté le 11 août 2011]66 Ministère fédéral des Affaires étrangères (2011), Das Afrika-Konzept der Bundesreigierung [En ligne]. Cf. : http://www.auswaertiges-amt.de/DE/Aussenpolitik/RegionaleSchwerpunkte/Afrika/AktuelleArtikel/110615-Afrika-Konzept-node.html, [Consulté le 15 juin 2011]67 Der Spiegel (2010), "OECD kritisiert Niebels Ministerium", 23 octobre [En ligne]. Cf. : http://www.spiegel.de/politik/deutschland/0,1518,724931,00.html,[Accessed 11 August 2011]; VENRO (2011), "Das Afrika-Konzept der Bundesregierung: An der Realität vorbei“, Standpunkt, Nº. 1, Juillet [En ligne].Cf. : http://www.venro.org/fileadmin/redaktion/Newsletter_Bilder/Newsletter_Dokumente/Juli_2011/VENRO-Standpunkt1-2011-Afrika-Konzept.pdf,[Accessed 11 août 2011]68 Voir Aide irlandaise (2009), Humanitarian Relief Policy [En ligne]. Cf. : http://www.irishaid.gov.ie/Uploads/Humanitarian%20Relief%20Policy1.pdf,[Consulté le 11 août 2011]69 Réponse du Député Jan O’ Sullivan, Ministre d’État pour le Commerce et les Affaires étrangères, chargé du Commerce et de l’Aide internationale, 19 mai2011 [En ligne]. Cf. : http://debates.oireachtas.ie/dail/2011/05/19/00006.asp, [Consulté le 11 août 2011]

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l e c o n s e n s u s e u R o p é e n s u R l ’ a i d e h u m a n i t a i R e e t l e s p R i n c i p e s h u m a n i t a i R e s2 8

Cependant, il reste encore un manque de transparence ou de clarté dans la manière dont l’Irlande exécute le pland’action du Consensus Humanitaire et il est donc difficile de mesurer les éventuels progrès réalisés et le degréd’adhésion de l’Irlande au Consensus Humanitaire. De plus, il existe l’inquiétude que, derrière une recherche de‘cohérence politique’, il y ait une volonté croissante au sein du parlement de mettre en relation les questionsd’aide, de défense et d’affaires étrangères. On peut notamment remarquer cette attitude dans le programme duparti le plus important (même si elle n’est pas reflétée dans le programme actuel du gouvernement) lors de l’élec-tion générale de 2011, qui en appelait à un rôle plus important des forces de défense en réponse aux criseshumanitaires.70 Les déclarations des représentants officiels du gouvernement, ces dernières années, reflètent aussicette tendance, comme l’illustre ces commentaires relatifs à la mission de l’Irlande au Tchad, à savoir que si des“troupes en mission doivent s’intégrer et communiquer autant que possible avec les communautés locales ... letravail humanitaire peut les aider à maintenir leur sécurité”.71 Bien que cet argument ait été démenti par le Minis-tre d’État du Département de Défense de l’époque (“nous ne devons pas oublier que la première fonction de nosforces armées ... c’est le maintien de la paix”), cela indique, malgré tout, la nécessité du gouvernement d’exprimerses engagements afin d’assurer qu’un glissement vers la politisation n’ait pas lieu.72 Il est donc impératif que l’éva-luation de 2011 du Livre blanc du gouvernement sur l’Aide irlandaise confirme la primauté des principeshumanitaires et l’engagement concret à mettre en œuvre le Consensus Humanitaire.

Espagne : La Stratégie d’Action Humanitaire pour la Coopération Espagnole au Développement (2008) spécifieque “le gouvernement espagnol et son administration publique feront la promotion des actions humanitaires quisuivent ces principes [humanitaires] et qu’ils ne compromettront pas l’impartialité, ni la neutralité, ni l’indépen-dance des acteurs humanitaires. La Stratégie d’Action Humanitaire vise à réunir et à rendre plus efficaces lesefforts humanitaires de toute la société espagnole et de ses institutions.”73 Dans le Plan Directeur de Coopérationle plus récent, 2009-2012, un chapitre séparé est réservé à l’action humanitaire, soulignant ainsi sa nature spé-cifique et son indépendance vis-à-vis d’autres programmes. Ceci, ajouté à la création d’un Bureau pour l’ActionHumanitaire en 2008, prouve la ferme volonté d’améliorer les structures humanitaires du gouvernement espa-gnol, soutenues par le respect de l’application des principes humanitaires.

Néanmoins, il s’agit de mesures récentes et le défi à relever est de développer la stratégie, de transférer les ressourcesnécessaires et de formuler des mécanismes pour consolider l’indépendance de l’action humanitaire des politiques étran-gères de l’Espagne. À tous les niveaux du gouvernement, le manque de connaissance sur les principes et les stratégieshumanitaires entraine souvent une confusion des acteurs et des pratiques lors des interventions humanitaires.

70 Fine Gael (2011), Fine Gael Manifesto [En ligne]. Cf. : http://www.finegael2011.com/pdf/Fine%20Gael%20Manifesto%20low-res.pdf, [Consulté le 11 août 2011]71 Député Jimmy Deenihan, porte-parole à la Défens, prédécesseur de à Fine Gael, 10 Avril 2008 [En ligne].Disponibble: http://debates.oireachtas.ie/dail/2008/04/10/00010.asp, [Consulté le 11 août 2011]. Fine Gael était dans l’opposition à cette époque-là mais est dans le gouvernement actuel.72 Député Tom Kitt, antérieur Ministre d’État au Département de la Défense, 10 Avril 2008 [En ligne]. Cf. : http://debates.oireachtas.ie/dail/2008/04/10/00010.asp,[Consulté le 11 août 2011]73 Ministère des Affaires Étrangères et de la Coopération. (2008), Humanitarian Action Strategy Paper, Spanish Development Cooperation, SommaireExécutif [En ligne]. Cf. : http://www.maec.es/SiteCollectionDocuments/Cooperaci%C3%B3n%20espa%C3%B1ola/Publicaciones/DES%20AH%20Resumen%20ing.pdf, [Consulté le 11 août 2011]74 DARA (2010), Humanitarian Response Index [En ligne]. Cf. : http://daraint.org/humanitarian-response-index/humanitarian-response-index-2010/,(Consulté le 20 septembre 2011)75 BCAH (2011), Top 5 Donors to Humanitarian Appeals in 2011 [En ligne] Cf. : http://fts.unocha.org/, [Consulté le 13 septembre 2011]76 DARA (2010), Humanitarian Response Index [En ligne]. Cf. : http://daraint.org/humanitarian-response-index/humanitarian-response-index-2010/,(Consulté le 20 septembre 2011)77 P. Ashdown et al. (2011), Humanitarian Emergency Response Review [En ligne] Cf. : http://www.dfid.gov.uk/Documents/publications1/HERR.pdf,[Consulté le 9 juin 2011]78 DFID (2011), Humanitarian Emergency Response Review: UK Government Response, [En ligne] Cf. : http://www.dfid.gov.uk/Documents/publications1/hum-emer-resp-rev-uk-gvmt-resp.pdf, [Consulté le 30 juin 2011]79 http://www.dfid.gov.uk/Media-Room/News-Stories/2011/Saving-lives-building-resilience-and-preventing-suffering/ (Consulté le 22 septembre 2011)80 Ibid81 Ibid82 Ibid

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Royaume-Uni : Le gouvernement britannique s’est situé au 8ème rang des 23 donateurs du classement de l’Index deréponse humanitaire de DARA.74 Il a obtenu une note très élevée en matière de réponse aux besoins, reflet de son rôleleader de donateur humanitaire généreux. Il compte, par exemple, parmi les cinq premiers donateurs humanitairesde 201175 et c’est le donateur le plus important du Fonds central pour les interventions d’urgence (CERF). Il apporteaussi des fonds pluriannuels à diverses organisations de l’ONU, à la Fédération internationale des Sociétés de laCroix-Rouge et du Croissant Rouge (FISCR) et au CICR. Cependant, le DARA a relevé que « le Royaume-Uni a obtenuun des scores les plus bas des donateurs de l’OCDE/CAD aussi bien pour les indicateurs d’indépendance que pourceux d’impartialité » et a mentionné qu’« il pouvait améliorer ses résultats en garantissant l’indépendance et l’im-partialité de son aide ».76

Dans les textes de sa politique, le DFID reconnaît l’importance de l’aide humanitaire fondée sur des principes, qui a étésoulignée dans l’Examen de la réponse humanitaire d’urgence de 2011 (HERR) évaluation indépendante chargée d’ana-lyser le travail humanitaire du Département.77 En réponse à l’HERR78, le gouvernement britannique a présenté unenouvelle politique humanitaire en septembre 2011 qui établit que : « Le gouvernement britannique reconnaît l’impor-tance des principes humanitaires et de la préservation du caractère civil de l’aide humanitaire. »79 Et de poursuivre :«Nous veillerons à ce que l’aide humanitaire du Royaume-Uni soit livrée uniquement selon les besoins et qu’elles’aligne sur les principes humanitaires d’humanité, d’impartialité et d’indépendance»80, précisant que l’aide humani-taire apportée par le gouvernement britannique «sera indépendante de tout objectif politique, militaire, économiqueou de sécurité. »81 Et de dire encore : « Le Royaume-Uni approuve le Consensus Européen sur l’aide humanitaire et larésolution 46/182 de l’Assemblée Générale de l’ONU sur la coordination de l’aide humanitaire. »82

Cependant, cette politique semble en contradiction avec le Rapport sur la sécurité et la défense stratégique duRoyaume-Uni, qui associe l’aide internationale aux objectifs de la politique étrangère et de sécurité nationale, ainsique la Stratégie de Création de Stabilité à l’Étranger (publiée en juillet 2011), que les trois départements d’État(Défense, Développement et Affaires étrangères) décrivent comme « la manière dont nous aurons recours aux outilsde la diplomatie, du développement, militaire et de sécurité du Royaume-Uni dans le cadre d’une approche intégréepour identifier, prévenir et en finir avec l’instabilité et les conflits à l’étranger ».83

Peu après la publication de l’Enquête de Défense Stratégique, l’Évaluation de l’aide bilatérale (BAR) de 2010 du DFIDa montré de nettes augmentations des budgets destinés à l’aide d’états fragiles tels que l’Afghanistan, la Somalie,le Yémen et le Pakistan, chaque pays ayant reçu une aide humanitaire tout au long du travail de développement.84

83 Gouvernement HM, Strategic Defence and Security Review; Département chargé du Développement International, les Affaires étrangères et leCommonwealth & Ministère de la Défense (2011), Building Stability Overseas Strategy [En ligne] Cf. : http://www.dfid.gov.uk/Documents/publications1/Building-stability-overseas-strategy.pdf, [Consulté le 13 mai 2011]84 DFID (2011), The Bilateral Aid Review: Technical Report [En ligne]. Cf. : http://www.dfid.gov.uk/Documents/MAR/FINAL_BAR%20TECHNICAL%20REPORT.pdf,[Consulté le 30 juin 2011]

Le défi le plus difficile pour la mise en œuvre du Consensus Humanitaire est derenforcer l’engagement vis-à-vis des principes humanitaires dans des situationsoù des approches intégrées sont adoptées et où les ministres les plus importants,chargés de définir les politiques, ne sont souvent pas familiarisés avec le ConsensusHumanitaire ni avec le langage et la pratique de l’aide humanitaire fondée sur desprincipes.

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R E N F O R C E R L E S P R A T I Q U E S P A R

L E C O N T R Ô L E D E S P E R F O R M A N C E S

“Il est intéressant, pour accroître l'efficacité de l'aidehumanitaire, de procéder régulièrement à des évaluationset de tirer les enseignements des réponses apportées à descrises données. Il pourrait être utile que l'UE travaillecollectivement à l'élaboration d'approches communes et àl'échange d'informations sur les évaluations faites par lesdifférents donateurs. L'UE devrait ainsi échanger desinformations sur la planification des évaluations, lesrésultats et les réponses, y compris sur la qualité despartenariats, et tirer conjointement les enseignements desréponses aux crises majeures impliquant de multiplesdonateurs. L'UE devrait collectivement procéder àl'examen régulier de l'aide humanitaire globale qu'ellefournit, si possible annuellement.”85

Alors que d’une part les bailleurs, et d’autre part leurs partenaires (ONG, Mouvementinternational de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, agences des NU) parta-gent un engagement commun vis-à-vis des principes humanitaires, la demandede redevabilité (c’est-à-dire la responsabilité de contrôler et de rendre compte durespect des principes humanitaires) pèse actuellement plus lourd sur les parte-naires. Les conclusions de ce rapport indiquent qu’il est à présent urgent que cedéséquilibre soit corrigé, et que les États membres acceptent que soit réalisé unexamen plus approfondi de leurs propres progrès concernant leurs engagementspour une aide humanitaire fondée sur des principes.

Il se dégage des récentes conclusions du Conseil de l’Union européenne portant surl’évaluation de mi-parcours qu’un “plus grand rôle” doit être donné au Groupe detravail «Aide humanitaire et aide alimentaire» (COHAFA) pour veiller à ce que leConsensus Humanitaire soit “entièrement respecté” par la Commission européenneet les États membres. Il propose aussi un suivi annuel ainsi qu’un rapport de progrèssur la mise en œuvre, et ces suggestions sont les bienvenues.86

Là où les résultats ne sont pas conformes aux critères du Consensus Européen, il fautune volonté politique forte et coordonnée pour y répondre, sur le terrain comme ausein du COHAFA. Bien que nous soyons loin de la situation idéale, à savoir une insti-tution indépendante mandatée pour mesurer les progrès, l’application réussie de cetterecommandation serait une avancée significative.

Comme le plan d’action touche à sa fin en 2013, les discussions concernant l’évalua-tion indépendante de la phase actuelle devraient être achevées, avec des termes deréférence relatifs aux engagements de respecter les principes humanitaires. L’équiped’évaluation pourrait être aussi chargée d’élaborer, pour le COHAFA, un cadre de suivisimple basé sur la méthodologie d’évaluation. Une telle évaluation fournirait unmodèle de bonnes pratiques aux États membres, qui devraient faire les mêmes effortspour contrôler indépendamment leurs propres politiques humanitaires nationales àl’aune de leurs engagements à respecter les principes humanitaires.

85 UE, Consensus Européen, article 47

86 Conseil de l’Union européenne(2011), Council conclusions on themid-term review of the Europeanconsensus on humanitarian aidaction plan – implementing effectiveprincipled EU humanitarian action,3088ième Réunion du Conseil desAffaires économiques et financières,Bruxelles, 17 mai, p.3 [En ligne]. Cf. :http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/en/foraff/122057.pdf, [Consulté le 17 mai 2011]

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l e c o n s e n s u s e u R o p é e n s u R l ’ a i d e h u m a n i t a i R e e t l e s p R i n c i p e s h u m a n i t a i R e s 3 1

P R É S E R V E R L ’ A V E N I R

D U C O N S E N S U S H U M A N I T A I R E

“Les principes qui régissent l’aide humanitaire sontspécifiques et distincts de ceux qui s’appliquent aux autresformes d’aide … L’aide humanitaire de l’UE est fourniedans des situations où d’autres instruments liés à lagestion de la crise, à la protection civile et l’assistanceconsulaire peuvent être aussi mis en œuvre. L’UE est doncdéterminée à garantir la cohérence et la complémentaritélorsqu’elle réagit à des crises, en utilisant le plusefficacement possible les divers instruments mobilisés.Aussi, l’UE devrait-elle renforcer ses efforts visant à mieuxfaire connaître et à intégrer de manière plus systématiqueles principes et considérations humanitaires dans l’actionqu’elle mène par l’intermédiaire de ses institutions.”87

Le traité de Lisbonne de 2009 a conduit à un nombre de réformes significatives desstructures institutionnelles de l’UE. Une des réformes les plus importantes a été lacréation du poste de Haut Représentant (HR) de l’Union européenne pour les affairesétrangères et la politique de sécurité, qui est assisté par le service européen pourl'action extérieure (SEAE). Il veille à la cohérence et à la coordination de la politiqueétrangère de sécurité de l’UE. Bien que l’aide au développement de l’UE soit sous lecontrôle de cet organe, l’engagement des acteurs clés actuels a garanti que lapolitique d’aide humanitaire reste en dehors de sa compétence. Malgré tout, descraintes subsistent : les gouvernements des États membres ont de plus en plustendance à subordonner la politique d’aide humanitaire aux priorités d’aideinternationale, ce qui pourrait avoir une répercussion au niveau des institutionseuropéennes comme le SEAE.

Les termes du Traité de Lisbonne exigent que la politique d’aide humanitaire soitmenée dans le cadre des principes et objectifs de l’action extérieure de l’UE.L’implication de celle-ci fait qu’il existe un potentiel beaucoup plus vaste pour lapolitisation, en particulier dans des situations de conflit violent. La stratégieopérationnelle d’ECHO pour 2011 reflète la nécessité, d’une part, d’adopter unestratégie commune en fonction de la nouvelle architecture de l’UE, et d’autre part,de parler d’un renforcement des liens entre les acteurs de l’UE impliqués dans letravail de développement à plus long terme et les délégations de l’UE une fois quele SEAE sera pleinement opérationnel.88 Le but étant à la fois d’accroître lacompréhension et de promouvoir la cohérence par le biais des actions desinstitutions européennes. La question de l’équilibre entre la promotion de l’actionhumanitaire fondée sur des principes en même temps que le renforcement de lacollaboration à travers les institutions de l’UE a été soulevée. C’est ce qui ressortd’une interview de mai 2011, réalisée auprès de la Commissaire chargée de lacoopération Internationale, de l’aide humanitaire et de la réaction aux crises,Kristalina Georgieva, dans laquelle elle exprimait son point de vue :

87 UE, Consensus Européen, article 22

88 CE, ECHO Operational Strategy 2011

EAU DANGEREUSEMENT IMPURE,SÉCHERESSE EN AFRIQUE DE L'EST,2011, NORD DU KENYA.© EOGHAN RICE - TRÓCAIRE

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l e c o n s e n s u s e u R o p é e n s u R l ’ a i d e h u m a n i t a i R e e t l e s p R i n c i p e s h u m a n i t a i R e s3 2

“Nous avons fait en Europe un choix délibéré pourprotéger l’impartialité, la neutralité et l’indépendance del’aide humanitaire en situant notre service humanitaireen dehors de notre entité chargée des affaires étrangères,le Service Européen pour l’Action Extérieure. Je suisconvaincue, tout comme l’est Catherine Ashton, que c’estle choix correct...”

“… En même temps, bien sûr, Catherine Ashton et moi-même ne vivons pas sur deux planètes différentes, etnotre degré de collaboration est important. Il est plus fortsur le terrain, lorsque vous vous trouvez dans une zone deconflit comme par exemple actuellement la Côte d’Ivoire.Bien sûr, il est très important que l’équipe d’ECHO etle Service pour l’Action Extérieure partagent le mêmepoint de vue ; nous échangeons des informations, noustravaillons ensemble. Et je me suis rendue sur plusieursde ces points chauds. Pratiquement, dans chaque pays oùje suis allée – au Yémen, au Soudan, au Kirghizistan –j’ai vu cette coopération sur le terrain fonctionnerextrêmement bien.”89

Comme la Commissaire le souligne, le niveau de coopération sur le terrain semblebien fonctionner. C’est au niveau des institutions centrales que la vigilance estnécessaire.

E N C A D R É 7

mise en pratique de la politique. l’exemple de la libye et de l’euFoR

En Avril 2011, des préparatifs ont été réalisés par l’Union Européenne pour envoyer une mission militaire dirigéepar l’Union européenne (EUFOR) en Libye pour soutenir l’aide humanitaire des Nations Unies. Dans ses conclu-sions, le Conseil européen a renforcé l’adhésion à l’existence d’engagements souscrits dans le Traité de Lisbonneet le Consensus Européen sur l’aide humanitaire, qui spécifient que l’aide humanitaire devrait être fournie en fonc-tion des principes d’impartialité, de neutralité et d’indépendance.

Les États membres de l’UE sont parvenus à un accord à savoir que si cette opération militaire était lancée, elle seferait en respectant les principes humanitaires et les lignes directrices du MCDA pour l’utilisation des moyensmilitaires et de défense civile pour soutenir les activités humanitaires des Nations Unies dans des situations d’ur-gences complexes. Ces lignes directrices mentionnent clairement que les moyens militaires utilisés doivent êtrecoordonnés par des civils et doivent respecter le caractère de neutralité d’aide basée sur le besoin. De plus, il aété décidé que l’EUFOR ne pourrait être déployée qu’à la demande de l’UN OCHA.

Cette décision a préservé l’intégrité du Consensus Humanitaire et fait honneur à l’engagement des États membresvis-à-vis de celui-ci. Cependant, le fait que des États membres aient remis en cause cette approche accroit lescraintes en ce qui concerne la manière dont une telle situation serait traitée à l’avenir, et souligne le besoin d’unengagement et d’une surveillance continus afin de protéger les principes humanitaires tels qu’ils ont été inscritsdans le Consensus Humanitaire.

89 Rosenkranz, R (2011), The State ofEU Humanitarian Relief: AConversation with ECHO ChiefKristalina Georgieva, Devex, 16 mai[En ligne]. Cf. : http://www.devex.com/en/articles/the-state-of-eu-humanitarian-relief-a-conversation-with-echo-chief-kristalina-georgieva?source=EM+DefaultHomepage_Center_1, [Consulté le 18 août2011]

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c o n c l u s i o n s

L E B E S O I N D E R E L I E R

L A P O L I T I Q U E

A V E C L A P R A T I Q U E

MARY ROBINSON AT TRÓCAIREHEALTH CLINIC IN DOLLOW, SOMALIA,JULY 2011

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l e c o n s e n s u s e u R o p é e n s u R l ’ a i d e h u m a n i t a i R e e t l e s p R i n c i p e s h u m a n i t a i R e s3 �

conclusionsL’UE et les États membres ont exprimé leur engagement vis-à-vis des principeshumanitaires, comme confirmé dans le Consensus Humanitaire, qui fournit un cadrepolitique fort. Toutefois, le fait que celui-ci ne soit pas appliqué de manière cohé-rente est problématique et ceci a des conséquences négatives à la fois pour lesacteurs humanitaires et les populations touchées par les crises.

Bien que l’engagement des États membres de l’UE et des institutions de l’UE vis-à-vis du Consensus Humanitaire ait garanti qu’ECHO reste en dehors des compétencesdu SEAE, les conditions du Traité de Lisbonne exigent toujours que l’aide humani-taire soit menée dans le cadre de l’action extérieure de l’UE. Une implicationimportante à cela est qu’il existe désormais un plus grand potentiel de politisationde l’aide humanitaire, notamment dans les situations de conflit. Même si la coor-dination entre la Commission et le SEAE est nécessaire, des précautions doiventêtre prises pour garantir que l’aide humanitaire ne devienne pas un outil de gestionde crise, comme cela est clairement stipulé dans l’article 15 du Consensus Huma-nitaire. C’est pourquoi, la recommandation de ce rapport faite aux preneurs dedécisions européens pour garantir que le mandat d’ECHO reste différent de celuid’autres services de la Commission est fondamentale ; ECHO doit pouvoir apporterune aide humanitaire impartiale et neutre, et promouvoir une action basée sur desprincipes. L’implication de la part de toutes les institutions européennes dans l’en-gagement humanitaire fondé sur des principes et la garantie partagée de ne pasrecourir à l’aide humanitaire comme un outil de gestion de crises constituera lesfondements les plus solides pour fournir une aide efficace aux populations tou-chées par une catastrophe et permettra à l’UE de conserver son image de donateurhumanitaire de qualité au niveau mondial.

Les Organisations membres de Caritas Europa font appel à l’UE et aux États membrespour faire preuve d’une plus grande volonté politique pour mettre systématique-ment en pratique l’esprit du Consensus Humanitaire, en particulier en termes derespect et de plaidoyer en faveur des principes humanitaires et pour que les pra-tiques d’action humanitaires soient guidées par ces derniers. Caritas Europa croitaussi que le suivi devrait être renforcé à tous les niveaux et qu’une évaluation indé-pendante de fin de phase en 2013 de l’impact du Consensus et son plan d’actiondevrait être programmée.

Afin que le Consensus Humanitaire soit crédible dans un contexte où les aspectsessentiels du cadre sont méconnus, incompris ou ignorés, il y a un besoin vital decontinuer à le faire connaitre dans les diverses institutions de l’UE et des Étatsmembres impliqués dans l’apport d’aide humanitaire.

La transparence grandissante des États membres quant à l’adhésion aux principeshumanitaires est une mesure importante pour y parvenir. L’étape suivante sera celledu développement de politiques et de stratégies nationales qui font fortement réfé-rence au Consensus Humanitaire dans les pays de l’UE où de tels cadres n’existentpas toujours. Ceci à son tour, garantira une plus grande transparence au niveaunational, permettant aux parlements nationaux et aux organisations de la sociétécivile de contrôler de plus près l’adhésion au Consensus Humanitaire.

INONDATIONS EN EL SALVADOR.ENFANTS RENTRANT CHEZ EUX.© TRÓCAIRE

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l e c o n s e n s u s e u R o p é e n s u R l ’ a i d e h u m a n i t a i R e e t l e s p R i n c i p e s h u m a n i t a i R e s 3 �

Finalement, il faudrait que les organisations humanitaires adaptent leur manièrede travailler et réagissent à l’affaiblissement des principes humanitaires, ou à l’in-tégration des politiques. Même si ceci déborde du cadre de ce rapport, davantaged’insistance sur une aide basée sur les besoins, sur la communication des valeurshumanitaires auprès des bénéficiaires de l’aide, et sur le redoublement des effortspour accroitre la responsabilité de l’organisation vis-à-vis des victimes de catas-trophe, joueront un rôle important pour garantir les meilleures réponseshumanitaires possibles pour les personnes touchées par les crises. ��

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RecommandationsL’UE et ses États membres doivent renouveler leur engagement à remplir leurs obligationsselon le Consensus Européen sur l’aide humanitaire et le plan d’action l’accompagnant, età fournir une aide humanitaire fondée sur des principes. Les organisations membres deCaritas Europa formulent en particulier les recommandations suivantes :

Recommandations principales :� La Commission européenne devrait prévoir une évaluation indépendante en fin de phasede l’impact du Consensus Humanitaire et de son plan d’action en 2013, afin d’assurer unattachement fort et continu aux principes humanitaires au-delà de 2013.

� Le Conseil européen devrait veiller à ce que le mandat d’ECHO reste distinct des autresservices de la Commission et institutions de l’UE, pour permettre à ECHO de fournir une aidehumanitaire neutre et impartiale et de prôner une aide humanitaire fondée sur des principes.

� Les États membres devraient établir des mécanismes d’évaluation indépendante annuellede leurs engagements liés au Consensus Humanitaire, notamment une évaluation du respectde ceux-ci au sein des ministères concernés (Relations extérieures, Développement, Défense,Intérieur) et une communication publique des résultats.

Recommandations secondaires :Nous recommandons en outre aux États membres de l’Union européenne :

� D’inclure des références au Consensus Humanitaire dans leurs stratégies humanitairesnationales et dans les documents politiques, ou d’élaborer ces stratégies et documentsd’orientation dans les pays où ils font encore défaut.

Nous recommandons aux institutions concernées de l’Union européenne :� D’établir une distinction claire entre le domaine de compétence du Premier vice-présidentde la Commission européenne et Haut représentant pour les affaires étrangères et lapolitique de sécurité et celui du Commissaire de la coopération internationale, aidehumanitaire et réaction aux crises.

� De rendre publics les résultats de l’évaluation annuelle sur la mise en œuvre du ConsensusHumanitaire et de son plan d’action.

� De mettre en place un matériel pédagogique portant sur le Consensus Humanitaire et sesprincipes à l’usage des institutions européennes et des autres acteurs humanitaires.

Nous recommandons aux ONG:� D’effectuer un suivi régulier des politiques des États membres de l’UE en participant demanière active aux plateformes nationales (là où c’est approprié), afin de repérer etdénoncer les pratiques dont la mise en œuvre gouvernementale n’est pas conforme auConsensus Humanitaire.

� De veiller à ce que les principes humanitaires se retrouvent au sein de leurs politiquesorganisationnelles et procédures de prise de décisions, en ce qui concerne des sujets telsque le financement, les modèles d’opérations, la communication avec les bénéficiaires etle contact avec les autres acteurs sur le terrain.

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Auteurs : Andy Featherstone en collaboration avec

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