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5 DE L'HOMME ET DE DIEU DANS LA PHILOSOPHIE DE MAX SCHELER SÍNTESE - Este artigo procura apresentar a significativa evolução das relações entre o Homem e o Absoluto no pensamento de Max Scheler. Num primeiro momento, o Homem deve estar contente com ser, como se fosse um Gottsucher, está em vias de ser, no posterior trabalho, o verdadeiro sócio para um "futuro Deus". A história do homem e a história de Deus tende a ser somente uma única história. PALAVRAS-CHAVE - Absoluto. Tornar-se. Deus. História. Homem. Scheler. Heinz Leonardy* ABSTRACT - This paper endeavours to present the significative evolution of the relationship between Man and the Absolute in Max Scheler's thought. Whereas, in a first approach, Man had to be content with being, as it were, a "Gottsucher", he is going to be, in Scheler's !ater work, the real fellow-worker for a "becoming God". The history of Man and the history of God tum to be only one History. KEY WORDS - Absolute. Becoming. God. History. Man. Scheler. En premier lieu nous tenons à vous remercier de nous avoir invité à ce Sym- posium organisé à l'occasion de la fondation de la société brésilienne de prn- noménologie. Être appelé ainsi comme une sorte de témoin à une naissance sinon un baptême fait énormément plaisir et ce principalanent pour la raison que vous fournissez une preuve évidente que ce mouvement, inauguré en l'année 1900 a encore de beaux jours devant lui. Ce n'est certes pas à nous de définir, de déter- miner en termes précis l'à-venir de la phénoménologie, c'est à nous tous d'en esquisser les contours, les possibilités et les limites. Ceei dit, les organisateurs, en l'occurrence le secrétaire exécutif, M. Nythamar de Oliveira, nous ont permis - ce dont nous les remercions aussi - de parler d'un auteur et d'un sujet qui ne rentrent pas "tel quel" dans le programme annoncé. Car c'est ni de Husserl ni de Heidegger que nous allons vous entreteni.J; mais d'un penseur qui se situe entre les deux. De plus le sujet que nous avons choisi rfest pas non plus, au début du moins, une question "classique" de la phénoménologie puisque ni Husserl ni Heidegger n'y ont apporté une attention particuliêre. C'est peut-être le moment de revoir, de réexaminer la notion-même de "questions clas- siques de la phénomé-nologie". L'anthropologie (au sens philosophique conven- * Université de Louvain - Centre d'Études Phénoménologiques. VERIT AS 1 Porto Alegre v.45 n. 1 Março 2000 p. 51-66

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DE L'HOMME ET DE DIEU DANS LA PHILOSOPHIE DE MAX SCHELER

SÍNTESE - Este artigo procura apresentar a significativa evolução das relações entre o Homem e o Absoluto no pensamento de Max Scheler. Num primeiro momento, o Homem deve estar contente com ser, como se fosse um Gottsucher, está em vias de ser, no posterior trabalho, o verdadeiro sócio para um "futuro Deus". A história do homem e a história de Deus tende a ser somente uma única história. PALAVRAS-CHAVE - Absoluto. Tornar-se. Deus. História. Homem. Scheler.

Heinz Leonardy*

ABSTRACT - This paper endeavours to present the significative evolution of the relationship between Man and the Absolute in Max Scheler's thought. Whereas, in a first approach, Man had to be content with being, as it were, a "Gottsucher", he is going to be, in Scheler's !ater work, the real fellow-worker for a "becoming God". The history of Man and the history of God tum to be only one History. KEY WORDS - Absolute. Becoming. God. History. Man. Scheler.

En premier lieu nous tenons à vous remercier de nous avoir invité à ce Sym­posium organisé à l'occasion de la fondation de la société brésilienne de prn­noménologie. Être appelé ainsi comme une sorte de témoin à une naissance sinon un baptême fait énormément plaisir et ce principalanent pour la raison que vous fournissez une preuve évidente que ce mouvement, inauguré en l'année 1900 a encore de beaux jours devant lui. Ce n'est certes pas à nous de définir, de déter­miner en termes précis l'à-venir de la phénoménologie, c'est à nous tous d'en esquisser les contours, les possibilités et les limites.

Ceei dit, les organisateurs, en l'occurrence le secrétaire exécutif, M. Nythamar de Oliveira, nous ont permis - ce dont nous les remercions aussi - de parler d'un

' auteur et d'un sujet qui ne rentrent pas "tel quel" dans le programme annoncé. Car c'est ni de Husserl ni de Heidegger que nous allons vous entreteni.J; mais d'un penseur qui se situe entre les deux. De plus le sujet que nous avons choisi rfest pas non plus, au début du moins, une question "classique" de la phénoménologie puisque ni Husserl ni Heidegger n'y ont apporté une attention particuliêre. C'est peut-être le moment de revoir, de réexaminer la notion-même de "questions clas­siques de la phénomé-nologie". L'anthropologie (au sens philosophique conven-

* Université de Louvain - Centre d'Études Phénoménologiques.

VERIT AS 1 Porto Alegre v.45 n. 1 Março 2000 p. 51-66

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tionnel), la métaphysique et le discours sur Dieu ne font-ils pas partie intégrante du questionnement phénoménologique?

L'auteur et le sujet ainsi annoncés, nous devons encore indiquer l'attitude à partir de laquelle nous allons les abordar. Ce n'est pas de l'extérieur, mais de l'intérieur que nous allons les approcher. Et en cela nous suivons parfaitement Max Scheler. Dans la relation d'une personne à une autre personne le Mit est le "concept opératoire" central. Et nous nous situons d'emblée dans cette dimension du Mit, du Mitdenken en l'occurrence. Mais, aux yeux de Scheler, ceei ne suffit pas encore à vraiment saisir l'autre: en effet, il faut en outre que ce vouloir­comprendre soit fondé in fine dans l'amour. L'acte de compréhension doit être sous-tendu et guidé par la sympathie, une des sous-formes de l'amour.

Cette attitude nous permettra d'un côté de ne pas "objectiver" (au sens de chosifier ou simplement de figer) cette pensée - toute pensée philosophique doit rester une pensée ouverte - mais cette sympathie appelle d'un autre côté une réserve importante: il s'agira de ne pas se laisser séduire. Presque tous les audi­teurs et les commentateurs de la premiére génération soulignent aussi bien la génialité que la séduction exercée par ce pensem. Si nous avons donc l'intention d'adopter l'attitude que nous avons dite, cela n'irnplique nullement que nous sommes toujours d'accord sur le contenu de sa pensée. À la fin nous aurons l' occasion de revenir sur ce point, puisque le sujet choisi est particuliêrement délicat et illustre parfaitement ce "devoir de réserve" que nous venons d'évoquer.

II serait prétentieux sinon vaniteux de vouloir étendre à chaque fois cet effort de compréhension à l'ensemble de la pensée d'un auteur. Et ceei est particuliêre­ment vrai dans le cas qui nous préoccupe ici. La philosophie de Scheler comprend tant de facettes qu'il est tout sirnplement impossible de l'embrasser d'un seul regard. Et en outre, il faut tenir compte du fait qu'elle a connu une évolution im­portante (personnellement nous préférons de loin ce concept d'évolution à celui de rupture employé par beaucoup de commentateurs; mais encore une fois, le sujet choisi se prête parfaitement à ce que tout un chacun puisse se forger son opinion à ce sujet). Par conséquent nous nous contenterons d'essayer de lever un coin du voile qui recouvre cette pensée - à nos yeux un sens possible du dévoiler heideggerien, lequel signifie notamment que par ce dévoilement nous risquons de voiler d'autres facettes de sa philosophie - ou encore, pour adopter le langage husserlien, nous devons procéder par Abschattungen, ce que nous interprétons ici de la même maniére: arracher à l'ombre; mais, et ceei est capital, nous tenterons de maintenir en arriére-fond une vision globale, une sorte de Gesamtschau qui permettrait de relier la partie au tout. Ceei nous semble d'autant plus important dans le cas de Max Scheler, car, il ne faut se voiler la face: Scheler est três peu connu de nos jours, il est tombé dans l'ombre sinon dans l'oubli. 1

C'est pour cette raison qu'a été fondée en 1993 une "Max-Scheler-Gesellschaft" dont !e but est justement de promouvoir et l'étude et la diffusion de sa philosophie. Par ailleurs on peut trouver une foule de renseignements sur Scheler et sur· cette société sur !e site créé par Manfred S. Frings sur !e web à l'adresse: http://members.aol.com/fringsmk/Scheler.htm.

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Notre propos portera sm le volet de sa pensée dont l'évolution est la plus frappante: la relation de l'homme à Dieu qui est de toute évidence également celle de Dieu à l'homme. Dans une précédente publication2 nous avions repris, à la lumiêre de Scheler, l'expression de Nietzsche: "Qu'il est difficile d'être un hom­me". Cette fois-ci nous tenterons de jeter un regard plus large sm cette corréla­tion. Pom ce faire nous procéderons en deux étapes: en un prernier temps nous exarninerons cette "cohabitation" dans la période dite catholico-phénoménolo­gique de sa philosophie (d'environ 1902 à 1920/22), ensuite cette "coopération" dans sa phase qualifiée souvent de métaphysico-panenthéiste (de 1920/22 à sa mort en 1928).3 Nous découvrirons ainsi ce qu'il a appelé lui-même "un dévelop­pement considérable desa pensée" (GW 2, 17).4

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Au moment ou la problématique de la relation de l'homme à Dieu fait son ap­parition dans la pensée schelerienne, tout semblait aller de soi et se dégageait même une odem de "déjà vu". Alors que dans la phase dite néo-kantienne cette problématique n'était encare nullement thématisée, elle va três vite occuper une place importante lors de l'élaboration de sa phénoménologie propre et ce selon deux voies différentes: d'une part du côté de sa phénoménologie des valems ou non pa8 encore Dieu, mais la déité apparait comme porteuse de la modalité su­prême (déjà} des valems, à savoir le sacré. D'autre part, au moment ou sa phé­noménologie se mue pom ainsi dire en personnalisme phénoménologique, Dieu est nommé presque automatiquement la "personne des personnes" (GW 2, 396), "la personne infinie pmement et simplement (schlechthin)" (GW 2, 514), et ce n'est qu'en Dieu que nous pouvons saisir la valem absolument suprême (GW 2, 47). Et ce Dieu par rapport à l'homme? "Dieu - c'est au plus haut degré la seule personne parfaite et pure. Et ce n'est qu'une 'personne' imparfaite, allégorique, ce qui parmi les hommes peut s'appeler ainsi" (GW 3, 190). S'installe ainsi une rela­tion claire et limpide dont la transparence devient encore plus grande quand on examine la somce de cette conception. D'aillems Scheler nous l'indique claire­ment lui-même quand il identifie cette relation à la relation filiale ou l'homme se résume pom ainsi dire à assumer son rôle d'"enfant de Dieu". Il n'y a par con­séquent aucun doute que la somce soit la doctrine chrétienne ou - à cause de ses attaques parfois virulentes contre le protestantisme - pom être plus précis: la doctrine catholique. Et la pensée schelerienne à ce sujet peut être considérée, doit

IEONARDY Heinz, '"Es ist schwer, ein Mensch zu sein'. Zur Anthropologie des spiiten Scheler'', in Studien zu Max Scheler (Phiinomenologische Forschungen, Bd. 28/29), 1994, pp. 71-94. Par souci de complétude mentionnons encare la premiêre phase de son travai! philosophique, la période dite néokantienne qui va de sa dissertation doctorale (1897) à sa rencontre avec Husserl en 1902. Avant-propos (1926) à la troisiême édition du Formalisme (dont la premiêre édition date de 1913). Nos citations de Scheler sont tirées des Gesammelte Werke (GW), éditées d'abord par Maria Scheler et ensuite par Manfred S. Frings et publiées pour les premiêres par le Francke-Verlag (Bem et Munich), les derniêres parle Bouvier-Verlag de Bonn.

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même être considérée comme un effort pour étayer philosophiquement, c'est-à­dire en ce cas phénoménologiquement, cette doctrine non philosophique. L'essentiel de sa philosophie de la religion a été élaboré entre 1915 et 1920 et est consigné principalement dans deux contributions: "Problémes de la religion" (GW 5, 101-353) et "Sphêre absolue et position de la réalité 'de l'idée' de Dieu" (GW 10, 179-253). Ce n'est nullement notre intention de faire un exposé plus ou moins exhaustif de ce volet de sa philosophie, mais il nous semble néanmoins inctispen­sable de décrire quelque peu la relation de l'homme à Dieu dans cette perspective - indispensable, si nous voulons comprendre ce que nous nous plaisons à nommer un "tournant" (Kehre) dans la pensée schelerienne et ce que d'aucuns appellent une rupture.

Et d'abord, quelle est la place, la situation de l'homme dans le Tout? Scheler nous dit que "l'erreur des doctrines existantes sur l'homme consiste en ce qu'on voulait intercaler entre la 'vie' et Dieu une étape irnmuable, quelque chose de définissable comme essence: l"homme'. Mais cette étape n'existe pas et l'indéfinissabílité appartient justement à l'essence de l'homme. n n'est qu'un 'in­tervalle', une 'frontiére', une 'passerelle', un 'apparaitre de Dieu' dans le flux de la vie et un éternel 'dépassement d'elle-même de la vie"' (GW 3, 186). Et notre au­teur de nous inctiquer tout de suite dans son essai "A propos de l'idée de l'homme" (GW 3, 171-195) vers quoi doit s'orienter ce dépassement: vers un quel­que chose qui porte le nom de Dieu. L'homme en ce sens est l'être qui peut (tout le monde n'y arrive pas) transcender la vie et qui peut se transcender lui-même. Il est l'intention et le geste de la transcendance elle-même, il est "le X vivant qui cherche Dieu!" (ibid.). Et il peut l'être dans la mesure oú. son entendement, ses outils et ses machines lui donnent de plus en plus de loisir pour contempler et aimer Dieu. Ce n'est que cela qui peut justifier son entendement et son reuvre, à savoir la civilisation: qu'ils rendent son être de plus en plus perméable pour l'esprit et l'amour dirigés vers ce quelque chose qui porte le nom de Dieu. Et Scheler de nous fournir une quasi-définition de l'homme: "Une chose qui com­mence à se dépasser elle-même et à chercher Dieu - c'est cela justement l"homme', quelle que soit sinon son apparence" (GW 3, 189). Et d'insister encore: L'homo bestia naturalis ne devient vraiment homo qu'au moment oú. le désir de Dieu mobilise tout être et tout esprit contre ce qui n'est que "monde". L'homme ne devient vrairnent homme que quand il est fatigué d'être simplement un homme.

Par essence l'homme est donc transcendance ou, comme le ctit encore Sche­ler: il est "le porteur d'une tendance, qui transcende toutes les valeurs vitales possibles et qui est orientée vers le 'divin', ou pour le dire de maniére plus con­cise: il est le chercheur de Dieu (Gottsucher)" (GW 2, 296). Ce terme de "Gottsu­cher" lui a été plus que probablement inspiré par les fameux "Goldsucher", les chercheurs d'or, mais il est irnportant de signaler une différence fondamentale entre les deux types de chercheurs: alors que le chercheur d'or part dans l'inconnu, le chercheur de Dieu est en quête de quelque chose qu'il a déjà en lui

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jance ou, comme le dit encare Sche­transcende toutes les valeurs vitales ou pour le dire de maniêre plus con­)" (GW 2, 296). Ce terme de "Gottsu-1iré par les fameux "Goldsucher", les 3ignaler une différence fondamentale s que le chercheur d'or part dans 3 de quelque chose qu'il a déjà en lui

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A l'homme est ainsi dévolue une tâche ou - ce terme nous semble plus adé­quat dans ce contexte - une mission, à savoir la recherche de Dieu. Et Scheler d:affirmer ~'ernblée que nous avons un certain accês à Dieu, mais puisqu'il s'agit d une relat1on de personne à personne, c'est-à-dire d'un centre d'actes à un autre cen~re d'actes (cfr. la définition de l'essence de la personne dans GW 2, 382), cet acces devra se situer au niveau d'un acte. Dans son analyse des différents modes essentiels ~·actes, modes irréductilJles les uns aux autres, il place en tête, comme mode su~r.eme donc, l'acte religieux. "La premiêre vérité de toute phénoménologie de la religion .. . est loriginalité et la non-déductibilité de l'expérience religieuse" (GW 5, 170). Comme p.ex. les valeurs ne nous sont accessilJles que dans l'acte du sentir spirituel (les actes spirituels étant le mode essentiel d'actes juste en-dessous du mode supérieur), Dieu l'est exclusivement dans l'acte religieux. En procédant de la sorte, Scheler réclame d'ernblée pour l'acte religieux la même évidence eidé­tique que pour tous les autres actes de la conscience. Sa philosophie de la religion se veut donc eo ipso une phénoménologie de la religion qui nous procure la saisie des essences. "Ces actes 'religieux' appartiennent dans leur geme essentiel à la conscience humaine de maniêre aussi constitutive que penser, juger, percevoir, se souvenir" (GW 5, 242) .

Avant d'examiner d'un peu plus prês ce que nous livre l'acte religieux ou ~·e~érience religieuse sur Dieu - ce deus absconditus, caché parce que dépassant mf1mment et radicalement tout horizon humain (GW 3, 81) -, il nous faut insister sur le présupposé majeur de toute connaissance de Dieu comme de toute connais­sance d'autrui d'ailleurs. Comme toute personne peut se refuser à notre approche, peut s'emmurer dans le silence, Dieu pourrait le faire également, il pourrait se taire (c'est le privilêge de la seule personne de pouvoir faire silence). Mais, selon Sche­ler, son amour infini nele lui permet pas - malgré sa toute-puissance (cfr. GW 10, 187). Et toute notre connaissance de Dieu est par conséquent basée sur ce souhait divin de se faire connaitre et son degré dépendra d'un côté de ce que Dieu veut bien nous communiquer de lui-même et de l'autre de notre capacité ou aptitude à saisir cette auto-communication divine. Notre accês à Dieu n'est donc possilJle que grâce à la révélation qui est auto-révélation, auto-communication (Selbstmit­teilung) de Dieu.

Ou'en est-il alors de notre connaissance de la réalité divine, de l'existence ~~ne, de Di~u? En premier lieu Scheler nous donne ce qu'il appelle le príncipe ep1stemolog1que fondamental d'une possilJle expérience d'un Dieu réel, príncipe qui rejoint ce qui précêde: "Si quelque chose de l'essence du divin existe aussi réellement, alors il n'y a qu'une maniêre dont sa réalité peut être donnée ... à des personnes finies : qu'il se donne lui-même spontanément à connaitre à ceux-ci ... Et si ce réel est une personne, ce se-donner-à-connaitre-comme-réel ne peut être que l'auto-révélation (Selbstoffenbarung) de cette personne" (GW 10, 185). Le "si" initial indique clairement que Scheler n'admet aucune preuve "philosophique" (et certainement pas une preuve "rationnelle"; si preuve il y avait, elle viendrait pour

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lui du champ axiologique auquel la connaissance théorique est aveugle) de l'existence de Dieu puisque à ses yeux la philosophie est "connaissance sans révélation", · et en tant que telle "ne peut qu'exhiber le mode constitutif d'expérience, qui, conformément au rapport essentiel de tels medes déterminés d'être et de valeur avec desmedes d'actes et des formes de connaissance, 'appar­tient' au domaine d'objets du divin, mais qui doit s'en remettre à une expérience contingente et factuelle de cet être-d'expérience déterminé a priori pour constater cette réalité dans un acte de croyance" (GW 10, 184). Mais, comme si Scheler voulait atténuer ce qui pourrait être ressenti comme une déficience propre à la seule connaissance de Dieu, il élargit cette déficience en disant que toute "cons­cience de la réalité" de quelque chose est quant à son mode de conscience tou­jours conscience de croyance ... et ceei vaut aussi bien pour la conscience de la réalité d'un Dieu que pour celle d'une table (GW 10, 243).

Ensuite: que pouvons-nous connaitre de Dieu? La même question sous l'autre angle: qu'est-ce que Dieu veut bien communiquer de lui-même? Ou'il se commu­nique par auto-révélation, nous l'avons appris entretemps. Cette demiêre peut s'effectuer selon deux medes. Soit par ce que Scheler appelle la révélation positive et qui est pour lui la forme la plus haute de l'autocommunication: comme le divin est un être de la forme de la personnalité, cette révélation est médiatisée par la parole et une ou des personnes. II s'agit donc iei d'une personne qui se révêle à une personne via une personne ou d'autres personnes. Soit par la forme la plus "courante" que Scheler appelle la révélation naturelle ou Dieu se présente lui­même, s'expose en quelque sorte dans les choses, les événements de la réalité naturelle, psychique, sociale et historique. lei la tâche de l'homme est de découv­rir et de décrypter les traces que Dieu a laissées derriêre lui dans la création, que ce soit dans la matiêre, dans la nature vivante, dans l'âme humaine, dans la socié­té ou dans l'histoire. Autant de maniêres pour Dieu de se révéler à chaque fois autrement et de maniêre plus ou moins adéquate (cfr. GW 5, 157-8).

Dans l'attitude naturelle religieuse l'homme reçoit - Dieu dévoile - d'ernblée deux déterminations essentielles du divin: il est étant absolu (Ens a se) et il est sacré. De cette conscience naturelle d'un étant absolu il s'ensuit presque automa­tiquement que l'homme s'insêre dans la sphêre de l'étant relatif et qu'il en déduit la totale dépendance de cette sphêre par rapport à la sphêre absolue, c'est-à-dire Dieu. Celui-ci, en tant qu'Ens a se, nous apparait d'ernblée comme activité pure, force et pouvoirs purs alors que du côté de l'étant relatif n'apparait que passivité, irnpuissance et dépendance. Nous sont ainsi révélés d'entrée de jeu la toute­puissance de Dieu ainsi que l'infériorité et l'irnpuissance, du moins partielle, de l'homme. Dans sa premiêre saisie l'acte religieux nous livre par conséquent ces trois déterminations essentielles - élevées par Scheler au rang d'évidences eidéti­ques - du divin que sont l'absoluité, la toute-puissance et le sacré. En un deuxiême mouvement noüs est révélé que le monde (au sens le plus large) est et qu'il est l'amvre de Dieu, et c'est en tant que création (le monde en tant qu'expression de la surabondance de l'amour divin qui nourrit cette création comme une source jaillissant sans cesse) qu'il est la révélation possible de son

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Cfr notamment WOJTYLA Karol, Primat Verlag, 1979. - The Acting Person, Dordre

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ssance théorique est aveugle) de >hilosophie est "connaissance sans Lt qu'exhiber le mode constitutif 3ssentiel de tels modes déterminés ies formes de connaissance, 'appar­joit s'en remettre à une expérience ce déterminé a priori pour constater ' 10, 184). Mais, comme si Scheler comme une déficience propre à la ificience en disant que toute "cons­ant à son mode de conscience tou­aussi bien pour la conscience de la w 10, 243). )ieu? La même question sous l'autre quer de lui-même? Ou'il se commu­is entretemps. Cette derniêre peut Scheler appelle la révélation positive mtocommunication: comme le divin 3tte révélation est médiatisée par la e: ici d'une personne qui se révêle à personnes. Soit par la forme la plus naturelle ou Dieu se présente lui­

:hoses, les événements de la réalité la tâche de l'homme est de découv­§es derriêre !ui dans la création, que "dans l'âme humaine, dans la socié-1ur Dieu de se révéler à chaque fois ate (cfr. GW 5, 157-8). me reçoit - Dieu dévoile - d'emblée est étant absolu (Ens a se) et il est _ t absolu il s'ensuit presque automa­:re de l'étant relatif et qu'il en déduit port à la sphêre absolue, c'est-à-dire iarait d'emblée comme activité pure, étant relatif n'apparait que passivité, si révélés d'entrée de jeu la toute­'impuissance, du moins partielle, de gieux nous livre par conséquent ces J Scheler au rang d'évidences eidéti­toute-puissance et le sacré. En un 1 monde (au sens le plus large) est et 1t que création (le monde en tant our divin qui nourrit cette création u'il est la révélation possible de son

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essence même. Du contenu essentiel du monde nous pouvons déduire, par analo­gie, les attributs que Scheler qualifie de supraformels - les trois premiem déjà cités étant des attributs formeis - comme p.ex. esprit, raison, volonté, amour, omnis­cience, bonté infinie, créateur etc. Mais puisqu'ils sont tirés de notre expérience du monde, ces attributs ne peuvent être assignés à Dieu que de maniêre inadé­quate, non explicite et sur le mode analogique - puisque Dieu est par príncipe, ou principiellement, transcendant par rapport à toutes les catégories de l'entendement humain et que par conséquent - ce que la métaphysique anthropomorphique n'a pas vu - tous les attributs positifs de Dieu sont essentiellement différents des attributs humains de même nom. Retenons ici pour notre propos le seul attribut "esprit" : l'esprit divin en tant qu'attribut de l'Ens a se inclut qu'il doit être compris comme esprit absolu, c'est-à-dire comme esprit se fondant exclusivement en lui­même, c'est-à-dire encore comme liberté absolue ou auto-détermination absolue (!) (cfr. GW 5, 186). Nous verrons dans la suite que cette belle théorie de l'esprit divin va connaitre dans la suite un "développement considérable", pour employer l'euphémisme schelerien, tout comme va disparaitre sa rnise à l'écart radicale d'un "Dieu qui se fait" (GW 5, 219; entrançais dans le texte) .

Enfin quelle est la force qui nous pousse à vouloir connaitre Dieu? Vu de l'autre côté: quelle est la force qui pousse Dieu à vouloir se communiquer? Il faut savoir que pour Scheler l'acte de connaitre tout comme l'acte de vouloir d'ailleurs, n'est pas, comme pour Aristote par exemple, un acte "premier" en ce sens qu'il est fondé dans un acte plus originaire, à savoir l'amour. Nous avons déjà signalé que c'est l'amour infini de Dieu qui le contraint en quelque sorte de se communi­quer; de même c'est en dernier lieu l'amour qui incite l'homme à se mettre à la quête de Dieu, à vouloir connaitre Dieu (vouloir et connaitre étant des actes spiri­tuels fondés dans l'amour, lui-même un acte spirituel. Acte spirituel non rationnel, non théorique appartenant à la sphêre de l'émotionnel ou de l'affectif qui possêde un pouvoir de connaissance propre, une fonction cognitive propre). À cet égard l'amour schelerien est comparable à !'Eros de Platon, mais chez Scheler il ne peut évidemment pas être réduit à cette fonction instigatrice de la connaissance puis­qu'il est principalement amour de soi, amour du prochain et amour de Dieu.

Voilà esquissée en quelques traits la situation d'avant la Kehre. D'un côté un Dieu parfait, tout-puissant, omniscient, amour infini et qui, du fait même de cet amour, a créé le monde, et l'homme à son image; de l'autre l'homme - imparfait sur toutes ses coutures et en pleine dépendance vis-à-vis de son créateur. Pas étonnant donc que le pape Jean-Paul II, Karol Wojtyla, se soit senti attiré (attiran­ce critique évidemment) par ce "moment" de la pensée schelerienne5 puisqu'il y va d'une fondation philosophique de la vision chrétienne de la relation entre l'homme et Dieu.

Jusqu'à présent nous n'avons mis l'accent que sur ce qui sépare les deux; en prévision de ce qui va suivre, jetons maintenant un bref coup d'rnil sur ce qui les

Cfr notamment WOJTYLA Karol, Primat des Geistes. Philosophische Schriften, Stuttgart, Seewald Verlag, 1979. - The Acting Person, Dordrecht-Boston-London, D. Reide!, 1979.

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unit. Paur cela naus devans quitter la sphêre de la cannaissance paur entrer dans celle de l'agir. Scheler lui-même naus aide à passer de l'une à l'autre en disant que ~si Dieu est pensé camme personne, alars le savair sur cette persanne n'est nulle­ment pensable camme savair abjectif, mais uniquement camme cogita.re, velle, amare 'in Deo', c'est-à-dire camme co-effectuatian (Mitvollzug) de la vie divine" (GW 7, 220). La valeur d'un acte dépend du fait qu'il est accompli en ou en dehars de Dieu. Scheler ne laisse planer aucun doute à ce sujet: tout compartement de l'homme, pour être ban, doit être un compartement "en" Dieu (amare "in" deo, velle ''in" deo, credere "in" deo), c'est-à-dire "un campartement tel que l'acte de la saisie (Einsicht) accampli par l'homme et l'acte de la volanté qui la suit sont vécus et dan­nés de maniêre irnmédiate camme réellement distincts de l'acte divin lui-même, mais camme identiques quant au contenu et comme co'incidant avec le cantenu des actes divins de connaissance et de vouloir" (GW 2, 220). Trois remarques naus sem­blent devoir être formulées concemant ces passages: 1) Durant les années précédant le "taurnant", Scheler s'obstine à mettre le in 'deo' entre guillemets, et ce probable­ment pour éviter tout soupçon de panthéisme. Ils vant disparaitre aprês 1920. 2) À cette époque il limite l'identité de l'acte humain et de l'acte divin au seul cantenu de l'acte et insiste sur la différence de la réalité des deux actes. Cette distinction va disparaitre également. 3) Il annonce en quelque sorte lui-même l'évalution en parlant de Mitvollzug. Alars qu'avant 1920-1922 cette ca-effectuatian se situait dans la pers­pective d'une "irnitatian" (Nachfolge) de Jésus-Christ, elle prendra une toute autre dimension dans la derniêre philosophie de Max Scheler.

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Et dans cette nouvelle dimensian la tâche deviendra plus ardue tant pour l'homme que pour Dieu. Pour bien marquer d'entrée de jeu le tournant - qui d'ailleurs à nos yeux ressernble plus à une révolution qu'à une évolution - naus naus référerons à un des derniers sinon au dernier écrit de Scheler paru quelques jours avant sa mort sous le titre "Philasophische Weltanschauung" oü. il dit un peu avant la fin: "En son être-homme qui est un être de la décision, l'homme porte la dignité supérieure d'un compagnon d'armes (Mitstreiter), oui d'un coopérateur (Mitwirker) de Dieu; il doit porter au devant de toutes les choses l'étendard de la divinité, l'étendard de la 'Deitas' quine se réalise qu'avec le processus du monde, et ce dans la tourmente du monde" (GW 9, 84). Le texte est on ne peut plus clair: d'un co-effectuant des actes divins sub specie imita.tionis l'homme est passé au stade de véritable coopérateur, d'associé au sens fort. - Avant d'analyser plus avant cette nouvelle collaboration, il est peut-être opportun de dessiner la toile de fond sur laquelle s'est dessiné ce "développement considérable" desa pensée qui - il le concêde lui-même - a subi dans une question aussi fondamentale que la métaphysique de l'être un et absolu (auquel il tient comme auparavant) une modi­fication si profonde qu'il ne peut plus se nommer "théiste" (au sens conventionnel) (cfr GW 2, 17). Est déjà indiqué par là irnplicitement que ses investigations philo­sophiques ont changé de cap: alars qu'av_ant le tournant ses recherches étaient

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HORKHEIMER Max, Max Scheler (187• Schriften, Fischer, 1987, p. 147.

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centrées sur l'élaboration d'une phénoménologie des valeurs et d'un personnalis­me phénoménologique sur lesquels s'est greffée une philosophie de la religion (romaine) - les deux premiers étant maintenus jusqu'au bout et la troisiême aban­donnée - le centre de gravité de sa pensée sera désormais l'élaboration d'une métaphysique. "Le but suprême de son travail fut la métaphysique. II a mené les analyses les plus détaillées en sociologie, épistémologie, éthique et psychologie, mais si on lui avait posé la question de ce qui était le plus important pour lui, il aurait certainement répondu: la métaphysique. Le savoir donc sur le fondement universel (Weltgrund), sur l'être absolu, sur la relation dans laquelle se trouvent l'homme, les animaux et toutes les choses avec cet être qui n'est plus contingent comme ceux-là, mais qui est tout simplement absolu et étemel"6

• Cette citation provient d'un hommage rendu à Max Scheler à l'occasion desa mort en 1928 par Max Horkheirner qui, tout comme le fera d'ailleurs Heidegger, avait tenu à inte­rrompre son cours pour faire ce qu'il est convenu d'appeler une laudatio.

Comment notre philosophe conçoit-il ce nouveau centre de gravité? Il en donne deux déterrninations qui sont presque autant de définitions puisqu'il y est três expli­cite: "Ma métaphysique est un panenthéisme personnalistico-idéal de type émana­tiste. Émanation: Dieu laissa le monde sortir hors de lui, à travers lui". Et un peu plus loin: "Ma métaphysique est panenthéisme du monde - mais du devenir. Le monde comme histoire est une phase, une destinée, une époque de rauto-devenir divin - un usinage (Werkgestaltung) dans et à travers lequel le maitre d'amvre croit et parvient - en le réalisant - à son essence. Dieu dévoile son essence dans l'histoire en se réalisant lui-même" (GW 11, 263-264). D'un côté donc Scheler refuse d'être encore considéré comme théiste, de l'autre, et ce malgré les belles pages qu'il a consacrées à Spinoza (GW 9, 171-182), il repÓusse la qualification de panthéisme, dont toutes les formes ont en commun l'identité substantielle entre Dieu et le mon­de; Scheler y oppose une multitude de substances dont la substance divine, multi­tude qui n'empêche nullement l'irnmanence absolue de Dieu dans le monde. Il parle dans ce contexte d'une identité réciproque en devenir non seulement de l'homme in Deo, mais aussi de Dieu in hominem et per hominem (cfr. GW 8, 360).

Que cette nouvelle conception bouleverse profondément la relation de l'homrne à Dieu et réciproquement est aisé à imaginer. Pour la comprendre vérita­blement, il nous faut encore signaler le dualisme accentué sinon outré qui caracté­rise sa derniêre philosophie. Dans l'Ens a se il distingue deux attributs, une Pul­sion (Drang) toute-puissante et un Esprit (Geist) sans force, sans pouvoir propres. Au point de départ ces deux attributs étaient dans un état de tension originaire et toute l'histoire, tout le devenir consiste à dé-tendre cette opposition originaire par l'idéification de la Pulsion ou, comme il le dit également, par la spiritualisation de la vie. L'espace nous manque ici pour nous étendre sur ce sujet. L'essentiel en est consigné dans "La situation de l'homme dans le monde" de 1927. Retenons seu­lement quelques conclusions concemant la relation de l'homme à Dieu. "Pour

HORKHEIMER Max, Max Scheler (1874-1928), in Gesammelte Schriften Bd. Il: Nachgelassene Schriften, Fischer, 1987, p. 147.

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naus le rapport fondament,ai de l'homme au fondement universel consiste en ce que ce fondement se saisit et se réalise immédiatement dans l'homme qui, en tant que tel, n'est, aussi bien comme être spirituel que comme être vivant à chaque fois qu'un centre partiel de l'Esprit et de la Pulsion de 'l'Étant-par-soi"' (GW 9, 70). Le processus par leque! Dieu se réalise ( Gottwerdung) est le même que celui oú. l'homme se réalise (Menschwerdung) et il consiste en une interpénétration pro­gressive de l'Esprit et de la Pulsion. Ce n'est que dans l'homme que ces deux attributs de l 'Ens a se (les deux seuls que nous puissions connaitre) sont rapportés l'un à l'autre de maniêre vivante. L'homme est leur lieu de rencontre. Dieu et l'homme sont donc à la merci l'un de l'autre. "Aussi peu l'homme peut-il accom­plir sa destinée sans se savoir mernbre de ces deux attributs de l'être suprême, sans savoir qu'il habite en nous, aussi peu I'Ens a se peut-il accomplir sa destinée sans la collaboration de l'homme" (GW 9, 71).

Puisque nous avions privilégié dans la premiêre partie la sphêre de la connais­sance, commençons, par souci de parallélisme, par examiner cette même problé­matique dans la nouvelle perspective. Assez curieusement on pourrait prétendre, à premiére vue, que rien n'a changé: l'homme reste le chercheur de Dieu. Mais dês qu'on y regarde d'un peu plus prês, on constate à quel point le changement est profond. Alors que le Gottsucher d'avant 1920-1922 devait pour ainsi dire se con­tenter de saisir ce que Dieu voulait bien communiquer de lui-même, d'être le ré­ceptacle quasi passif de l'auto-révélation divine, il doit maintenant s'engager dans la même voie - qui mêne à Dieu - mais cette fois de maniêre active et dynarnique puisqu'il y est profondément et même essentiellement impliqué. Un aphorisme de Scheler résume à merveille la nouvelle tâche ainsi assignée à l'homme; à la limite on pourrait s'imaginer que Scheler lui aussi se serait senti interpellé par l'inscription delphique qui invitait l'homme à se connaitre soi-même: "Alors que l'homme - se cherchant - se trouve, ... il trouve- 'Dieu"' (GW 9, 296). - Il y a, selon Scheler, une connexion nécessaire et de nature essentielle (wesensnotwen­dig) entre la conscience de soi et la conscience forrnelle de Dieu - "forrnelle" parce que Dieu ne signifie ici que l'être-par-soi-même muni du prédicat sacré, le "con­tenu" pouvant prendre mille et une configurations. Et cet Ens a se dévoile son être dans l'histoire en se réalisant lui-même. Ce n'est dane pas une substance étemelle qui prend conscience de soi en l'homme et en elle du monde, comme chez Spino­za, ni qui prend de plus en plus conscience de soi dans l'histoire du monde, com­me chez Hegel, non: l'être suprême n'est connaissable (erkennbar) en l'homme que dans la mesure oú. celui-ci "réalise dans son centre, dans son crnur pour ainsi dire, la revendication idéale de la déité"(GW 12, 213). L'homme est cet être dans leque! le Ens a se prend conscience de ses deux attributs et de leur tension. C'est en l'homme et à travers l'homme que la déité se réalise elle-même. Il faut donc abandonner la perspective du soumis ou l'image de l'enfant de Dieu pour passer à celle de coopérateur. L'homme co-produit véritablement Dieu et le lieu oú. se pro­duit cette auto-déification est le cceur humain

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effectuation, uniquement par I'acte d'engagement et l'acte de l'iCÍ.entification ac­tive" (GW 9, 71). Dieu - comme toute· personne, ce qu'il reste chez le dernier Scheler - n'est pas saisissable par des actes "objectivants" (objektivierende), il ne l'est que dans l'acte de l'engagement personnel de l'homme pour la déité. Et Scheler de conclure «La situation de l'homme dans l'univers" : "Ce n'est que dans l'engagement de la personne elle-même que s'ouvre la possibilité d'acquérir un 'savoir' sur l'être de l'étant-par-soi" (ibid.). Connaitre Dieu équivaut donc main­tenant à saisir son dévoilement progressif dans l'histoire, l'histoire qui est le proc­essus de son auto-réalisation, et cette auto-réalisation à son tour n'est possible que grâce à la participation active de l'homme. - Avant d'examiner d'un peu plus prés cette auto-réalisation - conjointe de Dieu et de l'homme dans le monde -nous voudrions briévement évoquer une autre dimension de ce savoir. Dans "Les formes du savoir et la culture" de 1925 (GW 9, 85-119) oú. il reprend les résultats de recherches antérieures (à partir de 1921 environ) publiées sous le titre "Problémes d'une sociologie du savoir" (GW 8, 15-190), il assigne au savoir en général trois objectifs suprêmes, et chacun de ces objectifs ne peut être atteint que grâce à sa forme spécifi.que. II y établit une hiérarchie "claire et irnmédiate­ment évidente" entre ces trois formes du savoir qui correpond, selon lui toujours, exactement à la hiérarchie objective des valeurs qu'il avait élaborée dans le For­malisme. Au bas de l'échelle l'objectif est la domination et la transformation prati­que du monde à des fins utilitaires; le savoir qui y correspond, Scheler le nomme savoir de domination ou de performance (Herrschafts - oder Leistungswissen). À un niveau supérieur il s'agit de promouvoir le devenir et le plein épanouissement de la "personne qui sait" - c'est le savoir de culture ou de formation (Bildungswis­sen). Et au troisiême et plus haut degré le savóir salvateur ou le savoir rédempteur (Heils- oder Erlôsungswissen) qui est un savoir en vue de (umwillen) la déité, c'est-à-dire voué au devenir du monde et au devenir a-temporel de son fondement universel, ces deux devenirs ne pouvant accomplir leur destinée que dans notre savoir humain. Dans ce savoir la personne humaine cherche à prendre part à l'être suprême lui-même ou, vu de l'autre côté, le fondement universel fait offre d'une prise de participation à l'entreprise commune. - Chaque forme de savoir posséde ainsi son objectif propre - le "savoir pour le savoir" n'existe pas pour Scheler -mais c'est surtout l'objectif "final" de la forme suprême qui lui tient à cceur; à ce niveau l'homme doit être considéré comme co-fondateur, co-formateur et co­auteur de la totalité qui se fait, de la déité qui devient et - notre auteur ne cache pas son optimisme - qui se réalisera: "le Dieu qui devient croit dans son ceuvre, s'élêve et triomphera un jour" (GW 12, 213).

Ce volet rédempteur et libérateur du Heilswissen montre à quel point la "demiêre métaphyique" de Max Scheler s'inscrit dans un contexte profondément religieux - l'acte religieux non plus compris comme croyance et imitation qui seraient fondées dans la révélation, la grâce et l'illumination divines, mais comme participation active et spontanée, en pleine "connaissance de cause" commune à Dieu et à l'homme, à la réalisation de la totalité, à ce qu'il appelle I'auto­déification. Même si cette dimension religieuse semble ici en quelque sorte privi-

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légiée, elle s'inscrit néanmoins dans une perspective plus large, à savoir la dimen­sion anthropologique, celle de l'homme tout entier.

Sur ce point tous les témoignages, et ils sont nombreux, sont unanimes; ce qui préoccupait avant tout et en prernier lieu le Scheler d'aprés 1920, c'était l'anthropologie métaphysique, cette science fondamentale de l'essence et de la structure essentielle de l'homme, de sa relation à la nature (inorganique), aux plantes et aux animaux et au fondement de toute chose. D'ailleurs il avait deman­dé peu avant sa mort un semestre sabbatique à l'université de Francfort pour rédiger un ouvrage qu'il avait annoncé depuis quelque temps: son anthropologie philosophique, tout heureux qu'il était - selon ses propres dires quelques semai­nes avant sa disparition - de constater que la majeure partie des problémes philo­sophiques qu'il avait traités jusque là convergeaient dans ce questionnement, questionnement ou se rejoignent sinon fusionnent ses aspirations métaphysiques et sa quête sur la situation de l'homme dans l'univers. Ce n'est que dans l'homme et à même l'homme qu'on peut saisir la totalité qui comprend donc, outre l'homme, la nature (inanimée et animée) et Dieu. Le noyau de toute l'histoire est l'histoire de l'homme puisque l'homme est rnicro-cosme, c'est-à-dire l'unité de toutes les régions eidétiques (Wesensregionen) de l'étant. Micro-cosme certes, mais, dans la nouvelle perspective panenthéiste, également micro-theos (cfr. GW 9, 83) puisque la personne humaine est "auto-concentration de l'esprit divin lui­même" (GW 11, 156) tandis que le monde est le "corps propre" (Leib) de Dieu, à savoir la "corporéisation" (Verleiblichung) continue de la Pulsion éternelle. Le "Dieu qui devient", la déité se réalise dane elle-même selon ses deux attributs essentiels: la Pulsion dans le monde et le corps des êtres humains, l'Esprit exclu­sivement dans des personnes. C'est donc l'homme en tant que personne qui est le lieu propre de l'auto-déification. C'est en lui que l'évolution universelle, que la déité réalise son être. La déité devait, pour se réaliser, s'accommoder de l'homme; elle ne mérite le qualificatif de Dasein divin que dans la mesure ou elle réalise sa déité éternelle dans et par l'homme (cfr GW 9, 55). L'homme - un petit instant de fête dans l'évolution universelle - est par conséquent le moment significatif de la destinée de la déité elle-même. L'histoire de l'homme n'est pas "un sirnple spec­tacle pour un observateur et juge divin éternellement parfait, mais est irnpliquée dans le devenir de la divinité elle-même" (GW 9, 101-102).

Ce bref exposé de la nouvelle perspective nous sernble rendre manifeste que ce n'est pas seulement le fond de la pensée schelerienne qui a subi un profond changement, mais également - par nécessité interne probablement - la forme: le langage qui véhicule le panenthéisme se rapproche de plus en plus du langage mystique, s'éloigne de plus en plus du discours phénoménologique. D'ailleurs Scheler lui-même en est parfaitement conscient: d'un côté il fait réguliêrement allusion aux mystiques et plus particuliêrement à Maitre Eckhart, de l'autre il concede que "la métaphysique partage avec la religion la tentative d'une partici­pation à l'étant absolu, mais non plus comme la religion par croyance ou irnitation ... mais par connaissance spontanée ... de.la chose ellemême" (GW 8, 87). Cette

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-Nous reprenons ici la traduction de Mau transposé en trançais le Fonnalisme (paru ,

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nous sernble rendre manifeste que ;chelerienne qui a subi un profond nteme probablement - la forme: le 1roche de plus en plus du langage ours phénoménologique. D'ailleurs mt: d'un côté il fait réguliêrement mt à Maitre Eckhart, de l'autre il 1 religion la tentative d'une partici­a religion par croyance ou irnitation chose ellemême" (GW 8, 87). Cette

demiêre expression tirée du slogan husserlien n'est pas à prendre pour un hasard ou un dérapage isolé; le second Schelecfait encare réguliêrement appel à la saisie des essences, à la connexion essentielle, se réfêre donc explicitement à la phéno­ménologie mais à la fin de sa vie (il est irnpossible de donner une date exacte, mais sürement aprês la parution de Sein und Zeit en 1927), il note en bas de page: "Moi, personnellement, j'évite le mot de phénoménologie" (GW 9, 285). Ce qui signifie à nos yeux que Scheler s'est finalement rendu compte d'une inadéquation grandissante entre le langage phénoménologique et sa derniêre Sorge, à savoir la destinée de la totalité oú. sont intirnement irnbriqués la déité, le monde et l'homme. Et pour expliciter cette irnbrication, Scheler utilise un concept qui ne l'a pas quitté sa vie durant, qui n'est ni proprement mystique ni spécifiquement phé­noménologique, et dont la signification suit l'évolution générale de sa pensée: le concept de solidarité.

Dans sa période "classique" il énonce son principe de solidarité comme une loi fondamentale d'un cosmos de personnes morales finies, l'énonce même comme l'axiome suprême de toute philosophie sociale et de toute éthique sociale oú. sont co-responsables toutes les personnes individuelles et les "personnes communes" (Gesamtpersonen),1 des unités sociales d'ordre supérieur à la masse, la société et la communauté vitale). La co-responsabilité est réciproque entre la personne singuliêre et la personne commune et n'exclut pas leur double auto-responsabilité ... Mai& singuliêre ou commune, la personne est toujours responsable devant <souligné par nous> la personne des personnes, devant Dieu, et cela tant en ce qui concerne son auto-reponsabilité que sa co-responsabilité (GW 2, 522). Irnpossible ici d'entrer dans le détail d'une explicitation de ce que Scheler entendait par Gesamtperson, l'irnportant était de souligner l'auto-responsabilité de chaque personne et la co­responsabilité entre les personnes finies devant Dieu. Ce "devant" va disparaitre au profit d'un in ou d'un mit. Le principe de solidarité est ainsi reformulé de maniêre radicale. Sans perdre complêtement sa dimension sociale, il devient avant tout mé­taphysique en ce sens que la co-responsabilité fondamentale est celle entre l'homme et la déité. "Car l'homme est l'exécutarlt (Vollstrecker) de !'ultime objectif du devenir de la divinité elle-même - en tout cas le co-exécutarlt - oui, il est l'exécutant qui dirige et qui préside à l'histoire" (GW 12, 223). Ce n'est donc pas "au-dessus" ou "hors" de l'homme que la déité se réalise, c'est dans l'homme qu'elle mêne "son dernier cornbat".

C'en est ainsi terminé avec la quiétude divine - avec un Dieu qui serait auto­déterrnination absolue, toute-puissance sans faille qui aurait créé, dans un geste exubérant d'amour, l'homme, avec un Dieu dont la pré-science n'était que pré­voyance ... non, nous voilà en présence d'un Dieu qui devait créer ou mieux, qui devait laisser advenir l'homme pour pouvoir se réaliser lui-même. Que les consé­quences d'une telle appréhension soient "dramatiques" (au sens noble) pour Dieu également, nul n'en doutera. Scheler lui-même d'ailleurs ne laisse planer aucun

Nous reprenons ici la traduction de Maurice de Gandillac à qui nous devons !e courage d'avoir transposé en trançais !e Formalisme (paru à Paris chez Gallirnard).

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doute à ce sujet: "Je professe le Dieu qui souffre, qui lutte mais qui, en surmon­tant ses souffrances, est plus heureux (seliger) qu'un Dieu parfait" (GW 11, 263). Ou encare, en réponse à des détracteurs: "On m'a dit que l'homme ne saurait supporter un tel dieu en devenir 'imparfait'; il ne saurait avoir aucune signification pour lui puisqu'il ne pourrait pas 's'appuyer' sur lui, ne saurait être pleinement confiam que la substance éternelle puisse atteindre sa destinée du devenir-dieu et en elle le monde et l'histoire. A cela je réponds que Dieu n'est pas une 'béquille' pour des faibles et que la foi véritable n'est pas une 'compagnie d'assurances', et que cela dépend justement de toi, mon frére ou ma samr qui parle ains~ de ton comportement et de ton agir, si la substance devient plus ou moins Dieu ou si lui continue, en toi ou en dehors de toi, de souffrir de sa tension originelle.

Celui qui ne sait supporter un Dieu irnparfait, un Dieu qui devient, un Dieu partiellement dépendant de l'action de l'homme, mais uniquement un 'pére tout­puissant et infinirnent bon qui le protege', celui-là n'est pas encare mfu pour notre époque" (GW 12, 213).

Ce qui, à nos yeux, était devenu insupportable pour Scheler était l'idée qu'un Dieu parfaitement bon (allgütig) ait, suite pour ainsi dire à une "overdose" d'amour, créé le monde et l'homme et reste dans la suite insensible au destin de son ceuvr~ reste indifférent à ce qui se passe au Kosovo, en Colombie, au Carnbodge ou en Éthiopie - pour ne citer que quelques exemples actuels, Scheler faisant allusion au tremblement de terre au Japon et à la.premiére guerre mondiale. Pour notre philoso­phe, la perfection n'est pas au début mais n'est que l'aboutissement d'une longue marche ou cheminent main dans la main Dieu et l'homme.

* * * Que ce "développement considérable" de la pensée de Max Scheler que naus

venons d'exposer ait suscité de nombreux commentaires, réactions et interpréta­tions n'étonnera personne. La plupart tournent évidemment autour de la question du pourquoi de cette évolution/rupture. Il va de soi que naus ne pouvons en faire ici un relevé exhaustif. Signalons dane sirnplement leur existence tout comme la parution d'une excellente étude relativement récente sur ce sujet de la main de Wemer SchüBler.ª Tout en faisant le point sur la question il propose une thése nouvelle: que l'argument décisif pour l'idée d'un "Dieu qui devient" serait issu du probléme du mal. Personnellement naus pensons que cette nouvelle piste devrait être exploitée mais surtout élargie en direction du "principe" de la responsabilité ou mieux, dans le cadre de la derniére philosophie de Scheler, de la co-responsabilité. Mais ceei de­vrait être l'objet d'une étude à part.

Ce qui nous semble indiscutable, c'est le fait que Scheler était à la recherche d'une vaie moyenne entre l'affirmation "L'homme est la mesure de toutes choses" de Protagoras et le "C'est donc Dieu qui serait pour naus au plus haut degré la me­sure de toutes choses, et Lui bien plutôt, je suppose, que ne l'est, au dire de certa-

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* la pensée de Max Scheler que nous nmentaires, réactions et interpréta­ividemment autour de la question du que nous ne pouvons en faire ici un

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ins, tel ou tel homme" de Platon (Les Lois N, 716). À la recherche donc d'un Dieu à notre portée, c'est-à-dire qui nous soit ·accessible ou, autrement dit encore, que nous puissions comprendre. N'est-ce pas pour cette raison qu'il a voulu en quelque sorte "ramener Dieu sur terre"? Peut-on, doit-on lui adresser pour cela le reproche, sinon lui attribuer la faute d'hybris, cet orgeuil démesuré qui pousse l'homme à vouloir être l'égal de Dieu? Nous sommes convaincus que ce n'était pas l'enjeu de la Kehre schelerienne. Vers la fin de sa vie il écrit: "Jusqu'à maintenant l'homme a pensé trop petit de lui-même - et non trop grand de la divinité" (GW 11, 263). Ce rehaussement de l'homme, en le rendant responsable de la destinée de la déité, ouvre l'horizon d'une co-responsabilité ou il ne saurait plus être question de se reje­ter la faute mutuellement. L'homme, l'humanité doit assumer ! Encore une fois une voie moyenne entre deux positions extrêmes: déclarer ou bien Dieu seul responsable de tout y compris le mal ou bien l'homme. Une autre possibilité serait évidemment -mais elle n'aurait pu être envisagée par Scheler - d'élirniner carrément Dieu.

Le discours philosophique ne nous perrnet pas d'aller plus loin dans ce ques­tionnement. Nous avons voulu montrer jusqu'ou il peut aller - sans transgresser les limites, à nos yeux interdites pour la seule raison qui le sépare du verbe des théolo­giens. - Si nous sommes ainsi convaincus que notre propos a respecté ces limites et est resté philosophique, nous voudrions maintenant aborder une question plus déli­cate, un problême plus difficile à résoudre: notre discours est-il resté phénoménolo­gique? La même question forrnulée de maniêre plus générale: quelles sont les limi­tes de la démarche phénoménologique? La fondation d'une nouvelle société de phénoménologie n'est-elle pas un moment privilégié pour s'interroger sur l'essence­même de la phénoménologie, sur ses possibilités et ses limites?

Afin d'ouvrir le chemin de la réponse, nous proposons de rappeler d'abord le § 24 des Ideen I qui constitue en quelque sorte la charte du mouvement phénoméno­logique: "Avec le principe des principes nulle théorie imaginable ne peut nous indui­re en errem: à savoir que toute intuition donatrice originaire est une source de droit pour la connaissance; tout ce qui s'offre à nous dans l"intuition', de façon originaire (en chair et en os pour ainsi dire) doit être simplement reçu pour ce qu'il se donne, mais sans non plus outrepasser les limites dans lesquelles il se donne alors". Som­mes-nous astreints à nous tenir à cette "charte" sous peine d'exclusion du mouve­ment? Ou, pour pousser plus loin notre questionnement: sommes-nous obligés d'adhérer à cet idéal husserlien d'une phénoménologie comme science rigoureuse et en même temps comme philosophie premiêre qui l'a conduit, pour qu'elle reste "pure", à une philosophie de la constitution et à l'idéalisme transcendental? Un bref coup d'aiil sur la sui1e du mouvement phénoménologique suffit pour répondre par la négative. Mais ceei ne résout pas encore notre problême de savoir si le phénoméno­logue peut aborder - au nom de la phénoménologie - des questions comme celles abordées par le dernier Scheler et dont celui-ci dit lui-même qu'elles se situent au niveau métaphysique. Si on avait soumis au dernier Heidegger la question schele­rienne de Dieu comme être un et absolu, celui-ci, s'il avait accepté de répondre, aurait plus que probablement résumé sa propre position en nous lançant: Gott got­tet. 11 n'est pas sür qu'une telle phénoménologie "tautologique" (die Welt weltet, das Sein west etc.) nous soit d'un grand secours.

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D'ailleurs il va de soi que notre intention se limite à soulever la question et nullement d'y apporter une réponse quelque peu satisfaisante. En France cette question a donné lieu à une polémique dont rendent compte les belles pages de Dominique Janicaud à ce sujet (surtout: Le toumant théologique de la phénoménologie française, Combas, éditions de l'éclat, 1991 et La phénoménologie éclatée, Paris, éditions de l'éclat, 1998). Et, pour en terminer avec cette Fragestellung, peut-être une derniére suggestion inspirée de Max Scheler: ne pourrait-on pas déplacer à nouveau ce débat vers le lieu par excellence ou se rejoignent toutes les questions philosophiques: le camr humai.rf?

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SÍNTESE - A problemática da intersubjetivic de desempenha um papel central nos atu debates filosóficos em fenomenologia. O fer meno da religião tem recentemente tamb1 volttado a chamar a atenção com vigor. , falar nesta comunicação sobre o que os gre(; denominaram de ethos, refiro-me ao ãmbito problemas da intersubjetividade, sobretudo relação das diferentes culturas, que se diferE ciam fundamentalmente por seu ethos. A pi blemática da interculturalidade constitui, SE

dúvida, atualmente, uma das mais crescen1 preocupações da humanidade de espec significação. O ethos está em todas as cultu1 tradicionais estreitamente entrelaçado à e~ riência do divino. Correspondentemente, minha própria origem será ressaltada n reflexões seguintes, enfocando a nossa tradiç ocidental de dois mil anos. PALAVRAS-CHAVE - Cultura. Ethos. Fenom nologia da Religião. Intersubjetividade.

Die Phii.nomenologíe beruht zun ders Edmund Husserl auf der Einste diese Einstellung noch immer den 1

Befreiung von Vorurteilen gerecht z1 bleibt, solange sie sich als Wissens Analyse der "Erfahrung" in einer wei

* Universitãt Wuppertal.

1 VERITAS 1 Porto Alegre v.45