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Le bouclage du circuit économique André Chaîneau Faculté de Sciences Economiques Université de Poitiers ESTUDOS DO G. E. M. F. Março de 1995 Grupo de Estudos Monetários e Financeiros Universidade de Coimbra - Faculdade de Economia Av. Dias da Silva 165 3000 COIMBRA Publicação cofinanciada pela J.N.I.C.T.

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Page 1: Le bouclage du circuit économique - fe.uc. · PDF fileLe bouclage du circuit économique André Chaîneau I - L'ANALYSE THEORIQUE-A- Rappel du circuit économique 1°- Le schéma

Le bouclage du circuit

économique

André Chaîneau

Faculté de Sciences Economiques

Université de Poitiers

ESTUDOS DO G. E. M. F.

Março de 1995

Grupo de Estudos Monetários e Financeiros

Universidade de Coimbra - Faculdade de Economia

Av. Dias da Silva 165 3000 COIMBRA

Publicação cofinanciada pela J.N.I.C.T.

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Le bouclage du circuit économique

André Chaîneau

I - L'ANALYSE THEORIQUE

-A- Rappel du circuit économique

1°- Le schéma

La représentation graphique la plus simple du circuit économique est la

suivante:

Les entreprises rémunèrent les

propriétaires des facteurs de production

en leur versant un revenu monétaire

YB. Les ménages renvoient aux

entreprises un montant monétaire égal à

D leurs achats de biens et à ∆F leurs

achats de titres; mais ils accumulent un

montant de monnaie ∆M. Les

entreprises reçoivent en plus du secteur

bancaire, une quantité de monnaie ∆M qui correspond à la monétisation des crédits

obtenus.

2°- L'indépendance de l'offre et de la demande de monnaie

Ce schéma de circuit établit de façon très claire, l'indépendance de l'offre de

monnaie ∆M et de la demande de monnaie ∆AM. Certes on pourrait la nuancer en

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constatant que les entreprises peuvent accumuler de la monnaie et que les ménages

peuvent obtenir des crédits bancaires monétisés. Mais dans les faits, ces réserves n'ont

aucune importance parce que la monnaie créée est offerte à un sous-ensemble restreint

d'agents économiques mais est demandée par la totalité des agents économiques.Pour

justifier ce schéma, ajoutons que les entreprises, à l'inverse des ménages, se voient

offrir beaucoup de monnaie mais n'en demandent que peu.

Donc nous constatons que l'injection monétaire dans le circuit des dépenses

monétaires est disjointe et en conséquence indépendante de la fuite monétaire dans ce

même circuit des dépenses.

Aussi on peut imaginer qu'existera naturellement un déséquilibre entre l'offre

et la demande de monnaie puisqu'elles ne sont pas branchées l'une sur l'autre. On peut

noter que c'est une particularité de la monnaie. Les autres flux résultent d'une

confrontation directe entre l'offre et la demande, confrontation parfois bloquée par

l'existence d'un prix bloqué politiquement.

3°- Le déséquilibre monétaire

La considération du schéma ci-dessus pourrait nous inciter à croire qu'il y a

déséquilibre monétaire si on constate -ce qui apparaît infiniment probable-:

∆M#∆AM. L'ennui est que cette inégalité écrite sous cette forme est impossible. En

effet ∆M est identique à ∆AM. Cette identité est évidente: quand la monnaie est créée,

elle est nécessairement détenue par un agent quelconque. Il n'y a pas de monnaie sans

propriétaire. Ce fait indiscutable oblige à comprendre que les grandeurs économiques

sont doubles: elles possèdent une valeur effective dite ex post et une valeur anticipée

dite ex ante.

C'est en retenant ces valeurs ex ante que l'on peut faire apparaître les

déséquilibres. En effet ex post, il n'y a que des équilibres. Ces équilibres ex post sont

des équilibres comptables, nécessaires, obligatoires. Chaque année, les Comptes de la

Nation donnent les équilibres de la Nation; que la conjoncture soit bonne ou

mauvaise.

Pour la monnaie, les choses sont simples. L'offre de monnaie étant

indépendante de la demande, elle s'impose aux agents économiques pour son montant

effectif ∆M. C'est au niveau de la demande de monnaie qu'apparaît cette valeur ex

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ante. Les agents s'attendent, anticipent une variation de leurs encaisses ∆AM*. Les

raisons de cette valeur sont multiples. Sans doute, le taux de croissance réelle de

l'économie, le taux d'inflation des prix, la politique monétaire du pays, leur préférence

pour la monnaie seront déterminants.

Et c'est cette valeur attendue de ∆AM* qui ne sera pas réalisée à cause d'une

variation ∆M le plus souvent supérieure. C'est à ce moment-là que joue l'effet de

surprise qui résulte de l'inégalité:

∆M > ∆AM*.

Mais comme dans les faits, la monnaie créée est détenue en caisse, on a: ∆M identique

à ∆AM , et alors les agents économiques possèdent plus de monnaie qu'ils ne s'y

attendaient: ∆AM > ∆AM*. Ils ressentent donc une situation de surliquidité. On

constate ainsi que l'effet de surprise se double d'un effet de contrainte.

Alors les agents économiques vont réagir à cette contrainte de surliquidité. Ils

manifestent une préférence pour les actifs non monétaires dont les quantités (si elles le

peuvent) et les prix (eux sûrement) augmentent.

Jusqu'où ira cette réaction des agents économiques ? Jusqu'au point où le

gonflement des valeurs nominales des flux YB, D et ∆F justifiera une expansion des

encaisses monétaires actives qui épongera cette surliquidité. Symboliquement, on peut

écrire:

∆ ∆AM AM> * → hausse de YB → hausse du besoin de monnaie active

→ élimination de la

surliquidité initiale

Mais ce processus de rééquilibrage demande du temps. Aussi il ne sera pas achevé

qu'un nouveau déséquilibre se sera déjà manifesté.

Aussi doit-on parler de l'équilibre économique en deux phrases apparemment

contradictoires:

1- l'économie est toujours dans un processus de recherche d'un équilibre qu'elle

n'atteint jamais.

2- l'économie est toujours en position d'équilibre, mais d'un équilibre ex post,

comptable, logiquement nécessaire qui n'a aucune signification économique.

Pour résumer ces développements, on peut dire que l'équilibre complet des

flux du circuit, monétaires et autres, est une notion abstraite, idéale, irréalisable, que

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cet équilibre n'a jamais été atteint et qu'il ne le sera jamais. Aussi il faut se résigner à

voir dans ce que nous appelons équilibre, rien d'autre que la somme des déséquilibres

socialement tolérés. Ainsi un ∆AM pas trop différent de ∆AM* représente une

approximation d'équilibre monétaire.

-B- L'analogie avec l'analyse post-keynésienne élémentaire

1°- Le circuit keynésien

Le circuit keynésien est, lui aussi, construit de façon à faire apparaître une injection et

une fuite. L'injection est évidemment

l'investissement I et la fuite non moins

évidemmment l'épargne S.

2°- Les ressemblances formelles des deux circuits

L'injection est une variable autonome dans

les deux modèles. Cela signifie qu'elle s'impose

dans les flux du circuit. Soit elle est

l'investissement I; soit elle est l'offre de monnaie.

La fuite est par contre une variable induite par Y. Pour l'épargne, c'est très

simple. Il suffit d'une équation linéaire à une variable pour en rendre compte:

S S s YAUT= + ⋅ avec s constante représentant la propension marginale à épargner.

Pour l'accumulation monétaire, c'est un peu plus compliqué. Elle dépend aussi de Y

puisqu'elle en est un pourcentage: ∆AM = m ⋅ Y; mais le coefficient m n'est pas

constant. Aussi il faudra expliquer l'instabilité de cette propension moyenne à

accumuler de la monnaie. Pour le moment, on écrit: ∆AM = m(x1, x2, xi,...) ⋅ Y. Et

nous retenons que les deux fuites sont des fonctions de Y.

3°- Les deux multiplicateurs

Les deux modèles vont permettre l'établissement de deux relations de

multiplication de la variable autonome qui donnent la valeur de Y. Formellement on

peut écrire:

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Y AUTF Y

=1

( )

Pour le modèle keynésien (en oubliant SAUT l'épargne autonome), on a la relation

simplifiée qui suppose tout l'investissement autonome:

Y Is

=1

avec 1/s qui représente le multiplicateur de l'investissement.

Pour le modèle monétariste, on obtient:

( )Y M

m x x x i= ∆

1

1 2, , , ...

Logiquement, il est donc possible d'établir deux multiplicateurs du revenu

global, l'un d'investissement, l'autre de la création monétaire.

-C- Le problème de la spécification de la fonction de demande de monnaie

1°- La fonction d'épargne est plus simple.

Celle-ci se définit très élémentairement comme une fonction linéaire de Yt qui

partage l'épargne totale entre épargne autonome et épargne induite par Y:

S S s Yt AUT t= + ⋅ avec s constant.

2°- La fonction de demande retenue et testée est celle de Keynes.

La masse monétaire Mt se partage en monnaie active Mactt et en monnaie

oisive Moist. Cette égalité vaut pour les variations. Aussi a-t-on:

∆Mt = ∆Mactt + ∆Moist.

La monnaie active est une fonction linéaire simple du montant des transactions

T pour lesquelles on retient comme image statistique le Produit Global Y. On écrit:

Mactt ⋅ Vact = Yt. Mais Vact est posé comme une constante; cette hypothèse est sans

doute admissible à moyen terme. L'habitude est de retenir l'inverse de Vact noté kact.

La relation devient: Mactt = kact ⋅ Yt

ou ∆Mactt = kact ⋅ ∆Yt

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La monnaie oisive Moist représente la somme de toutes les thésaurisations

nettes opérées antérieurement Σ∆Moist-i. Cette thésaurisation courante est un emploi

du revenu pour une fraction variable th qui apparaît comme un coefficient budgétaire

et qui a pour caractéristique d'être instable: ∆Moist = tht ⋅ Yt-1. Un retard de Y a été

retenu parce qu'il a été justifié économétriquement. Mais la complication évidente est

l'instabilité de th qui peut prendre tantôt des valeurs positives, tantôt des valeurs

négatives. On n'a plus la belle simplicité de la fonction d'épargne avec une propension

marginale à épargner stable. Pourtant, on conserve une stabilité: celle de l'intensité

d'utilisation de la monnaie active; mais on ajoute une instabilité: celle de la

propension à thésauriser. Finalement, on obtient comme fonction de demande de

monnaie:

∆AMt = kact ⋅ ∆Yt + tht ⋅ Yt-1.

A l'équilibre, il faut:

∆AMt = ∆Mt

kact ⋅ ∆Yt + tht ⋅ Yt-1 = ∆Mt.

Cette dernière expression donne directement:

∆∆

YM

kact

th

kactYt

t tt= − ⋅ −1

ou encore en divisant par Yt-1 pour avoir le taux de croissance nominale de & :Y

&YM

kact Y

th

kacttt

t

t=⋅

−−

1

4°- Commentaires

a) La relation ∆Yt = ∆Yt ⋅ (∆Mt, tht ) comme celle qui vaut pour &Yt , prévoit un signe

plus pour ∆Mt et un signe moins pour tht.

b) Le second commentaire est que si tht prend la valeur zéro, la relation est celle du

quantitativisme monétaire le plus classique.

c) Mais le dernier commentaire est que l'examen des faits prouve l'instabilité de cette

propension à thésauriser.

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-D- Opposition de l'instabilité de th à la stabilité de s

La grande différence entre le multiplicateur monétaire et le multiplicateur des

dépenses autonomes est que le premier est instable et que le second est stable. Cela

tient à ce que th est une variable de comportement dont la valeur se modifie au cours

du temps alors que s est un paramètre de comportement dont la valeur est constante.

Est-ce-à dire que cette variabilité de th est un handicap ?

1°- Sur le plan de la commodité, il est plus simple d'utiliser un multiplicateur constant

et de limiter la cause des changements aux seules variations du multiplicande, le

montant des dépenses autonomes. Mais sur ce terrain de la simplicité de l'analyse, que

le multiplicateur et que le multiplicande varient ensemble, n'est pas un facteur de

complication bien considérable. De plus intuitivement il semble un peu étonnant que

dans un monde où tout bouge, le multiplicateur puisse rester constant. Et enfin, le

modèle monétariste sera reformulé de façon à retenir un multiplicateur constant.

2°- La significativité du multiplicateur keynésien

a) Ce multiplicateur repose sur la stabilité de s qui semble assez artificielle. Reprenons

la régression linéaire de S sur Y qui permet de partager l'épargne en deux

composantes, une autonome par rapport à Y et une induite par Y: St=SAUT+ s ⋅ Yt.

On constate que l'on n'explique pas le comportement moyen des épargnants qui est

instable mais seulement leur comportement marginal qui est stable. Ainsi on réduit la

portée de l'analyse de l'épargne et on renvoie dans SAUT tout ce que Y n'explique pas.

b) Alors ce qui apparaît clairement dans le modèle complet, est que l'on obtient une

curieuse multiplication qui n'explique pas grand chose.

S = SAUT + s Y

I = IAUT

S = I

La solution bien connue est: ( )Y I SsAUT AUT= + ⋅1

En effet le multiplicande est formé d'un ensemble de variables dont on ne fait

que constater la valeur. En bref, on multiplie quelque chose que l'on ne connaît pas

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(IAUT - SAUT) par quelque chose que l'on connaît ( 1/s ). Cela signifie-t-il que l'on a

expliqué la valeur de Y ? On peut en douter. Ce modèle élémentaire affirme

simplement, si l'on suppose 1/s = 4, qu'à un petit quart correspond un petit tout et qu'à

un gros quart correspond un gros tout...La portée de cet enseignement n'est pas

considérable ...

c) Et puis, il faut considérer le traitement de l'épargne dans ce modèle. Deux

remarques critiques peuvent être formulées.La première est que les épargnants sont

des agents inertes, passifs, privés de tout pouvoir si leur épargne autonome ne varie

pas. Ils adaptent alors passivement leur épargne: le nouveau Produit Global Y la fait

croître de façon à ce qu'elle devienne égale à l'investissement autonome. Sans doute

ils reprennent un peu de pouvoir s'ils modifient leur épargne autonome; mais il faut

constater tout de suite que cette variation de ∆SAUT n'est pas expliquée. La seconde

remarque se situe sur un autre plan. Dans le circuit, S est représenté comme une fuite.

L'est-elle en réalité ? Il est permis d'en douter. En effet toute la partie financière de

l'épargne est réinvestie. Aussi disjoindre S et I est très discutable.

3°- La significativité du multiplicateur monétaire

Elle apparaît très supérieure.

a) La première raison est que le multiplicande ∆M est une variable réellement

autonome, fondamentalement indépendante de la demande anticipée de monnaie.

L'injection est totalement disjointe de la fuite; ce qui n'est pas le cas pour S et I.

b) La seconde raison est que le multiplicande n'est pas un concept abstrait. ∆M est la

création monétaire de la période. Ce n'est pas le résidu inexpliqué d'une régression

comme SAUT ou IAUT. Dire que ce résidu est autonome a peut-être un sens

économétriquement, mais n'a aucun sens économique.

c) La troisième raison est que la propension moyenne th dont la valeur change sans

cesse, est expliquée en sa totalité. Il faut se souvenir que le modèle keynésien

n'explique pas l'instabilité de la propension moyenne à épargner qui est imputable aux

variations de SAUT que l'on se contente de constater.

d) La quatrième raison est que ce multiplicateur monétaire instable donne un pouvoir

réel aux détenteurs de monnaie qui sont plus actifs que les épargnants du modèle

keynésien.

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C'est donc à l'estimation économétrique de ce modèle monétariste qu'il faut

maintenant procéder.

II - L'ANALYSE ECONOMETRIQUE

-A- Le rappel du modèle

La demande de monnaie d'équilibre ex post est:

∆AMt = ∆Mactt + ∆Moist = kact ⋅ ∆Yt + tht ⋅ Yt-1.

L'offre de monnaie, indépendante de la demande, est: ∆Mt.

L'équilibre est réalisé si: ∆Mt = kact ⋅ ∆Yt + tht ⋅ Yt-1.

-B- Le problème de la double demande de monnaie

1°- L'énoncé

Les agents économiques ont deux demandes de monnaie parfaitement

distinctes, voire même opposées: une demande de monnaie à dépenser ∆Mact et une

demande de monnaie à ne pas dépenser ∆Mois. Il faut donc distinguer ces deux

demandes dans la demande globale ∆AM.

2°- La solution

Elle a consisté à faire une première hypothèse. La vitesse de la monnaie active

Vact est constante comme son inverse kact. En faisant de kact un paramètre de

comportement, il est possible de calculer la série des valeurs calculées de ∆Mact. Mais

il faut choisir une valeur pour kact. On comprend aisément que la vitesse Vact est

nécessairement supérieure à la vitesse V de la monnaie: V=Vact ⋅ (Mact/M) avec

Mact/M sans doute assez proche de 1 mais toujours inférieure. Aussi peut-on retenir

Vact comme la vitesse maximale de la monnaie au cours de la période étudiée

augmentée de 10%; et kact son inverse. C'est objectivement assez arbitraire. Mais les

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calculs faits avec diverses valeurs plausibles sont assez peu affectés par le choix de

cette valeur de kact.

3°- La démarche

Après que l'on s'est donné kact, on peut calculer la séries des valeurs

correspondantes de ∆Mact qui seront notées:

∆MactCALC t: ∆MactCALC t = kact ⋅ ∆Yt.

Puis on calcule la série ∆MoisCALC t comme

∆MoisCALC t = ∆Mt -∆MactCALC t = ∆Mt - kact ∆Yt.

Et enfin on obtient la séries des valeurs calculées de th:

thMois

YCALCtCALCt

t=

1

Jusqu'à maintenant, aucune justification théorique des séries n'est fournie. Le

discours est parfaitement tautologique. Avec les valeurs retenues pour kact et pour th,

le modèle est nécessairement exact mais pas du tout testé.

-C- Le modèle testé

Il faut maintenant donner une signification à ce qui n'est pour l'instant qu'une

série de calculs nécessairement parfaits mais abstraits.

C'est la variable th qui doit être expliquée d'abord parce qu'elle est instable et

ensuite parce que sa valeur et son instabilité tiennent compte de la valeur stable

choisie pour kact.

Quelles variables explicatives semblent devoir être retenues ?

Il paraît raisonnable d'en retenir trois.

1°- La première sera le taux de croissance de la masse monétaire. Son signe devra être

positif: la rareté de la monnaie réduit la thésaurisation, et son abondance l'augmente,

toutes choses égales par ailleurs. Cette première variable rend compte d'un effet -

quantité.

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2°- La seconde variable prend en considération un effet-prix. En l'occurrence, ce coût

de la thésaurisation est évidemment celui de la renonciation à acheter des titres ou des

biens. La difficulté est que deux mesures sont disponibles: le taux d'intérêt pour les

titres, le taux d'inflation des prix pour les biens. C'est le dernier, le taux d'inflation des

prix, qui apparaît supérieur au taux d'intérêt dans les ajustements. Tous les deux ont le

signe négatif attendu, tous les deux sont significatifs; mais p° est supérieur à i (c'est le

taux court qui convient le mieux).

3°- Une troisième variable s'est imposée: le taux de croissance réelle de l'économie

Y°r. Son signe est négatif. Sa présence mérite une petit commentaire. L'augmentation

de Yr° réduit la propension à thésauriser et inversement. Cela signifie que, de façon

assez compréhensible, un taux élevé de croissance réelle de l'économie accélère la

monnaie dans les échanges et qu'à l'inverse, une diminution de ce taux de croissance

réelle la ralentit. On constate donc une sorte d'amplification monétaire du rythme de la

croissance économique réelle. Cet effet est toujours significatif.

4°- Une quatrième variable a été ajoutée. Ce sera la dernière. Il s'agit de la valeur

retardée de tht-1. Son introduction s'explique de la façon suivante. Le modèle testé est

un modèle d'équilibre ex post. Or on a expliqué que l'équilibre ex post n'est jamais

réalisé de façon volontaire mais toujours de façon contrainte. Mais les ajustements

déclenchés par cet effet de contrainte demandent du temps pour s'effectuer et en plus

s'opèrent dans des conditions changeantes. S'ils se réalisaient parfaitement dans le

cadre de la période annuelle des statistiques, il est évident qu'il n'y aurait pas à tenir

compte des ajustements de la période précédente (ou des périodes précédentes) qui

seraient terminés. Alors la prise en considération de la valeur retardée de th serait

inutile. Mais ce sont les résultats économétriques qui décident.La variable tht-1 est

parfois significative; ce qui n'est pas du tout surprenant pour diverses raisons.

5°- L'équation testée

Elle est la suivante:

th a a m a p a Yr a thCALCt t t t t= + ⋅ + ⋅ + ⋅ + ⋅ −0 1 2 3 4 1& & &

+ - - +Les signes attendus ont été placés sous les coefficients de régression concernés.

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III - LES RESULTATS

-A- Les régressions effectuées

Un grand nombre de pays européens ont été retenus: le Portugal, l'Espagne,

l'Italie, la France, la Belgiwue, l'Allemagne et le Danemark.

La longueur de la période de l'étude est très importante: toujours vingt ans,

parfois des sous-périodes ont été définies.

Les séries statistiques utilisées sont celles de l'OCDE.

1°- Le Portugal

1973-1992 tht = -0,013+0,384 &mt -0,184 &p t−1-0,284 &Yrt R2=0,86 F=34

0,77 5,50 2,19 10,21 DW=1,09

1980-1992 tht=-0,013+0,260 &mt -0,159 &p t−1 -0,298 &Yrt R2=0,99 F=773

2,29 10,29 4,95 46,3 DW=2,38

2°- L'Espagne

1973-1992 tht=-0,056+0,259 &mt -0,142 &p t -0,295 &Yrt +0,194 th t−1 R2=0,93 F=50

1,74 11,21 6,34 3,25 2,21 DW=1,67

1980-1992 tht=-0,001+0,246 &mt -0,188 &p t -0,323 &Yrt +0,186 th t−1 R2=0,96 F=51

0,47 0,08 4,91 3,18 2,08 DW=1,92

3°- L'Italie

1973-1992 tht=-0,013+0,413 &mt -0,193 &p t -0,227 &Yrt +0,174 th t−1 R2=0,96 F=81

3,7 14,7 6,8 2,7 2,5 DW=1,90

4°- La France

1970-1992 tht=-0,068+0,154 &mt -0,138 &p t -0,122 &Yrt +0,285 th t−1 R2=0,98 F=915

1,5 20,0 17,3 10,9 7,75 DW=1,35

1970-1980 tht=0,423+0,155 &mt -0,156 &p t -0,200 &Yrt +0,403 th t−1 R2=0,99 F=356

2,7 11,3 12,1 11,8 7,3 DW=1,80

1980-1992 tht=0,055+0,173 &mt -0,175 &p t -0,161 &Yrt +0,186 th t−1 R2=0,99 F=1913

1,6 29,9 25,3 15,5 6,62 DW=1,80

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5°- La Belgique

1970-1990 tht=-0,483+0,224 &mt -0,070 &p t -0,089 &Yrt R2=0,94 F=88 3,0 16,1 3,8 3,4

6°- Les Pays-Bas

1970-1990 tht=0,341+0,171 &mt -0,171 &p t -0,192 &Yrt R2=0,91 F=67

1,97 13,0 7,4 5,2 DW=1,47

7°- La République Allemande

1970-1993 tht=0,100+0,156 &mt -0,124 &p t -0,162 &Yrt R2=0,92 F=82

0,46 14,2 3,6 5,0 DW=0,86

8°- Le Danemark

1970-1993 tht=0,545+0,184 &mt -0,282 &p t -0,350 &Yrt R2=0,96 F=65

1,56 10,9 8,4 5, 7 DW=2, 05

-B- Les commentaires

1°- Les coefficients de régression

a) Il est à noter que tous les ajustements vérifient le signe positif du coefficient de

régression de &mt et le signe négatif du coefficient de régression de &p t et &Yrt , avec

des valeurs élevées du t de Student.

Il est permis d'insister sur ce fait, d'une part parce que ces régressions

concernent un grand nombre de pays très différents dans leur structure et par leur

histoire, et d'autre part, parce que la période retenue est très longue: vingt ans.

b) Il faut remarquer plus particulièrement la significativité des signes négatifs de &p t et

&Yrt . C'est elle qui justifie d'abord la dichotomie de l'encaisse globale entre monnaie

que l'on dépense et monnaie que l'on ne dépense pas, et ensuite la procédure qui a

consisté à retenir une valeur de Vact (en fait de son inverse kact) pour obtenir

finalement une série des encaisses oisives.

Revoyons ce point.

∆M = ∆Mact + ∆Mois

∆Mact = f(∆Y) = f(∆Yr, ∆P) + + +

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∆Mois = g(∆Yr, ∆P) - -soit ∆M = f(∆Yr, ∆P) + g(∆Yr, ∆P) + + - -

On constate l'étrangeté de la fonction de demande de monnaie qui est à la fois

fonction positive et négative de ∆Yr et de ∆P. C'est ce fait qui oblige à découper

l'encaisse en deux parties assez contradictoires et après à vérifier que le découpage a

été bien opéré en constatant les signes opposés des coefficients de régression. C'est ce

qu'a fait cette étude qui prouve ainsi l'hétérogénéité fondamentale de l'encaisse

monétaire.

c) Un dernier commentaire peut être fait à propos de tht-1 qui parfois apparaît, parfois

n'apparaît pas. Le problème est que, sauf pour la France, les régressions sont faites

avec des données annuelles et donc imposent une dimension annuelle aux retards.

Aussi on peut comprendre que les retards les plus brefs n'apparaissent pas.

d) Une dernière remarque terminale concerne les valeurs de la statistique DW qui

parfois ne sont pas bonnes.

Mais globalement, la similitude des résultats et leur approximative stabilité sur

une période de vingt ans sont assez impressionnantes.

2°- Le bouclage final du modèle

Les régressions permettent de calculer d'abord les valeurs de th que l'on note

thREG,

puis les valeurs de ∆Mois que l'on note ∆MoisREG,

puis les valeurs de ∆Mact égales à: ∆M - ∆MoisREG, que l'on note ∆MactREG.

Puis il ne reste plus qu'à régresser ∆Y sur ∆MactREG, c'est-à-dire sur ∆M-thREGYt-1

On obtient alors: ∆Y = kactREG ∆MactREG.

On constate que kactREG a une valeur pratiquement égale à celle choisie pour

kact au dépaqrt de l'étude avec un t de Student très élevé, que le R2 et le F sont

également étonnamment élevés. Mais la statistique DW est parfois un peu faible. Les

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résultats n'ont pas été donnés parce que la régression importante est celle concernant

th.

CONCLUSION

Cette étude s'est voulue une réhabilitation du quantitativisme monétaire.

D'abord elle en a donné une justification théorique.

1- La demande de monnaie est indépendante de l'offre, ne commande pas l'offre mais

lui est postérieure. Aussi le déséquilibre ex ante est infiniment probable: l'offre ne

correspond pas à la demande anticipée.

2- Et pourtant, la demande est nécessairement égale à l'offre. Mais cette identité

comptable ne représente qu'un équilibre ex post non souhaité. Aussi a-t-on à la fois un

équilibre ex post et une situation imprévue de surliquidité ou d'illiquidité.

3- La conséquence est que les agents économiques vont réagir à cet équilibre imposé

en essayant de le transformer en un équilibre accepté. Ils feront varier la valeur

nominale du Produit Global de façon à ce que lui corresponde une demande de

monnaie ∆AM égale à l'offre ∆M.

L'analyse économétrique a formulé et testé ce modèle de rééquilibrage

monétaire ex post de l'économie.

Les deux équations sont:

1- ∆AMt = ∆Mactt + ∆Moist = kact ⋅ ∆Yt + tht ⋅ Yt-1

2- ∆AMt = ∆Mt.

Elles donnent:

∆∆

YM

kact

th

kactYt

t tt= − ⋅ −1 ou &Y

M

kact Y

th

kacttt

t

t=⋅

−−

1

kact a été posé constant et a pris une valeur a priori jugée plausible; et th a fait l'objet

d'une estimation économétrique qui valide indirectement la valeur choisie pour kact.

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On constate tout de suite que le multiplicateur de ∆Mt qui est 1/kact ou plus

simplement Vact, ne joue pas de façon constante à cause du second terme négatif qui

représente l'impact variable de la thésaurisation.

Mais on peut reformuler le modèle de la façon suivante:

∆Mt - ∆Moist = ∆Mactt = kact ⋅ Yt

ce qui donne: ( )∆ ∆Y M th Ykactt t t t= − ⋅ ⋅−1

1

ou ∆Yt = ( ∆Mt - tht ⋅ Yt-1 ) ⋅ Vact.

Cette version du modèle retrouve la belle simplicité d'un multiplicateur

constant.

La vérification économétrique essentielle est bien sûr celle de la théorie

expliquant le comportement de thésaurisation. Les ajustements réalisés donnent une

très grande vraisemblance au modèle.

Ainsi parce qu'il est fondé sur une approche théorique raisonnable et parce que

l'analyse économétrique ne lui est pas défavorable, il faut reconnaître que le

multiplicateur monétaire du revenu global, c'est-à-dire le quantitativisme monétaire

revu sous cette forme, n'est pas dédaignable.