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Le château de Barbe-Bleue Béla Bartók Wesendoncklieder Richard Wagner Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon Mardi 5 mai 2015 Jeudi 7 mai 20h Dimanche 10 mai 15h Opéra Berlioz / Le Corum Durée : 1h15 environ Cahier pédagogique Saison 2014-2015 Service Jeune Public et Actions Culturelles – 04 67 600 281 - www.opera-orchestre-montpellier.fr

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Page 1: Le château de Barbe-Bleue · 2015-09-15 · Le château de Barbe-Bleue BELA BARTOK Opéra en un acte et un prologue Livret de Béla Balázs Création le 24 mai 1918 à Budapest Pavel

Le château de Barbe-Bleue Béla Bartók

Wesendoncklieder Richard Wagner

Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon

Mardi 5 mai 2015 Jeudi 7 mai 20h

Dimanche 10 mai 15h Opéra Berlioz / Le Corum

Durée : 1h15 environ

Cahier pédagogique Saison 2014-2015 Service Jeune Public et Actions Culturelles – 04 67 600 281 - www.opera-orchestre-montpellier.fr

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Le château de Barbe-Bleue BELA BARTOK Opéra en un acte et un prologue Livret de Béla Balázs Création le 24 mai 1918 à Budapest Pavel Baleff, direction musicale Jean-Paul Scarpitta, conception, mise en scène, décors et costumes Angela Denoke, Judith Jukka Rasilainen, Barbe-Bleue Urs Schönebaum, lumières Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon Reprise En première partie Wesendonck –Lieder de Richard Wagner (1813 – 1883) Poèmes de Mathilde Wesendonck Der Engel (L'Ange) Stehe still ! (Arrête-toi !) Im Treibhaus - Studie zu Tristan und Isolde (Dans la serre) Schmerzen (Douleurs) Träume - Studie zu Tristan und Isolde (Rêves) Pavel Baleff, direction musicale Angela Denoke, soprano Jean-Paul Scarpitta, mise en espace Urs Schönebaum, lumières Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon

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Béla Bartók Le 25 mars 1881, Béla Bartók naît à Nagyszentmiklós en Transylvanie. À l’époque, ce pays est la plus petite possession de la Hongrie orientale. Son père est directeur d'une école d'agriculture et violoncelliste dans un petit orchestre d'amateurs. C'est un homme cultivé et dynamique que Bartók perd à l’âge de six ans. Dès son enfance, la santé de Bartók est fragile. Sa vaccination à trois mois contre la variole entraine un eczéma qui persiste cinq ans et dont il souffre dans son orgueil, au point de se cacher et de refuser de voir quiconque. Il n’est donc pas question pour lui de jeux en compagnie d'autres enfants et il mène une vie solitaire à la maison. Une pneumonie retarde son développement et il marche et parle plus tard qu'il n'est habituel.

Très jeune, Bartók révèle ses dons pour la musique. Il commence le tambour à l’âge de trois ans et sa mère, institutrice et pianiste, lui donne ses premières leçons de piano deux ans plus tard. Il développe alors rapidement d’incroyables capacités musicales. À neuf ans, il livre ses premières compositions.

Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique Organiste dans son lycée à partir de 1897, il se produit en concert régulièrement et choisit un an plus tard d’intégrer le conservatoire de musique de Budapest où László Erkel prend en main son éducation musicale en lui enseignant le piano et l’harmonie. Sa première représentation au conservatoire a lieu en 1892 où il interprète sa première composition, le Cours du Danube. Bartók poursuit ses études de piano et produit ses œuvres dans de nombreux concerts et tournées en Europe. En 1901, il interprète la Sonate en Si mineur de Liszt et c’est en 1903, alors qu’il termine ses études et qu’il écrit Kossuth, grande œuvre orchestrale influencé par les poèmes symphoniques de Richard Strauss. Cette œuvre marqua le début de sa célébrité et d’une longue carrière de concertiste. En effet, seulement quelques années plus tard, il part en tournée en Espagne et au Portugal, où il accompagne un jeune violoniste nommé Ferenc Vessey. Puis, en 1922, il se produit dans une grande tournée en Europe (Slovaquie, Angleterre, France, Allemagne), à laquelle succéderont deux tournées aux Etats-Unis, en 1927 et en 1940, entrecoupées d’un retour en Turquie pour une tournée en 1936. Ainsi, Bartók fut un pianiste accompli et il se forgea une culture vaste, riche des influences de tous les pays où il se produit. Pour comprendre le travail de composition de Béla Bartók, il est essentiel de revenir sur l’histoire de son pays. En effet, la Transylvanie fut tout au long de l’histoire soumise à de nombreuses puissances politiques : aux Hongrois tout d'abord, mais aussi aux Ottomans, à l'Autriche catholique des Habsbourg et au régime Horthy. Il est ainsi à la confluence des cultures magyare, roumaine et slovaque. Ainsi, Béla Bartók vécu dans un pays qui était depuis des siècles à la recherche d’une identité nationale. Au retour d’un voyage à Paris en 1905, il se lie d’amitié avec le compositeur et ethnomusicologue Zoltán Kodaly avec qui il décide de dresser un inventaire de tous les chants et mélodies populaires du bassin

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danubien. À l’inverse de nombreux de ces contemporains européens, ce n'est pas seulement un sentiment nationaliste fort qui l'incite à réaliser cet ambitieux projet en premier lieu, mais plutôt une émotion musicale intense. Il s'oppose d’ailleurs à la conception ethnomusicologique allemande, théorique et abstraite, en privilégiant le travail sur le terrain et refuse de se contenter de collecter uniquement dans son pays natal à la manière de Dvořák et Smetana en République Tchèque, Grieg en Norvège, De Falla en Espagne, Vaugan Williams en Angleterre ou encore Indy en France. Ainsi Bartók entreprend une longue série de voyages qui le mènent d'abord en Transylvanie, puis dans le nord et le sud de la Hongrie. Il se rend aussi en Roumanie, où, épris de musique locale, il visite jusqu’à une trentaine de fois certains villages. Il parcourt aussi la Slovaquie, l'Ukraine, la Bulgarie et même l'Algérie ou l'Anatolie afin de comprendre le cheminement complexe et étonnant des cultures. La collecte des chants n'est pas chose facile même si le phonographe d'Edison est une aide précieuse. Il faut gagner la confiance des paysans souvent suspicieux envers les gens des villes, peu désireux de chanter devant un étranger et intimidés par l'appareil. Pour ce travail, Bartók appris quatorze langues et dialectes. Lorsqu’on demanda plus tard à son fils comment une telle connaissance était possible, il répond qu’il « apprenait dans l'autobus ». En parallèle de ces apprentissages linguistiques, Bartók apprend aussi la phonétique pour noter les plus fines nuances du langage et s'intéresse à la sociologie, à l'histoire, aux traditions et aux rites. Ainsi à côté de son travail de pianiste Bartók mène une intense carrière d’ethnomusicologue. Il rassemble tout au long de sa vie des milliers de chansons et de danses populaires et il en transcrit un nombre incalculable dans ses œuvres. Beaucoup de ses compositions sont néanmoins des airs inventés de toutes pièces, mais auxquels il confère un tel accent de vérité que l’on pourrait les croire authentiques. Dès son enfance, sa démarche n’était donc pas d’écrire en tâtonnant au piano, mais bien une écriture spontanée fortement liée aux musiques populaires qui avaient forgé son oreille depuis sa petite enfance. On parle ainsi couramment chez Bartók d’un « folklore imaginaire ». L’utilisation des modes de la musique hongroise, roumaine et arabe, des gammes pentatoniques, des ornements et des rythmes de danses, la variété des timbres, l’alliance du rythme, de la légèreté et de la puissance, font de sa musique un ensemble teinté de tournures populaires.

Bartók enregistrant sur phonographe des chants folkloriques à Darázs en 1909 Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique

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Un autre élément important du travail de composition chez Bartók est la place fondamentale qu’il accorde aux rapports proportionnels de durée. En effet, ils sont chez lui un véritable outil de construction et d’équilibre. Il est l’un des premiers à les employer de manière systématique au XXème siècle. Dès 1909, il présente son unique opéra Le château de Barbe Bleue, dans lequel il mêle musique et rapports mathématiques en utilisant le nombre d’or, procédé qu’il utilisera à de nombreuses reprises. La sonate pour deux pianos et percussion, le Divertimento, Contrastes, quelques pièces de Microkosmos dont Ce que la mouche raconte, ou encore Musique pour cordes, percussion et célesta en sont plusieurs exemples. En parallèle de son travail de pianiste, de compositeur et d’ethnomusicologue, Bartók est aussi professeur de piano au conservatoire de Budapest pendant vingt-sept ans, ne s'arrêtant que pour ses tournées et ses voyages. Ses élèves sont unanimes pour dire sa patience, sa conscience, son inflexibilité, mais aussi l'importance qu'il attache à la structure de l'œuvre et à sa compréhension. Il fait le choix de laisser au second plan la technique de ses élèves pour sauvegarder leur liberté d'interprétation. Sa technique pianistique est d'ailleurs si personnelle qu'il refuse de l’imposer. En effet, la force de son jeu n'est pas dans la force d'une main qui frappe le piano de haut mais dans un martèlement au ras du clavier, le bras rigide, les poignets et les doigts d'acier. Par sa Méthode de piano écrite avec Sandor Reschovsky, ses recueils Pour les enfants et ses six livres Microkosmos, Bartók prend place parmi les plus grands professeurs de son époque. À l’époque où il travaille au conservatoire de Budapest, Bartók se prend de passion pour Debussy, qu’il découvre grâce à son ami Kodaly. Il nourrit alors une grande passion pour le compositeur et admire en lui ses harmonies audacieuses, ses tournures pentatoniques et sa volonté d'aller vers de nouveaux horizons. En effet, de la même manière que Bartók, Debussy refuse d’entrer dans un moule préétabli et son besoin de liberté, de créativité et d’originalité l’amène à redéfinir le langage musical de son époque en élargissant l’utilisation des lois harmoniques, thématiques et formelles dont il a hérité, en créant un nouveau courant esthétique. C’est ainsi qu’on trouve chez Bartók l’emploi abondant des mélodies pentatoniques ou encore de la gamme par ton. En parallèle de Debussy, on peut aussi trouver l’influence de nombreux autres compositeurs dans l’œuvre de Bartók en raison de ses nombreux voyages et de son incroyable curiosité. L’influence de Beethoven pour ses formes, de Liszt et Schönberg pour leur vision révolutionnaire et leur volonté de tout changer, de Bach pour la maitrise de ses fugues et la beauté de son contrepoint, de Strauss et de la musique à programme pour sa trame littéraire intense, ou encore plus subtilement celle de Wagner, pour l’utilisation de procédés spécifiques telles que l’utilisation de leitmotivs, l’abondance de chromatismes et d’une volonté de grande continuité dans l’œuvre musicale. En effet, Wagner tend vers la suppression des ruptures dans l’opéra grâce à un enchaînement continu des actes. C’est une idée que Bartók utilise quand il réalise son opéra d’un seul tenant, sans actes ni coupures, dans lequel chaque porte s’ouvre et mène à la suivante sans relâche, en maintenant une continuité et une tension permanente. Ainsi, toutes ces influences sont autant de subtilités qu’acquiert l’écriture de Bartók, riche d’une large connaissance des esthétiques musicales antérieures et contemporaines. Enfin, il semble important d’évoquer la manière dont les deux guerres mondiales influencèrent l’œuvre et la vie de Bartók. En 1914, après un voyage en Afrique du Nord et en France, Bartók doit rentrer en Hongrie face au début menaçant de la première guerre mondiale. Cette période est pour lui très difficile car il est dans l’impossibilité de quitter la Hongrie. C’est dans ce contexte terrible qu’il écrit deux grands chefs-d’œuvre musicaux : Le Prince des bois et le Mandarin merveilleux, qui remportent un franc succès. Au début de la seconde guerre mondiale, Bartók observe la montée du nationalisme et l’emprise nazie se resserrant sur la Hongrie. Avec courage et fermeté, il refuse de se compromettre avec le régime fasciste et s’oppose à Horthy. Il change alors de maison d’édition lorsque cette dernière se nazifie, refuse que ses œuvres soient jouées dans des concerts nazis, et demande à participer à l’exposition sur la musique dite « dégénérée » à Düsseldorf en 1938 au côté de Schönberg, Krenek et tant d’autres ; et ce malgré la

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tragique manière dont ils sont exposés. Dans son testament, il exige aussi qu’aucune rue, parc ou monument public ne porte son nom dans les pays touchés par le fascisme. En 1940, l’emprise nazie sur la Hongrie le pousse à s’expatrier. Après une tournée aux Etats-Unis en compagnie du clarinettiste Benny Goodman, il accepte un poste de chargé de recherche à l’Université de Columbia et s’installe à New York. Il compose pour Benny Goodman et Szigeti la Rhapsodie pour clarinette, violon et piano qui remporte un immense succès. Cependant, sa vie est extrêmement difficile : les critiques ne lui sont pas favorables, les difficultés financières l’accablent et il est atteint d’une leucémie qui lui est fatale. Il décède le 26 septembre 1945 dans une misère des plus totales. Ainsi, Pierre Citron ne pourrait être plus juste lorsqu’il affirme que Bartók réalise la rare alliance, d'un grand musicien, d'un grand homme et d'un grand destin. Prodigieux artiste par ses chefs-d’œuvre, admirable par son engagement politique et humain, il est, sans aucun doute l’un des symboles de la réussite et de l'épanouissement artistique. Sa droiture personnelle et esthétique lui interdirent de renier, même implicitement, ses admirations passées et il se servit de toutes ses rencontres et de ses voyages pour créer un style musical novateur. Orphelin, solitaire, blessé par des amours malheureux, emporté dans une révolution brutale, prisonnier dans un régime tracassier et tyrannique qui l'empêche de faire jouer ses œuvres dans son pays, chassé de chez lui par le despotisme né de la guerre et de l'ombre nazi, il mourut pauvre, malade, en exil. Bartók est le musicien en qui le XXème siècle trouve son image la plus fidèle et la plus déchirante. Il est des artistes pour qui la musique est une revanche sur la vie, pour Bartók ce fut l'expression d'une vie. Par sa conception musicale novatrice, alliant un travail considérable sur les possibilités du rythme, l’emploi de procédés mathématiques, le mélange incroyable des musiques populaires et de la musique savante, il ouvrit une nouvelle porte au XXème siècle qui fut franchie par des compositeurs tels que Xenakis, Messiaen et Boulez, en annonçant déjà, la création d'un nouveau système sonore.

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Le temps de Bartók 1881 Béla Bartók naît le 25 mars

à Nagyszntmiklós (à vos souhaits !), en Hongrie.

Le tsar Alexandre II est assassiné et Manet peint Un bar aux Folies-Bergère.

1899 Il entre au Conservatoire de Budapest.

C’est l’année des premières : 1ère transmission T.S.F sur une longue distance (40 km), 1er autobus, 1ère ligne de chemin de fer électrifiée en Europe.

1903 Il obtient son diplôme et se dirige vers la composition.

Jack London écrit L’Appel de la forêt, Pavlov présente ses travaux sur les réflexes conditionnés.

1905 Avec Zoltán Kodály, Bartók bat la campagne hongroise

et roumaine, explorant ses trésors musicaux populaires.

En France, la loi de séparation des Églises et de l’État est votée, le terme de « fauvisme » apparaît et Debussy compose La Mer.

1908 Bartók compose son premier Quatuor à cordes et épouse

sa jeune élève, Martá Ziegler l’année suivante.

L’explorateur américain, Peary, est le premier à atteindre le pôle Nord, en traîneau tiré par des chiens. Hale, lui, découvre le magnétisme des tâches solaires.

1914 1918

Pendant la 1ère Guerre Mondiale, il compose deux ballets, Le Prince de

bois et Le Mandarin merveilleux.

Première Guerre Mondiale.

1918 Le Château de Barbe-Bleue, son unique opéra, est créé à Budapest

six ans après sa composition.

Lénine écrit L’État et la Révolution et Kautsky, La Dictature du prolétariat. Apollinaire, lui, publie ses Calligrammes.

1927 Il compose son troisième Quatuor à cordes et, l’année suivante, le

quatrième.

Stefan Zweig publie La Confusion des sentiments, Fritz Lang réalise le film Metropolis et Lindbergh traverse, sans escale, l’Atlantique Nord.

1940 Fuyant le nazisme, Bartók s’exile aux États-Unis

où il mène une vie difficile.

L’Armistice franco-allemand est signé, Hemingway écrit Pour qui sonne le glas et Charly Chaplin réalise son premier film parlant, Le Dictateur.

1944 Son Concerto pour orchestre est bien accueilli à Boston.

Il commence à écrire le Concerto pour piano n°3

et le Concerto pour alto, qu’il ne pourra achever.

Les alliés débarquent en Normandie et la France est libérée. Sartre écrit la pièce Huis clos, Anouilh, le drame Antigone, Barjavel, le roman Le voyageur imprudent. Anne Franck, déportée, interrompt son Journal (qui sera porté à la scène en 1955).

1945 Il meurt de leucémie. Son élève, Tibor Serly,

termine les deux concertos.

C’est la fin de la guerre en Europe, Benjamin Britten compose l’opéra Peter Grimes, Charles Trenet chante La Mer et les premières bombes atomiques sont mises au point aux États-Unis.

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L’histoire de Barbe-Bleue Le barde annonce une fable ancienne qu’on rejouera au théâtre de l’âme, le théâtre intérieur. Le rideau se lève – le rideau des paupières. Nous sommes dans une vaste salle ronde d’un château, plongée dans l’obscurité ; sept portes fermées l’entourent. Barbe-Bleue et Judith entrent dans la pièce. Le prince a enlevé la jeune fille à sa famille qui se désespère mais Judith suit son époux de son plein gré. L’obscurité la surprend et ces murs (várak) qui suintent – ne dirait-on pas qu’ils pleurent ? Elle jure de sécher leurs larmes, de réchauffer les pierres, de laisser entrer la joie et la lumière au château. Rien ne peut l’éclairer, affirme le prince. Pourquoi ces portes (ajtó) sont-elles fermées, demande Judith. « Personne ne doit les ouvrir », rétorque Barbe-Bleue. « Ouvre-les ! (Nyisd-ki !), ordonne Judith, laisse entrer la lumière ! » Elle frappe à la première porte, d’où l’on entend des gémissements. Cela ne parvient pas à la décourager : elle demande la clé (kulcs). La première clé tourne dans la serrure, la première porte s’ouvre, une lumière rouge envahit la scène : c’est la chambre des tortures. Judith ne tremble pas, elle baigne ses mains dans le flot de clarté ; il vaut mieux de la lumière rouge que ces ténèbres. Barbe-Bleue lui tend la seconde clé, un second flot de lumière s’étend sur le sol ; elle est rougeâtre, cuivrée. C’est la salle d’armes ; glaives, lances, arcs et flèches – tous ensanglantés. « Trembles-tu (félsz-e ?), Judith ? » , demande Barbe-Bleue. Mais rien ne peut retenir Judith, il lui faut plus de lumière. Elle exige la troisième clé, au nom de son amour. Barbe-Bleue lui tend trois autres clés mais à une condition : qu’elle regarde mais qu’elle ne demande rien. Judith se précipite sur la troisième porte. Un trait de lumière dorée s’ajoute aux deux autres : c’est la salle du trésor. « Tout est à toi », déclare Barbe-Bleue. « Le sang (vér) ruisselle sur ces pierres », chuchote Judith. Sans attendre, elle ouvre la quatrième porte : cette fois la lumière est bleue, c’est un jardin qui s’étend devant ses yeux, le jardin secret du prince, lys, roses, clématites, œillets – et du sang sur les pelouses. « Qui les a arrosées ? » demande Judith, sans obtenir de réponse. Elle va donc à la cinquième porte et l’ouvre. La lumière est éblouissante : un vaste panorama s’ouvre devant ses yeux, révélant une contrée radieuse, tout le domaine de Barbe-Bleue, prairies, forêts, rivières, montagnes. Au moment où Barbe-Bleue offre tout cela à Judith, elle aperçoit une ombre rouge sur un des nuages. « Viens dans mes bras ! », demande le prince. Mais Judith ne voit que les deux portes fermées. Elle refuse de céder avant de les ouvrir. « Tu voulais de la lumière, dit Barbe-Bleue, prends garde, jamais mon palais ne sera plus éclairé ! » « Que je vive ou que je meure, crie Judith, pas une seule porte ne restera fermée ! » Barbe-Bleue lui tend encore une clé. Judith approche de la sixième porte et l’ouvre. Une ombre passe : derrière la porte, un lac s’étend, un lac immobile et taciturne. « Ce sont des larmes » (könnyek), dit Barbe-Bleue et il ouvre à nouveau ses bras. Ils s’embrassent longuement. « M’aimes-tu vraiment ?, demande Judith. As-tu aimé d’autres femmes ? » Barbe-Bleue la supplie de ne plus poser de questions (sohse kérdezz). « Etaient-elles plus belles ? Les as-tu aimées davantage ? », insiste Judith. « Aime-moi et tais-toi », implore Barbe-Bleue. « Ouvre la septième porte ! » ordonne Judith, « je sais ce qu’elle cache : tout ce sang est celui de tes épouses assassinées ! Ils disaient donc vrai ! Ouvre vite, il faut que je sache ! »

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Barbe-Bleue lui tend la septième clé : « regarde, voici mes épouses ». Judith tourne la clé et les deux dernières portes ouvertes se referment silencieusement. Une lumière blafarde éclaire la pièce. « Elles sont vivantes ! » s’écrie Judith. Couronnées, parées de plus riches bijoux, trois femmes avancent comme des reines et s’arrêtent devant le prince. Barbe-Bleue tombe à genoux : elles lui ont apporté des richesses, fait éclore ses fleurs, agrandir ses domaines, elles ne seront jamais oubliées. La première est le matin, la seconde – le midi, la troisième – le soir. La quatrième, Judith, est venue la nuit. Barbe-Bleue va à la troisième porte, saisit une couronne, un manteau et des bijoux pour en vêtir Judith, en dépit de ses protestations. Une à une, les portes se referment. Pliant sous le poids de son lourd manteau d’étoiles, de sa couronne scintillante, de sa parure étoilée, Judith disparaît derrière la septième porte. Maintenant plus rien, rien que l’obscurité ; Barbe-Bleue reste seul...

Piotr Kaminski, in Mille et un opéras, Ed. Fayard Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique

Gillot, illustration pour La Barbe-Bleue de Charles Perrault –

Epinal, imprimerie Pellerin, 1860 – BNF, Estampes et photographies Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique

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Le mythe de Barbe-Bleue, de Perrault à Bartók Tout en renouvelant l’approche d’un mythe déjà traité musicalement par Dukas en 1907, Bartók, d’après le livret de Balázs suit l’œuvre symboliste de son prédécesseur : la musique du Château de Barbe-Bleue, créé en 1918, est l’une des plus évocatoires, offrant le sentiment d’une activité souterraine qui permet de multiples lectures. En définitive, que gagne Judith à rompre le cycle du secret et du caché ? Que veut-elle prouver en forçant l’intimité de son époux ? En exigeant d’ouvrir les sept portes, n’accomplit-elle pas plutôt l’œuvre du doute et du soupçon, c’est-à-dire la ruine du couple ? Charles Perrault fixe le mythe de Barbe-Bleue en littérature en écrivant les Contes du temps passé ou Contes de ma mère l’Oye, en 1697. Au cœur du sujet, la transgression d’un interdit. Celui de Barbe-Bleue, riche autant que brutal, qui indique à son épouse la porte qu’elle ne doit absolument pas ouvrir, dans leur vaste demeure. La transgression permet cependant à l’épouse curieuse de découvrir le secret de son époux et de s’affranchir de sa propre destinée. En découvrant derrière la porte les cadavres de six épouses qui l’ont précédée, elle recueille le bénéfice de la révélation de ce qui lui était tenu caché : en voyant ce qui ne pouvait être vu, en dévoilant à la lumière la vérité souterraine, elle accède à la clé de l’œuvre : la lumière qui lui était au départ refusée. Intuition, clairvoyance, ou encore, doute et soupçon, pensées illégitimes... que penser réellement de ce conte fantastique et philosophique ? Paul Dukas a mis en musique le livret de Maurice Maeterlinck mais son opéra, Ariane et Barbe-Bleue prend beaucoup de liberté avec le mythe : la lecture défend ici le point de vue de l’épouse. Elle est l’héroïne qui s’apprête à libérer les épouses captives mais échoue à les convaincre de s’affranchir du royaume de l’ombre et du caché. Les femmes de Barbe-Bleue resteront auprès de leurs époux. Et Ariane quittera un monde pour lequel elle ne peut plus rien apporter. Kodaly qui assiste à la première d’Ariane de Dukas, le 10 mai 1907 à l’Opéra-Comique ne semble pas convaincu par l’œuvre, en particulier par la musique. Le poète Béla Balázs, également hongrois, l’accompagne : le sujet l’inspire manifestement, puisqu’il compose son propre texte d’après le mythe : ainsi naît Le Château de Barbe-Bleue, mystère musical, mis en parallèle avec les ballades séculaires transylvaniennes, dont la ballade d’Anna Molnar. Balàzs offre son livret à Kodaly et à Bartók. Ce dernier se montre le plus inspiré par le sujet. Il commence la composition d’une partition d’après le texte de Balázs, dès février 1911. Bartók à l’œuvre (1911-1918) Âgé de 20 ans, le jeune compositeur hongrois Béla Bartók présente le 20 septembre 1911, une première version du Château, lors d’un concours à Budapest. La commission rejette énergiquement la partition, jugée maladroite : psychologie des personnages à peine fouillée, musique plus abstraite que scénique, action flottante, à peine représentable. À l’été 1912, Bartók reprend la partition. De même, peu avant la création en 1918, et à nouveau en 1921, pour la réduction pour piano de la partition. Après le succès de son ballet, Le Prince de bois, en 1917, sur un livret du même Béla Balázs, Bartók peut créer son opéra à l’Opéra Royal de Hongrie.

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La création, le 24 mai 1918, ne recueille pas un franc succès. L’époque est celle des prémices de l’effondrement de l’Empire austro-hongrois : le texte de Balázs est jugé dangereux. La transgression qui est au cœur du sujet, souligne la tension de l’époque. L’œuvre dérange d’autant que la musique exprime plus fortement encore les pulsions antagonistes des personnages, en particulier, la quête libertaire et séditieuse de Judith, l’épouse de Barbe-Bleue. L’intendant de l’opéra demande que soit retiré de l’affiche le nom du poète librettiste : Bartók refuse et préfère retirer l’œuvre totalement.

Portrait de Béla Bartók

Tous droits réservés, diffusion limitée et gratuite à l’usage pédagogique Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique

L’œuvre de Balázs : une œuvre initiatique qui plonge dans la psyché Le texte du poète hongrois se concentre sur deux protagonistes : Judith et Barbe-Bleue. Ici, un seul acte sans rupture (quand l’opéra de Dukas / Maeterlinck se déroule en trois actes). Le couple suit une initiation à deux, puisque Judith ouvre chaque porte en présence de son époux. C’est un parcours initiatique assumé à deux. La véritable scène se projette dans la psyché des êtres présents. Tel est le sens de la formule récitée en introduction : « Hélas, je cache mon chant / Où faut-il que je le cache ? ». Texte symboliste parfois énigmatique, le livret de Balázs nourrit sa propre complexité, comme il permet de multiplier les clés de compréhension. Comme chez le poète belge Maeterlinck, (Pelléas pour Debussy ou surtout, Ariane pour Dukas), les mots ne disent rien, ils expriment des états psychiques demeurés souterrains qui affleurent magnifiquement en surface, portés par la musique. Pourtant la suggestion du texte n’empêche pas des images violentes, effrayantes, traumatisantes : le sang de la faute, du péché, de la malédiction, l’indice d’un crime inoubliable (il reste ineffaçable), s’impose à Judith dont le regard doit affronter chacune des révélations qu’elle a suscitées. Au sang, succède la vision du lac de larmes (la sixième porte). Terrible moment où les êtres doivent se révéler l’un à l’autre et dire, sans pudeur, les fautes tues, les actes honteux que la mémoire a refoulés. En vérité, la porte dévoile les trois autres épouses richement parées du duc. Après ce dévoilement, Judith se voit couronnée à son tour par son époux et franchit la septième porte pour en être la nouvelle prisonnière.

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La musique de Bartók Inspiré par les musiques populaires magyares, avec Kodaly, depuis 1905, Bartók inscrit avec davantage d’évidence que le poème, les références à la littérature et à la mémoire hongroise. En particulier, il travaille à l’articulation musicale de la langue hongroise, ce qui rend extrêmement difficile toute adaptation du livret dans une autre langue. Tout indique une réalité muette et lugubre, une atmosphère de fin et de déclin, un monde endormi et sombre. Judith n’a d’autre souci que d’ouvrir les sept portes qui sont tenues fermées pour dévoiler les mondes parallèles qui ne demandent qu’à jaillir. Le Château est un corps vivant dont les blessures incarnent un monde condamné par sa propre inertie. En en ébranlant les fondations, Judith amorce l’avènement d’une ère nouvelle, surtout conscience régénérée, pleinement active. Or, le dernier tableau ajoute, non pas à l’éclaircissement de la légende onirique mais plutôt à son trouble mystérieux, à la fois féerique et cauchemardesque. Interprétation : deux lectures possibles Le château serait l’âme masculine dont chaque porte ouverte, révèle les aspects enfouis. Cruauté et ambition, richesse et tendresse, fierté et blessure, enfin amours passés (dernière porte). Judith, épouse curieuse autant qu’amoureuse, accepte de servir pleinement l’homme aimé à condition qu’en un acte de confiance totale, il lui ouvre l’accès aux replis les plus secrets de sa personnalité. Ainsi pour honorer cet amour qu’elle assume définitivement, Judith accepte chacun des enseignements dévoilés. Pour répondre à la confiance que l’homme dévoilé lui a témoignée, Judith, prend la place que son époux lui a choisie. Celle de la « plus belle », donc de la plus aimée. Mais aussi, tout autant de la plus prisonnière. Chaque étape franchie, est une épreuve destinée à éprouver la confiance de l’épouse. À chaque nouvelle vision d’horreur apparente, Judith sublime l’effroi initial. Son amour pour Barbe-Bleue n’en est que plus fort, plus émouvant, plus inconditionnel. Toute révélation a son prix Pourtant à la fin de l’œuvre, le manteau trop lourd que le duc pose sur les épaules de son épouse, transmet une toute autre lecture : il témoignerait du poids de la connaissance. Connaissance extrémiste et fatale en définitive, et même vénéneuse : les épreuves que suscite Judith sont celles d’une éprouvante dissection opérée sur son époux. Si la femme cherche à ouvrir chaque porte et voir ce qui doit être tenu secret c’est que, rongée par l’esprit du doute, elle détruit l’amour qui cimentait le couple. Ce qu’elle provoque semble désormais irréparable. Judith est la femme du doute, du soupçon qui détruit ce qui existait. Voilà qui explique pourquoi le dernier tableau est un retour à la sombre et lugubre froideur du début. Ce qui devait rester secret doit demeurer dans le silence et l’obscurité, sous le sceau du respect, de la confiance, de l’amour. En voulant connaître, comme l’Eve primitive, Judith a mis en péril son couple : elle s’est mise elle-même en péril. Plus grave, la quête de Judith s’avère d’une atroce cruauté pour le duc : en acceptant de se dévoiler, il meurt à chaque fois que lui est révélé ce qu’il avait refoulé. Les trois épouses scellent le destin de l’homme : comme des heures décisives sur l’horloge de la vie : le matin, midi et soir. Judith sonnera l’heure de sa fin.

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Si le voyage promet des découvertes insoupçonnées à ceux qui les ont suscitées, leur fragilité profonde, plongeant à l’origine du doute, les aura foudroyés. Personne n’échappe finalement à ce qu’il provoque malgré lui. L’identité des êtres se forge à mesure du chemin parcouru, fut-il sans issue et sans retour. Vision sombre et fataliste, Le Château de Barbe-Bleue de Bartók / Balázs est profondément pessimiste en définitive. Le regard des auteurs y jette un éclat cynique sur les rapports de l’homme et de la femme. Comme sur tous les êtres pris individuellement : qui peut relever le défi de voir, sans duperie ni maquillage, chacun de ses actes passés ? Quoique l’on puisse penser de la signification de l’œuvre, la musique en traduit l’opérante complexité. C’est bien sa force indiscutable, marquant aussi le génie d’un compositeur de 27 ans qui y a développé un « volcan musical qui entre en éruption pendant soixante minutes de tragédie condensée », selon le témoignage de Kodaly. Une lave irrépressible qui plonge dans les profondeurs de la psyché. À l’auditeur d’en décrypter le sens.

ALEXANDRE PHAM, sur le site www.classiquenews.com Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique

Le château de Barbe-Bleue ou les portes de la transgression […] Formes de l’opéra C’est avant tout la glorification de la langue hongroise, de ses volutes, de son chant intime, de ses méandres. Ceci rend assez vain toute traduction de cet opéra dans une autre langue. « Bartók est enfermé dans le magyar (langue hongroise) aussi sûrement que Barbe-Bleue est enfermé dans son château qui est son moi intime. » (Paul Griffits). Il emploie pour cette langue ductile, agglutinante, une sorte de parlando rubato qui ne tient plus compte des barres de mesure. « Bartók a voulu affranchir la langue et rendre musicale l’inflexion naturelle de la voix » (Kodály). Opéra en un seul acte, concis, d’une durée d’à peine une heure, il a une forme en arc typique de l’écriture de Bartók, et l’on va de l’obscurité du début aux ténèbres de la fin, avec des éléments thématiques récurrents. Ainsi le thème du sang parcourt, comme bien sûr un fil rouge, toute la partition, et le nom de Barbe-Bleue, Kékszakállú, sans cesse proclamé, sert aussi de base thématique. De même les thèmes des larmes. De nombreux liens avec le Prince de Bois existent. L’œuvre jumelle du Château de Barbe-Bleue est bien Le Prince de bois écrit juste trois années plus tard et encore sur un livret de Béla Balázs. L’une permet d’avoir des reflets sur l’autre. Là aussi, un simple conte de fées devient une tragédie psychologique. Un prince amoureux d’une princesse froide et lointaine va jouer sur les apparences en habillant un morceau de bois de ses propres vêtements et de sa chevelure. Demandant à une bonne fée d’attribuer la vie à son double, il se retrouve piégé, car la princesse va tomber amoureuse de son mannequin. La misogynie latente de Bartók passe ici du sourire de la légende à la réalité du couple et de la vanité de la femme. Cette femme

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qui panique Bartók est aussi la projection de Judith questionneuse et inquisitrice, qui par sa curiosité fatale tue l’amour. Et la douleur est sous-jacente, car les vrais sentiments amoureux sont destinés à être bafoués, selon Bartók, par la femme sensible au superficiel et non à la profondeur d’âme. Judith et la Princesse portent en elles la méconnaissance du véritable amour […]. Pour exprimer cela, Bartók va créer une prosodie originale au plus proche de la diction populaire de la langue hongroise, avec ses accents particuliers, ses rythmes décalés, ses assonances. La métrique unique de cette langue enrobe chaque mot chanté, chaque note émise. Bartók utilise une écriture modale, souvent pentatonique, et ce qu’il intitule un « parlando rubato ». La phrase chantée est souvent courte et oscille entre mélodie et violence parfois, déclamatoire le plus souvent. On est entre le récitatif et le chant, et seul le dernier air de Barbe-Bleue évoquant ses femmes passées et présentes est un véritable air lyrique. Tout le reste n’est pas opératique, mais merveilleusement sinueux et évocateur. Un véritable dialogue amoureux sert de trame. Des cris d’amour sont dits par Barbe-Bleue : « Ta main soit bénie… Aime-moi, embrasse-moi, embrasse-moi… Tu m’apportes joie, lumière… ». Bartók se sert de couplets et non pas de longues phrases. Mais le plus extraordinaire est le génie orchestral de Bartók. Dès le début se met en place le socle musical qui sera repris textuellement à la fin. Puis chaque porte fera l’objet d’une nouvelle orchestration, fascinante et inventive, rutilante ou désespérée. Chaque scène a une couleur particulière, dominante. Chaque univers de Barbe-Bleue est peint comme une toile. Et cette recherche de couleur est la clé de cet opéra, rejoignant les recherches de Scriabine, de Schönberg, et plus tard de Messiaen. Du thème du sang à celui des larmes, c’est une palette inouïe comme un tapis de douleur que Bartók déroule. Bartók utilise des instruments peu usuels : xylophone, célesta, orgue, clarinettes dans l’extrême aigu, trompettes en saccade… Les clarinettes ont d’ailleurs un grand rôle dans toute l’œuvre. Les accords, appelés d’ailleurs « accords affectifs » par le musicien, sont faits d’agrégats rares, et culminent dans la cinquième porte. Bartók utilise un grand orchestre souvent avec des instruments par quatre (4 cors, 4 trompettes, 4 trombones, 4 flûtes, 4 bassons) mais aussi un large éventail d’instruments (2 hautbois, 3 clarinettes, un cor anglais, 2 harpes, un célesta, un tuba, un orgue, une percussion fournie, des cordes). Pour traiter ce conte d’autrefois, et le tragique de toujours, Bartók mêle une sorte d’innocence primitive et une très haute sophistication musicale. C’est l’orchestre qui donne à voir et commente, alors que les personnages subissent et tâtonnent. Bartók utilise le principe de répétition – les portes successives, le sang présent du premier accord au dernier, les larmes qui étaient sans doute cette humidité enrobant le château. Tout semble murmures, rappels lancinants, résignation à venir, et parfois éléments véhéments de révolte ou de puissance. La musique frissonne autant que ce monde frissonnant, elle crie et pleure aussi parfois.

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Le livret, la musique, et leurs abîmes Béla Balázs a intitulé son texte « un mystère » et il s’agit bien d’un conte symbolique avec une forêt de métaphores, écrit en couplets courts retrouvant les paroles des bardes anciens. Ce livret de Béla Balázs, est scrupuleusement suivi et habité par Béla Bartók. Une traduction, celle officielle de l’éditeur Universal mais pas très fidèle, est disponible sur le site de LivretPartition.com. La meilleure étant celle de l’Avant-Scène opéra de Nathalie et Charles Zaremba. Il est essentiel de le lire tant la fusion entre la musique et le texte est totale. Bartók suit syllabe par syllabe le texte, accompagne pas à pas la montée non pas vers la lumière, mais vers la catastrophe finale des deux êtres, en sept stations de douleur. « Le texte se fond totalement avec la musique tel un double arc-en-ciel grandiose » (Zoltan Kodaly). Les personnages y sont ainsi indiqués :

- Le Duc (en fait le Prince en hongrois) Barbe-Bleue, baryton. - Judith, sa femme, mezzo-soprano. - Le Récitant du prologue, rôle parlé. - Les trois précédentes femmes de Barbe-Bleue, rôles muets.

L'action se passe dans une salle du château de Barbe-Bleue, dans les temps légendaires. Balázs influencé par les dramatiques ballades populaires dira : « Je voulais dépeindre une âme moderne avec les couleurs primaires du chant populaire ». Ce que réalise parfaitement Bartók. Balázs utilise des vers courts de quatre pieds comme dans les contes populaires hongrois. Si certains thèmes du conte archaïque peuvent affleurer (la rumeur de l’ogre, la curiosité destructrice de la femme, la transgression des interdits, la violence conjugale, l’omniprésence du sang, la peur…), le texte de Balázs est autre. Barbe-Bleue devient le centre de l’opéra et sa fragilité en fait un homme et non un monstre. La femme n’est surtout pas soumise, la jalousie est plus importante que la curiosité, les portes sont multiples. La symbolique du chiffre 7 […] on peut signaler les 7 portes, les 7 demandes de Judith, les 7 refus de Barbe-Bleue, les 7 acceptations résignées du même, les 7 ouvertures de portes, les 7 paysages psychologiques découverts derrière ces portes. Une autre symbolique des nombres est en filigrane par l’utilisation presque cachée du nombre d’or. L’action ou plutôt la non-action, -c’est la musique qui fait l’action-, est totalement psychologique, et elle se déroule dans un seul lieu : la salle immense du château cernée par sept portes closes. On est dans un monde hors du monde, dans un territoire sans être humain, ruisselant de symboles et de métaphores. […] On vit un drame à trois, Barbe-Bleue, Judith et le château qui est l’enveloppe charnelle et spirituelle de Barbe-Bleue. Chaque porte franchie est un pas supplémentaire vers la néantisation de l’amour, un état d’âme autre, la marche inéluctable vers la seule compagne possible, la solitude. Barbe-Bleue et Judith se parlent mais jamais ensemble. Kodály parlait de « symphonie scénique ou de drame avec accompagnement symphonique ». Et il ajoute « Nous avons affaire à un chef-d’œuvre, un volcan musical en éruption pour soixante minutes de tragédie condensée qui nous laisse avec un seul et unique désir : le désir de l’écouter encore. »

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Judith, jeune épousée qui a fui sa famille, pour suivre, aimer et sauver Barbe Bleue de ses violences qui affleurent sans cesse, veut vaincre sa part d’ombre pour lui apporter la lumière. Malgré les rumeurs courant dans les villages elle se croit plus forte que la peur, investie par la force de son amour. Elle veut inonder le château et Barbe-Bleue de lumière, méconnaissant sa personnalité, ses secrets intimes, son âme repliée. Malgré les refus de Barbe-Bleue elle va vouloir ouvrir toutes les portes, et la dernière transgression lui sera fatale : elle va rejoindre dans le passé les autres femmes derrière la septième porte, ayant perdu et présent et avenir. La première parole prononcée, après la mise en garde du prologue, est « Nous sommes au but, me suis-tu Judith », la dernière sera « Désormais plus rien que l’ombre, l’ombre, l’ombre… ». La musique commence presque imperceptiblement sous le monologue parlé avec une sorte de grondement des cordes graves. Une mélodie immémoriale pentatonique semble sourdre du plus lointain de la mémoire. Le temps et l’espace sont abolis. Tout est sombre comme les motifs musicaux. Hautbois et clarinette mystérieuse plantent l’atmosphère pleine d’oiseaux de nuit avant l’entrée des voix. Les thèmes fondateurs (la nuit, le sang figuré par une intense dissonance et par le mot hongrois véres qui revient sans cesse accompagné par une seconde mineure, les larmes) sont déjà présents au travers de chromatismes inquiétants. L’entrée de Barbe-Bleue et de Judith se fait sur une montée orchestrale. Avant que l’entrée ne se referme dans un lourd bruit sourd de l’orchestre, Barbe-Bleue demande à Judith si elle accepte son destin. Des élans passionnés traversent l’orchestre sur l’union et l’acceptation de Judith. Dans l’obscurité encore présente, un dialogue commence qui déjà marque l’échec à venir, l’impasse inéluctable des sentiments. La porte d’entrée se referme comme une prison, le monde extérieur n’existe plus. « Pourquoi m’as-tu suivi Judith » demande inquiet Barbe-Bleue. « Parce que je t’aime » brandit Judith qui affirme apporter la lumière, - autre repère thématique de l’orchestre -, et pouvoir réchauffer les froides pierres, tarir les eaux humides. La peur du château hostile et sombre est traduite par le halètement de la musique. Un bref interlude avec une clarinette comme un oiseau de nuit amène à la visite du château et la découverte des portes sinistres. « Nul ne doit ouvrir ses portes » prévient sourdement Barbe-Bleue. « Donne-moi les clés, car je t’aime » et Barbe-Bleue est séduit, sans doute fier de montrer sa puissance et ses assises sociales figurées dans les trois premières portes. Ce sont les trois aspects de sa personnalité dominatrice et puissante, avec un mélange d’orgueil et de cruauté. La porte du jardin est son jardin secret, sa tendresse. La porte du domaine, la cinquième, sa puissance et sa violence, sa domination. La porte des larmes est sa fragilité et les blessures intimes. La dernière porte est sa mémoire, et tous ses amours passés qui l’ont tissé et fait ce qu’il est. Alors commence la tentative de Judith pour briser l’obscurité et l’humidité du château. Elle croit y parvenir en ouvrant les portes. 1ère porte, la salle de torture À l’ouverture de cette porte un immense soupir secoue tout le château. Une chambre rouge sang comme des blessures se dévoile. En fait c’est l’orchestre qui décrit la chambre car Judith est muette d’horreur. Xylophone et flûtes hallucinés, les bois crépitants et les trémolos de cordes tous dans l’aigu, parlent mieux que les yeux de Judith des instruments de torture : chaînes, verges, tenailles, roues, et des douleurs engendrées. Partout ruisselle le sang.

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Malgré les conseils de prudence de Barbe-Bleue (« Prends garde, prends bien garde pour toi, prends garde pour moi ... Aime-moi mais ne pose jamais de questions »), et malgré la peur naissante de Judith, celle-ci de plus en plus véhémente, réclame l’ouverture d’autres portes. Elle appelle comme un rituel magique la lumière qu’elle croit déjà voir poindre, alors que Barbe-Bleue ne voit que du sang. Barbe-Bleue cède encore. 2e porte, la salle d’armes Une lumière rouge jaunâtre s’étend par terre. Une trompette éclatante marque la salle d’armes de Barbe-Bleue. Ses guerres et sa violence sont là à jour et les fanfares militaires de l’orchestre en témoignent. « Ta puissance est implacable » découvre Judith. Le sang coule encore. Judith poursuit haletante sa mission de lumière qu’elle croit voir de plus en plus forte et exige l’ouverture de toutes les autres portes. Barbe-Bleue finit par croire à l’apparition de la lumière en lui et dans son château. Il lui donne les clefs de trois autres portes. La précipitation, puis l’hésitation de Judith sont traduites en musique. 3e porte, la salle des trésors Une lumière dorée émane des pierreries, des diamants, des rubis. La richesse de Barbe-Bleue est là étalée pour séduire Judith. Des arpèges de célesta, de longs accords de cuivres, des violons lyriques, donnent une couleur irréelle à la scène. On est dans la magie des sons. La fascination de Judith est montrée par une musique suave et lyrique, les volutes de deux violons solos qui deviennent des oiseaux, un célesta qui, lui, devient une cascade. Mais cette offrande de bijoux est également refusée par Judith qui ne voit que du sang. Barbe-Bleue la pousse vers une autre porte, blessé que son cadeau soit refusé. 4e porte, le jardin secret Une lumière vert bleuté provient des branches chargées de fleurs. L’orchestre est lui aussi en floraison : harpes en glissando, cor solo flottant sur un tapis moelleux de cordes souvent en trémolos. L’orchestre devient lumière et rosée. L’offrande des fleurs est aussi marquée par le refus de Judith qui voit du sang ruisseler partout. Et la musique se teinte aussi de sang par le leitmotiv donné par les cors. Fasciné par l’apparente lumière qui inonde son repaire, Barbe-Bleue l’a conduit devant la cinquième porte où elle se précipite. 5e porte, les vastes domaines de Barbe-Bleue C’est le plus haut point de la montée dans le château et aussi le point culminant de l’œuvre. Tout l’orchestre avec également un orgue célèbre la vastitude des possessions de Barbe-Bleue par une suite d’accords énormes qui montent et descendent, épais, terrifiants. Des fanfares de trompettes et de cors célèbrent la puissance du prince. Le cri de Judith est stupéfiant, inattendu, après cela elle reste muette et c’est Barbe-Bleue et l’orchestre qui décrivent les terres et les ruisseaux du royaume. Un immense choral est entonné par Barbe-Bleue. Mais Judith refuse également le royaume, car un nuage rouge saigne, alors que Barbe-Bleue ne voit que lumière. Judith exige l’ouverture des deux dernières portes restantes, alors que Barbe-Bleue parle d’un point de non-retour, où l’obscurité et les doutes vont ressurgir. Malgré la supplication de Barbe-Bleue, Judith ouvre la sixième porte. Un long gémissement retentit, comme pour la première porte. 6e porte, un lac de larmes C’est le plus haut sommet de l’orchestration de Bartók qui rend tangibles les flots étales et dormants de larmes et de désespoir. Fontaines de trémolos aux cordes, roulements sourds de timbales, arpèges des harpes et du célesta, coulées des clarinettes, font de cette scène un moment de magie orchestrale. La musique semble souffrir et se fige « comme un sang qui se fige ».

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Une longue lamentation vocale sur le mot « larmes », (Könnyek en hongrois) revient plusieurs fois dans la réponse de Barbe-Bleue. À partir de cette immobilité en musique et en couleur grise, tout va redescendre, de la lumière vers les ténèbres. Un interlude se met en place avec Judith qui refuse les bras de Barbe-Bleue reste immobile et étrangère, puis triste. Barbe-Bleue affirme qu’à jamais la dernière porte restera fermée. Alors se met en place une mécanique de la destruction et de la jalousie. L’orchestre va accélérer peu à peu devant les accusations de Judith, comme pour une course à l’abîme. La jalousie et le sang se mettent en furie. Pour elle, ces larmes et le sang proviennent de la souffrance et de la mort des précédentes femmes de Barbe-Bleue. L’accusation de meurtre est terrible. Mais autant que le meurtre de leur amour, il s’agit aussi du meurtre de Barbe-Bleue qui va se dissoudre dans la nuit. La musique s’emballe, presque comme dans Elektra de Strauss. Devant sa condamnation et le triomphe du vieux mythe de l’ogre, Barbe-Bleue sait que tout est perdu. Il tend la dernière clé, se préparant à l’anéantissement final. La cinquième et la sixième porte se referment. 7e porte, la chambre des épouses La mémoire de Barbe-Bleue a été violentée et trahie, elle va engloutir Judith. Désormais une intense cérémonie de l’adieu se met en place. Là sont toutes les trois épouses de Barbe-Bleue, vivantes : « Élnek, élnek, itten élnek : Vivantes, vivantes, toutes vivantes ! », mais dans la mémoire et le passé. Elles émergent silencieuses et belles. Judith comprend son erreur trop tard. Un long rayon argenté de clair de lune est la seule lumière restante. L’orchestre commence alors un long chant funèbre, les clarinettes pleurent. Survient alors le seul passage d’opéra de toute l’œuvre : un long arioso de Barbe-Bleue chantant les louanges de ses autres femmes et de Judith, parée comme une reine, « De toutes tu as été la plus belle ». Ces femmes qui ont fait ses aubes, ses midis, ses soirs et maintenant Judith qui fait sa nuit. Mais elles n’auront pas donné toute leur confiance et toute leur lumière. Cet air magnifique est une déclamation entrecoupée par les supplications de Judith qui finit par suivre les autres femmes et tout se referme. C’est le seul moment dans l’opéra où les deux voix, celle de Barbe-Bleue et celle de Judith, chantent ensemble, se mêlent, pour mieux se séparer. Ce seul instant de fusion dans la rupture semble un message amer de Bartók. Judith est condamnée à les suivre dans le néant du passé. Le manteau et la couronne bien trop lourds pour Judith l’entraînent dans les terres du néant. Après une grande explosion de désespoir de l’orchestre, la musique du début revient mystérieuse, la forme en arche est close. Barbe-Bleue s’en retourne, seul à jamais, dans son château froid à jamais : « Désormais plus rien que l’ombre, l’ombre, l’ombre. » Tout ce sang omniprésent semble en fait peu à peu couler de lui, par une blessure que la défiance de Judith lui a infligée. Tout s’éteint, la musique aussi.

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Les problématiques de cet opéra Y a-t-il une porte qu’il ne faille jamais ouvrir ? Le prologue n’est jamais qu’une mise en garde pour nous dire que ce très ancien conte n’est que le miroir de nos tourments personnels, de nos crises internes. Son élève et ami Georges Sebastian analyse ainsi le Château de Barbe-Bleue : « Tout ici n’est que symbolique. La château lui-même qui symbolise la vie humaine, et ses portes derrière lesquelles se cachent les éléments de cette vie : la torture que nous subissons sans cesse, les armes que nous sommes obligés de prendre pour nous défendre ; les richesses que nous envions sans cesse ; le jardin florissant, seule note heureuse de notre existence ; l’ambition de la possession qui nous tenaille continuellement ; les larmes que nous versons ; enfin le mystère de tous les mystères : les femmes du passé, que nous aimons toujours et qui ne meurent jamais. Mais au milieu de tout cela, l’homme vit solitaire dans l’ombre... » (Cité par Pierrette Marie). Nous sommes loin du mythe du tueur de femmes, mais proche de celui de la curiosité qui anéantit tout (mythe de Psyché), du fol espoir après les échecs précédents (les trois premières épouses). Les thématiques de Sigmund Freud étaient connues, mais le choc du conflit homme-femme était peu courant à l’opéra à l’époque et choqua. La première n’eut lieu à Budapest qu’en 1918. Cette lutte de l’ombre, des murs humides du château qui suinte de larmes et du soleil que veut imposer Judith est la tragédie de la confiance, du passé déterré. Les portes closes que Barbe-Bleue doit ouvrir séance tenante parce que Judith assène le mot de passe : « je t’aime ». L'amour de Judith est celui de l’espoir impossible et du retour des ténèbres. Voulant ouvrir le cachot obscur de la demeure de Barbe-Bleue, Judith ne peut se suffire de l’amour, elle veut la clarté cruelle, la vérité qui anéantit. Mélange de pulsion presque hystérique, de jalousie maladie, et aussi de tendresse passionnée, sa quête va l’amener à se perdre dans le labyrinthe du château et à être avalée vivante dans ces portes et ces dédales. Elle a aimé, elle n’a pas fait confiance. Elle était venue pour sauver, elle contribue encore plus à la perte. Le drame du château de Barbe-Bleue est un drame à trois personnages : Barbe-Bleue, Judith, mais surtout le château lui-même personnage vivant entre larmes et sang, et dont les seules ouvertures sont des portes donnant sur la psychologie intime et le passé de Barbe-Bleue. C’est lui qui absorbe les deux autres personnages dans ses labyrinthes. Une spirale de la destruction et de la violence est mise en œuvre par Judith qui au nom de son amour va tuer l’amour et l’être aimé en le mettant à nu. Dans ce monde frissonnant et ruisselant, elle met en mouvement la catastrophe finale. Quand elle réalise ce qu’elle a déclenché, il est trop tard et résignée, elle ira rejoindre les trois autres femmes, vivantes mais exilées dans la mémoire et piégées dans le passé. L’épouse du matin avec une couronne d'argent, puis l’épouse du plein midi en or, l’épouse du soir dans son riche manteau brun. Judith découvre qu’elles sont vivantes et elle devient l’épouse de la nuit dans son manteau étoilé. Elle a à jamais quitté le présent qu’elle n’a pas su vivre. Du noir aux ténèbres qui vont engloutir les amants, il n’y a d’autre issue que la solitude absolue. Bartók pense que la confiance importe plus que l’amour. La boîte de Pandore ouverte ne conduit qu’à une descente aux enfers de la passion. Taraudée par son amour aveugle, sa curiosité, son manque de confiance, sa jalousie, la femme engloutit l’amour. C’est ainsi que Bartók et Balázs, dans un pessimisme misogyne, voient la mort inéluctable de tous les couples. Le « puisque je t’aime » ne sert à rien pour vivre à deux. Barbe-Bleue a cru un moment que sa quatrième tentative pour trouver l’âme-sœur, la femme amie, serait la bonne. C’était pour lui l’évasion possible de la prison de son château, du mur de son moi. Il a échoué déjà trois fois et donc il est prêt à beaucoup de compromis, d’abdication de sa puissance masculine pour

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changer enfin l’issue de l’histoire. Et en même temps il sait que cela sera pareil. Il lutte et se résigne. Plus jamais il n’essaiera et il va s’enfermer à jamais en lui-même. […] Le Château de Barbe-Bleue est à la fois l’œuvre d’un homme jeune, mais déjà la proclamation pessimiste de quelqu’un qui ne croit plus en l’amour entre homme et femme. […] Sources Nathalie Ruget, Le Château de Barbe-Bleue conférence à l’université de Lyon 3. Serge Moreux, Béla Bartók, Richard-Masse, 1955 Pierre Citron, Bartók, « Solfèges », Le Seuil 1963 Avant-scène Opéra numéros 149/150, de novembre/décembre 1992, avec l’étude lumineuse de Stéphane Goldet. Pierrette Marie, Bartók, Classiques Hachette de la Musique, 1970.

Gil Pressnitzer http://www.espritsnomades.com/siteclassique/bartokchateau/bartokchateau2.html

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Le Château du prince Barbe-Bleue, le dehors et le dedans des êtres

Pourquoi un Prologue ? Le texte du prologue est la partie la plus étrange du livret. Il semble par ses mystères prennent source dans les traditions chamaniques orales de la Hongrie archaïque. On dirait des formules magiques et des mises en garde sacrées au-delà des apparences.

Mais où, mais où, dois-je cacher mon chant ? Ah mon chant je le cache au fond de moi ?

Cela fut, cela ne fut pas : dehors ou bien dedans ? Vieille légende, mais que signifie-t-elle

Messieurs, Mesdames ?

Maintenant écoutez le chant. Vous le regardez, je vous regarde.

Le rideau des cils de nos yeux s’entrouvre : Où est la scène : dehors ou bien dedans ?

Messieurs, Mesdames ?

Amertume et bonheur. Histoires connues depuis si longtemps, Le monde dehors est empli d’ennemis

mais nous ne mourons pas par eux, Messieurs, Mesdames ?

Nous nous regardons l’un l’autre, regardons

et chantons notre chant. Qui sait d’où il nous vient ?

Nous l’écoutons, étonnés devant lui Messieurs, Mesdames ?

(Le rideau se lève)

La musique retentit, la flamme brûle,

le spectacle peut commencer. Le rideau des cils de mes yeux s’entrouvre.

Applaudissez quand il retombera, Messieurs, Mesdames.

Si vieux est le château, si vieille est la légende,

qui parle de cela, et vous l’écoutez maintenant (Adaptation personnelle)

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Rares sont les enregistrements de cet opéra qui commencent par le prologue voulu par Bartók et récité sans musique. Son rôle est pourtant primordial pour la compréhension de l’histoire qui va suivre. L’impact sur la psychologie des personnages y est explicité. Ce discours préétablit une relation « analytique » entre l’histoire et le public. Il charge le spectateur d’une tâche en lui proposant un contrat unilatéral dont le respect et la validation reviennent seul, à celui-ci. Ainsi installé dans une situation psychanalytique, le public se trouve impliqué dans des questionnements énigmatiques qu’il est invité à analyser. Le texte de Béla Balázs est constitué d’un dialogue entre une femme et un homme qui se déroule dans un château correspondant à l’univers intime de celui-ci. Ce dialogue est précédé d’un prologue – attribut théâtral - trace du folklore, qui selon la tradition populaire de l’oralité est énoncé par un conteur, un barde. Contrairement aux deux moralités conclusives qui suivent La Barbe bleue de Perrault, le prologue - plus que de situer les personnages et la situation comme en général dans le théâtre -, ici, sert de « mode d’emploi ». De façon très explicite, il oriente l’écoute et l’attitude attendue de la part du public auquel il s’adresse et auquel il adresse des questions concrètes portant sur le message de l’œuvre. « Vieux conte, qu’est-ce qu’il conte, Mesdames, Messieurs ? » Il invite le public à jouer à réfléchir sur une énigme, à observer ce qui se passe et à s’observer en train d’observer « Vous regardez, je vous regarde », il le fait entrer dans une situation inter active. « Où est la scène : dehors, dedans ». En somme, le conteur projette l’histoire du couple symbolique, annonce le mystère et appelle les spectateurs à se mettre dans une posture analytique. Symbolique des personnages

Avant même leur apparition, les deux personnages de l’opéra, Judith, Barbe-bleue, d’après leur nom, sont déjà chargés de l’histoire de leur homonyme. Quel est leur héritage dans la conscience populaire et universelle ?

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Judith, veuve pieuse de l’Ancien Testament, recourt à ses charmes et à la ruse pour s’introduire dans le camp de l’ennemi assyrien qui assiège sa ville. Elle séduit Holopherne et le moment venu, elle lui tranche la tête et sauve sa ville. Judith, celle de Balázs, trompe, séduit et risque sa vie pour obtenir son but. Elle a confiance en elle face à l’homme emporté par ses passions. Tandis que la Judith biblique est motivée par des sentiments patriotiques et religieux, agit pour le bien de son peuple, cette Judith est animée par un désir individuel qu’elle semble avoir hérité d’Ève : le désir de savoir. Cet héritage a déjà frappé la femme de Loth qui n’a pas su résister à sa curiosité de voir et en retournant vers la ville de Sodome, s’est trouvée transformée en colonne de sel. Judith est guidée par ce désir de savoir par le voir. Fabienne Raphoz développe l’importance de ce désir et parle de la « gradation de voir » : Ève en mangeant la pomme de l’arbre de la connaissance a voulu voir pour la première fois, c’est-à-dire constater la différence, donc, connaître l’autre et reconnaître en soi le désir, atteindre ensemble l’immortalité. En suivant son intuition, au nom d’un partage illusoire, elle a pris le risque de tout perdre : elle a perdu le Paradis avec Dieu et en voyant l’autre, Adam, elle s’est séparée de lui. Ils ont dès lors formé deux individus distincts. La Judith « guerrière » de Balázs qui quitte sa famille rassurante et aisée, ainsi que son avenir assuré auprès d’un jeune fiancé riche, comparée à celle de Perrault, jeune et pauvre, sacrifiée au nom de l’espoir d’une vie meilleure, à première vue, elle paraît foncièrement différente. Pourtant, leurs ressemblances « génétiques » en parenté avec Ève et les autres curieuses du genre féminin se confirment au niveau des valeurs profondes manifestées par la séduction, la manipulation, la prise de risque, le désir de savoir et le désir de partager le savoir par le voir. Toute sa raison d’être et de faire semble s’exprimer de façon insistante et répétitive dans l’affirmation « Je suis venue parce que je t’aime » et dans l’impératif conjoint « Alors, ouvre toutes les autres portes ! ». Elle veut faire croire, persuader, Barbe-bleue de son amour qu'elle veut échanger contre le pouvoir de voir son secret. L’héritage de Barbe-bleue légué par ses homonymes légendaires est bien lourd mais ici son personnage apparaît dans une autre optique aussi. Cette nouvelle dimension se met en évidence dès qu’elle est confrontée au personnage de Perrault. Tous deux sont motivés par un désir charnel et interdit « Frais et doux quand des plaies, le sang s’écoule. » Cependant, ils paraissent vivre ce désir non assouvi de façons assez différentes. En épousant une femme, les Barbes-bleues cherchent le plaisir et aussi le bonheur qu’ils n’arrivent pas à stabiliser. Dans le passé ils ont su satisfaire une part de cela, la part violente de ce désir mais cette satisfaction n’a pu être chaque fois que partielle et momentanée : « une violence non assouvie cherche une victime de rechange ». La frustration de notre Barbe-bleue se complique par la culpabilité issue de la satisfaction de cette pulsion interdite, meurtrière. Tandis que chez Perrault, il a l’air de l’assumer sans remords. L’opposition essentielle entre les deux Barbes-Bleues consiste dans le sentiment de culpabilité qui rend le personnage de Balázs sombrement pensif et tourmenté. Déchiré entre ses faiblesses et ses désirs antagonistes, il paraît se laisser faire, se soumettre à la volonté de Judith, tout en répétant « Attention, attention à mon château. Fais attention à nous, attention, Judith ! » Il ne cache point ses doutes et ses inquiétudes qui peuvent également être entendus comme une menace. Il est la proie de son conflit interne entre devoir faire (respecter l’interdit) et vouloir faire (satisfaire son désir) qui seront ressentis comme les modalités opposées nourrissant sa culpabilité : il sait qu’il ne doit pas succomber à son désir et il sait qu’il n’arrive pas à résister. Son déchirement s’aggrave de ses doutes d’être capable de satisfaire son désir de façon durable. Du moins, il voudrait y croire, d'où son adhésion inquiète et fragile à la construction bonheur illusoire. Une autre opposition qui s’impose dès le départ, du fait que le Barbe-Bleue hongrois n’est point séduisant, ni riche et son château « ne brille pas comme celui de ton père ». Des bruits sourds et inquiétants alourdissent l’atmosphère pesant de l’interdit exprimé par les portes fermées. Cet état « normal » du château désigne les limites et les tabous qui réveillent le désir de savoir chez Judith.

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Ce Barbe-Bleue questionne les actes de Judith : « pourquoi m’as-tu épousé, as-tu peur, pourquoi tu insistes », etc. Il est dans le présent, ne scrute ni le passé ni le futur, plutôt il cherche à les fuir. Il voudrait être aimé, éviter le mal, arrêter le temps dans le bonheur illusoire du présent. Mais la communication verbale entre eux est impossible, ils n’entendent pas les questions de l'autre. La seule forme d'échange entre eux passe par la transmission et la transformation d'objets figuratifs et abstraits. Les clés du château se transmettent et seraient censées se transformer en clé de l’amour et du secret. Le prince porté par une sorte d’inertie, se laisse faire, se résigne et finalement passe à l’acte. L’évolution de Judith paraît tout aussi spectaculaire par rapport à la modulation de son expression : au départ timide, elle prend de l’assurance, domine et ayant dépassé la limite, elle rechute brutalement. Tombée dans l'intrigue du bruit et dans le piège de sa curiosité, face à l'interdiction, elle n’hésite pas à […] ouvrir toutes les portes. Comme unique raison de son insistance, elle répète « parce que je t’aime », comme si cela était une raison ou une excuse. Elle mise tout sur la force de sa séduction et ne se rend pas compte du risque qu’elle court. Elle n’entend pas les questions de Barbe bleue, elle ne l’écoute pas. Plus que l’accomplissement de l’amour, elle se lance le défi de changer le château et elle veut tout savoir à tout prix « Pour ma vie, pour ma mort ». Symbolique de l'espace Le château du prince Barbe-bleue, le titre même attire l’attention plus sur le château que sur son propriétaire, et cela dès la première phrase de l’opéra : « Nous y sommes. Regarde-le donc : C’est le château du prince Barbe-bleue. » C’est ce lieu, l’univers du prince qui sera l’enjeu et qui sera en jeu tout au long de l’œuvre. Il y garde son passé, ses désirs, ses peurs, ses rêves […]. Derrière chacune des sept portes fermées (Le chiffre 7 chargé de multiples significations symboliques et magiques, se retrouve souvent dans les contes populaires hongrois), un aspect de la personnalité cachée du prince qui se révèle : salle de torture – violence, salle d’armes – force, salle de trésor – richesse, jardin secret – beauté, royaume – pouvoir, lac de larmes – tristesse, les anciennes femmes – amour et passé. Au fur et à mesure qu’il ouvre ses portes, Barbe-bleue se transforme aussi : il se détend et s'illumine. Le château est situé dans une sorte de roche creusée en profondeur et le couple procède à une véritable ascension dans l’espace aussi : « Elle est encore grande ouverte, la porte en haut. » Sa situation l’oppose à l’univers terrestre à l’air libre où les hommes vivent et d’où Judith vient. Au niveau de la verticalité, l’opposition haut vs bas symbolise les bas-fonds, l’enfer, etc. Des concepts négatifs, dysphoriques contre la tête haute, les anges, etc. chargés de valeurs positives, euphoriques. Le bas évoque également la profondeur de l’âme de Barbe-bleue, tueur, noir et froid au premier abord. Creusé dans un rocher, il ressemble également à une prison dans laquelle il s’enferme avec son secret monstrueux. Son château, son âme, sa prison dans lesquels il semble tourner en rond. À en croire sa déclaration, les femmes venues du haut avaient embelli son univers clos par leur présence, leur amour mais il n’a jamais été capable de garder ces amours. « Tous mes trésors, elles les ont récoltés, mes fleurs, elles les ont arrosées, mon royaume, elles l’ont développé. Tout est à elles, tout, tout. » En référence à la psychologie, l’âme-château est un lieu de tourment, de détention, de résistance et de lutte intérieure du conscient et de l’inconscient du prince. Il veut « que personne n’y porte aucun regard », l'accès à ses secrets est interdit et si en cédant à la séduction il change d'humeur, il n’arrive pas à conserver le bonheur ni à résister à la séduction insistante de sa femme. Ils vont trop loin, elle en voit trop et lui, il succombe à ses pulsions meurtrières. […] le château redevient sombre et noir comme le prince qui se renferme définitivement.

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Ce lieu symbolique qui pleure, soupire, saigne et tremble, exprime justement les émotions que Barbe bleue enfouit en se montrant froid, dur et sombre. Il représente l’allégorie de l’âme du prince. Ce château est également le lieu d’une confrontation, celle de l’homme et de la femme, de leurs désirs et de leurs pulsions qui les opposent, et les réunissent. Ils évoluent ensemble vers leur destin. Le désir de savoir de Judith la pousse vers la mort, le désir charnel de Barbe-bleu hésite puis bascule également vers le sang. […] Finalement, le couple est arrivé au lieu de l’interdit, le cercle se referme sur le constat du déjà là, en retrouvant son équilibre sordide : noir et froid. La version de Perrault n’approfondit pas de cette façon la fonction du château. Au contraire, celui-ci fait partie des attributs attirants de La Barbe bleue qu’il exhibe volontiers comme une sorte d’appât. La complexité du château comme celle de la personnalité cachée de La Barbe-bleue, se réduit à une seule pièce interdite dont le seul emplacement « au fond du couloir » permet l’inférence au fond de « l’âme ». Remarquons encore que le couloir se réfère à l'horizontalité, dimension commune aux humains, favorisant le déplacement linéaire, voire la position allongée, contrairement à la verticalité citée plus haut qui inclut obligatoirement la chute suivant chaque projection, voire interprète la sexualité défaillante de Barbe-bleue. Symbolique du temps et temps symbolique Le prince Barbe-bleue, en échouant dans ses relations amoureuses, se répète. Comme pris dans un cercle vicieux, il recherche chaque fois une nouvelle femme pour assouvir son désir et se réaliser. Il se préoccupe du présent, focalisé sur un moment de bonheur éphémère qu’il n’arrive pas à retenir. « Judith, aimez-moi, ne pose pas de questions, j’attends ton baiser ». À sa démarche répétitive s’oppose la quête de Judith qui cherche à savoir ce qui s’est passé « avant moi qui aimais-tu ? ». En se penchant sur les souvenirs, elle a l’air de se décrocher du présent et n’entre pas réellement en communication avec le prince. La quête renouvelée et désespérée de Barbe-bleue, le contraint à une sorte de passivité, il semble sombrement paralysé devant l’impatience agitée de Judith qui fonce tête baissée vers son but. Le présent et le passé, les évolutions temporelles des personnages s’opposent et cette opposition se manifeste également de manière sensorielle, sonore et visuelle, sans parler de la musique, dans la mise en scène de l’opéra. L’univers de Barbe-bleue, au départ est sombre et noyé dans un silence grave. L’ascension de Judith à laquelle le prince adhère - ouverture des portes 3-4-5 -, est accompagnée des effets lumineux de plus en plus forts. Leur futur commun tend vers la lumière et les sonorités se diversifient. Après avoir atteint le sommet avec l’ouverture de la cinquième porte, Judith poursuit sa quête en dépassant les limites de sa promesse. Selon celle-ci, elle voulait juste changer l'humeur du château mais son insistance l’a fait basculer dans une chute qui entraînera le retour de l’univers noir et silencieux. À partir de ce moment-là, le futur se range dans le cycle infernal de Barbe-Bleue et finit par redevenir noir à jamais. Le temps semble arrêté. À un autre niveau symbolique, les femmes du prince sont chacune l’allégorie du temps : l’aube, midi, le crépuscule, la nuit et ensemble, elles symbolisent le cycle du temps. Pour que ce cycle soit complet, il a fallu Judith, personnifiant le quatrième quart, la nuit. Tout comme les abîmes symboliques du chiffre 7, les significations de la nuit plongent dans les contes populaires et aussi de la psychanalyse.

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Ce n'est peut-être pas un hasard que cette période de la journée soit noire, mystérieuse, secrète et aussi, se prête davantage à l'amour. D’autre part, ces trois femmes ne vivent plus que dans le passé de Barbe-bleue où elles sont enfermées. Le temps s’est encore arrêté car Barbe-bleue, sans avoir pu « enterrer » ses épouses, les maintient vivantes dans ses souvenirs fantasmés. Il vit avec elles dans le passé. La vie après la mort de ces femmes semble dominer l'existence du prince, comme un mort vivant. La complexité d’une œuvre comme l’opéra se compose de la superposition de plusieurs moyens d’expression : la musique, le chant avec le timbre et l’inflexion des voix, la mise en scène englobant le jeu des chanteurs et la réalisation scénique, le texte et son interprétation et enfin l’articulation de chacun de ses éléments entre eux. L’analyse se donnant l’ambition de « déterminer les formes multiples de la présence de sens et les modes de son existence, les interpréter, décrire les parcours de transpositions et de transformations de contenus. » reste concentré le texte. À ce point, il est important de noter que le compositeur a souhaité la prédominance de la parole dans la dimension sonore du chant. En effet, la musique se soumet également au texte qui reste parfaitement audible et compréhensible tout au long de l’opéra et cela aussi bien de la part du baryton que de celle de la mezzo-soprano. Barbe-Bleue maîtrise sa voix, son chant pentatonique – rappelant la musique populaire -, semble mélancolique et totalement démuni d’agressivité, tandis que Judith, ballottée entre ses émotions, crie, hurle, pleure, s’approche davantage du langage naturel, récitatif et modulé. Sources : NYEKI Lajos, Des sabbataires à Barbe Bleue, divers aspects de la littérature hongroise, coll. L’Asiathèque, éditions Langues & Mondes, INALCO, Paris, 1997. GECSE Gusztav, Bibliai torténetek, (Histoires légendaires de la Bible), éditions Kossuth, Budapest, 1981, p.174. RAPHOZ Fabienne, Les femmes de Barbe Bleue, une histoire de curieuses, éditions Métropolis, Genève, 1995. p.23. COURTÉS Joseph, Sémiotique narrative et discursive, Hachette Livre, Paris, 1993 Bibliographie Livres : Citron, Pierre, Bartók, Paris : Editions du Seuil, 1963 Bartók, Béla, Ecrits, Genève : Contrechamps Editions, 2006 Szabolcsi, Bence, Bartók, sa vie et son œuvre, Budapest : Corvina, 1968 Boukobza, Jean-François, Bartók et le folklore imaginaire, Paris : Cité de la musique, 2005

Margit Molnar Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique

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Le Château de Barbe-Bleue, maquette des décors

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Quelques photographies du spectacle donné la saison dernière

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A la découverte d’autres œuvres scéniques de Bartók : Le Prince de bois, ballet op.13 (1914-1916) Le Mandarin merveilleux, ballet-pantomime op.19 (1918-1919)   

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WESENDONCK-LIEDER « La puissance expressive du langage musical demande un complément qu’elle trouvera dans le pouvoir de caractériser avec netteté tout ce qu’un sentiment ou une émotion peut contenir de personnel et de particulier. Et ce pouvoir, elle ne peut l’acquérir qu’en s’alliant au langage parlé. » (Richard Wagner) Dans sa conception du chef d’œuvre d’art total, Gesamtkunstwerk, Wagner veut et réalise la communion effective de tous les arts, une harmonie totale. Une seule condition, pour que cela soit réalisable, un seul créateur, lui-même, poète, compositeur, metteur en scène, décorateur, costumier, réglant les jeux de lumière, architecte du Théâtre de Bayreuth, le Festspielhaus. Une seule exception : les Wesendoncklieder qui subliment l’une des plus belles histoires d’amour du romantisme. Exilé en Suisse, Richard Wagner rencontre Mathilde Wesendonck en 1851 chez des amis communs. Elle devient dès 1852 sa « page blanche » : « Il m’a dit que j’étais pareille à une page blanche et que c’était lui qui allait la remplir. » Par amour, il met en musique cinq des poèmes écrits par Mathilde. Visiteur du crépuscule, tel qu’il s’auto-désigne lors de son séjour à l’Asyl, il rejoint le soir la jeune femme pour lui jouer ses compositions de la journée, visites passionnées, marquées du sceau de l’impossibilité. Le 20 juin 1853, Wagner compose une Sonate pour piano qu’il lui dédie et, suprême déclaration d’amour, en 1857, il lui apporte le poème achevé de Tristan et Yseult.

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SCHERMZEN/DOULEURS Soleil, tes pleurs chaque soir Rougissent tes beaux yeux Lorsque, te baignant dans le miroir de la mer Tu es rejoint trop tôt par la mort ; Mais tu te relèves en toute majesté, Gloire de ce monde obscur A nouveau éveillé dans le matin, Comme un héros fier et conquérant ! Hélas ! Comment pourrais-je me plaindre pour renaître ? Pourquoi mon cœur devrait-il être si triste Si le soleil lui-même doit perdre courage, Si le soleil lui-même doit se coucher ? Et si seule la mort engendre la vie, Et si seules les peines donnent du bonheur, Oh !combien je remercie la nature De m’avoir donné ces peines. Tonalité initiale : Do mineur. Tonalité finale : Do majeur Hymne au soleil, gloire du jour qui doit mourir pour renaître. Wagner organise les quatre quatrains du poème en deux couplets semblables mais non identiques, AB/A’C, chaque section remodelée en fonction des images du texte. Une courte intervention symphonique encadre chaque quatrain. Mort et renaissance du soleil sont surlignés d’un motif de gamme descendante et ascendante, motifs récurrents de la composition, nouvelle interprétation de la fonction « refrain ». Le lied s’ouvre sur la dissonance absolue, ré-mi bémol, appoggiature supérieure de la tonique, cri de la douleur existentielle, la même que l’on entend comme motif du jour au début de l’acte II de Tristan et Yseult. Brûlure du jour, hostile à l’amour interdit ? On sait que Wagner menait la composition de plusieurs opéras, plusieurs chantiers en même temps. Il n’est pas étonnant d’entendre le profil naissant de deux motifs de La Tétralogie : celui de Sigmund à la fin du premier couplet, et celui de l’épée de Siegfried (dont le nom, Nothung veut dire détresse) dans un do majeur éblouissant, soleil au zénith, donné dans l’éclat des trompettes dans l’Anneau du Niebelung. Siegfried était alors en cours de composition, puis abandonné pour laisser la priorité à Tristan et Yseult.

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TRÄUME / RÊVES Sous-titré par Wagner : Etude pour Tristan. Ecrit dans un premier temps pour chant et piano, il occupe la deuxième place dans l’ordre de composition mais la dernière dans l’ordre d’exécution. Des cinq lieder, il est le seul orchestré par Wagner lui-même. Constitué de cinq strophes, la première et la dernière remplissent le rôle d’introduction et de conclusion. Les trois strophes centrales évoquent le merveilleux qui embrase l’âme dans une nature idyllique, mais qui finit par disparaître dans le tombeau.

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Dis-moi quels rêves merveilleux Tiennent mon esprit prisonnier, Qu’il n’ait pas, telles des bulles vides, Disparu dans un sombre néant ? Des rêves qui, à chaque heure, Et chaque jour fleurissent plus beaux Et, avec leurs récits célestes, Se promènent, bienheureux dans mon âme ? Des rêves, qui tels des rayons sublimes Plongent dans l’âme, Pour y peindre un tableau qui ne s’efface pas Oublis, souvenirs ! Rêves, comme le soleil printanier Dans la neige embrasse les boutons, Afin que, dans un bonheur insoupçonné Le jour nouveau les salue Pour qu’ils se développent et fleurissent, Et en rêvant répandent leur parfum Puis doucement s’éteignent contre ton sein, Et disparaissent dans le tombeau. Orchestre 2 clarinettes 2 bassons 2 cors Cordes avec sourdine sans contrebasse. La bémol majeur, la tonalité du duo d’amour de Tristan. Mesure 3/4. Le climat est donné par 16 mesures d’introduction instrumentale, sur des battues régulières de croches qui déploient une harmonie mouvante, instable, d’un chromatisme exacerbé sur une pédale de tonique, la bémol. Elle s’immobilise, suspendue, en apesanteur, sur des accords de 9éme de dominante sur tonique, à la recherche d’un retour éternel de l’instant : Traüme / Rêves. Le lied se déroule sans retour ni reprise, en durch componiert, en composition continue, sans rupture, par étape, progressant de la sérénité initiale vers une exaltation de plus en plus intense, progression, accélération du tempo vers l’aigu, valeurs diminuées, rythme pointé, à chaque retour du mot Träume atteint son climax sur le dernier Träume (fa) puis sur le mot Wonne / volupté (sol bémol) pour renouer avec la sérénité initiale : l’espace mélodique ou ambitus se restreint, le tempo s’élargit. Une dernière ondulation chromatique amène le retour de l’introduction, devenant maintenant postlude. Silence. Les croches régulières des cordes, les notes longues des vents (mesures 5-6) enveloppent la voix dans une tendresse harmonique et timbale dans laquelle tous ses mélismes et courbes se font clairement entendre

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dans une complicité suggérée déjà par les allitérations présentes à l’intérieur du texte de Mathilde Wesendonck : entre Duft et Brust (5ème strophe) par exemple, allitérations chères au Wagner-poète. La langue allemande se prête particulièrement à cette recherche de symbiose totale entre texte et musique de par la sonorité même de ses phonèmes, de par son rythme. Franz Schubert, Robert Schumann s’étaient déjà engagés dans cette recherche. L’exaltation de cette passion aussi violente que passagère entre Wagner et Mathilde Wesendonck a certainement contribué à la création de Tristan et Yseult ainsi qu’à celle des Wesendoncklieder. Œuvres achevées, passion terminée ! Selon Marcel Schneider il n’est pas interdit de penser que Wagner a excité en lui, par volonté, par artifice, la ferveur de l’amant pour soutenir le travail créateur du musicien. (Wagner, 1960). Pour Wagner, au cours de cette période de sa vie, la plus durable de ses passions est celle du chromatisme !

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Biographies des artistes Pavel Baleff Pavel Baleff est né en Bulgarie et étudie à l’Académie de Musique de Sofia. Il est nommé « Meilleur jeune espoir » en 1993 de la Radio Bulgare, ensuite il devient Directeur Musical du Kammeroper de Dresde. Depuis la saison 2006-2007, il est chef d’orchestre de la Philharmonie Baden-Baden. Il remporte le 1er prix du concours international, Carl Maria von Weber de Munich, ainsi que le 1er prix de la « Fondation Herbert von Karajan ». En 2003, il reçoit le prestigieux prix pour jeunes chefs d’orchestre de Bad Homburg, Allemagne. Le répertoire d’opéra de Pavel Baleff comprend des œuvres de Händel, Strauss, Wagner et du Belcanto. Il dirige ainsi Lucia di Lammermoor, Norma, Eugène Onéguine, Turandot, Boris Godunov, Die Meistersinger, Die Walküre, Der Rosenkavalier, Elektra... Il travaille avec les artistes lyriques tels qu’Edita Gruberova, Ramon Vargas, Krassimira Stoyanova, Anna Netrebko. Il remporte un grand succès en dirigeant Rheingold, Walküre et Siegfried à l’Opéra National de Sofia entre 2010 et 2012. Suite au succès de Rheingold, Pavel Baleff a été nommé chef d’orchestre de l’année 2010 en Bulgarie. Au Semperoper de Dresde, il dirige Der Fliegender Holländer, Die Zauberflöte et Rigoletto et au Festival d’Avenches en 2010 Lucia di Lammermoor. Il dirige des orchestres tels que la Staatskapelle de Dresde, Gewandhausorchester de Leipzig, Runfunkorchester de Munich et le WDR Symphonieorchester, ainsi que des orchestres en France, Italie, Autriche, Hongrie, Pologne... Il enregistre sur le label « Orfeo, Slavic Opera Arias » avec Krassimira Stoyanova et le Rundfunkorchester de Munich. L’enregistrement reçoit le prix de la critique allemande en 2011, le prix de l’année et le « Classical Music Award International » 2012. Pavel Baleff dirige Der Rosenkavalier en 2012 au Theater de Brème, fait ses débuts à l’Opéra de Zurich en 2012-2013 dans Lucia di Lammermoor, Le Lac des cygnes et Roméo et Juliette et se produit dans un concert de gala au Théâtre Bolchoi de Moscou. Il dirige le Ring en 2012-2013 à Sofia, des concerts avec le Spokane Simphony Orchestra (Etats-Unis), Lubock Symphony Orchestra (Etats-Unis), des concerts à l’Opéra de Montpellier et avec le St. Petersburger Symphony Orchestra, Staatskapelle Weimar, Staatsoper de Hambourg, des concerts avec Thomas Hampson, Luca Pisaroni, Vesselina Kasarova, Diana Damrau, Piotr Beczala. Il dirige le concert de Noël avec Anne-Sophie Mutter en 2013 pour le président de la République. Le disque du récital de Verdi avec Krassimira Stoyanova (Orfeo), sous sa direction, sort début 2014. En 2014-15, Pavel Baleff dirigera Leonce und Lena à l’Opéra de Zurich, des concerts avec l’Orchestre Régional de Cannes, des reprises avec la Philharmonie National de Slovaquie, à St.Pétersbourg, à Hambourg, à Bratislava, avec l’Eugene Symphony Orchestra (Etats-Unis) et avec de nombreux orchestres allemands.

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Jean-Paul Scarpitta La carrière de Jean-Paul Scarpitta débute précocement. Poursuivant ses études d’histoire de l’art et d’art dramatique, il organise dès l’âge de dix-neuf ans un festival de musique et de danse dans la cour du Palais Synodal de Sens. Il mène dès lors une carrière qui le conduit à collaborer avec de nombreuses personnalités du monde artistique. Pour la télévision, il réalise notamment une série de trente-sept portraits d’artistes (Liv Ullman, Charlotte Rampling, Rudolf Noureev, Dominique Sanda…). Son vif attachement pour l’étoile du Ballet de l’Opéra de Paris, Ghislaine Thesmar, le conduit à la suivre et à la filmer pendant des années. Durant la même période, il se passionne d’abord pour le travail de Giorgio Strehler, puis pour celui de Piero Faggioni, et, se mêlant à leurs équipes respectives, il s’imprègne de leur art. Il acquiert ainsi une expérience de réalisateur qui l’amène à concevoir deux longs-métrages : Désir (1985) avec Marisa Berenson et Ghislaine Thesmar, et La Malaimée (1995), écrit en collaboration avec Jean Aurel, scénariste de François Truffaut. Par ailleurs, il est responsable pendant quinze ans de la Fondation Armand Hammer à Paris et à Londres. C’est pour lui l’occasion de révéler ses talents de commissaire général et de concepteur à travers de nombreuses expositions internationales. D’autre part, Jean-Paul Scarpitta défend la place de la photographie dans l’art en organisant de grandes expositions dès le début des années quatre-vingt comme, par exemple, celle des soixante ans de Vogue, qui voyagera pendant dix ans, ou encore l’hommage à André Kertész (1988). Il se lie ainsi avec des photographes tels que Jean-Philippe Charbonnier et Richard Avedon. Son rôle de metteur en scène se confirme dans la conception de spectacles, notamment L’Histoire du soldat de Stravinsky au Théâtre des Champs-Élysées, avec Shlomo Mintz, Carole Bouquet, Gérard et Guillaume Depardieu, ou encore La clemenza di Tito. En 2001, il ouvre la saison du Teatro San Carlo de Naples avec Perséphone et Œdipus Rex de Stravinsky. Dans le cadre du Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon, Jean-Paul Scarpitta met en scène successivement Le Carnaval des animaux, Háry János de Kodaly (spectacle repris au Châtelet), Jeanne d’Arc au Bûcher de Honegger avec Sylvie Testud, sous la direction de Emmanuel Krivine, puis sous celle d’Alain Altinoglu en 2006 (le DVD a obtenu une victoire de la Musique en 2008 et, à cette occasion Jean-Paul Scarpitta a obtenu un Orphée d’Or) et la création de Salustia de Pergolèse. À l’Opéra Berlioz, il signe une nouvelle production de Sancta Susanna de Hindemith, couplée avec Œdipus Rex de Stravinsky, puis Carmen, Die Zauberflöte et un Don Giovanni unanimement acclamé par le public et la critique. En 2009, il conçoit et met en scène Didon et Enée de Henry Purcell pour Opera Junior, Sancta Susanna de Hindemith et Le Château de Barbe-Bleue de Bartók. Il a aussi mis en scène La clemenza di Tito, ainsi que Medea de Cherubini avec Fanny Ardant. Pour le Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon, en juillet 2009, il conçoit et met en scène le spectacle C’était Marie-Antoinette. Il ouvre la saison 2009-2010 avec Die Zauberflöte et il met en scène La traviata. En mars 2011, Jean-Paul Scarpitta réalise la mise en scène Nabucco à l’Opéra de Rome, sous la direction de Riccardo Muti, à l’occasion des 150 ans de la République Italienne. L’œuvre, saluée par la critique et le public, fait l’objet d’une diffusion en direct sur ARTE et Rai 3. En juin 2011, il met en scène Manon Lescaut de Puccini.

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En juin 2012, à l’occasion de la réouverture de l’Opéra Comédie, il assure la mise en scène et les décors des Nozze di Figaro. En décembre 2012, il met en scène La Bohème à l’Opéra Comédie, et en juin 2013 il remonte Nabucco à l’Opéra de Rome sous la direction de Riccardo Muti. Cette production fut également donnée en mai 2014 à l'Opéra de Tokyo et reprise aux Chorégies d’Orange en juillet 2014. Artiste en résidence à l’Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon de 2006 à 2010, Jean-Paul Scarpitta en fut le directeur général de janvier 2011 à décembre 2013." Angela Denoke, Judith Soprano allemande née à Stade en Allemagne (près de Hambourg), Angela Denoke s’illustre notamment dans le répertoire de Wagner ou Strauss. Angela Denoke se forme à l'Université de Musique et d'Art Dramatique d'Hambourg, avant de débuter sa carrière au début des années 1990 (elle est en contrat avec le Théâtre d’Ulm entre 1992 et 1996, avant de rejoindre l’Opéra d’Etat de Stuttgart). Elle y interprète les rôles de Fiordiligi dans Così fan tutte et Donna Anna dans Don Giovanni (Mozart) ou encore d’Agathe dans Der Freischütz (Weber). Elle se produit sur les scènes internationales : le Metropolitan Opera de New York, le Royal Opera House Covent Garden de Londres, l'Opéra de San Francisco, Netherlands Opera, Semperoper de Dresde, Teatro Real de Madrid, Gran Teatre del Liceu de Barcelone, Opernhaus de Zürich. C’est ainsi qu’on peut l’entendre à l’Opéra d’Etat de Vienne (dans Lady Macbeth de Mtsensk, Arabella, Salome, Die Tote Stadt, Parsifal, Jenufa, Der Rosenkavalier, Lohengrin, Tannhäuser et La Dame de Pique) ; à l’Opéra national de Paris (Salome, Katya Kabanova, Cardillac, Der Rosenkavalier, Wozzeck, Parsifal, Fidelio, et Vec Makropulos) ou au Deutsche Staatsoper de Berlin (Tannhäuser, Fidelio, La Dame de Pique et Erwartung sous la direction de Daniel Barenboim, Der Rosenkavalier et Tannhäuser sous la direction de Philippe Jordan), Bayerische Staatsoper (Salome, Der Rosenkavalier, Parsifal, Jenufa et Wozzeck). Pour le Festival de Salzbourg, elle chante dans Katya Kabanova, Die Tote Stadt, Wozzeck, Fidelio et Vec Makropulos. A la Scala de Milan, elle fait des débuts très remarqués dans Vec Makropulos. En décembre 2013, elle est Kundry (Parsifal) au Covent Garden de Londres. Elle se produit auprès des plus grandes formations : London Symphony Orchestra (Daniel Harding, Valery Gergiev et Gianandrea Noseda), Boston Symphony Orchestra (Andris Nelsons), Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, Philharmonia Orchestra (Esa Pekka Salonen et Andris Nelsons), Berliner Philharmoniker (Sir Simon Rattle). Elle enregistre au Festival de Salzbourg Vec Makropulos (DVD), au Festival de Baden Baden Salome (DVD), mais aussi Die Tote Stadt, Die Walküre, Kátya Kabanová, Cardillac, Fidelio (sous la direction de Sir Simon Rattle pour EMI), ou encore Parsifal (DVD pour Opéra Arte). Plusieurs fois primée, elle est élue « Interprète de l'année » par Opernwelt en 1999 et reçoit le « Deutsche Theaterpreis Der Faust » pour son interprétation de Salome (Faust) en 2007. En 2009, le gouvernement autrichien lui décerne le titre de Kammersängerin du Staatsoper de Vienne. Parallèlement à sa carrière de cantatrice d'opéra, elle donne de nombreux récitals de lied. Tout récemment, en 2014, on l’entend à Madrid dans Alceste, puis à Stuttgart dans Jenufa. En 2015, pour le Wiener Staatsoper, elle se produit dans Lady Macbeth de Mtsensk, Parsifal (Kundry), elle y chantera au mois de juin 2015 dans Cardillac de Hindemith.

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À l’été 2015, dans le cadre du Festival de Salzbourg, elle participera à une nouvelle production Die Eroberung von Mexico de Wolfgang Rihm, et chantera aussi à nouveau Lady Macbeth de Mtsensk. Jukka Rasilainen Le baryton-basse allemand d’origine finlandaise Jukka Rasilainen a étudié le chant à Rome, à l'Académie Sibelius d'Helsinki et à l'Opéra Studio International à Zurich. Sa carrière internationale commence avec le rôle du Hollandais qu’il interprète dans Le Vaisseau fantôme, rôle-titre qui le conduit dès lors à l'Opéra d'État de Vienne, au Staatsoper Unter den Linden et au Deutsche Oper de Berlin, au Festival de Bayreuth, à l’Opéra d'État bavarois, à l'Opéra Bastille, à Covent Garden, au Hamburg State Opera, au Nouveau Théâtre national de Tokyo, au Teatro Real de Madrid et au Semperoper de Dresde. Son répertoire comprend principalement les rôles de héros dramatiques des opéras de Wagner, Strauss, Puccini et Verdi. En 1992, il fait ses débuts au Semperoper de Dresde, maison à laquelle il est attaché depuis 2010. Il se fait particulièrement remarqué à Helsinki avec les rôles de Wotan / Wanderer lors du Ring der Niebelungen (avec Götz Friedrich). D’autres faits importants ont jalonnés sa carrière comme les productions de Robert Wilson à Zurich et Paris, de Keith Warner à Tokyo, de Willy Decker à Dresde, ou encore le Ring au Teatro Colón de Buenos Aires. Il a chanté Kurvenal dans le Tristan de Peter Sellars et Bill Viola, sous la direction de Esa-Pekka Salonen : à Paris, Los Angeles, au Lincoln Center de New York, Royal Festival Hall, Londres, Lucerne, Helsinki, Stockholm et Rotterdam. En 2005, il fait ses débuts au Festival de Bayreuth dans Der Fliegende Holländer (rôle-titre) et interprète les années suivantes Amfortas dans la production de Parsifal de Schlingensief, Kurvenal dans la production de Marthaler de Tristan et Isolde et Telramund dans Lohengrin, ainsi que Hans Sachs, Kurvenal et à nouveau le rôle de Telramund au festival d'opéra de Bayreuth. Il a travaillé avec des chefs tels que : Semyon Bychkov, James Conlon, Christoph von Dohnanyi, Christoph Eschenbach, Dan Ettinger, Valery Gergiev, Marek Janowski, Fabio Luisi, Kent Nagano, Andris Nelsons, Donald Runnicles, Esa-Pekka Salonen, Peter Schneider, Leif Segerstam Giuseppe Sinopoli, Christian Thielemann, Hans Wallat et Franz Welser-Möst. Parmi ses projets, les rôles de Telramund au Festival de Bayreuth, Kurvenal à Naples sous la direction musicale de Zubin Mehta, Wotan au New National Theatre Tokyo. En 2004, le Ministère des Arts et Sciences de Saxe lui a décerné le titre de Kammersänger.

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Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon En trente ans de carrière, l’Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon a connu un essor spectaculaire, qui en fait aujourd’hui l’une des formations les plus dynamiques du paysage musical français. Contrairement à la plupart des orchestres de région créés sous le ministère d’André Malraux par Marcel Landowski, l’Orchestre de Montpellier n’est pas né d’une structure préexistante. Lorsqu’en 1979, Georges Frêche, maire de Montpellier, fonde l’orchestre, il s’agit de relever un défi : initier le mouvement nouveau d’une véritable politique artistique et musicale à Montpellier. La création de l’Orchestre a représenté un formidable espoir de renaissance. Très vite, le tout nouveau Conseil Régional et le Conseil Général de l’Hérault ont pris conscience de sa nécessaire existence. Sous l’impulsion de son fondateur, l’Orchestre s’est développé et a adapté son répertoire à ses effectifs croissants : entre les trente musiciens de la formation initiale et ses quatre-vingt-quatorze musiciens aujourd’hui, l’orchestre a pu progressivement assumer avec bonheur l’ensemble du répertoire symphonique du XVIIIe siècle à l’époque contemporaine. Ce développement força l’admiration et grâce à la reconnaissance de l’É tat en 1985, il devient Orchestre de Région. C’est en 1990 que René Koering, alors directeur du Festival de Radio France et Montpellier, prend la direction générale de l’Orchestre Philharmonique de Montpellier. Se développe alors à Montpellier une structure originale et particulièrement dynamique : René Koering, responsable de la programmation artistique et de la gestion de la formation, dote parallèlement l’orchestre d’un directeur musical. Les apparitions de l’orchestre vont connaître dès lors un retentissement nouveau, et asseoir sa réputation à l’échelle régionale, nationale, et aujourd’hui internationale. En 1989, l’orchestre Philharmonique de Montpellier s’installe au Corum inauguré en novembre. Il y trouve l’année suivante une salle de répétition, la salle Beracasa, un lieu de concert prestigieux, l’Opéra Berlioz, et une salle parfaitement adaptée à la musique de chambre, la salle Pasteur. Une installation remarquable que bien des orchestres peuvent envier à Montpellier. En 1992, René Koering fait appel à Gianfranco Masini pour assurer la direction musicale : la disparition brutale du maestro italien l’année suivante met fin à une précieuse collaboration, dont la création d’œuvres de Busoni et du Christophe Colomb de Franchetti laisse la trace dans la mémoire de l’Orchestre. De 1994 à 2007, Friedemann Layer prend la tête de l’Orchestre, participant activement au dynamisme et à la grande qualité des saisons musicales. En 1999, l’orchestre de Montpellier devient Orchestre national. De septembre 2009 à juin 2012, Lawrence Foster a été directeur musical désigné. Un nouveau directeur musical devrait être nommé en 2015. Attentif à ne jamais négliger les grandes œuvres du répertoire, l’Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon mène toutefois une véritable politique de création et de sensibilisation à la musique du XXe siècle. Des compositeurs tels que Maderna, Adams, Cage, Pärt, Penderecki, Korngold, Henze, Ligeti, Dusapin ou Xenakis font partie désormais de la vie musicale montpelliéraine. Par ailleurs, depuis 2000, l’Orchestre accueille des compositeurs contemporains en résidence : Jean-Louis Agobet (2000-2001), Jean-Jacques Di Tucci (2002), Marco Antonio Pérez-Ramirez (2002- 2006), Richard Dubugnon (2006-2008), Philippe Schoeller en 2008. Le prestige de l’Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon, qui en fait aujourd’hui l’un des meilleurs de l’hexagone, se laisse mesurer aux grands noms qu’il ne cesse de rencontrer. Des chefs tels que Ivan Fischer, Marek Janowski, Armin Jordan, Emmanuel Krivine, Antonio Pappano, Nello Santi, Pinchas Steinberg, Jerzy Semkov, Riccardo Muti…; des solistes comme Pierre Amoyal, Augustin Dumay, François-René Duchâble, Evgeni Kissin, Radu Lupu, Nikita Magaloff, Maria Joao Pires, Mistilav

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Rostropovitch, David Fray… ; des chanteurs tels que, Montserrat Caballe, Jennifer Larmore, Rockwell Blake, Béatrice Uria-Monzon, Pauletta de Vaughn, Gary Lakes, Katia Ricciarelli, Giuseppe di Stefano, Chris Merritt, Hildegard Behrens, Margaret Marshall, Karen Huffstodt, José van Dam, Thomas Moser, Leonie Rysanek, Viorica Cortez, Nathalie Stutzmann, Jean-Philippe Lafont, Juan Diego Florez, Daniela Barcelona, Nora Gubisch, Roberto Alagna, sont autant de preuve de confiance et de haute exigence artistique. Et de fait, l’Orchestre depuis quelques années développe une carrière internationale, invité au cours des saisons musicales de Milan, Barcelone, Athènes, Beyrouth, Budapest, Bratislava ou Prague. Outre sa participation active au Festival de Radio France et Montpellier, l’Orchestre se produit dans de nombreux festivals français. Régulièrement invité sur les grandes scènes parisiennes, il s’est produit à la salle Pleyel, en septembre 2008, dans une version concert d’Aida, sous la baguette d’Alain Altinoglu. Il donne 3 représentations de Die Zauberflöte en octobre 2009, sur la scène du Châtelet, et en 2011 Aida au Stade de France. Depuis 1999, l’Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon a pris soin de graver son histoire, grâce à une discographie proposant plus d’une quarantaine d’enregistrements publics, lors de la saison ou à l’occasion du Festival de Radio France et Montpellier. Ainsi, il a pu créer sa propre ligne de disques en coproduction avec Actes Sud, et travailler en partenariat avec les Editions Naïve. En janvier 2012, dirigé par Riccardo Muti, il a soulevé l’enthousiasme du public montpelliérain avec le Requiem de Verdi. Depuis décembre 2013, Valérie Chevalier en est la directrice générale. Urs Schönebaum Après des études de photographie à Munich, Urs Schönebaum a collaboré de 1995 à 1998 avec Max Keller au département lumières des Münchner Kammerspiele. Après avoir été assistant metteur en scène au Grand Théâtre de Genève, puis au Lincoln Center de New York, il commence en 2000 une carrière d’éclairagiste, travaillant aussi bien pour l’opéra que pour le théâtre, les expositions ou l’évènementiel. Il a notamment collaboré à plus de 100 productions dans les plus grands théâtres, tels que le Théâtre du Châtelet, l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille et la Comédie Française à Paris, Covent Garden à Londres, La Monnaie de Bruxelles, le Metropolitan Opera de New York, le Staatsoper unter den Linden, le Deutsches Theater et la Schaubühne à Berlin, le Bayerisches Staatsschauspiel Munich, le Dramaten à Stockholm, Det Norske Teatret d’Oslo, le Teatro dell’Opera de Rome, le Festival d’Avignon, le Teatro Real de Madrid, le Festival d'Aix-en-Provence, le Théâtre du Bolshoi, le Salzburger Festspiele, Poly Theater Beijing, NCPA Beijing, Opéra de Sydney, Dutch National Opera, Wiener Festwochen et le Festival de Bayreuth. Il a régulièrement travaillé avec des metteurs en scène comme Thomas Ostermeier, La Fura dels Baus, William Kentridge, Pierre Audi, Michael Haneke, Jean-Paul Scarpitta, et est depuis longtemps un collaborateur de Robert Wilson. Font également partie de ses réalisations la conception d’éclairages pour des projets artistiques avec Vanessa Beecroft, Anselm Kiefer, Dan Graham et Marina Abramović. A noter également des travaux pour des installations à Karkow, Munich, Salzbourg et à New York. Au cours de la saison 2012/2013, il réalise à Montpellier, sur la scène de l’Opéra Berlioz, sa toute première mise en scène d’opéra pour Jetzt de Mathis Nitschke et What Next ? de Elliott Carter.