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3 VOLUME 1 | NÚMERO 10 | JANEIRO DE 2011 VI Anuário Brasileiro de Direito Internacional Brazilian Yearbook of International Law Annuaire Brésilien de Droit International

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VOLUME 1 | NÚMERO 10 | JANEIRO DE 2011

VIAnuário Brasileiro

de Direito Internacional

Brazilian Yearbook of International Law

Annuaire Brésilien de Droit International

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Copyright © 2011 by Leonardo Nemer Caldeira Brant/CEDINTodos os direitos reservados

Centro de Direito Internacional – CEDIN

EDITOR E DIRETOR DO ANUÁRIO BRASILEIRO DE DIREITO INTERNACIONALLeonardo Nemer Caldeira Brant

CONSELHO CONSULTIVO E EDITORIAL DO CEDIN Ademar G. Bahadian, Alain Pellet, André de Carvalho Ramos, Antônio Paulo Cachapuz de Medeiros, Antônio Remiro Brotóns, Arthur José Almeida Diniz, Bruno Simma, Celso Lafer, Eduardo Grebler, Fausto Pocar, Francisco Orrego Vicuña, Francisco Rezek, Gilberto Giullaume, Ireneu Cabral Barreto, José Henrique Fischel, Laurence Boisson de Chazournes, Luigi Condorelli, Roy Lee, Thomas M. Franck (…), Vicente Marotta Rangel, Welber Barral.

PRODUÇÃO EXECUTIVAAna Carolina Rezende Oliveira

COLABORADORES Carlos Eduardo Amoni Rangel, Délber Andrade Lage, Eduardo Duarte, Gabriela Frazão Gribel, Gustavo Silva Ribeiro, Lucas Sávio de Oliveira Silva, Mariana Beirão Xavier, Natália Meirelles Teixeira, Suzana Santi Cremasco, Télder Andrade Lage, Tiago Eler Silva e Vindelino Rodrigues Pereira.

Submissão de Artigos para Publicação | Articles SubmissionsAdmite-se Permuta | Exchanges are AcceptedData Limite para Entrega dos Artigos | Deadline: 04/2012E-mail | [email protected]

EDITORAÇÃOAlexander OliveiraRosana Martins da Costa Diniz

APOIOCentro Universitário UNI-BH (www.unibh.br)Pontifícia Universidade Católica de Minas Gerais - PUC Minas (www.pucminas.br)Faculdade Novos Horizontes (www.unihorizontes.br)Fundação de Amparo à Pesquisa do Estado de Minas Gerais - FAPEMIG (www.fapemig.br)Fundação Konrad Adenauer - FKA (www.adenauer.com.br)Ramo Brasileiro da International Law Association - ILA Brasil (www.ilabrasil.org.br)

Ficha Catalográfica elaborada pela Biblioteca da Pontifícia Universidade Católica de Minas Gerais

A636 Anuário Brasileiro de Direito Internacional = Brazilian yearbook of International Law = Annuaire Brésilien de Droit International / Coordenador: Leonardo Nemer Caldeira Brant - v.1, n.1, 2006 - Belo Horizonte: CEDIN, 2006

Semestral 1. Direito Internacional. I. Centro de Direito Internacional II. Brant, Leonardo Nemer Caldeira. III. Título: Brazilian yearbook of International Law. IV. Título: Annuaire Brésilien de Droit International.

CDU: 341.

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SUMÁRIO

11 Amazon Region, Sovereignty and the New World Order AdherbAl MeirA MAttos

27 Legal Basis For United Nations Peacekeeping Operations: The Importance Of The Certain Expenses Case AlexAndre lopes rochA liMA cArlos Augusto cAnêdo gonçAlves dA silvA

42 O Caso Battisti AnA FláviA velloso

52 The Limits of Precedential Value in Investment Arbitration André MArini

69 A Nação Contra o Estado. A Ciência do Direito Internacional no “Risorgimento” Italiano Arno dAl ri Júnior

98 O Impacto da Unipolaridade no Regime de Utilização do Espaço Exterior bruno MAciel sAntos

112 Technological Barriers to the Right to Vote: Biometrical Data, Electronic Voting Machines and the Dignity of the Electors cArlos Alberto rohrMAnn

128 Universidades, direitos autorais e patentes: os desafios da gestão da propriedade intelectual no âmbito das atividades acadêmicas clAudiA de vilhenA schAyer sAbino hugo schAyer sAbino tAniA MAriA FerreirA de souzA Wolney lobAto

143 Le Médiateur du Comité des sanctions du Conseil de sécurité, un ombudsman? eric dAvid

149 Compétition sportive et droit international des investissements. Quelques élucubrations juridiques à l’approche de la Coupe du monde de football au Brésil et des Jeux olympiques de Rio de Janeiro FrAnck lAtty

170 As Cortes Domésticas e a Aplicação do Direito Internacional Público gAbrielA FrAzão gribel

204 Current developments on State Responsibility and Liability in the Area J. JAvier gorostegui obAnoz MAríA teresA inFAnte cAFFi

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Compétition sportive et droit international des investissements. Quelques élucubrations juridiques à l’approche de la Coupe du monde de football au Brésil et des Jeux olympiques de Rio de Janeiro

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Compétition sportive et droit international des investissements. Quelques élucubrations juridiques à l’approche de la Coupe du monde de football au Brésil et des Jeux olympiques de Rio de Janeiro

FrAnck lAtty1

ResumoUtilizando-se do exemplo brasileiro, a presente contribuição tem por objetivo

verificar se a competição esportiva internacional é suscetível de se beneficiar da proteção conferida pelos instrumentos internacionais relativos aos investimentos. A resposta apresenta-se positiva: as organizações esportivas respondem pontualmente à qualificação de investidor e a competição à de investimento. Desta forma, as organizações esportivas podem se utilizar, e comparecer perante um tribunal arbitral, das normas internacionais de tratamento e proteção de investimentos contra o Estado anfitrião da competição.

Résumé:À travers le cas brésilien, la présente contribution a pour objet de vérifier si la

compétition sportive internationale est susceptible de bénéficier de la protection apportée par les instruments internationaux relatifs aux investissements. La réponse s’avère positive: les organisations sportives répondent potentiellement à la qualification d’investisseur et la compétition à celle d’investissement. Dès lors, les organisations sportives pourraient se prévaloir, y compris devant un tribunal arbitral, des normes internationales de traitement et de protection des investissements à l’encontre de l’Etat d’accueil de la compétition.

Dans le calendrier sportif mondial, il est rare qu’un Etat accueille sur son territoire à seulement deux ans d’intervalle les deux plus grandes compétitions internationales que sont les Jeux olympiques (JO) et la Coupe du monde de football. Après le Mexique2, l’Allemagne3 et les Etats-Unis d’Amérique4 au XXe siècle, c’est au Brésil que revient ce privilège d’autant plus disputé que l’obtention du droit d’organiser les compétitions internationales fait lui-même l’objet d’une compétition sans pitié, dans laquelle les Etats n’hésitent pas à s’impliquer en s’engageant à satisfaire les exigences,

1 Professeur à l’Université d’Auvergne (Clermont-Ferrand 1), France. Cet article s’inspire de propos tenus lors du cours sur «Le droit olympique dans la société internationale» professé par l’auteur à l’Université du Minas Gerais (Belo Horizonte, Brésil) en juillet 2010, dans le cadre des VIe Curso de inverno de direito internacional. L’auteur tient à remercier pour son invitation et son chaleureux accueil toute l’équipe du Centro de direito internacional (CEDIN) et tout particulièrement son président et ami le Professeur Leonardo Neimer C. Brant.

2 Jeux de Mexico en 1968, Coupe du monde en 1970.3 Jeux de Munich en 1972, Coupe du monde en 1974.4 Coupe du monde en 1994, Jeux d’Atlanta en 1996.

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y compris juridiques, des organisations sportives internationales. Puissance politique montante, puissance économique en plein essor, puissance footballistique incontestée, le Brésil a su s’attirer les faveurs successives de la Fédération internationale de football association (FIFA) et du Comité international olympique (CIO): à la Coupe du monde de la FIFA en 2014 succéderont les Jeux olympiques de Rio de Janeiro en 2016.

Dès lors que l’Etat brésilien est impliqué dans ces événements qui sont, par ailleurs, la propriété de deux associations de droit suisse correspondant à la qualification d’organisations non gouvernementales (CIO et FIFA), le juriste de droit international ne peut se désintéresser du cadre normatif qui entoure les JO et la Coupe du monde. Certes, le droit international n’a pas vocation à régir directement ces compétitions, qui demeurent avant tout sous l’emprise des règles produites par chacune des deux organisations privées concernées – en référence à la lex mercatoria du commerce international5, il n’est pas injustifié de parler d’une lex olympica et d’une lex fifa réglementant respectivement les Jeux et la Coupe6.

Il est toutefois un domaine du droit international, au demeurant en pleine expansion depuis une vingtaine d’années, qui aurait vocation à «saisir» la compétition sportive internationale, du moins dans ses aspects économiques: le droit international des investissements. Avec l’explosion de la commercialisation du sport depuis les années 1980 (sponsoring, droits télévisés, produits dérivés etc.), la compétition a cessé d’être un événement exclusivement sportif. Jeux olympiques et coupes du monde sont rentrés de plain-pied dans la sphère économique tant les investissements qu’ils nécessitent et les flux économiques qu’ils génèrent sont devenus des données incontournables, que le droit international des investissements pourrait couvrir de son emprise.

Le droit international contemporain des investissements est un droit éclaté qui repose pour l’essentiel sur un réseau d’environ 3000 traités bilatéraux relatifs aux investissements (TBI), dont il est admis qu’ils offrent en tant que tels des voies de recours directes aux investisseurs d’une partie contre l’autre Etat partie, habituellement devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs à l’investissement (CIRDI) ou selon le règlement d’arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI). Depuis 1990, le nombre de litiges portés devant les tribunaux arbitraux a explosé7. Les investisseurs ont bien intégré le fait qu’ils pouvaient se prévaloir des standards de traitement et de protection contenus dans les TBI, au point que le système est parfois considéré comme étant déséquilibré: trop favorable aux investisseurs, il met systématiquement l’Etat en position de défendeur, les intérêts publics qu’il a en charge devant céder le pas devant

5 V. l’article fondateur de B.Goldman, «Frontières du droit et lex mercatoria», Archives de philosophie du droit, 1964, vol. IX, pp. 177-192 et, en langue anglaise, C. Schmitthoff, «International Business Law: A New Law Merchant», Current Law and Social Problems, University of Toronto, 1961, pp.129 et s.

6 Sur ces questions, v. F. Latty, «Les Jeux olympiques et le droit international. Rendez-vous manqué et rencontres du troisième type», Annuaire français de relations internationales, 2009, pp. 945-964 et «La ‘lex fifa’», in M. Maisonneuve (dir.), Droit et coupe du monde, Paris, Economica, 2011, à paraître. Les textes ci-après cités émanant du CIO et de la FIFA peuvent être consultés sur leur site respectif: www.olympic.org et www.fifa.com.

7 Pour un «rapide survol» de l’évolution du droit international des investissement et l’explosion de l’arbitrage transnational, v. Ch. Leben, «L’évolution du droit international des investissements: un rapide survol», in Ch.Leben (dir.), Le contentieux arbitral transnational relatif à l’investissement. Nouveaux développements, Paris, Anthemis/LGDJ, 2006, pp. 9 et s.

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les intérêts économiques des acteurs privés8. De fait, les TBI ne reconnaissent aux Etats que des devoirs et aux investisseurs que des droits9.

Contrairement à de nombreux Etats latino-américains et en particulier son voisin argentin, le Brésil a une pratique limitée de conclusion de traités bilatéraux relatifs aux investissements10. Plus précisément, parmi les instruments internationaux relatifs aux investissements que le Brésil a signés11, un seul est entré en vigueur: le traité avec le Paraguay, qui remonte aux années 1950... Bref, faute de ratification de la quinzaine de TBI signés dans les années 1990, le Brésil est resté à l’écart du mouvement général de développement du droit bilatéral des investissements et d’ouverture du contentieux transnational aux investisseurs étrangers, ce qui apporte d’ailleurs un contre-exemple aux analyses économiques du droit selon lesquelles le développement des Etats émergents passerait par la conclusion de TBI12. Le Brésil s’est également abstenu de rejoindre la Convention de Washington portant création du CIRDI ou de ratifier les instruments régionaux relatifs à l’investissement (protocoles de Colonia et de Buenos Aires adoptés dans le cadre du MERCOSUL)13.

Quoi qu’il en soit, l’existence même de l’«accord entre la Confédération helvétique et la République fédérative du Brésil concernant la promotion et la protection réciproque des investissements», signé à Brasilia le 11 novembre 1994, autorise à réfléchir à son hypothétique mise en œuvre et à ses potentialités. Parmi celles-ci figure l’hypothèse, si la Coupe du monde 2014 et les Jeux olympiques de 2016 devaient être considérés comme des investissements, que la FIFA et du CIO se prévalent du TBI pour réclamer du Brésil un comportement conforme aux obligations souscrites, voire, en cas de litige, pour soumettre à un tribunal arbitral leur litige avec la patrie de Pelé et Ronaldo. C’est cette rencontre – inédite à notre connaissance14 – entre la compétition sportive et le

8 V. la table ronde intitulée «Le système actuel est-il déséquilibré en faveur de l’investisseur privé étranger et au détriment de l’Etat d’accueil?», in Ch. Leben (dir.), Le contentieux arbitral transnational…, op. cit. note 7, pp.185 et s. et P.-M. Dupuy / Y. Kerbrat, Droit international public, Précis Dalloz, Paris, Dalloz, 2010, p. 791, n° 634; P. Juillard, «The Law of International Investment : Can the Imbalance be Redressed?», Yearbook on international investment law & policy, vol. 2008-2009, pp. 273 et s.

9 P. Juillard, in Ch. Leben (dir.), Le contentieux arbitral transnational…, op. cit. note 7, p. 190.10 Voir les informations relatives à chaque pays dans la section «Foreign Trade Information System» sur le site de l’Organisation des Etats

américains http://www.sice.oas.org/countries_e.asp. 11 Avec la Belgique et le Luxembourg (6 janvier 1999), le Chili (22 mars 1994), Cuba (26 juin 1997), le Danemark (4 mai 1995), la Finlande

(28 mars 1995), la France (21 mars 1995), l’Allemagne (21 septembre 1995), l’Italie (3 avril 1995), la Corée du Sud (1er septembre 1995), les Pays-Bas (25 novembre 1998), le Paraguay (27 octobre 1956), le Portugal (9 février 1994), la Suisse (11 novembre 1994), le Royaume-Uni (19 juillet 1994), et le Venezuela (4 juillet 1994).

12 En ce sens, v. E. Neumayer, L. Spess, «Do Bilateral Investment Treaties Increase Foreign Direct Investment to Developing Countries?», World Development, 2005, pp. 1567-1585. Contra v. M. Hallward-Driemeier, «Do Bilateral Investment Treaties Attract Foreign Direct Investment? Only a Bit – and They Could Bite», Policy Research Working Paper Series, n° 3121, The World Bank, août 2003, spéc. p. 9, où l’auteur note que l’existence d’un TBI ne conditionne pas l’attractivité d’un territoire pour les investissements directs étrangers, l’exemple du Brésil étant cité à l’appui. Sur l’analyse économique du droit des investissements, v. M. Audit, «Droit des investissements internationaux – Présentation et sources», Jurisclasseur Droit international, Fasc. 572-50, 03,2009, n° 6.

13 Organisation mondiale du commerce, Examen des politiques commerciales du Brésil, 2009, WT/TPR/S/212, pp. 19-20, § 30. Pour le rapport (p. 20, § 31), la non ratification des instruments relatifs aux investissements tient aux inquiétudes du Congrès brésilien concernant les points suivants: «: i) le traitement préférentiel accordé aux investisseurs étrangers sous l’effet des mécanismes de règlement des différends des accords bilatéraux d’investissement; ii) la vaste définition de l’investissement énoncée dans les accords bilatéraux d’investissement; iii) l’obligation d’indemnisation immédiate des expropriations, sous forme de paiement en monnaies librement convertibles prévue par les accords bilatéraux d’investissement, laquelle a été jugée incompatible avec la Constitution fédérale qui spécifie que les expropriations pour des raisons de réforme agraire doivent être indemnisées sous forme, par exemple, d’obligations; et iv)l’ambiguïté créée par la notion d’expropriation indirecte».

14 V. cependant l’affaire Tanmiah c. Tunisie devant la Cour arabe des investissements (décisions du 12 janvier 2004 et du 12 octobre 2006). Le litige portait en l’espèce sur un contrat de sponsoring conclu entre le comité d’organisation des Jeux méditerranéens de 2001 (dépendant du gouvernement tunisien) et la société saoudienne Tanmiah. Sur cette affaire qui ne concernait pas directement l’organisation de la

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droit international des investissements que la présente contribution entend envisager à travers le cas particulier du Brésil, au risque de ne présenter que des élucubrations, c’est-à-dire, selon le dictionnaire Larousse, «le résultat de recherches laborieuses et souvent dépourvues de sens».

Elucubrations, parce que les relations entre les Etats hôtes des grandes compétitions internationales et les organisations sportives sont généralement excellentes – il n’y a aucune raison qu’il en aille différemment avec le Brésil. On peut dès lors douter qu’un litige CIO/Brésil ou FIFA/Brésil naisse à l’occasion des Jeux de Rio ou de la Coupe du monde, auquel le droit des investissements viendrait fournir des éléments de réponses. Il n’est cependant pas définitivement exclu que les positions du CIO (ou de la FIFA) et d’un Etat accueillant la compétition s’opposent frontalement sur une question précise, au point de donner naissance à un différend. Raisonner à partir de l’exemple brésilien permet de formuler des hypothèses transposables à d’autres situations.

Elucubrations, parce que quand bien même un tel litige verrait le jour, l’accord relatif à l’investissement conclu entre le Brésil et la Suisse n’est pas entré en vigueur, ce qui exclut à ce stade que le CIO ou la FIFA puissent l’invoquer à l’encontre des autorités brésiliennes. Mais il demeure envisageable que le Brésil surmonte un jour sa «réticence traditionnelle»15 à l’égard des instruments internationaux relatifs à l’investissement et accepte de ratifier les traités qu’il a signés. Au delà du cas brésilien, certaines compétitions internationales déjà programmées se dérouleront sous l’empire d’un TBI en vigueur – le TBI conclu entre la Suisse et le Qatar16 pourrait à cet égard concerner les championnats du monde de handball de 2015 et la Coupe du monde de la FIFA de 2022.

Elucubrations enfin car, même si le TBI devait entrer en vigueur, tant le CIO que la FIFA mènent une diplomatie sportive suffisamment efficace pour aboutir à la résolution non juridictionnelle de leurs différends avec les Etats. La perspective de recourir à un juge extérieur au monde du sport pour résoudre un litige avec un Etat susciterait probablement une réticence dirimante dans le for des dirigeants de ces organisations. Mais, au vu des enjeux économiques considérables qui entourent ces compétitions mondialisées, il ne faut pas exclure qu’un jour, l’annulation ou l’échec de l’événement imputable à un Etat conduise l’organisation à en rechercher réparation auprès d’un organe juridictionnel.

Comme Jean Giraudoux le faisait dire à Hector dans La guerre de Troie n’aura pas lieu, «[l]e droit est la plus puissante des écoles de l’imagination. Jamais poète n’a interprété la nature aussi librement qu’un juriste la réalité» (acte II, scène 5). Mais l’imagination déployée par le juriste n’aboutit pas

compétition sportive, v. W. Ben Hamida, «The First Arab Investment Court Decision», Journal of World Investment and Trade, 2006, pp. 699-721 et infra la question de l’applicabilité ratione personae des TBI. Sur la question de l’application des traités de protection des investissements aux organisations non gouvernementales, v. N. Gallus, L. E. Peterson, «International Investment Treaty Protection for NGOs», Arbitration International, 2006, vol. 22, n° 4, pp. 527 et s.

15 J. Kalicki, S. Medeiros, «Investment Arbitration in Brazil: Revisiting Brazil’s Traditional Reluctance Towards ICSID, BITs and Investor-State Arbitration», Arbitration International, 2008, vol. 24, n° 3, pp. 423-446.

16 Accord entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de l’Etat du Qatar concernant la promotion et la protection réciproque des investissements, Doha, 12 novembre 2001.

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nécessairement à distordre la réalité. La confrontation de la compétition sportive au droit des investissements, tant qu’elle reste dans les champs du possible, peut être riche d’enseignements, à la fois pour les organisations sportives qui ignorent la protection qu’elles peuvent tirer de ce type d’instruments, mais également pour les Etats, notamment le Brésil: la mise à l’essai ici proposée du TBI qu’il a conclu avec la Suisse à travers l’exemple des Jeux olympiques et de la Coupe du monde pourra contribuer à l’encourager à, ou inversement le dissuader de, ratifier ce type d’instruments.

Loin d’être vaine, la mise en perspective du TBI helvético-brésilien avec la Coupe du monde et les Jeux olympiques tend à établir que la compétition sportive internationale rentre bien dans le champ d’application des instruments de protection des investissements (I) et que les règles qu’ils contiennent peuvent lui apporter une protection digne d’intérêt (II).

I. L’inclusion de la compétition sportive internationale dans le champ d’application des instruments internationaux relatifs aux investissements

Le TBI conclu en 1994 entre la Suisse et le Brésil peut être envisagée en tant que convention-témoin permettant d’évaluer la faculté d’absorption, par les instruments internationaux relatifs aux investissements, de manifestations telles que les Jeux olympiques ou la Coupe du monde de la FIFA, et par extension d’autres compétitions internationales. L’article 2 du traité dispose à cet égard qu’il «s’appliquera aux investissements effectués sur le territoire d’une Partie Contractante, conformément à ses lois et règlements, par des investisseurs de l’autre Partie Contractante avant ou après son entrée en vigueur»17. Pour que le traité – y compris sa clause de règlement des différends – s’applique aux Jeux olympiques ou à la Coupe du monde, il faut donc que la compétition soit considérée comme un investissement et l’organisation sportive comme un investisseur, ce qui revient à envisager l’applicabilité ratione materiae (B) et ratione personae (A) de l’accord.

A. Applicabilité ratione personae

La qualité d’investisseur de l’organisation sportive conditionne l’applicabilité du traité bilatéral de protection des investissements. Elle fonde encore le droit de recours de l’entité sportive en cas de différend avec l’Etat de destination de l’investissement: l’article 8 du TBI envisage le règlement des différends «entre un Partie Contractante et un investisseur de l’autre Partie Contractante»18. Il ne suffit pas de procéder à un investissement pour être automatiquement considéré comme un investisseur19. Même

17 Italiques ajoutés.18 Italiques ajoutés. V. infra II, B.19 Contra, v. CIRDI, Victor Pey Casado et President Allende Foundation c. Chili, aff. n° ARB/98/2, sentence du 8 mai 2008, §§ 155 et s., où

la fondation espagnole President Allende a été considérée comme investisseur à raison de l’existence d’un investissement réalisé par celle-

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si les deux organisations génèrent des ressources à faire pâlir d’envie les sociétés multinationales «lambda», le CIO et la FIFA demeurent des entités à but non lucratif. Leur qualité d’investisseur pourrait dès lors être discutée eu égard à leur statut associatif (1). La relative souplesse du TBI concernant la «nationalité» de l’investisseur est par ailleurs susceptible d’étendre à des entités brésiliennes le champ d’application personnelle du traité (2).

1. La qualité d’investisseur d’organisations à but non lucratif

N’y a-t-il une incompatibilité inhérente entre l’objet non lucratif des organisations sportives internationales et leur éventuelle qualification d’investisseur? Il peut être relevé que, dans un registre autre que le droit des investissements – celui du droit de la concurrence au niveau de l’Union européenne– l’objet non lucratif du CIO n’a pas empêché la Cour de Justice de lui reconnaître la qualité d’entreprise soumise au droit de la concurrence, alors même que l’activité en litige, la réglementation du dopage, n’était pas intrinsèquement économique20.

Cette approche fonctionnelle de l’organisation à but non lucratif est celle qui est retenue par de nombreux traités de protection des investissements. L’exemple du modèle américain de TBI est à cet égard parlant, dans la mesure où il fait relever de la définition de l’«entreprise» protégée les entités constituées «whether or not for profit», incluant «a corporation, trust, partnership, sole proprietorship, joint venture, association, or similar organization»21.

L’article 1er du TBI Brésil/Suisse, bien que moins explicite, englobe sans grand doute possible les organisations sportives à but non lucratif. L’investisseur y est en effet défini comme incluant «les entités juridiques, y compris les sociétés, les sociétés enregistrées, les sociétés de personnes ou autres organisations»22. Les associations étant bien des «entités juridiques» et des organisations «autres» que les sociétés, une interprétation littérale de la disposition conduit à faire rentrer le CIO et la FIFA, ayant le statut associatif selon le code civil suisse, dans le champ d’application du traité. Encore faut-il que la condition de «nationalité» de l’entité soit remplie.

2. La «nationalité» des investisseurs

Les règles touchant à la nationalité de l’investisseur supposent que les organisations sportives internationales concernées bénéficient d’un lien de rattachement effectif

ci. La sentence, ainsi que celles citées ci-après, peut être consultée sur le site de la faculté de droit de l’Université de Victoria (Canada) intitulé «Investment Treaty Arbitration» http://ita.law.uvic.ca.

20 CJCE, arrêt du 18 juillet 2006, Meca-Medina et Majcen, aff. C-519/04 P, Rec., 2006, p. I-6991.21 Art. 1er du modèle américain de TBI (2004). V. aussi L.E. Peterson, N. Gallus, « International Treaty Protections for Not-for-Profit

Organizations», The International Journal of Not-for-Profit Law, December 2007, Volume 10, Issue 1, p. 52 (revue consultable sur le site http://www.icnl.org/).

22 Le TBI Suisse/Qatar de 2001 comporte un article 1er similaire.

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avec la Suisse (a). Potentiellement, elles permettent aussi aux entités de droit brésilien chargées de l’organisation de la compétition de bénéficier de la protection du traité (b).

a) Les «entités juridiques» couvertes par l’article 1er, litt. (b), du TBI sont celles «qui sont constituées ou organisées de toute autre manière conformément à la législation de cette Partie Contractante, et qui ont leur siège sur le territoire de cette même Partie Contractante»23. Le double critère de l’incorporation et du siège est donc retenu par le traité. Le CIO et la FIFA étant des associations constitués selon les articles 60 et s. Code civil suisse et ayant leur siège respectivement à Lausanne et à Zurich24, leur rattachement à la Suisse et, partant, leur aptitude à être couverts par le TBI, ne soulève a priori pas de problème particulier.

Il faut toutefois relever que le Comité international olympique bénéficie d’un statut qui l’éloigne du lot commun des associations de droit privé et le rapproche partiellement de la situation privilégiée des organisations internationales. Le 1er novembre 2000, le CIO a en effet conclu avec le Conseil fédéral suisse un accord relatif à son statut en Suisse25, qui, à certains égards, s’apparente à un accord de siège – moins les immunités et certains privilèges diplomatiques26. Cet accord reconnaît en préambule les «éléments de la personnalité juridique internationale» dont le CIO semble disposer et vient limiter les possibles interférences de la Confédération helvétique dans son fonctionnement. Cette autonomisation du CIO à l’égard de la Suisse ne remet cependant pas en cause son statut d’association, dont la Charte olympique fait d’ailleurs état de manière explicite27. Dès lors, il n’y a sans doute pas lieu de contester le fait que le CIO demeure constitué «conformément à la législation» (art. 1er du TBI) suisse.

b) Comme de nombreux TBI28, l’accord Brésil/Suisse étend la définition de l’investisseur à des entités juridiques contrôlées par les «nationaux» d’une partie contractante29, ce que la Convention de Washington admet également au titre des critères de compétence personnelle du CIRDI30. C’est ainsi que des personnes morales de droit brésilien contrôlées par le CIO ou la FIFA rentreraient dans le champ d’application du traité.

23 Italiques ajoutés. Le TBI Suisse/Qatar de 2001 comporte un article 1er similaire.24 V. la Règle 15 de la Charte olympique et l’art. 1er des Statuts de la FIFA.25 L’accord est publié au Recueil officiel, 2001, pp. 845 et s.26 V. F. Latty, La lex sportiva – Recherche sur le droit transnational, coll. Études de droit international, Leiden/Boston, Martinus Nijhoff

Publishers, 2007, pp. 434 et s.27 Règle 15, § 1, de la Charte olympique: «Le CIO est une organisation internationale non gouvernementale, à but non lucratif, de durée

illimitée, à forme d’association dotée de la personnalité juridique, reconnue par le Conseil fédéral suisse conformément à un accord conclu en date du 1er novembre 2000» (it. aj.).

28 Notamment le modèle français ou néerlandais. V. Ch. Schreuer, «Nationality of Investors: Legitimate Restrictions v. Business Interests», 24 ICSID Rev. 2009, p. 523.

29 Art. 1er, § 1: «Le terme ‘investisseur’ désigne, en ce qui concerne chaque Partie Contractante, […] (c) les entités juridiques qui ne sont pas établies conformément à la législation de cette Partie Contractante, mais qui sont effectivement contrôlées par des personnes physiques ou par des entités juridiques, respectivement selon les lettres (a) [personnes physiques ayant la nationalité de la Partie contractante] et (b) [précité] du présent alinéa». Cf. Nguyen Huu-Tru, «Le réseau d’accord bilatéraux d'encouragement et de protection des investissements», Revue générale de droit international public, 1988, pp. 598 et s.

30 Art. 25, § 2, litt. b, de la Convention de Washington, qui vise «toute personne morale […] que les parties sont convenues […] de considérer comme ressortissant d’un autre Etat contractant en raison du contrôle exercé par elle par des intérêts étrangers» (it. aj.).

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La question est digne d’intérêt dans la mesure où ni le CIO ni la FIFA ne prend pas en charge directement l’organisation matérielle de la compétition, mais la confie à une structure locale. Plus précisément, la Charte olympique prévoit que l’organisation des JO est confiée au comité national olympique (CNO) du pays de la ville désignée par le CIO (CNO brésilien pour 2016) ainsi qu’à la ville hôte (Rio de Janeiro), et que le CNO doit dans cette optique mettre en place un comité d’organisation des Jeux olympiques (COJO) doté de la personnalité juridique de son pays31. De même, l’organisation matérielle de la Coupe du monde est confiée par la FIFA à une fédération membre (fédération brésilienne de football pour 2014), chargée de créer un comité local d’organisation, ces deux entités formant conjointement «l’association organisatrice» selon l’art. 1er du Règlement de la Coupe du monde32.

En application du TBI, ces comités d’organisation pourraient se prévaloir de la qualité d’investisseur pour bénéficier de la protection du traité, et le cas échéant, saisir un tribunal arbitral contre l’Etat brésilien, à la condition de démontrer qu’ils sont «effectivement contrôlés» par le CIO ou la FIFA. Se poserait alors la question des critères permettant d’établir ce contrôle effectif, question d’autant plus délicate que, contrairement aux cas examinés dans la jurisprudence transnationale, les comités d’organisation ne sont pas des sociétés à capitaux dont la dépendance à l’égard d’un investisseur extérieur peut être assez facilement établie au regard de la composition de l’actionnariat. De plus, l’article 25 de la Convention de Washington relatif à la compétence du CIRDI ne précise pas que le contrôle doit être «effectif», aussi la jurisprudence y relative33 n’apporte guère plus d’enseignements que celle rendue dans le cadre des TBI se contentant d’envisager un «contrôle direct ou indirect»34. Sur le critère du contrôle effectif, peut-être y aurait-il matière à transposer mutatis mutandis au cas du TBI helvético-brésilien la jurisprudence internationale sur le contrôle par l’Etat d’entités privées aux fins de l’attribution du fait internationalement illicite, dont les critères relatifs à l’effectivité sont pour le moins stricts35. Quoi qu’il en soit, l’exemple des COJO montre que l’organisation sportive internationale dispose d’une emprise à tout le moins conséquente sur le comité organisateur.

La Charte olympique prévoit en effet que le COJO «dès le moment de sa constitution, doit rendre compte directement à la commission exécutive du

31 Règle 36 de la Charte olympique ainsi que son texte d’application.32 Règlement de la Coupe du monde de la FIFA en Afrique du Sud 2010 – le règlement pour la Coupe du monde 2014 au Brésil n’a pas encore

été adopté au moment où le présent article est rédigé (avril 2011).33 V. notamment CIRDI, Vacuum Salt c. Ghana, sentence du 16 février 1994, in 9 ICSID Rev. 72 (1994) et in E. Gaillard, La jurisprudence

du CIRDI, Paris, Pedone, 2004, spéc. pp. 397 et s.; CIRDI, Autopista Concessionada de Venezuela CA c. Venezuela, décision sur la compétence du 27 septembre 2001 (16 ICSID Rev. 469 (2001)) et in E. Gaillard, id., pp. 682 et s.; CIRDI, TSA Spectrum de Argentina SA c. Argentine, aff. n°ARB/05/5, sentence du 19 décembre 2008, § 156.

34 V. par ex. CIRDI, Tokios Tokelés v. Ukraine, aff. n° ARB/02/18, décision sur la compétence du 29 avril 2004, §§ 21 et s.; CIRDI, Aguas del Tunari SA c. Bolivie, aff. n°ARB/02/3, décision sur les objections du défendeur à la compétence, 21 octobre 2005, §§ 214 et s., spéc. §§ 225 et s.; CIRDI, The Rompetrol Group NV c. Romanie, aff. n° ARB/06/3, décision sur les exceptions préliminaires, 18 avril 2008, §§ 75 et s.; comm. E. Gaillard, in JDI, 2009, pp. 355 et s.

35 V. en particulier CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, arrêt du 27 juin 1986, CIJ Rec. 1986, pp. 63-64, §§ 113-115, où est développé la notion de «contrôle effectif» de l’Etat sur des groupes armés.

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CIO»36. Le texte d’application de la Règle 36 impose la présence de certaines personnes dans l’organe exécutif du COJO (dont le ou les membres du CIO du pays hôte) et précise qu’il «devra mener toutes ses activités conformément à la Charte olympique, au contrat conclu entre le CIO, le CNO et la ville hôte, ainsi qu’à tout autre règlement ou instruction de la commission exécutive du CIO»37. Le CIO dispose d’ailleurs d’un pouvoir disciplinaire sur le COJO38. D’un point de vue économique, le CIO verse aux COJO39 environ la moitié des considérables revenus que lui procure le sponsoring40 ainsi qu’une part importante des droits télévisés que les Jeux génèrent41, ce qui montre que les ressources du COJO dépendant très largement du CIO42.

Ces éléments (qui ne diffèrent qu’à la marge concernant l’association organisatrice de la Coupe du monde de la FIFA) permettent d’établir l’existence d’un contrôle certain – on ne se prononcera pas définitivement ici sur son caractère «effectif» – de l’organisation sportive internationale sur le comité local d’organisation. Dès lors, il est envisageable prima facie que les entités de droit brésilien chargées de l’organisation matérielle des JO et de la Coupe du monde soient considérés comme des investisseurs au sens du TBI Brésil/Suisse, bénéficiant de la protection du traité et habilitées à saisir un tribunal arbitral contre le Brésil43. Reste à vérifier que les deux compétitions constituent bien des investissements susceptibles d’être protégés par les instruments internationaux virtuellement applicables.

B. L’applicabilité ratione materiae: la compétition sportive en tant qu’investissement

A l’occasion de la Coupe du monde ou des Jeux olympiques, le «gros» des investissements nécessaires à l’accueil de l’événement – construction ou rénovation

36 Règle 36 de la Charte olympique. Dans le même ordre d’idées, le règlement de la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud disposait que «l’association organisatrice est soumise au contrôle de la FIFA qui, en dernière instance, tranche toutes les questions relatives à la Coupe du Monde…» (art. 1er, § 4).

37 Cf. l’art. 1er, § 5, du Règlement de la Coupe du monde 2010: «[l]’association organisatrice s’engage à respecter les Statuts, règlements, directives, décisions et circulaires de la FIFA, ainsi que le CC [cahier des charges] et l’OAA [le contrat d’organisation entre la FIFA et l’association]».

38 Règle 23, § 1.6.39 La Règle 25, § 2, prévoit que le CIO peut verser une partie de ses revenus à un COJO.40 Olympic Marketing Fact File, CIO, 2010, pp. 7 et 12, brochure en ligne sur www.olympic.org. Sur la période 2005-2008 (Jeux de Turin et

de Beijing), le programme de sponsoring «TOP» (The Olympic Partners) a généré $ 866 millions (id., p. 11). Les partenaires olympiques sont Coca-Cola, Acer, Atos Origins, General Electric, McDonald’s, Omega, Panasonic, Samsung, Visa.

41 $ 851 millions ont été versés à ce titre par le CIO au COJO de Beijing.42 Le COJO conduit un programme de partenariat avec des sponsors locaux sous la direction du CIO – $ 1, 218 millions pour les Jeux

de Beijing (Olympic Marketing Fact File, CIO, 2010, p. 19). La vente des tickets pour les spectateurs est assurée par le COJO avec l’approbation du CIO (id., p. 39 – $ 185 millions pour les Jeux de Beijing). Les programmes de licensing (produits dérivés) relèvent également du COJO, sous la direction du CIO (id., p. 40 – $ 163 millions pour les Jeux de Beijing). A cet égard, la Charte confère et encadre strictement le droit pour le COJO d’utiliser l’emblème olympique (texte d’application des Règles 7-14, § 4). Enfin, la Règle 33, § 5, de la Charte dit que «[t]out excédent financier obtenu par une ville hôte, un COJO ou le CNO du pays de la ville hôte et résultant de la célébration des Jeux Olympiques sera employé au développement du Mouvement olympique et du sport».

43 Si, inversement, l’analyse de la situation d’un comité d’organisation montrait qu’il n’était pas contrôlé effectivement par l’organisation sportive internationale, ou à plus forte raison qu’il était assimilable à l’Etat d’accueil de l’investissement, cette entité ne pourrait prétendre être couverte par le TBI. V. à ce sujet Cour arabe des investissements, Tanmiah c. Tunisie, décision du 12 janvier 2004 (précitée supra note14), où il a été jugé que le comité d’organisation des Jeux méditerranéens de 2001 était assimilable au gouvernement tunisien.

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des infrastructures sportives ou «civiles» (aéroports, réseau routier, ferroviaire, énergétique, de télécommunication etc.) – est effectué par l’Etat d’accueil ou à son initiative44. Des acteurs économiques «traditionnels», y compris étrangers, sont ainsi conduits à réaliser des investissements autour de la compétition sportive45. Les opérateurs du «sport-business» (partenaires officiels des organisations, sponsors de la compétition, chaînes de télévision, équipementiers) qui espèrent tirer profit de la compétition46, pourraient encore être considérés comme réalisant des investissements. La question qui se pose ici est autre: elle touche à la qualité d’investissement des opérations menées par le CIO, la FIFA (voire par les comités locaux d’organisation) à l’occasion des Jeux olympiques et de la Coupe du monde.

La définition de l’investissement constitue le serpent de mer du droit des investissements internationaux: les textes conventionnels sont soit muets, soit divergents, tandis que la jurisprudence connaît un éclatement déstabilisant sur cette question. L’approche subjective, fondée sur la volonté du Brésil et de la Suisse exprimée dans le TBI, qui donne une définition des investissements couverts, doit être complétée par l’approche objective développée par la jurisprudence arbitrale sur le fondement de la Convention de Washington, potentiellement pertinente dans la mesure où le TBI prévoit que l’investisseur peut saisir le CIRDI d’une demande d’arbitrage47.

1) La compétition sportive au regard du TBI

Il est courant que les TBI proposent de l’investissement une définition extensive, sous la forme d’une liste énumérative48. A l’instar du modèle américain ou du modèle français de TBI, l’accord Brésil/Suisse retient cette méthode en donnant une série non exhaustive d’opérations éligibles à la qualification d’investissement couvert par le traité. Ainsi, selon l’article 1er, § 2, du TBI:

«Le terme ‘investissements’ englobe toutes les catégories d’avoirs, notamment mais non exclusivement:(a) la propriété de biens meubles et immeubles, ainsi que tous les

autres droits réels, tels que charges foncières, gages immobiliers et mobiliers ou usufruits;

44 V. E. Barget, «L’impact économique de la Coupe du monde de football 2010», Jurisport, mai 2010, p. 23. L’auteur évalue à € 2,9 milliards l’investissement réalisé par l’Afrique du Sud pour accueillir la Coupe du monde, dont € 828 millions pour la construction et la rénovation de dix stades, € 513 millions dans l’aménagement des aéroports du pays, € 345 millions dans l’amélioration des routes et de la desserte ferroviaire.

45 Par exemple, groupe français Vinci-Bouygues, dans le cadre d’une joint-venture avec la société sud-africaine de marketing Sail, s’est vu confier l’exploitation du stade Green Point par la ville du Cap, celle-ci craignant qu’une fois la Coupe du monde de 2010 achevée, son déficit d’exploitation soit trop important (J.-F. Bourg, «Quels retours sur investissement pour l’Afrique du Sud», Jurisport, mai 2010, p. 27).

46 Ibid.47 Art. 8 du TBI. V. infra II, B.48 V. B. Poulain, «L’investissement international: définition ou définitions», in Ph. Kahn / Th. Wälde, Les aspects nouveaux du droit des

investissements internationaux, Leiden/Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2007, p. 131.

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(b) les actions et autres formes de participation dans des sociétés;(c) les créances monétaires, y compris les obligations et titres

similaires, ainsi que les droits à toute prestation ayant une valeur économique;

(d) les droits d’auteur, droits de propriété industrielle (tels que brevets d’invention, modèles d’utilité, dessins ou modèles industriels, marques de fabrique ou de commerce, marques de services, noms commerciaux, indications de provenance), savoir-faire et clientèle;

(e) les concessions ou droits similaires conférés par la loi ou par contrat, y compris les concessions de recherche, de culture, d’extraction ou d’exploitation de ressources naturelles».

Sans qu’il soit ici possible de présenter une étude exhaustive de la question, il semble qu’à première vue les opérations du CIO, de la FIFA et des comités d’organisation soient susceptibles de bénéficier de la qualification d’investissement au sens du TBI. Comportent bien des «droits à toute prestation ayant une valeur économique» les contrats conclus par les organisations sportives avec les sponsors et avec les chaînes de télévision ou les opérateurs Internet et téléphoniques, dont l’exécution intervient à l’occasion de la compétition sportive et est conditionnée par son bon déroulement. La Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud a ainsi permis à la FIFA d’engranger un chiffre d’affaire de $ 1,06 milliard grâce à la vente de droits télévisés et au parrainage49. La vente de billets et de produits dérivés par le comité d’organisation est également susceptible de ressortir à cette catégorie des «droits à toute prestation ayant une valeur économique» (c). Par ailleurs, la propriété qu’ont le CIO et la FIFA des marques sportives «Jeux olympiques» et «Coupe du monde de la FIFA» exploitées à l’occasion des compétitions n’est sans doute pas étrangère à la catégorie des droits d’auteur et de propriété industrielle (d). De plus, tant le CIO que la FIFA transmettent au comité local leur «savoir-faire» (d) en matière d’organisation de l’événement.

Il n’est pas besoin d’aller plus loin dans l’analyse pour constater que la définition large de l’investissement donnée par le TBI est de nature à englober au moins certains aspects de la compétition internationale. L’assimilation qu’il fait entre l’investissement et les simples «avoirs»50 pourrait toutefois connaître un reflux devant les tribunaux arbitraux CIRDI, qui ont développé une jurisprudence, certes éparse, fondée sur une définition objective de l’investissement.

49 J.-F. Bourg, loc. cit. note 45, p. 27. V. aussi F. Hoëppe, «Droits TV: l’inflation», Jurisport, mai 2010, pp. 29-31.50 V. D. Carreau, « Investissements », Répertoire international Dalloz, août 2008, n° 29.

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2) La compétition sportive au regard des tentatives de définition objective de l’investissement

L’investissement qui conditionne la compétence des tribunaux CIRDI51 n’est pas défini par la Convention de Washington. Il en a résulté une jurisprudence fragmentée, à l’origine de sérieuses incertitudes concernant les critères de la définition objective de l’investissement52, mais qui s’étend également à la question de l’articulation qui doit être faite entre ces critères et avec la définition subjective donnée par le traité applicable53.

La décision de référence en la matière (qu’elle soit approuvée ou critiquée) est celle rendue par le tribunal de l’affaire Salini, selon laquelle un investissement suppose (1) «des apports», (2) «une certaine durée d’exécution du marché», (3) «une participation aux risques de l’opération», ainsi qu’un dernier critère très discuté en jurisprudence et en doctrine: (4) la «contribution au développement économique de l’Etat d’accueil de l’investissement»54.

Sans doute est-ce ce dernier critère (4) qui s’impose d’emblée à l’esprit concernant les Jeux olympiques et la Coupe du monde, tant les Etats envisagent l’opportunité d’accueillir une telle compétition comme une reconnaissance internationale porteuse de promesses économiques55. Le CIO s’assigne d’ailleurs la mission de «promouvoirun héritage positif des Jeux Olympiques pour les villes et les pays hôtes»56.

Au titre des «apports» (1), dans la mesure où ils peuvent être réalisés en capital, en nature ou en industrie57, pourraient être invoqués la mobilisation de leurs moyens, y compris financiers et économiques, par le CIO et la FIFA, et la transmission de leur know how et de sommes considérables aux comités d’organisations58, lesquels manient des capitaux importants aux fins d’organiser la compétition. Même si le CIO et la FIFA, à l’inverse des comités d’organisation, ne s’établissent pas sur place, on pourrait estimer qu’ils «apportent» bien leur compétition reine. Le critère de la «certaine durée d’exécution» (2) pourrait être affecté par la limitation des compétitions à une période restreinte (deux semaines pour les JO, un mois pour la Coupe du monde). Leur préparation s’étale néanmoins sur plusieurs années59, ce qui exclut probablement d’y voir des opérations immédiates. Nul doute que le CIO et son COJO «s’investissent»,

51 Art. 25, § 1, «La compétence du Centre s’étend aux différends d’ordre juridique […] qui sont en relation directe avec un investissement […]».

52 Voir J. Ho, «The Meaning of ‘Investment’ in ICSID Arbitrations», Arbitration International, 2010, vol. 26, n° 4, pp. 633 et s.; M. Sornarajah, «The Definition of Foreign Investment», inA. H. Qureshi / Xuan Gao (Ed.), International Economic Law : Critical Concepts in Law, New York, Routledge, vol.4, 2011, pp. 153-163; K. Yannaca-Small, «Definition of «Investment» : an Open-ended Search for a Balanced Approach», in Arbitration under International Investment Agreements : a Guide to the Key Issues, New York, Oxford UP, pp. 243-269.

53 V. par ex. W. Ben Hamida, «La notion d’investissement: le chaos s’amplifie devant le CIRDI», Chronique Investissements internationaux et Arbitrage in Gaz. Pal., 13-15 décembre 2009, pp. 40 et s. et S. Lemaire, obs. sous CIRDI, Comité ad hoc, Malaysian Historical Salvors, Rev. Arb., 2009/4, pp. 886-893.

54 CIRDI, Salini Costruttori SpA c. Maroc, décision sur la compétence, 23 juillet 2001, in E. Gaillard, op. cit. note 33, p. 634.55 V. J.-F. Bourg, «Quels retours sur investissement pour l’Afrique du Sud», Jurisport, mai 2010, p. 27.56 Règle 2, § 14, de la Charte olympique.57 B. Poulain, loc. cit. note 48, p. 126.58 Lorsque ces sommes sont versées a posteriori, après l’événement, elles s’apparentent plus à une redistribution de bénéfices qu’à un

investissement.59 La désignation de Rio de Janeiro comme ville d’accueil est intervenue en 2009, i.e. sept ans avant la tenue des Jeux.

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avec la durée intrinsèque qui caractérise le verbe60, pour les Jeux olympiques de Rio. L’aléa qui entoure l’organisation de tout événement sportif (i.e. concernant la vente des tickets, pour les comités d’organisation) est enfin de nature à satisfaire le troisième critère de la définition objective de l’investissement: «une participation aux risques de l’opération» (3). La prétention des organisations sportives internationales à échapper toute responsabilité relativement à la compétition61 est toutefois de nature à remettre en cause la présence de l’élément «aléatoire».

Au reste, cette définition objective n’est pas retenue par tous les tribunaux CIRDI – certains se contentent de la définition subjective du TBI applicable62, position qui devrait à plus forte raison être celle des tribunaux intervenant dans un cadre autre que celui de la Convention de Washington. Une tendance à la «dilution de la frontière entre l’investissement et la simple opération commerciale»63 a de plus été constatée dans la jurisprudence.

De cette analyse sommaire, il résulte que les Jeux olympiques et la Coupe du monde pourraient bien répondre à la qualification d’investissements. L’accord entre la Suisse et le Brésil étant dès lors susceptible de concerner les deux événements, il y a lieu de s’attacher aux règles de fond qu’il contient et, à travers ce cas, voir dans quelle mesure les instruments internationaux relatifs aux investissements peuvent être utilement invoqués à des fins de protection de la compétition sportive internationale.

II. La protection de la compétition sportive internationale par les instruments internationaux relatifs à l’investissement

Eu égard au déséquilibre intrinsèque des TBI entre la position de l’Etat qui s’engage et celle de l’investisseur qui bénéficie de cet engagement64, on ne s’étonnera pas de constater que la mise en œuvre de l’accord entre la Suisse et le Brésil à l’occasion de la Coupe du monde ou des Jeux olympiques aurait pour effet d’imposer des obligations au Brésil (A), tout en offrant aux organisations sportives des voies de recours pour défendre leurs droits correspondants(B).

A. Les obligations s’imposant à l’Etat d’accueil de la compétition

Si le CIO, la FIFA, ou même leurs comités d’organisation, sont virtuellement en mesure de bénéficier, à l’occasion de la préparation et du déroulement des Jeux olympiques et de la Coupe du monde, des diverses obligations de traitement et de

60 B. Poulain citant P. Juillard, loc. cit. note 48, p. 126.61 La Règle 37, § 1, de la Charte olympique dispose que «[l]e CIO n’encourra aucune responsabilité financière quelle qu’elle soit en rapport

avec l’organisation et le déroulement des Jeux Olympiques.». L’art. 2, § 3, du Règlement pour la Coupe du monde 2010 prévoyait que «[l]’association organisatrice décharge la FIFA de toute responsabilité et renonce à toute plainte contre la FIFA et les membres de sa délégation pour tout dommage résultant de tout acte ou omission en relation avec l’organisation et le déroulement de la Coupe du Monde de la FIFA».

62 V. par ex. CIRDI, Biwater Gauff (Tanzania) Ltd. c. Tanzanie, aff. n° ARB/05/22, sentence du 24 juillet 2008; Comité ad hoc, Malaysian Historical Salvors, SDN, BHD c. Malaisie, aff. n° ARB/05/10, décision sur la demande d’annulation, 16 avril 2009.

63 M. Audit, loc. cit. note 12, n° 17.64 V. supra introduction.

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protection des investissements que le Brésil a souscrites (1), l’effet le plus intéressant du traité serait sans doute de renforcer l’autorité juridique des engagements unilatéraux pris par l’Etat envers ces organisations au moment de l’attribution de la compétition (2).

1. Obligations générales de traitement et de protection appliquées à la compétition

De manière très classique, le TBI Brésil/Suisse de 1994 comporte des obligations de moyens à la charge des Etats en vue d’encourager les investissements et de les admettre conformément à leur législation65, dont on ne saurait déduire un droit d’établissement pour les investisseurs66. En application de l’article 3, § 2, du traité, le Brésil serait néanmoins tenu de «délivr[er], conformément à ses lois et règlements, les permis nécessaires en relation avec [l’]investissement, y compris avec l’exécution de contrats de licence, d’assistance technique, commerciale ou administrative, ainsi que les autorisations requises pour les activités de consultants ou d’experts». Une telle disposition est de nature à faciliter l’organisation de la compétition sportive.

Le TBI intègre les standards récurrents du droit des investissements67, à savoir le «traitement juste et équitable»68, «une protection et une sécurité pleines et entières»69, le traitement national et de la nation la plus favorisée70, une protection contre certaines mesures d’expropriation ou de nationalisation71, le libre transfert des paiements afférents à des investissements72. Au regard du flou qui entoure la plupart de ces standards, non définis par le traité, des interprétations plus ou moins extensives sont susceptibles de couvrir moult problèmes pouvant naître de la compétition sportive internationale.

Il est évident que des mesures aussi radicales qu’improbables comme l’annulation de la compétition imposée par l’Etat ou une tentative par celui-ci d’appropriation de l’événement tomberaient sous le coup du traité, respectivement au titre du traitement juste et équitable (ou de la pleine et entière protection et sécurité) et de l’interdiction de certaines mesures d’expropriation. Plus subtilement, n’y aurait-il pas lieu de considérer, par exemple, que l’imposition d’une quarantaine aux chevaux devant participer aux compétitions équestres des Jeux olympiques73, ou encore le refus d’accès au territoire des athlètes ressortissants d’un Etat non reconnu74 constitueraient

65 Art. 3, § 1, du TBI.66 D. Carreau, loc. cit. note 50, n° 225.67 V. P. Daillier / M. Forteau / A.Pellet, Droit international public (Nguyen Quoc Dinh), Paris, LGDJ, 2009, pp.1216 et s., n° 643.68 Art. 4, § 1, du TBI.69 Art. 4, § 1, du TBI.70 Art. 4, §§ 2 et 3 du TBI.71 Art. 5 du TBI.72 Art. 6 du TBI.73 En 1956, une loi australienne imposant une quarantaine aux chevaux étrangers censés concourir aux Jeux de Melbourne a contraint le CIO

à déplacer les épreuves équestres à Stockholm (R. Y. Suzuki, «Les principes du sport», Message olympique, 1985, p. 83).74 En 1976, à l’occasion des Jeux de Montréal, le Canada a refusé d’admettre les athlètes de Taiwan, qui prétendaient participer aux JO sous

la mention du nom «Chine» (J.A.Nafziger, International Sports Law, 2nd Ed., Transnational Publ. Dobbs Ferry, N.Y., 2004, p.235).

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des atteintes au traitement juste et équitable75? Une certaine jurisprudence, en effet, n’a pas hésité à donner une portée large à ce standard, au nom duquel la frustration des «attentes légitimes» des investisseurs peut être considérée comme engageant la responsabilité de l’Etat76. A l’encontre d’une interprétation aussi large, on relèvera tout de même que l’article 4, § 1, du TBI, qui pose l’obligation de traitement juste et équitable, interdit à l’Etat d’«entrav[er] d’une quelconque manière, par des mesures injustifiées ou discriminatoires, la gestion, l’entretien, la jouissance ou l’aliénation d’investissements effectués sur son territoire par des investisseurs de l’autre Partie Contractante»77. A contrario, la disposition pourrait autoriser des atteintes découlant de mesures justifiées (par exemple pour des raisons sanitaires ou de haute politique internationale) et non discriminatoires.

La notion de traitement juste et équitable et d’autres dispositions du TBI pourraient toutefois déployer leurs pleins effets, une fois mises en perspective avec les engagements étatiques pris envers les organisations sportives internationales au moment de l’attribution de la compétition.

2. Obligations renforçant les engagements étatiques pris envers les organisations sportives

L’organisation d’une compétition internationale de la dimension des Jeux olympiques ou de la Coupe du monde ne peut se faire sans le concours de l’Etat d’accueil. Or le «mécano» juridique élaboré par les organisations sportives relatif à l’organisation de la compétition n’implique pas directement l’Etat, dès lors que celui-ci n’est pas partie au contrat d’organisation. Ce dernier est un contrat de droit privé, régi par le droit suisse, conclu entre l’organisation sportive internationale (CIO, FIFA) et, respectivement, la ville candidate et le CNO concerné (Jeux olympiques), et la fédération nationale de football choisie (Coupe du monde). Le CIO comme la FIFA se contentent de «garanties» étatiques annexées au contrat d’organisation, censées répondre à leurs (nombreuses) exigences juridiques78.

Les engagements gouvernementaux fournis portent ainsi, pêle-mêle, sur le respect par l’Etat des normes de l’organisation sportive79, sur l’application du code mondial

75 On pourrait encore citer, en s’inspirant des problèmes d’organisation des Jeux du Commonwealth de 2010 à New Delhi, le cas dans lequel la défaillance des autorités publiques entraînerait un retard problématique dans la construction ou la rénovation des infrastructures nécessaires à l’accueil de la compétition («L’orgueil blessé de l’Inde», Le Monde, 25 septembre 2010).

76 V. par ex. CIRDI, Biwater Gauff (Tanzania) Ltd. c. Tanzanie, aff. n° ARB/05/22, sentence du 24 juillet 2008, § 602 et E. Snodgrass, «Protecting Investors’ Legitimate Expectations: Recognizing and Delimiting a General Principle», (2006) 21 ICSID Rev., pp. 1-58.

77 Italiques ajoutés.78 V. le manuel publié par le CIO Procédure de candidature et questionnaire pour 2016. Jeux de la XXXIe Olympiade, CIO, Lausanne,

2008, 305 p., spéc. pp. 290 et s. (liste récapitulative des garanties demandées). Les garanties étatiques demandées par la FIFA ne sont pas reprises dans texte rendu public. La lecture des rapports d’évaluation des candidatures pour les Coupes du monde de 2018 et 2022 qui comportent un paragraphe intitulé «Legal and Government Guarantees» permet toutefois d’identifier la nature des exigences de la FIFA en ce domaine. Sur les exigences du CIO et les engagements de l’Etat au sujet des JO, v. F. Latty, La lex sportiva, op. cit. note 26, pp. 584 et s.

79 La Règle 34, § 3, de la Charte olympique prévoit que «le gouvernement national du pays de toute ville requérante doit remettre au CIO un acte légalement contraignant par lequel ce gouvernement garantit et prend l’engagement que le pays et ses autorités publiques se conformeront à la Charte olympique et la respecteront».

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antidopage, sur l’accès au territoire de l’Etat des compétiteurs et des personnes affiliées à l’organisation, sur la sécurité lors de l’événement, sur le change de devises, sur l’exploitation des droits commerciaux et la protection des marques sportives, sur le contrôle des prix dans l’hôtellerie, sur l’utilisation des hymnes et des drapeaux nationaux, sur les télécommunications et l’importation de matériel nécessaire à l’organisation de la compétition, sur la mise à disposition des sites. Ces garanties doivent encore contenir des exemptions fiscales au bénéfice de l’organisation80. Sur toutes ces questions, l’Etat s’engage à procéder aux modifications législatives ou réglementaires nécessaires81. C’est dans cette perspective, par exemple, que le gouvernement sud-africain a fait rentrer la Coupe du monde de la FIFA 2010 dans le champ d’application du Merchandise Marks Act n° 17 de 1941 (section 15A), dans le but d’assurer à l’événement une protection juridique contre l’ambush marketing82. Concernant la candidature de Rio de Janeiro aux Jeux de 2016, la commission d’évaluation du CIO avait pour sa part constaté que«[t]outes les garanties requises par le CIO ont été fournies»83.

Or la force juridique de tels engagements, qui supposent des dérogations au régime de droit commun en matière fiscale, d’immigration etc., demeure très incertaine, tout particulièrement au regard du droit interne de l’Etat qui s’engage84. On peut s’étonner, à cet égard, que les organisations sportives n’aient jamais sérieusement envisagé, malgré des suggestions en ce sens85, de réclamer à l’Etat d’accueil la conclusion d’un «contrat d’Etat», qui donnerait valeur contractuelle aux engagements gouvernementaux, tout en permettant via une clause compromissoire la saisine d’un tribunal arbitral en cas de litige. Certes, la Cour internationale de Justice a clairement établi qu’un État pouvait valablement s’engager par la voie unilatérale dans l’ordre juridique international86. Mais en l’occurrence, les organisations risquent de se retrouver démunies face à l’État qui ne respecterait pas cet engagement – le «contrat de ville hôte» conclu pour les Jeux olympiques comporte une clause compromissoire en faveur du Tribunal arbitral du sport, qui ne lie pas l’Etat tiers au contrat. Dans la pratique, certains «couacs» interviennent ponctuellement, à l’exemple de la tentative des autorités chinoises, à la veille de l’ouverture des Jeux de Pékin, de limiter l’accès des journalistes accrédités

80 «Rien n’est trop beau pour satisfaire la FIFA», Le Monde, 10 août 2010. 81 Le rapport d’évaluation de la candidature de la Russie pour la Coupe du monde de 2018 note ainsi que le gouvernement russe s’est engagé

à faire adopter, au moins cinq ans avant la Coupe du monde, toutes les mesures législatives et réglementaires nécessaires pour assurer le respect total des garanties fournies (p. 29, § 4.20 du rapport).

82 General Notice n° 683 du 25 mai 2006 adoptée par le ministre du commerce et de l’industrie (v. l’Annexe 2 de la publication FIFA Public Information Sheet (a guide to FIFA’s Official Marks)). A noter à ce sujet que le rapport d’évaluation de la candidature, non retenue, de la Belgique et des Pays-Bas pour la Coupe du monde de 2018 déplore que les deux Etats n’aient fourni aucune garantie en ce domaine (p. 29, § 4.20 du rapport d’évaluation).

83 Rapport de la Commission d’évaluation 2016 du CIO. Jeux de la XXXIe Olympiade, CIO, Lausanne, p. 52. Le rapport ajoute que «l a législation brésilienne existante serait suffisante pour organiser les Jeux. L’Etat et la Ville de Rio de Janeiro ont déjà voté des lois olympiques visant à faciliter le financement et les opérations des Jeux. Le gouvernement fédéral et les autorités des villes co-organisatrices sont en train d’adopter des lois olympiques similaires » (ibid.).

84 V. infra B.85 B. Simma, Ch.Vedder, Suggestions for Improving the Legal Position of the IOC as Regards to its Relationship with States and

Intergovernmental Bodies, 1985, étude non publiée mais mentionnée in F. Latty, La lex sportiva, op. cit. note 26, pp. 598-599.86 Affaire des Essais nucléaires, arrêt du 20 décembre 1974, Rec. CIJ 1974, p. 267, § 43.

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à des sites Internet jugés «subversifs»87, que la discrète «diplomatie olympique» a finalement réussi à déjouer88.

Ici réside l’intérêt, pour les organisations sportives, de faire appel au droit international des investissements. Un TBI peut en effet utilement remplir ce double office de donner une plus grande autorité juridique aux engagements étatiques et de prévoir une voie de recours en cas de non respect de l’engagement.

On peut déjà noter que l’article 6 du TBI Suisse/Brésil relatif au libre transfert des paiements afférents à des investissements «double» partiellement l’engagement unilatéral du Brésil d’assurer le libre transfert des capitaux à l’occasion des Jeux et de la Coupe.

Surtout, il y aurait probablement lieu de considérer que le non respect de ses engagements unilatéraux par l’Etat frustre les «attentes légitimes» de l’investisseur découlant du standard de traitement juste et équitable prévu à l’article 4, § 1, du traité89 et engage la responsabilité de l’Etat vis-à-vis de l’organisation sportive investisseur90. Il est courant que les chefs d’Etat ou de gouvernement viennent défendre devant les membres du CIO, au moment de l’élection, la candidature d’une ville pour les Jeux olympiques, comme l’ont fait par exemple les présidents Lula et Obama pour les Jeux de 2016. A cette occasion, ils n’hésitent à confirmer leurs «garanties» jointes au dossier de candidature. A partir du moment où les plus hautes autorités de l’Etat prennent des engagements oraux et écrits à l’égard de l’organisation sportive, nul ne disconviendra qu’il puisse raisonnablement en découler des «attentes» dans le for de leur destinataire et que celles-là n’aient rien d’illégitime. Dans cette optique, quoi que dans un contexte différent, le tribunal de l’affaire Waste Management, mettant en œuvre le standard du traitement juste et équitable, a bien jugé que «it is relevant that the treatment is in breach of representations made by the host State which were reasonbly relied upon by the claimant»91.

Un exemple relatif à la Coupe du monde de 2022 attribuée au Qatar permet d’illustrer les virtualités des standards de traitement de l’investissement: le rapport d’évaluation de la candidature qatari a pointé le fait que les lois de cet Etat, fondées sur le droit musulman, imposent de sérieuses restrictions sur la vente, la publicité et la distribution de certains biens (notamment les boissons alcoolisées) et services, la Charia supplantant même la loi nationale92. Dès lors, si le Qatar n’instaure par des dérogations à sa législation, certains contrats de partenariat de la FIFA, par exemple avec la marque de bière Budweiser, pourraient être privés d’exécution, alors

87 Essentiellement des sites d’organisations de défense des droits de l’homme… 88 «Internet: sous la pression, Pékin assouplit sa position», Le Monde, 3-4 août 2008.89 Voir supra 1).90 En ce sens, v. W. M. Reisman, M. H. Arsanjani, «The Question of Unilateral Governmental Statements as Applicable Law in Invesment

Disputes», in Common Values in International Law, Festschrift Christian Tomuschat, Kehl, Engel, 2006, p. 422: «Where a host State which seeks foreign investment acts intentionally, so as to create expectations in potential investors with respect to particular treatment or comportment, the host State should, we suggest, be bound by the commitments and the investor is entitled to rely upon them in instances of decision».

91 CIRDI (ALENA), aff. n° ARB(AF)/00/3, sentence du 30 avril 2004, § 98.92 FIFA, 2022 FIFA World Cup, Bid Evaluation Report: Qatar, § 4.20, p. 28.

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même que l’Etat qatari s’est engagé à garantir l’exploitation des droits commerciaux relatifs à la Coupe du monde. Un tel comportement ne tromperait-il pas les «attentes légitimes» de la FIFA? Comme le rapport d’évaluation relève le problème, on pourrait arguer que la FIFA doit s’attendre à des difficultés d’application. Peut-être faudrait-il plutôt voir dans cette possible défaillance un défaut de protection juridique adéquate de l’investisseur et de son investissement et, partant, une atteinte au standard de protection et sécurité pleines et entières (art. 2, § 1, du TBI)93? Toujours est-il que le hiatus entre les droits de l’investisseur au titre du traité et la compétence de l’Etat pour réglementer souverainement les activités sur son territoire est frappant.

Plus encore, le TBI de 1994 comporte une «umbrella clause» ou «clause parapluie»94, au terme de laquelle chaque Etat partie «se conformera à toute autre obligation assumée par elle quant aux investissements effectués sur son territoire par des investisseurs de l’autre Partie Contractante»95. Si ce type de clause, qui a suscité un vaste débat jurisprudentiel et doctrinal96, vise en général les engagements contractuels de l’Etat, rien dans le texte de l’article 10 n’interdit que les obligations visées aient une origine unilatérale plutôt que conventionnelle97. Partant, toute violation par l’Etat de ses engagements unilatéraux annexés au contrat d’organisation (par exemple le refus d’accès à son territoire de personnes accréditées par l’organisation sportive98) équivaudrait à une violation de l’article 10 du TBI – sans que le débat houleux relatif à la distinction entre contract claim et treaty claim99 puisse ici interférer: on ne peut parler ici d’internationalisation par le TBI d’une relation contractuelle, dans la mesure où il n’y a pas de relation contractuelle entre l’Etat et l’organisation sportive. Cette absence n’est en tout état de cause pas un obstacle à la saisine d’un tribunal arbitral par l’organisation sportive.

B. Les voies de recours offertes à l’organisation sportive

Si un Etat accueillant sur son territoire les Jeux olympiques ou la Coupe du monde entravait le bon déroulement de la compétition et de ses à-côtés, les voies de recours juridictionnelles offertes au CIO ou la FIFA seraient à ce jour limitées. Ces organisations pourraient certes saisir le juge national, sous réserve d’éventuels problèmes d’immunités,

93 En ce sens, v. CIRDI, Azurix c. Argentine, aff. n° ARB/01/12, sentence du 14 juillet 2006, §§ 406-408.94 V. D. Carreau, loc. cit. note 50, nos 284 et s.; W. Ben Hamida, «La clause relative au respect des engagements», in Ch. Leben (dir.), Le

contentieux arbitral transnational…, op. cit. note 7, p. 53.95 Article 10, § 2, du TBI.96 Ch. Leben, «Arbitrage (CIRDI)», Répertoire international Dalloz, mars 2010, nos 125 et s.97 A l’inverse, la clause parapluie du TBI Suisse/Qatar du 12 novembre 2001, possiblement applicable à la Coupe du monde de 2022, ne vise

que les «obligations contractuelles» («Chacune des Parties contractantes se conformera à toutes ses obligations contractuelles à l’égard des investissements effectués sur son territoire par des investisseurs de l’autre Partie contractante»).

98 La question se compliquerait si le refus d’accès au territoire était pris conformément à des obligations découlant de la Charte des Nations Unies ou du Traité sur l’Union européenne. V. à cet égard, la résolution 757 (1992) du Conseil de sécurité imposant un «embargo sportif» à la Yougoslavie (v. M. Gounelle, «La résolution 757 du Conseil de Sécurité de l’O.N.U. du 30 mai 1992 plaçant la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) sous ‘Embargo sportif’ - Analyse des problèmes juridiques», Rev. jur. et éco. du sport, n° 22, 1992-3, pp. 87-94). De même, à l’occasion des Jeux d’Athènes, plusieurs personnes accréditées par le CIO se sont vu refuser l’accès au territoire communautaire, en application de positions communes adoptées au niveau de l’Union européenne (v. F. Latty, La lex sportiva, op. cit. note 26, p. 597).

99 Sur cette question, v. Ch. Leben, «Arbitrage (CIRDI)», loc. cit. note 96, nos 112 et s.

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mais elles sont extrêmement réticentes à se présenter dans les prétoires – un comité d’organisation n’aurait sans doute pas ces réticences. En témoigne leur insistance à faire échapper aux juridictions étatiques leur contentieux sportif par la généralisation du recours au Tribunal arbitral du sport100. Le juge national appliquera de plus son droit national, généralement moins protecteur que le droit international à l’égard des investisseurs étrangers. Qui plus, au sein de la hiérarchie des normes interne, les «garanties» formulées par les Etats au bénéfice d’organisations de droit privé étrangères sont a priori dépourvues de toute valeur101. La protection diplomatique s’avère de plus une voie de recours peu satisfaisante pour ce type de litige102.

Les TBI éventuellement applicables permettraient de pallier cette défaillance du montage juridique entourant l’organisation des compétitions. L’article 8 du TBI Brésil/Suisse dispose:

«(1) Afin de trouver une solution à l’amiable aux différends entre une Partie Contractante et un investisseur de l’autre Partie Contractante […], des consultations auront lieu entre les parties concernées.

(2) Si ces consultations n’apportent pas de solution dans un délai de six mois à compter de la date de la demande de consultations, l’investisseur peut soumettre le différend à la juridiction nationale de la Partie Contractante sur le territoire de laquelle l’investissement a été effectué ou à l’arbitrage international. Dans ce dernier cas, l’investisseur peut choisir entre les options suivantes:(a) Le Centre International pour le Règlement des Différends

relatifs aux Investissements (CIRDI) […], dès que la République fédérative du Brésil sera partie à cette convention. Dans l’intervalle, le différend peut être soumis au Mécanisme supplémentaire pour l’administration de procédures de conciliation, d’arbitrage et de constatation des faits;

(b) Un tribunal arbitral ad hoc qui, sauf accord contraire des parties au différend, sera établi selon les règles d’arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International (CNUDCI).»

100 V. F. Latty, La lex sportiva, op. cit. note 26, pp. 518 et s.101 V. F.X. Pons Rafols, «El Comité Olímpico y los Juegos Olympícos: algunas cuestiones de relevancia juridico-internacional», Revista

Española de Derecho Internacional, 1993, n° 2, pp. 307-308. V. cependant Court of Appeal of New York, Liang Ren-Guey v. Lake Placid 1980 Olympic Games, Inc., 72 AD 439, 424 NYS 2d 535 (1980), où le juge américain a semblé reconnaître une certaine valeur à l’engagement de l’Administration américaine de respecter la Charte olympique à l’occasion des Jeux d’hiver de Lake Placid (1980). Estimant que les garanties de respect de la Charte olympique par le président des Etats-Unis d’Amérique «could be based on the President’s foreing policy power», v. J.G. Goettel, «Is the International Olympic Committee Amendable to Suit in a US Court ?», Fordham International Law Journal, 1983-84, n° 7, p.72. L’auteur cite (n.97) à cet effet la décision United States v. Curtis-Wright Export Corp., 299 US 304, 319-320 (1936) où la Cour a formulé le concept des pouvoirs implicites du président dans le domaine des relations internationales.

102 P. Daillier / M. Forteau / A.Pellet, Droit international public (Nguyen Quoc Dinh), Paris, LGDJ, 2009, p. 1228, n° 646.

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Depuis la fameuse jurisprudence AAPL c. Sri Lanka103, il est acquis que ce genre de dispositions conventionnelles emporte offre d’arbitrage de l’Etat, sur la base de laquelle un investisseur peut saisir un tribunal arbitral, indépendamment de toute clause compromissoire incluse dans un contrat d’investissement. Dès lors, sur le seul fondement de cette disposition, le CIO, la FIFA, ou même le comité d’organisation, pourraient saisir, après des consultations infructueuses, un tribunal arbitral contre l’Etat brésilien, lequel ne pourrait exciper de son immunité comme le rappelle l’article 8, § 4, du TBI.

L’organisation sportive aurait le choix entre saisir le CIRDI ou un autre tribunal. Les exigences de la Convention de Washington ajoutant potentiellement un filtre à la compétence du tribunal104, l’organisation devrait être plutôt incitée à privilégier un tribunal CNUDCI.

La combinaison des dispositions sur le droit applicable contenues dans le TBI105 et les instruments d’arbitrage, et la nature même du différend, devraient conduire le tribunal à faire application du TBI et des règles pertinentes du droit international général, notamment les règles concernant l’engagement de la responsabilité internationale, son contenu et sa mise en œuvre. En la matière, devrait servir de référence la codification réalisée en 2001 par la Commission du droit international dans ses Articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite106. Le texte de la CDI qui concerne les règles de responsabilité de l’Etat envers un autre Etat sont en effet applicables par analogie à la responsabilité internationale de l’Etat envers une personne privée107. La responsabilité internationale de l’Etat d’accueil de l’investissement serait engagée s’il était établi qu’une action ou une omission lui étant attribuable était constitutive d’un manquement aux obligations internationales contenues dans le TBI108. La conséquence juridique principale en serait l’obligation de réparer les dommages subis, conformément aux règles coutumières en ce domaine109.

Les vertus dissuasives d’une telle éventualité ne sont pas le moindre intérêt de ce système très – trop? – favorable aux investisseurs, qui ne permet pas réciproquement à l’Etat de saisir un juge contre ceux-là, du reste dénués d’obligations au regard du TBI.

*****

103 CIRDI, Asian Agricultural Products Limited c. Sri Lanka, aff. n° ARB/87/3, sentence du 27 juin 1990.104 V. supra I, B, la question de la définition de l’investissement.105 Art. 8, § 5, du TBI: «Le tribunal prendra sa décision sur la base du présent Accord et d’autres Accords pertinents entre le Parties

Contractantes, des termes de tout accord particulier intervenu au sujet de l’investissement en question, de la législation de la Partie Contractante au différend, y compris ses règles relatives aux conflits de lois, ainsi que des principes et des règles de droit international qui pourraient être applicables».

106 Articles de 2001 sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, annexés à la résolution 56/83 de l’Assemblée générale des Nations Unies.

107 V. par ex. CIRDI, Jan de Nul N.V. et Dredging International N.V. c. Égypte, aff. n° ARB/04/13, sentence du 6novembre 2008, § 156.108 Art. 2 des Articles de la CDI.109 V. les art. 28 et s. des Articles de la CDI.

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Hormis la confirmation de l’étrange faculté du droit international des investissements à déployer de nouvelles virtualités, ici en «investissant» un domaine a priori inattendu, quels enseignements retirer de cet exercice de science-fiction (ou d’anticipation?) juridiqueréalisé sur les bancs de «l’école de l’imagination»? Ils sont varient du tout au tout selon leur destinataire.

Pour les organisations sportives internationales, le bilan est positif: les TBI sont de nature à apporter une plus grande sécurité juridique à leurs compétitions, en leur offrant, arme ultime, une voie de recours contre l’Etat hôte qui aurait, par exemple, conduit leur événement à l’échec. A ce titre, il y aurait lieu pour le CIO ou la FIFA de faire rentrer l’existence d’un TBI en vigueur avec la Suisse dans les critères d’évaluation de l’environnement juridique des candidatures à l’organisation des JO ou de la Coupe du monde. En passant, on relèvera que la marchandisation du sport participe ici de l’émergence de nouveaux droits pour les organisations sportives, alors qu’elle était plutôt à l’origine de nouvelles obligations dans le cadre de l’Union européenne (respect des libertés de circulation et de la libre concurrence).

Pour l’Etat d’accueil de la compétition sportive internationale, les enseignements sont tout autres. La réflexion autour du TBI Suisse/Brésil a mis en évidence la «préférence pour l’investisseur»110 qui caractérise ce genre d’instruments. Sur son fondement, le Brésil pourrait se retrouver attrait devant un tribunal arbitral, y compris par un comité local d’organisation de la compétition, et être condamné à réparer les dommages résultant d’un comportement évalué au regard de standards pour le moins incertains, en partie dépendants de l’appréciation subjective des arbitres. L’intérêt de ce type d’instruments pour le Brésil paraît d’autant moins évident que les investissements étrangers continuent d’affluer: le Brésil est une terre attractive; le CIO et la FIFA ne s’y sont pas trompés.

En somme, on ne saurait conseiller au Brésil de ratifier ses traités bilatéraux relatifs aux investissements… mais on ne saurait déconseiller au CIO et à la FIFA de prendre sérieusement en considération toute la protection que peuvent leur apporter les instruments relatifs aux investissements auxquels sont parties les Etats d’accueil de leur compétition.

110 P. Daillier / M. Forteau / A. Pellet, Droit international public (Nguyen Quoc Dinh), Paris, LGDJ, 2009, p. 1213, n° 642.

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